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Full text of "Le général Vandamme : et sa correspondance"

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of  •*»*•* 


I 


( 


LE  GÉNÉRAL 

VANDAMME 

ET  SA  CORRESPONDANCE 


A.  DU  CASSE 

I'  Mémoire»  du  rui  lop«ph.  du  |irince 


PARIS 

LlSRIiniE   âCKDEMlQUE 

UKIIKR   ET  C",  LIBRAIRES-ÉDITEUliS 


3v/ 


.0- 


VANDAMME 


ET 


SA    CORRESPONDANCE 


LIVRE  VII 


De  la  fin  de  1799  au  24  mai  1800. 


-o*^>s^^v:>- 


Vandainnie  est  replacé  à  l'année  de  Batavie  à  la  lin  d'août  1?J9. 

—  Sa  lettre  à  Beriiadotte,  ministre  de  la  guerre  (4  septembre). 

—  Force  et  emplacement  de  l'année  gallo-batave  aux  ordres 
de  Brune. —  Commencement  des  liostilités  (lin  d'août).  — 
Combats  du  27  août.  —  Attaque  de  la  ligne  du  Zyp,  le 
10  septembre.  —  Rôle  de  Vandamme  dans  celte  bataille 
offensive.  —  Rapport  de  Brune  à  Bernadette.  —  Sa  lettre 
particulière  du  même  jour  (  10  septembre).  —  Bataille  défen- 
sive de  Bergen,  le  19  septembi'e.  —  Vigueur  et  talents 
rléployés  par  Vandamme  au([uel  on  doit  le  succès  de  cette 
journée  glorieuse.  —  Rapi)ort  du  chef  d'état-major  général 
au  ministre.  —  Lettre  de  Brune  à  Vandamme  (:20  septembre). 

—  Le  général  en  chef  offre  cent  fusils,  pris  sur  l'ennemi,  à 
Vandfimme.  —  Bataille  du  2  octobre.  —  Rôle  de  Vandamme. 

—  Rapport  et  lettre  de  Brune.  —  Bataille  de  Kastricuni 
((»  octobre).  —  Rapport  du  chef  d'état-major.  —  Le  duc  d'York 
entre  en  pourparlers. —  Convention  du  18  octobre  pour  l'éva- 
cuation de  la  Nord-Hollande,  par  l'armée  anglo-russe.  — 
Vandamme  obtient  un  congé  de  convalescence  de  trois  mois. 

—  Il  est  chargé  de  porter  la  convention  au  gouvernement 
batavc.  —  Son  discours  aux  Directeurs.  —  l/cttre  du  général 

II.  I 


—  2  — 

Boudct.  —  Vaiidamme  passe  le  temps  de  sou  congé  à  Casscl. 
—  Lettre  de  Moreau  (8  janvier  1800).  —  11  est  appelé  â 
Farmée  du  Rhin  (février  1800). —  Composition  de  celte  armée: 
Vandamme,  placé  à  l'aile  droite,  sous  Lecourbe.  —  Plan  de 
campagne  de  Moreau.  —  Ses  lettres  au  Premier  Consul.  — 
Vandamme  a  la  promesse  d'un  commandement  sui)éricui 
dans  le  Nord.  —  Moreau,  Lecourbe  et  le  Premier  Consul. 
Sujets  de  disseniimout.  —  Mémoii*o  adressé  par  Moreau  è 
Bonaparte.  —  Commencement  des  opérations  de  rarinée  du 
Rhin  (25  avril). —  DispDsitions  pour  le  passage  du  Rhin,  pat 
Taile  droite  (du  25  avril  au  l*"^  mai).  —  Passage  du  fleuve, 
prise  du  fort  de  lla]ient\s'iel  (  !«'  mai  ).  —  Ratailles  de 
Stockah,  de  Kngen,  de  Moskirch  (13  mai).  —  Vandamme 
l'eçoit  Tordre  de  se  rendi^e  en  Belgique  (23  mai). 

Au  commencement  d'août  1799,  le  Directoire  fui 
informé  qu'une  expédition  anglo-russe,  préparée 
dans  le  plus  grand  secret,  allait  quitter  la  Grande- 
Bretagne  pour  opérer  une  descente  sur  un  poinl 
du  continent.  On  présumait  généralement  que 
le  pays  menacé  était  la  Nord-Hollande.  Bien- 
tôt le  cabinet  de  Saint-James  dissipa  tous  les 
doutes  en  publiant  lui-même  le  but  de  rarmcmeni 
effectué  à  Southampton  et  à  Yarmouth.  On  sul 
alors  qu'il  ne  s'agissait  de  rien  moins  que  dejetei 
en  Batavie  une  armée  de  plus  de  vingt-cinq  mille 
Anglais,  sous  les  ordres  du  duc  d'Yorck,  et  de 
vingt  mille  Russes,  pour  replacer  le  prince  d'O- 
range à  la  tète  du  gouvernement  hollandais. 

En  effet,  le  13  août,  une  partie  de  l'escadre  mi 
à  la  voile  pour  la  Baltique,  emportant  la  première 
division  anglaise,  commandée  par  le  général  Aber 
cromby.  La  seconde,  avec  laquelle  se  trouvait  1( 
duc  d'Yorck,  ne  devait  partir  qu'après  lavis  reçi 


—  3  — 

de  l'arrivée  à  destination  des  premières  troupes. 

Les  deux  divisions  présentaient  un  ensemble  de 
treille  bataillons,  (dix-huit  mille  baïonnettes),  de 
cinq  mille  sabres,  et  d'une  belle  artillerie,  servie 
par  quatre  mille  canonniers.  Total  :  vingt-sept 
mille  hommes. 

A  cette  époque,  le  gouvernement  batave  avait, 
pour  la  défense  du  pays  :  une  flotte  de  neuf  vais- 
seaux de  ligne  et  de  quelques  frégates,  sous  les 
ordres  de  Tamiral  Storv,  mouillée  dans  le  chenal 
inférieur  du  Texel,  près  la  pointe  du  Helder,  et 
environ  vingt  mille  hommes  de  troupes  de  terre, 
commandés  par  le  général  Brune.  Sur  ces  vingt 
mille  combattants,  huit  mille  seulement  étaient 
français,  attendu  que  le  corps  de  vingt-quatre 
mille  hommes  qui,  aux  termes  des  traités,  de- 
vait être  laissé  par  la  France  et  payé  par  le 
gouvernement  batave,  avait  été  en  grande  partie 
envoyé  sur  le  Rhin  et  en  Suisse. 

Brune,  chargé  par  la  Hollande  de  la  défense 
générale,  laissa  une  division  française  en  Zélande 
et  donna  mission  aux  généraux  bataves  Dumon- 
ceau  et  Daendels  de  pourvoir  à  la  défense  des 
provinces  de  Hollande  et  de  l'Est.  Le  dernier  fut 
donc  le  premier  à  se  trouver  en  face  des  Anglais, 
à  leur  descente  vers  la  pointe  du  Helder.  Ajoutons 
que  le  gouvernement  batave  mit  dans  ses  apprêts 
de  résistance  beaucoup  de  vigueur,  de  zèle  et 
d'intelligence. 

C  est  dans  ces  circonstances  que  le  Directoire 


songea  sérieusement  à  aider  le  général  Brune.  Ou 
pensa,  à  Paris,  que  l'envoi  à  Tarméc  gallo-balave 
d'un  homme  comme  Vandamme  serait  fort  utile,  et 
il  reçut  l'ordre  de  se  rendre  sans  délai  auprès  du 
général  en  chef,  qui  le  connaissait  et  appréciait 
ses  talents.  Disons  aussi  que  Vandamme  ayant 
fait  avec  beaucoup  de  distinction,  comme  on  l'a 
vu,  la  première  campagne  de  Hollande,  était  plus 
apte  que  qui  que  ce  fût  à  cette  guerre.  L'événe- 
ment prouva  qu'on  ne  s'était  pas  trompé,  car  per- 
sonne plus  que  lui  ne  contribua  à  la  délivrance  de 
ce  pays. 

Vandamme,  fort  satisfait  de  la  destination  nou- 
velle qui  lui  était  donnée,  s'empressa  de  se  rendre 
à  son  poste.  Il  écrivit  de  G  and,  le  2  septembre, 
au  ministre  de  la  guerre,  alors  Bernadette,  la 
lettre  suivante  : 

«  C'est  à  mon  arrivée  ici  que  je  reçois  votre 
lettre  du  12  de  ce  mois,  par  laquelle  j'apprends 
que  le  Directoire  a  rapporté  l'arrêté  du  8  iloréal 
dernier,  qui  me  traduisait  devant  un  conseil  de 
guerre.  Je  reçois  en  même  temps,  mon  général, 
mes  lettres  de  service  pour  Varmée  du 
Rhin  (1)  et  l'ordre  de  m'y  rendre  de  suite. 

•  Je  ne  dois  pas  vous  dissimuler  combien  il  me 
fait  peine  de  n'avoir  pas  reçu  de  vous  cette  lettre 

(1)  En  effet,  Vandamme  reçut  un  premier  ordre  do  se  rendre 
a  Varmée  du  Rhin,  mais  il  n*avait  pas  encore  quitté  Gaud,  qu'il 
eu  recevait  un  auti*e  pour  se  rendre  à  rarmce  de  Bâta  vie,  ainsi 
qu*on  le  verra. 


—  5  — 

satisfaisante  que  vous  m'aviez  promise  à  mon 
arrivée  à  Paris.  Je  ne  vous  parlerai  pas  de  Tordre 
(l'inspecter  les  côtes,  puisque  le  moment  est  tel, 
que  chacun  doit  être  à  son  poste. 

•  Mais,  mon  général,  pourquoi  m'a-t'on  sus- 
pendu de  mes  fonctions  avec  autant  d'éclat  cl 
d'ignominie  sans  l'avoir  mérité  ?  Et  pourquoi  au- 
jourd'hui ne  daigne-l'on  pas  me  justifier  publique- 
ment? Est-ce  que  le  crime  seul  doit  recevoir  ce 
qui  est  dû  à  l'innocence  ?  J'irai  à  l'armée  comme 
hussard,  — •  s'il  le  faut,  —  mais  comme  général 
de  division,  je  île  puis  y  alliT  qu'après  avoir  reçu 
du  Directoire  ou  de  vous  des  témoignages  pu- 
blics de  l'injustice  que  les  triumvirs  ont  exercée 
contre  moi,  en  m'otant  une  brave  et  belle  division 
dont  j'avais  la  confiance  et  l'estime,  au  moment 
même  des  plus  sanglants  combats  qu'elle  a  été 
obligée  de  recevoir  et  de  livrer  en  Helvétie. 

«  C'est  à  vous,  mon  général,  à  qui  j'en  appelle  ; 
soyez,  je  vous  prie,  mon  interprète  près  du  Direc- 
toire, et  croyez  que  personne  n'est  plus  que  moi 
dévoué  à  la  patrie  et  à  ses  lois. 

*  Salut,  respect  et  confiance. 

«  P.  S.  —  Vous  avez  eu  la  bonté  de  me  pro- 
mettre le  grade  de  chef  d'escadron  pour  le  capi- 
taine Gobrecht,  mon  aide  de  camp,  depuis  six  ans 
passés  (il  en  porte  l'uniforme  d'après  votre  parole 
d'honneur).  Il  se  désole  de  ne  pas  recevoir  ses 
lettres  de  service,  tandis  que  les  aides  de  camp 


(ses  cadets)  du  général  d'Hautpoul  et  du  généra 
Decaen  ont  eu  de  l'avancement.  J'attends  tout  d 
vous,  et  j'espère  qu'une  basî-e  platitude  du  généra 
Beurnonville  n'aura  en  rien  diminué  l'estime  e 
l'amitié  que  vous  m'avez  témoignées  et  que  je  me 
rilerai  toujours.  » 

Après  avoir  expédié  cette  lettre,  Vandamm 
partit  pour  Cassel;  mais  là,  il  trouva  de  nouvelle 
lettres  de  service  et  s'empressa  d'écrire  de  noi] 
veau  à  Bernadette  : 

•  J'ai  relu  cette  nuit  votre  ordre  et  mes  lettres  d 
service  pour  me  rendre  en  Batavie,  aux  ordres  d 
général  en  chef  Brune.  Je  pars  à  l'instant,  ( 
quoique  malade,  je  serai  sous  quelques  heures  a 
quartier  général.  La  vue  de  l'Anglais  et  des  Rus 
ses  me  guérira  totalement.  Les  deux  lignes  écrite 
de  votre  main  au  bas  de  mon  ordre  m'ont  fa 
oublier  une  partie  des  injustices  que  j'ai  déj 
souffert  depuis  près  de  sept  ans  que  je  suis  ofB 
cier  général.  Les  dangers  dont  est  menacée  la  re 
publique  batave,  l'alliée  de  la  nôtre,  me  font  ou 
blier  le  reste.  Je  pars,  bien  déterminé  de  vainci 
ou  de  mourir.  Puissé-je  être  assez  heureux  d'êti 
encore  utile  à  ma  patrie  ;  combattre  pour  se 
triomphe  et  le  bonheur  du  peuple  est  toute  me 
ambition. 

«  Un  mot  de  réponse,  je  vous  prie,  à  ma  letli 
d'hier. 

f  Salut  et  respect.  » 


—  7  — 

Vandamme  arriva  en  effet  le  4  septembre  à 
Alkmaar  et  prit  aussitôt  le  commandement  de  la 
I^emière  division  française,  formant  Taile  gauche 
de  l'armée  gallo-batave.  Cette  armée,  sous  leà 
ordres  de  Brune,  ayant  pour  chef  d'état-major  gé- 
néral l'adjudant  général  d'Ardenne,  se  composait 
de  trois  divisions  françaises,^  dont  une  seule  en 
présence  de  rennemi^  et  de  deux  bataves. 

Divisions  françaises  : 

Première  :  Vandamme;  RostoUanI,  adjudant 
général,  chef  d'élat-major  ;  généraux  de  brigade, 
Gouvion,  Barbou,  Fuzier,  Simon  David.  Dix  mille 
hommes  d'infanterie  des  22^  42^,48^  49^  51*,  60^ 
72^,  90®  demi-brigades  de  lign,e  ;  700  chevaux  des 
10®  de  dragons  et  5^  de  chasseurs  ;  4  bouches  à  feu. 
Quartier  général  à  Alkmaar. —  Deuxième  division: 
d'Azéraart;  adjudant  général,  chef  d'état-major  ; 
Prévost,  général  de  brigade^  1,600  hommes  d'in- 
fanterie des  dépôts,  720  de  cavalerie,  et  178  ca»- 
nonniers  ;  quartier  général  à  La  Haye.  —  Troi- 
sième division  :  Desjardin  ;  Durutte,  adjudant  gé- 
néral, chef  d'état-mgypr  ;  Rivaud  et  Osten,  généraux 
de  brigade  ;  4,330  fantassins  des  15«,  48%  49« 
(dépots)  ;  620  chevaux  du  16^  de  chasseurs  ;  420 
canonniers.  Quartier  général  à  Berg-op-Zoom. 

Total  pour  les  troupes  françaises  :  environ  dix- 
huit  mille  hommes,  dont  dix  mille  huit  cents  seu- 
lement pouvant  agir  contre  les  Anglo-Russes. 

Deux  divisions  bataves,  une  au  centre  sous  le 


—  8  — 

général  Dumonccau,  une  à  droite  sous  le  général 
Daendels. 

Avant  l'arrivée  de  Vandamme  à  l'armée  gallo- 
balave,  des  engagements  sérieux  avaient  eu  lieu 
déjà  avec  les  Anglais. 

Le  26  août  1799,  ces  derniers  parurent  sur  la 
côte.  Daendels  s'établit  avec  ses  troupes  au  signal 
du  télégraphe  et  à  Grote-Keten,  en  face  le  village 
de  Huisduinen,  pour  tenter  de  les  repousser.  Son 
plan  défensif  consistait  à  refuser  son  centre  et  à 
menacer  les  deux  ailes  de  son  adversaire. 

Le  27,  dès  la  pointe  du  jour,  l'ennemi  commença 
son  débarquement  en  jetant  quelques  compa- 
gnies sur  la  plage.  Ces  premières  troupes  ne 
trouvèrent  aucun  obstacle  sérieux  et  attaquèrent 
aussitôt  le  télégraphe.  Les  Bataves  se  replièrent 
en  désordre  sur  le  Grote-Keten.  Un  bataillon 
voulut  les  soutenir.  Il  repoussa  d'abord  les  An- 
glais ;  mais,  forcé  lui-même  de  plier  devant  des 
forces  débarquant  successivement,  il  se  retira  sur 
la  plaine  de  Koëgras.  L'ennemi  se  déploya  alors 
sur  les  dunes.  Le  général-major  batave  Vangue- 
rick,  commandant  la  droite  de  la  division  Daen- 
dels, craignant  de  se  voir  coupé,  s'avança  pour 
combattre,  malgré  des  ordres  formels  qui  lui 
prescrivaient  de  ne  pas  s'engager  sans  de  nou- 
velles instructions.  Cependant,  la  descente  conti- 
nuait. L'ennemi  s'étendait  de  plus  en  plus.  Le 
général  Daendels  se  décida  alors  à  une  nouvelle 
attaque.  Il  renforça  sa  gauche  et  voulut  faire  agir 


—  9  — 

î^a  droite.  Malheureusement,  ses  ordres  n'arrivè- 
rent pas  à  Vanguerick,  déjà  dans  la  plaine.  La 
gauche  eut  à  soutenir  tout  l'effort  des  Anglais. 
Elle  les  repoussa  d'abord,  mais  ne  put  les 
débusquer  des  hautes  dunes,  en  sorte  que  cette 
gauche  se  vit  contrainte  d'opérer  sa  retraite  sur 
Grole-Keten,  en  envoyant  aux  troupes  du  Helder 
et  de  Huisduinen  Tordre  de  se  replier.  Ces  der- 
nières arrivèrent  au  Zand,  à  la  pointe  du  jour,  le 
28  août  1799. 

Les  Anglais  purent  donc,  à  la  suite  de  ce  com- 
bat meurtrier,  effectuer  leur  descente.  Daendels 
avait  perdu  1,400  hommes,  l'ennemi  450.  Un  de 
ses  généraux,  sir  James  Puttency,  avait  été  griè- 
vement blessé. 

En  apprenant  ce  qui  s'était  passé,  le  27,  Brune 
se  hâta  de  faire  avancer  sur  la  Nord-Hollande 
toutes  les  troupes  dont  il  pouvait  disposer. 
Lui-même  se  porta  à  Alkmaar.  La  flotte  batave 
venait  d'être  livrée  à  l'ennemi,  à  la  suite  d'un  refus 
des  matelots  de  se  défendre.  Les  Anglais  se  forti- 
fiaient dans  l'excellente  position  du  Zyp  et  se  te- 
naient sur  la  défensive,  en  attendant  leurs  ren- 
forts. 

Brune,  voulant  essayer  de  les  battre  avant  l'ar- 
rivée de  ces  renforts,  et  ayant  reçu  Vandamme  et 
quelques  troupes,  résolut  une  attaque  générale. 

Vandamme,  avec  sa  division  française  ,  eut 
Tordre  de  tenir  la  gauche  de  la  ligne  de  bataille, 
Dumonceau  le  centre,  Daendels  la  droite.  Le  plan 


—  40  — 

du  généra)  en  chef  était  de  s'emparer  des  postes 
de  la  digue  du  Zyp,  de  Saint-Maerten  à  Peten. 

Le  10  septembre,  au  point  du  jour,  Tattaque 
commença,  La  droite  de  Daendels  culbuta  d'abord 
Tennemi  à  Dirxhornn  et  à  Herenscarpel.  Une  de 
ses  colonnes  marcha  sur  Sl-Maerten  par  Eenin- 
genburg.  Par\'enu  à  Tuitgenhornn,  le  général  se 
croisa  avec  une  des  brigades  de  la  division  Du- 
monceau,  qui  s'était  jetée  trop  à  droite  et  gênait 
le  passage  ;  il  se  dirigea  alors  sur  St-Maerten  et  y 
réunit  ses  troupes,  puis  il  attaqua  vigoureusement 
et  avec  succès  les  batteries  ennemies  qu'il  allait 
peut-être  enlever,   lorsqu'il  aperçut  sur  sa  gau- 
che un  désordre  qui  le  força  à  s'arrêter  et  à  se 
concentrer.  Après  avoir  rallié  ses  troupes  de  ce 
coté,  il  allait  reprendre  son  mouvement  offensif, 
mais  il  fut  informé  que  toutes  les  tentatives  contre 
l'ennemi  avaient   échoué.  Il  se  mit  sur  la  défen- 
sive. Les  Anglais,  tranquilles  sur  leur  front  et  sur 
leur  droite,  détachèrent  vers  leur  gauche  un  corps 
considérable  qui  se  présenta  devant  Daemlels.  Ce 
dernier  opéra  alors  sa  retraite  en  bon  ordre,  et  re- 
prit ses  premières  positions. 

Les  attaques  sur  le  centre  avaient  été  difficiles 
par  suite  de  différentes  circonstances  fâcheuses. 
D'abord  la  marche  de  la  colonne  qui  s'était  portée 
trop  sur  la  droite,  ensuite  les  tentatives  toujours 
repoussées  sur  le  Zyp.  Deux  fois  les  généraux 
Dumonceau  et  Daendels  essayèrent  de  ramener 
l^urs  troupes  au  combat.  Ils  furent  contraints,  eux 


-  H  - 

aussi,  de  prendre  position  et  de  garder  la  défen- 
sive. Un  instant,  Dumonceau,  qui  avait  enlevé  un 
retranchement  anglais,  était  prêt  à  forcer  le  Zyp, 
lorsqu'un  désordre,  dont  la  cause  est  inconnue, 
se  déclarant  dans  les  têtes  de  colonnes,  gagna 
toutes  ses  troupes  et  les  fit  fuir  honteusement.  Il 
36  borna  à  se  maintenir  à  Krabbendam. 

A  l'aile  gauche  de  l'armée  franco-batave,  le  com- 
bat fut  opiniâtre.  Deux  bataillons  français  se  di- 
rigèrent de  bonne  heure  sur  Krabbendam  pour 
soutenir  cette  attaque.  Ils  s'emparèrent  du  pont. 
Vandamme  se  porta  sur  la  digue  de  Slaperdick, 
détachant  un  corps  sur  Peten,  s'empara  du  camp 
et  atteignit  Drommerdick.  Partout  il  avait  réussi  ; 
mais,  au  miUeu  de  ses  succès,  il  reçut  Tordre  du 
général  en  chef,  vers  trois  heures  de  l'après-midi, 
de  reprendre  ses  positions  du  matin.  Le  combat 
cessa  donc  sur  tous  les  points  de  la  ligne.  Brune, 
en  face  de  la  démoralisation,  de  la  panique  des  di- 
visioDS  bataves,  ayant  reconnu  TinutiUté  de  ses 
efforts. 

Cette  attaque  infructueuse  de  la  ligne  du  Zyp 
coûta  à  la  division  Vandamme  plus  de  onze  cents 
hommes,  dont  138  officiers,  et  aux  deux  divisions 
bataves  38  officiers  et  1,087  hommes  de  troupe. 
L'ennemi,  couvert  par  la  digue  du  Zyp,  perdit  peu 
de  monde. 

La  veille.  Brune  avait  écrit  de  sa  propre  main 
une  lettre  à  Vandamme,  lui  donnant  des  instruc- 


lions  pour  l'attaque  du  lendemain.  Dans  cette 
lettre  il  lui  disait  : 

«  L'heure  est  venue  de  vous  couvrir  de  nou- 
veaux lauriers.  Vous  êtes  chargé  de  combattre 
encore  ces  mêmes  Anglais  que  vous  avez  défaits 
tant  de  fois.  Animez  de  votre  esprit  officiers  et  sol- 
dats. L'armée  batave  est  bien  disposée,  nous  au- 
rons du  succès,  etc.  » 

Après  avoir  prévu  la  possibilité  d'une  retraite, 
le  général  en  chef  terminait  ainsi  : 

«  Mais,  la  victoire  et  le  génie  de  la  République 
planent  sur  nos  têtes.  Vive  la  République  !  » 

Le  soir  même.  Brune  rendit  compte  de  la  jour- 
née du  10  septembre  au  ministre  de  la  guerre 
Bernadette,  par  la  dépêche  suivante  : 

«  Bergen,  le  10  septembre  i799. 

«  Citoyen  Ministre,  la  division  du  lieutenan 
général  Dumonceau  étant  arrivée  hier  soir,  j'a 
pris  aussitôt  toutes  les  dispositions  pour  attaquei 
l'ennemi.  La  division  de  gauche,  composée  des 
troupes  françaises  et  commandée  par  le  généra 
Vandamme,  devait  prendre  le  Zyp  par  Grote-Mole 
s'emparer  de  l'écluse  de  Peten ,  et  laisser  soi 
arrière-garde  à  la  hauteur  de  Camp  pour  évitei 
d'être  tournée  par  les  dunes.  La  division  du  cen- 
tre, aux  ordres  du  lieutenant  général  Dumonceau 
était  chargée  de  forcer  la  grande  digue  par  Huis- 
duinen  et  Krabbendam.  La  droite,  sous  le  lieute- 
nant général  Daendels,  devait,  en  coupant  ou  for- 


—  13  - 

ranl  les  routes  et  débouchés  qui  pourraient 
exposer  son  flanc  droit,  marcher  vers  Eningeu- 
burg  et  le  pont  de  Grote-Slot.  L'ensemble  de  cette 
allaque  avait  été  parfaitement  compris,  et  tout 
promettait  un  concert  d'exécution  qui  garantissait 
la  victoire.  Dans  le  choix  des  points  à  approcher 
sur  cette  longue  digue  qui  ferme  le  Zyp,  j'avais 
cru,  pour  me  consener  une  supériorité  de  nom- 
bre et  assurer  les  communications  très-difficiles 
dans  ce  terrain,  devoir  préférer  la  ligne  qui  va  de 
Sairit-Maerten  par  Krabbendam  à  Pelen.  C'était 
une  espèce  d'angle  de  bastion  à  emporter.  J'avais 
placé  près  le  lieutenant  général  Daendels  deux 
ofliciers  généraux  français,  le  général  de  brigade 
Barbou  et  l'adjudant  général  Durutte  ,  que  lui- 
même  avait  paru  désirer. 

«  A  quatre  heures  et  demie,  ce  matin,  l'armée 
s'est  avancée  :  les  avant-postes  de  l'ennemi  ont 
été  forcés  avec  beaucoup  de  rapidité.  Les  nom- 
breux canaux  qu'il  fallait  traverser  n'arrêtaient 
point  l'impétuosité  de  nos  Français;  ils  se  jetaient 
dans  l'eau  et  riaient  aux  éclats  devant  les  hommes 
qui  étaient  chargés  d'élabhr  des  ponts  pour  faci- 
liter les  passages.  Arrivé  près  de  la  grande  digue, 
un  eu  est  séparéparuncanal  large  et  profond.  C'est 
sur  la  digue  que  l'ennemi  a  des  batteries  bien  cou- 
vertes et  d'où  il  tirait  à  mitraille.  Pendant  que  le 
feu  des  Anglais  se  dirigeait  particulièrement  sur 
notre  division  française,  un  bataillon  de  la  division 
liumonceau  avait  occupé  le  pont  de  Krabbendam, 


—  14  — 

Le  Zyp  allait  être  forcé  sur  ce  point,  quand  un 
autre  bataillon,  qui  marcliait  derrière  ces  braves, 
saisi  d'une  terreur  inspirée  par  de  lâches  officiers, 
se  met  à  fuir,  jette,  en  se  débandant,  le  désordre 
dans  le  corps  qui  le  précédait,  et  nous  ravit  Toc- 
casion  de  la  victoire.  En  général,  les  deux  di- 
visions bataves  n'ont  point  répondu  à  ce  que  pro- 
mettaient de  premières  apparences  de  fermeté.  Je 
livrerai  au  conseil  de  guerre  plusieurs  officiers  sur 
la  conduite  desquels  j'ai  demandé  des  rapports. 
On  doit  néanmoins  des  éloges  à  plusieurs  corps  et 
à  une  partie  de  l'artillerie. 

«  Notre  division  française,  forte  de  sept  mille 
hommes  seulement,  a  déployé  tout  ce  qu'on  peut 
imaginer  de  valeur,  d'héroïsme  ;  il  était  impossi- 
ble de  distinguer  les  anciens  soldats  d'avec  les 
conscrits  nombreux  qui  la  composent  en  grande 
partie.  Le  général  Vandamme,  si  famiher  avec 
tout  ce  qui  tient  au  courage,  a  déclaré  n'avoir 
jamais  vu  de  plus  braves  soldats.  Cette  division 
est  restée  maîtresse  du  champ  de  bataille  et  a  oc- 
cupé en  avant  les  dunes  de  Camp  et  Slapendyk. 
Les  Anglais  n'ont  pas  osé  sortir  de  leurs  retran- 
chements, où  ils  s'étaient  réfugiés.  L'action  a  duré 
huit  heures.  Nous  avons  à  regretter  la  perte  de 
quelques  officiers  et  soldats  :  le  général  de  brigade 
David  est  grièvement  blessé  ;  il  a  montré  à  l'at- 
taque des  avant-postes  autant  de  sang-froid  que 
de  valeur.  L'ennemi  compte  un  grand  nombre  de 
tués  et  de  blessés. 


—  16  — 

•  Vous  jugerez,  citoyen  Ministre,  par  nos  efforts, 
par  notre  position,  par  celle  qui  a  été  abandonnée 
à  l'ennemi  presque  aussitôt  après  la  descente, 
qu'une  poignée  de  Français  que  nous  sommes  ici, 
bien  loin  de  suffire  à  un  système  d'attaque,  pourrait 
difficilement  garder  la  défensive  contre  des  en- 
nemis qui,  à  chaque  instant,  peuvent  recevoir  des 
renforts,  et  qui  travaillent  à  exciter  un  méconten- 
tement que  bientôt  il  ne  serait  plus  possible  de 
maîtriser.  Ainsi,  il  est  de  la  plus  extrême  urgence 
de  presser  larrivée  des  demi-brigades  que  vous 
destinez  à  cette  armée.  Non-seulement  le  général 
Tilly  ne  m'envoie  rien  des  troupes  dont  il  dispose, 
mais,  d'après  ce  que  j'apprends  par  des  avis  par- 
ticuliers, il  ne  se  presse  pas  de  m'envoyer  celles 
que  vous  mettez  à  ma  disposition. 

«  Des  vaisseaux  anglais  se  sont  présentés  hier 
sur  la  côte,  à  la  hauteur  de  Leyde  et  d'Haarlem  : 
ils  voulaient  inquiéter  nos  derrières  ;  ils  ont  jeté 
à  terre  quelques  hommes  qui  ont  pillé  et  dévasté 
les  maisons  et  propriété  de  quelques  malheureux 
paysans. 

•  Le  gouvernement  batave  m'assure  qu'il  y  a 
des  subsistances  dans  les  places.  Les  officiers  que 
j'ai  chargé  d'inspecter  l'approvisionnement  m'ap- 
surent  qu'il  n'y  en  a  point.  On  me  dit  aussi  que 
l'on  a  armé  des  bâtiments,  des  chaloupes  canon- 
nières, bricks ,  etc. ,  pour  défendre  les  eaux  de  la 
Frise  et  sa  partie  du  Zuydersée  qui  avoisine  Am*- 
slerdam.  Je  n'ose  point  me  fier  à  toutes  ces  assu- 


rances,  tant  que  nous  n'aurons  pas  dans  ce  pays 
des  forces  capables  de  faire  cesser  les  lenteurs  et 
d'intimider  la  trahison. 
«  Salut  républicain. 

«  P. 'S.  —  J'ai  recommandé  au  général  Girod, 
qui  est  à  la  tête  de  la  colonne  mobile  pour  l'in- 
térieur, de  bien  veiller  à  ce  que,  dans  la  poursuite 
des  bandes  rebelles,  on  ne  viole  point  le  territoire 
prussien,  où  elles  paraissent  chercher  un  asile.   » 

Outre  cette  dépêche  officielle  au  ministre.  Brune 
écrivit  le  même  jour,  10  septembre,  à  Bernadotte 
son  ami  : 

«  Envoyez-moi  des  forces,  mon  cher  Berna- 
dotte, ou  je  ne  saurai  comment  me  tirer  des  com- 
binaisons de  lâcheté  et  de  trahison  qui  se  forment 
autour  de  nous.  Je  ferai  cependant  tous  mes  efforts 
pour  tenir.  D'indignes  officiers,  des  brigands  vien- 
nent de  jeter  l'alarme  aux  avant-postes  de  Daen- 
dels,  à  Brug,  au  delà  de  Saint-Pankras  :  ils  se 
sont  enfuis  avec  un  drapeau,  criant  partout  que 
l'ennemi  les  poursuivait;  ils  ont  entraîné  des  gens 
de  l'artillerie  légère,  qui  se  sonl  mis  à  fuir,  aban- 
donnant leurs  pièces.  Ces  coquins  ont  traversé 
Alkmaar  à  la  hâte;  ils  se  dirigent  sur  Haarlem, 
sans  doute,  pour  exciter  une  dissolution  générale 
de  la  force  armée  batave.  Le  fait  est  que  nos  po- 
sitions sont  les  mêmes  que  celles  que  nous  avons 
prises  dans  l'action  de  ce  matin. 

«  Je  viens  d'écrire  aux  généraux  Daendels  et 


Dumonceau,  pour  leur  demander  positivemeut 
s'ils  peuvent  me  répondre  de  leurs  divisions;  je 
leur  donne  Tordre  de  faire  fusiller  les  lâches  au- 
teurs de  ces  perfidies,  et  de  les  remplacer  par  des 
6ous-officiers. 

«  Nous  comptons  près  de  six  cents  blessés.  Les 
Hollandais,  plus  nombreux  du  double,  en  ont  seu- 
lement quatre  cents  environ. 

<  Je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur. 
•  Salut  et  amitié.  > 

•  P. 'S.  —  On  vient  d'arrêter  celui  qui  em- 
portait le  drapeau.  • 

L'insuccès  de  Brune  dans  cette  journée  était 
d'autant  plus  fâcheux,  que  trois  divisions  russes 
et  une  division  anglaise  allaient  rallier  l'ennemi. 
Le  19  septembre,  le  duc  d'Yorck,  se  sentant  une 
grande  supériorité,  résolut  de  prendre  à  son  tour 
l'offensive.  Il  déboucha  en  force,  ce  jour-là,  par 
Peten  et  le  Slaperdyck,  et,  à  la  faveur  d'un  épais 
brouillard,  les  coalisés  fondirent  sur  les  avant-r 
postes  de  la  division  Vandamme,  qui  durent  se 
replier  sur  Schorel  (1).  L'adjudant  général  Ros- 
tollant  qui  commandait  sur  ce  point  forma  ses 
troupes  en  avant  de  ce  village  et  attendit  l'ennemi 
dans  une  bonne  position ,  son  front  couvert  par 

(i)  Vandamme  avait  fait  une  chute  le  14,  et  s*était  luxé 
i'épaulc.  Cela  ne  Tempêcha  pas  de  conduire  en  personne  ses 
troupes  pendant  toute  cette  bataille  de  Bergen,  dont  le  succès 
lui  est  presque  entièrement  dû. 

H.  i 


quelques  retranchements  de  campagne.  Il  main«- 
tint  les  Russes  qui  Tattaquaient,  pendant  plus  de 
deux  heures  ;  mais,  se  voyant  prêt  à  être  tourné 
par  une  colonne  qui  filait  le  long  de  la  mer  par  les 
dunes,  et  apprenant  que  la  défense  du  pont  de 
Schoreldam  avait  échoué,  il  se  mit  en  retraite  sur 
Bergen,  où  était  le  gros  des  troupes  de  Vandamme. 
Le  général  Gouvion  se  trouvait  dans  celte  ville.  Il 
ignorait  encore  l'affaire  de  Schorel ,  lorsqu'il  vit 
paraître  les  Russes  sur  les  dunes. 

Pendant  ce  temps,  le  centre  et  la  droite  étaient 
aux  prises  avec  les  Anglais,  depuis  six  heures  du 
matin.  Dumonceau  avait  été  obligé  de  céder  le 
poste  de  Varmenhuisen,  et  il  avait  replié  les  dé- 
fenseurs sur  Schoreldam,  faisant  soutenir  la  re- 
traite des  troupes  de  Rostollant  par  un  mouvement 
offensif  du  général  Bonhomme.  Une  charge  à  la 
baïonnette  de  ce  dernier  rejeta  l'ennemi  jusqu'à 
Grote.  Dumonceau  fut  blessé  grièvement  en  fai- 
sant les  phis  courageux  efforts  pour  rester  maître 
du  pont  et  du  village  de  Schoreldam  qui  avaient 
en  effet  une  grande  importance.  Ses  troupes  dé- 
concertées se  rejetèrent  en  arrière,  tandis  que  la 
colonne  envoyée  sur  Schorel,  entourée,  mettait 
bas  les  armes. 

La  colonne  anglaise,  agissant  sur  la  droite  d^ 
l'armée  gallo-batave  ,  attaqua  deux  fois  les  retran- 
chements défendus  par  la  division  Daendels,  air 
village  d'Oudcarspet.  Deux  fois  elle  fut  repoussée^ 

Cependant  Brune,  informé  de  ce  qui  se  passait 


—  19  — 

sur  sa  ligne,  et  apprenant  qu'une  forte  colonne 
anglo-russe  se  portail  sur  Hoorn  pour  couper  son 
armée  en  deux,  donna  Tordre  à  sa  droite  de  se 
tenir  sur  la  défensive,  tandis  qu'il  dirigeait  ses  for- 
ces  principales  sur  son  centre  et  sur  sa  gauche.. 

Le  général  Bonhomme  marcha  donc  sur  Scho- 
rel  et  Vandamme  sur  Bergen. 

La  colonne  russe,  cependant,  se  présenta  devant 
Bergen,  au  moment  où  Tavant-garde  de  la  division 
française  y  arrivait.  L'attaque  commença  immé- 
diatement. Soutenus  par  les  troupes  qui  avaient 
marché  par  les  dunes,  les  Anglo-Russes  empor- 
tèrent le  village.  Le  général  Gouvion  se  replia, 
puis  bientôt,  il  se  précipita  à  son  tour  sur  l'en- 
nemi. Grâce  à  deux  bataillons  de  la  49*  demi-bri- 
gade que  Vandamme  conduisait  en  personne ,  ou 
reprit  les  premiers  postes.  Malgré  la  plus  vigou- 
reuse résistance,  Bergen  fut  emporté  et  la  colonne 
russe  taillée  en  pièces.  Ses  débris  se  retirèrent  en 
désordre  sur  Schorel  et  sur  les  dunes,  aban- 
donnant l'artillerie,  sept  drapeaux  et  beaucoup  de 
prisonniers,  au  nombre  desquels  le  général  russe 
Hermann. 

Vandamme,  sans  perdre  de  temps,  attaqua 
Schorel  et  l'enleva.  Une  brigade  anglaise  en  ré- 
serve ,  soutenue  de  deux  bataillons ,  essaya  un 
mouvement  tournant.  Vandamme  déjoua  cette  ma- 
nœuvre en  se  portant  droit  sur  elle,  en  engageant 
un  combat  furieux ,  et  en  la  forçant  à  lui  céder 
Schorel  et  le  terrain. 


-  ÎO  - 

Battu  au  centre  et  à  la  gauche,  l*ennemi  se  re- 
plia sur  Krabbendam  ;  mais  à  la  droite,  une  attaque 
malheureuse  tentée  par  Daendels/  malgré  les  or- 
dres qui  lui  prescrivaient  de  se  tenir  sur  la  dé- 
fensive, amena  les  Anglais  jusque  dans  les  re- 
tranchements dont  il  avait  la  défense,  sa  division 
se  replia  sur  le  village  de  Broeck. 

Malgré  ce  succès  partiel  ,  les  Anglo-Russes 
avaient  été  tellement  désorganisés  par  Van- 
damme,  au  centre  et  à  la  gauche,  qu'ils  se  re- 
tirèrent et  reprirent  leurs  premières  positions.  La 
colonne  qui  s'était  portée  sur  Hoorn,  et  s'en  étail 
même  emparée,  l'abandonna  également. 

La  bataille  ne  finit  qu'à  l'entrée  de  la  nuit. 
Vingt  bouches  à  feu,  sept  drapeaux,  dix-huit 
caissons,  vingt-quatre  voitures  d'équipages ,  deux 
cents  chevaux,  quatre  mille  fusils  restèrent  au 
pouvoir  des  troupes  de  Vandamme.  La  perte  de 
l'ennemi  fut  de  quatre  mille  cinq  cents  tués  el 
deux  mille  cinq  cents  prisonniers.  L'armée  fran- 
çaise eut  douze  cent  quarante  tués  ou  blessés 
et  deux  mille  quatre  cent  quatre-vingts  prison- 
niers. 

A  la  suite  de  cette  brillante  bataille  de  Bergen, 
l'adjudant  général  d'Ardenne ,  chef  d  etat-majoi 
de  Brune,  fut  chargé  d'envoyer  un  rapport  au  mi- 
nistre de  la  guerre  (1). 

Il  lui  écrivit,  le  19  septembre  au  soir  : 

(1)  On  avait  appris  à  i*année  galto-batave  le  remplacement 


-  SI  — 

«  Citoyen  Ministre,  l'ennemi  a  attaqué,  ce  ma- 
tin à  quatre  heures,  sur  toute  notre  ligne  ;  une 
colonne  russe,  forte  de  6,000  hommes,  s'est  diri- 
gée sur  l'avant-garde  de  la  division  de  troupes 
françaises  aux  ordres  du  général  Vandamme.  Cette 
colonne,  commandée  par  le  général  Hermann,  a 
repoussé  nos  troupes  jusque  dans  Bergen,  où 
toute  la  division  avait  ordre  de  se  réunir.  Le  gé- 
néral Vandamme  ordonna  à  l'adjudant  général 
Rostollant  de  prendre  la  gauche  vers  les  dunes.  Il 
donna  au  général  Gouvion  le  commandement  de 
la  droite,  celui  de  la  cavalerie  au  général  Simon  ; 
il  se  chargea  du  centre,  fit  attaquer  les  Russes 
dans  Bergen,  leur  enleva  le  village  à  la  baïon- 
nette. Six  cents  hommes  y  furent  tués,  autant  de 
prisonniers,  et  leurs  canons  pris. 

«  Le  général  en  chef  avait,  depuis  quelques 

&u  portefeuille  de   la  guerre   de  Bernadotte;  Vandamme,  qui 
aimait  beaucoup  ce  dernier,  lui  écrivit  : 

«  Votre  renvoi  du  ministère  nous  prouve  ce  que  veut  le 
Directoire.  U  vous  honore  et  redouble  Teslime  qu'avaient  déjà 
pour  vous  tous  les  braves  de  nos  ainmées.  L*ôtre  méprisable 
^i  vous  remplace  implique  la  ruse,  et  nous  dit  que  la  nullité 
6st  le  titre  qu'il  faut  aux  ministi*es.  Qu'allez-vous  aussi  vous 
mêler  d'organiser  les  armées  et  les  faire  payer?  etc.  On  ne  le 
veut  pas.  Vous  êtes  homme,  général,  et  républicain.  Vous  avesc 
prouvé  que  vous  ôtcs  digne  de  ces  trois  grands  titres.  I^ 
triomphe  des  intrigants  ne  sera  sans  doute  pas  long.  Ce  n*est, 
enfin,  pas  avec  ces  sortes  d'hommes  que  Ton  pourrait  longr 
temps  tenir  tète  à  l'Europe  militaire  liguée  contre  nous.  L'in- 
justice sera-t-elle  donc  toigoura  le  partage  des  gouvernements, 
et  les  hommes  à  caractère  pur  seront-ils  toujoui*s  victimes  de 
ees  petitesses  qui  finiront  par  perdre  et  les  républicains  et  la 
Hépoblique!  » 


—  22  — 

jours,  fait  établir,  sur  Iç  canal  qui  conduit  an  Zyp, 
un  pont  de  communication  avec  la  division  du  cen- 
tre, aux  ordres  du  général  Dumonceau.  Il  y  fit 
passer  deux  bataillons  balaves,  de  rarlillerie  lé- 
gère et  des  hussards  de  la  même  nation,  pour 
renforcer  les  troupes  aux  ordres  du  général  Van- 
damme.  L'attaque  redoubla  de  vigueur,  et  Tenue - 
mi  fut  culbuté. 

•  Le  résultat,  jusqu'à  ce  moment  connu,  de  celle 
mémorable  journée,  est  que  l'ennemi  a  perdu  deux 
mille  hommes  tués  sur  le  champ  de  bataille,  huit 
cents  blessés,  dont  la  moitié  le  sont  mortellement, 
quinze  cents  prisonniers,  parmi  lesquels  se  trou- 
vent une  quarantaine  d'officiers  de  tout  grade; 
de  ce  nombre  est  le  général  Hermann,  comman- 
dant en  chef  les  troupes  de  l'expédition  russe,  le 
colonel  Stryk,  blessé  dangereusement.  On  leur  a 
pris  en  outre  cinq  drapeaux  et  vingt  pièces  d'ar- 
tillerie de  divers  calibres.  Nous  avons  eu  trois 
cents  hommes  blessés,  peu  de  tués. 

«  Les  rapports  que  nous  recevrons  demain  met- 
tront le  général  en  chef  à  môme  de  donner  au  Di- 
rectoire un  résultat  plus  exact  et  sans  doute  plus 
satisfaisant  encore.  Il  se  loue  de  la  conduite  va- 
leureuse de  nos  troupes  en  général,  et  en  parti- 
culier de  celles  du  général  de  brigade  Gouvion  et 
du  chef  de  brigade  Aubrée.  Il  a  nommé  le  premier 
général  de  division  et  le  second  général  de  bri- 
gade sur  le  champ  de  bataille. 

•  Les  troupes  bataves  qui,  pendant  l'action, 


ont  passé  à  la  division  du  général  Vandamme,  se 
sont  comportées  avec  bravoure.  Le  lieutenant  gé- 
néral Duiponceau,  commandant  la  colonne  dil 
centre,  a  été  blessé  au  commencement  de  T action. 
Sa  colonne  a  conservé  sa  position.  Celle  de 
droite,  aux  ordres  du  général  Daendels,  a  été 
obligée  d*abandonner  ses  avant-postes.  Le  géné- 
ral en  chef  espère  qu'elle  les  reprendra  cette  nuit. 
La  perte  qu'a  faite  cette  dernière  colonne  ne 
nous  est  pas  encore  connue.  > 

Pendant  cette  bataille  de  Bergen,  Tadjudant 
général  d'Ardenne,  chef  d'état-major  général, 
ayant  reçu  à  Alkmaar  un  bataillon  de  la  90®,  l'en- 
voya à  Vandamme  avec  celte  lettre  : 

«  Bravo,  mon  général,  grâces  vous  soient  ren- 
dues et  à  vos  braves.  Le  deuxième  bataillon  de  la 
90^  arrive  en  ville  à  trois  heures  et  un  quart.  Il 
en  partira  pour  Bergen  armé,  ayant  soixante  car- 
louches  par  homme.  Ils  témoignent  la  meilleure 
volonté.  Le  chef  a  l'air  d'un  bon  bougre,  et  je  me 
trompe  fort  si  ce  bataillon  ne  vaut  pas  plus  que  le 
troisième.  » 

Le  soir,  à  dix  heures,  le  général  Fuzier,  un  des 
brigadiers  de  Vandamme,  lui  écrivit  également 
dAikmaar  : 

«  Vive  la  République  !  Les  Anglo-Russes  se 
souviendront  de  nous  avoir  donné  à  déjeuner  le 
3*  jour  complémentaire,  et  d'avoir  reçu,  en  re- 
vanche, un  superbe  dîner,  etc.   > 

Ëofm,  le  20  septembre,  le  général  en  chef  Brune 


—  24-^ 

adressa  à  Vandamme  la  lettre  ci-dessous,  une  des 
plus  belles  récompenses  que  puisse  recevoir  un 
soldat  : 

•  Les  talents,  la  valeur  et  l'intrépidité  que  vous 
avez  déployés  hier,  en  commandant  les  troupes 
françaises  à  la  bataille  de  Bergen,  la  grande  part 
que  vous  avez  à  cette  glorieuse  journée,  les  efforts 
que  vous  avez  faits  pour  vaincre  les  Russes  et  les 
Anglais,  tout  me  dit  que  c'est  à  vos  efforts  re- 
doublés que  je  dois  cette  brillante  victoire  ;  je  ne 
saurais  comment  vous  payer  mieux  qu'en  vous 
offrant  cent  fusils  russes  et  anglais  ;  les  dépouilles 
ennemies  seront  pour  vous,  je  pense,  une  bien 
belle  récompense  ;  connaissant  votre  républica- 
nisme et  votre  amour  pour  la  liberté,  je  suis  per- 
suadé que  vous  n'en  armerez  jamais  d'autres  bras 
que  ceux  des  amis  sincères  de  la  patrie.  Agréez, 
mon  cher  général,  l'assurance  de  mon  estime  et 
de  mon  amitié.  » 

Vandamme  très-fier,  et  à  juste  titre,  de  la 
haute  distinction  dont  il  était  l'objet  de  la  part  de 
son  général  en  chef,  lui  demanda  l'autorisation, 
qui  lui  fut  immédiatement  accordée,  d'envoyer  les 
cent  fusils  russes  et  anglais  au  commandant  de  la 
garde  nationale  de  Gassel.  Ces  armes,  par  ordre 
de  Brune,  furent  emballées  dans  quatre  caisses  et 
expédiées  en  France  en  franchise,  les  comman- 
dants militaires  et  préposés  ayant  reçu  l'avis  de 
les  laisser  passer. 

Quelques  jours  après  la  glorieuse  bataille  de 


-25  — 

Bergen,  le  général  Brune  forma  une  seconde  di- 
vision française  avec  les  troupes  de  renfort  qu'il 
avait  reçues,  en  donna  le  commandement  au  gé- 
néral Gouvion,  et  mit  Vandamme  à  la  tête  des 
deux  divisions.  L'adjudant  général  RostoUant,  qui 
avait  reçu  le  premier  choc  des  Russes,  dans  l'af- 
faire du  19,  fut  nommé  chef  d'état-major  général 
de  Tarmée,  en  remplacement  de  d'Ardenne. 

Le  26  septembre,  Brune  fut  prévenu,  par  un 
membre  du  comité  orangiste,  que  les  Anglo- 
Russes,  manquant  de  vivres  et  voyant  l'armée 
gallo-batave  se  fortifier  dans  ses  positions,  se  pré- 
paraient à  l'attaquer  le  27  ou  le  28.  Il  donna  en 
conséquence  Tordre  à  ses  généraux  de  se  tenir  sur 
leurs  gardes.  Cette  nouvelle  paraissait  d'autant 
plus  plausible  que,  le  25,  une  nouvelle  division 
russe  de  six  à  sept  mille  hommes  ayant  débarqué 
le  soir,  avait  été  dirigée  immédiatement  sur  l'ar- 
mée ennemie.  Mais  ce  que  le  membre  du  comité 
orangiste  avait  pris  pour  un  projet  d'attaque  n'é- 
tait qu'un  déploiement  de  forces  résultant  de  l'in- 
quiétude occasionnée  par  une  revue  du  général  en 
chef  français. 

Le  1^  octobre,  l'ennemi  n'avait  fait  encore  au- 
cun mouvement.  Vandamme  dormait  fort  tranquil- 
lement, lorsqu'il  fut  réveillé  par  ordre  de  Brune 
qui  lui  écrivait  : 

•  Je  vous  éveille  pour  une  bonne  nouvelle. 
Puissions-nous  bientôt  en  envoyer  nous-mêmes  ! 
Nous  l'aurions  déjà  fait,  sans  doute,  si  les  renforts 


ne  fussent  pas  venus  et  ne  continuaient  pas  de 
venir  pièce  à  pièce.  La  nouvelle  des  victoires  de 
Masséna  m'arrive  par  un  courrier  extraordinaire.  » 
Il  s'agissait  de  la  bataille  de  Zurich,  du  25  sep- 
tembre 1799. 

Ce  même  jour,  une  troisième  division  française, 
formée  provisoirement  de  deux  bataillons,  d*un 
escadron  et  de  trois  pièces  de  quatre,  reçut  un 
C5ommencement  d'organisation  et  fut  envoyée,  sous 
les  ordres  du  général  Boudet,  à  Hoom,  pour  re- 
lier les  divisions  Dumonceau  et  Daendels. 

Les  deux  armées  ennemies  étaient  occupées  de- 
puis plusieurs  jours  à  multiplier,  sur  leur  front 
réciproque,  les  obstacles,  les  retranchements,  les 
batteries,  lorsque  le  duc  dTork,  ne  pouvant  plus 
que  fort  difficilement  trouver  à  faire  subsister  ses 
troupes,  et  sachant  que  Brune  commençait  à  re- 
cevoir chaque  jour  des  renforts,  se  décida  à  une 
attaque  générale  pour  rejeter  les  gallo-bataves  sur 
Tintérieur  du  pays  et  élargir  sa  base  d'opéra- 
tions. Il  commença  par  renforcer  sa  droite,  oppo- 
sée aux  divisions  françaises  de  Vandamme,  et 
occupa,  sur  sa  gauche,  la  ville  de  Medenblick. 
Pendant  ce  temps,  Brune  perfectionna  ses  dé- 
fenses, principalement  autour  de  Bergen,  dont  il 
fortifia  les  alentours,  les  bois  qui  les  couvrent,  les 
dunes  qui  les  dominent  au  nord,  dans  la  direction 
de  l'avenue  de  Schoreldam.  Cette  partie  de  la 
position  était  devenue  d'un  abord  fort   difficile 
d'autant  que  le  terrain,  entrecoupé  de  dunes  jus- 


—  27  ^ 

qu'à  la  mer,  n'était  pas  moins  favorable  à  la  dé- 
feosive.  Le  centre  et  la  dioite  de  la  ligne  étaient 
également  très-bien  couverts  par  les  inondations 
qu  on  pouvait  tendre. 

Le  2  octobre,  Tarmée  anglo-russe  se  mit  en 
mouvement  pour  une  attaque  générale.  Le  duc 
d'York,  reconnaissant  qu'il  y  avait  danger  à  se 
hasarder  dans  les  passages  inondés  et  difficiles, 
3ur  la  droite  et  sur  le  centre  de  la  ligne  gallo-ba- 
tave,  porta,  une  fois  encore,  son  effort  principal 
contre  les  divisions  françaises  à  notre  gauche.  Les 
ivant-postes  de  ces  deux  divisions  furent  d'abord 
«rcées  d'abandonner  Grote,  Camp,  Schorel  et 
âchoreldam. 

L'ennemi  se  mit  en  marche  sur  quatre  colonnes. 
Celle  de  droite  (trois  brigades  d'infanterie,  neuf 
escadrons  de  dragons  et  de  l'artillerie),  était  sous 
lc«  ordres  du  général  Aberoromby  ;  elle  suivait  le 
^rd  de  la  mer.  Celles  du  centre,  de  force  à  peu 
près  égale  à  la  colonne  de  droite,  l'une  formée  de 
dusses,  l'autre  d'Anglais,  sous  le  général  Dundas, 
DKirchèrent  sur  Bergen  et  se  déployèrent  pour 
couronner  les  hauteurs.  La  quatrième,  conduite 
parle  général  Pulteney,  ayant  avec  elle  le  prince 
i'Orange,  se  porta  contre  la  division  Daeudels, 
çi'elle  avait  mission  de  tenir  en  échec. 
Au  point  du  jour,  Gouvion  prévint,  de  Bergen 
^  il  était,  Vandamme,  à  Alkmaar,  que  Ton  bat- 
tit ta  générale  aux  avant-postes.  Ces  avant-postes 
^  été  emportés»  le  combat  s'engagea  sérieu-» 


sèment  en  avant  de  Bergen.  Gouvion  s'y  maintint 
contre  le  général  Dundas,  tandis  que  lord  Aber- 
cromby  filait  sur  Egmond,  par  les  dunes,  pour  tour- 
ner Alkmaar.  Vandamme  défendit  ce  poste  avec 
opiniâtreté  et  avec  sa  valeur  habituelle.  Toutefois,  le 
soir  venu,  et  après  les  combats  les  plus  sanglants, 
Brune  donna  ordre  d'opérer  la  retraite  et  de 
prendre  une  ligne  excellente,  en  arrière  de  la  pre- 
mière, de  Wyk-op-Zée,  à  Monikendam,  derrière  le 
Strand  et  les  inondations.  Le  quartier  général 
rétrograda  jusqu'à  Beverwyck,  à  trois  lieues  en 
avant  de  Haarlem.  Les  Anglais  entrèrent  dans 
Alkmaar. 

Voici  comment,  par  une  lettre  du  4,  adressée  au 
nouveau  ministre  de  la  guerre,  le  général  en  chef 
de  l'armée  gallo-batave  explique  son  mouvement 
rétrograde  : 

«  La  retraite  d' Alkmaar  sur  Beverwyk  s*esl 
opérée  sans  que  nous  ayons  perdu  ni  hommes,' 
ni  artillerie,  ni  équipages. 

«  La  bataille  d'avant-hier  a  duré  depuisi  cinq 
heures  du  matin  jusqu'à  huit  heures  du  soir.  A 
dix  heures,  il  se  tirait  encore  des  coups  de  fusil. 

L'ennemi  commença  l'attaque,  présentant  devant 

* 

la  division  Daendels,  à  notre  droite,  des  forces  qui 
n'agirent  point  ;  et  sur  lé  centre ,  un  corps  qui, 
après  avoir  emporté  Varmenhuisen  et  Schorel- 
dam,  avant-postes  de  la  division  Dumonceau, 
renforça  les  troupes  nombreuses  qui  attaquaient 
notre  gauche  composée  de  Français.  Le  terrain 


fut  vivement  disputé  :  pendant  qu'une  forte  co- 
lonne anglo-russe  avançait  péniblement  de  dune 
en  dune,  une  autre  colonne  avait  gagné  le  Strand. 
À  la  nuit,  elles  avaient  coupé  la  communication 
de  Bergen  à  Egmond,  et  menaçaient  de  couper 
celle  d'Alkmaar  à  Bergen. 

«  La  fatigue  du  soldat  et  je  ne  sais  quelles  dis- 
positions que  je  n'avais  pas  encore  vues  dans 
Tesprit  des  militaires,  m*avaient  fait  connaître 
que  si  Tennemi,  qui  avait  eu  la  supériorité  par  le 
nombre,  nous  attaquait  le  lendemain,  la  lassitude 
pourrait  occasionner  un  revers  réel.  J'ordonnai 
que,  dans  le  cas  d'une  attaque  vigoureuse,  la  re- 
traite s'opérât  lentement  et  en  ordre  sur  Beverwyk. 
Hier  matin,  d'après  le  rapport  des  généraux  que 
Fennemi  disposait  tout  pour  une  nouvelle  attaque, 
la  retraite  commença  et  s'est  achevée  aujourd'hui 
sans  aucune  perte.  J'ai  fait  laisser  ouvertes  les 
portes  d'Alkmaar,  afm  de  préserver  cette  ville  de 
la  barbarie  des  Anglo-Russes.  Ils  ont  brûlé  sans 
motif  le  village  de  Goedyk. 

«  La  perte  de  l'ennemi  en  morts  et  en  blessés 
est  très-considérable  ;  parmi  les  prisonniers  que 
nous  lui  avons  faits ,  se  trouvent  des  grenadiers 
russes,  des  cosaques  du  Don  et  des  montagnards 
d'Ecosse. 

«  Nous  avons  à  regretter  beaucoup  d'officiers 
morts.  L'adjudant  général  Maison  est  blessé.  Le 
brave  chef  de  brigade  Mercier  a  eu  les  deux  cuisses 
percées  d'une  balle.  L'aide  de  camp  du  général 


-80- 

Pacthod  et  deux  officiers  d'état-major  ont  ëté  tués. 
Notre  perte  en  soldats  est  peu  considérable. 

«  J'ai  reçu  deux  bataillons  du  général  Tilly, 
après  l'affaire.  Depuis  longtemps  je  les  attendais. 
On  m'assure  que  les  autres  suivent.  Cette  pro- 
gression morcelée  de  secours  m'a  fait  perdre  de 
grands  avantages ,  peut-être  même  une  victoire 
complète;  mais  il  faut  agir  dans  la  position  où  l'on 
se  trouve,  et  j'espère  que  les  renforts  arrivant, 
nous  recouvrerons  promptement  le  temps  perdu, 
Nous  saurons  trouver  Alkmaar  au  Helder. 

«  Salut  républicain.   » 

Los  journées  des  4  et  5  octobre  se  passèrent 
sans  combat.  Le  général  Brune  reçut  des  renforts 
assez  considérables  de  troupes  françaises.  Le  6, 
au  matin  ,  le  duc  d* York  se  méprenant  sur  le  mou- 
vement en  arrière  de  l'armée  gallo-batave,  la  fit 
attaquer  de  nouveau  sur  tout  son  front.  Il  eut 
d'abord  quelques  succès,  ses  divisions  s'empa- 
rèrent d'Ackerslot  et  arrivèrent  jusqu'à  Kastricum, 
mais  alors  les  choses  changèrent  d'aspect.  Van- 
damme,   qui  stationnait  sur  ce  point,    agit  vi- 
goureusement avec  l'infanterie,  tandis  que  le  gé- 
néral Brune  lui-même,  saisissant  avec  habileté  le 
moment  favorable,  chargea  à  la  tête  de  sa  cavalerie 
et  rompit  la  hgne  des  Anglo-Russes.  Il  eut  deux 
chevaux  tués  sous  lui. 

Repoussé  jusqu'au  delà   de  Bakkum  ,  ayant 
fait  des  pertes  considérables,  Tennenii  combatti' 


-81  - 

jusqu'à  la  nuit ,  mais  ne  s'attribua  pas  le  gain  de 
cette  bataille  ,  dont  les  résultats  en  faveur  de  la 
cause  française  eurent  des  conséquences  bien  au 
delà  de  ce  qu'on  en  pouvait  espérer,  puisque  cela 
détermina  le  duc  d'York  à  entrer  en  pourparlers 
pour  l'évacuation  de  la  Nord-Hollande. 

Donnons  d'abord  deux  lettres,  une,  du  6,  de 
Brune,  et  une,  du  9,  de  RostoUant,  au  ministre,  sur 
cette  journée  de  Kastricum. 

«  Citoyen  ministre,  j'avais  bien  prévu  que  notre 
position  en  arrière  attirerait  l'ennemi  et  le  ferait 
croire  à  de  fausses  mesures.  La  bataille  de  Kas- 
tricum vient  de  le  détromper.  On  s'est  battu  au- 
jourd'hui depuis  sept  heures  du  matin  jusqu'à  huit 
heures  du  soir.  L'ennemi  a  été  repoussé  et  pour- 
suivi jusque  vers  Egmond.  Onze  pièces  de  canon 
et  quinze  cents  Russes  et  Anglais  prisonniers  sont 
les  fruits  de  cette  journée.  Les  Russes  doivent 
compter  un  grand  nombre  de  tués.  Les  généraux 
Gouvion  ,  RostoUant ,  Vandamme  ,  Bonhomme , 
Aubrée,  Simon ,  Malher  et  Durutte  ont  déployé 
des  talents  militaires  qui  ont  déterminé  le  gain  de 
la  bataille.  Je  vous  ferai  connaître  les  braves  qui 
se  sont  distingués. 

«  Salut  républicain.  » 

•  P.-S.  —  Lord  Chatam,  frère  de  M.  Pilt,  a  été 
blessé  au  cou.  Le  général  ennemi  tué  à  la  bataille 
de  Bergen  n'est  point  M.  Knox,  c'est  le  lieutenarif 
général  russe  Gerepsow,  commandant  l'expédition 
sous  M.  Hermann.  » 


-3J~ 

ROSTOLIANT  A  DUBOIS-GRANG& 

«  Alkmaar,  le  9  octobre  1799. 

«  Citoyen  Ministre,  j'ai  eu  l'honneur  de  vous 
rendre  compte  de  la  bataille  du  6  octobre  à  Kas- 
tricum,  et  de  la  cause  qui  a  décidé  la  victoire  en 
notre  faveur.  Aujourd'hui  je  m'empresse  de  vous 
informer  des  événements  heureux  qui  l'ont  suivie. 
Après  avoir  battu  l'ennemi  le  6,  les  armées  ont 
néanmoins  tenu  leurs  positions  respectives  ;  mais 
le 8,  à  quatre  heures  du  matin,  l'ennemi  ayant 
calculé  ses  pertes,  se  décida  à  faire  sa  retraite. 
Les  routes  dégradées  et  le  mauvais  temps  em- 
pêchèrent de  le  poursuivre  d'aussi  près  qu'on  le 
désirait.  Il  effectua  sa  retraite  jusqu'au  Zyp ,  où  il 
entra  dans  ses  retranchements.  Malgré  ce,  cette 
journée  n'est  pas  restée  sans  succès,  puisque  six 
cents  blessés,  autant  de  prisonniers,  sont  tombés 
en  notre  pouvoir,  ainsi  que  beaucoup  de  chariots 
de  bagages,  parmi  lesquels  se  trouvaient  deux 
cent  cinquante  femmes  et  enfants,  qui  ont  été 
renvoyés  sur-le-champ  à  l'armée  ennemie  par  or- 
dre du  général  en  chef.  Il  paraît,  d'après  la  quan- 
tité de  femmes  à  leur  suite,  que  les  Anglais  se 
croyaient  prêts  à  être  possesseurs  de  la  Hollande. 
On  assure  que  la  mauvaise  mer  leur  a  fait  éprouver 
beaucoup  de  pertes,  quoique  les  pluies  conti- 
nuelles et  les  inondations  qui  s'en  sont  suivies 
nous  empêchent  de  rien  entreprendre  présen- 


—  33—. 

f  nous  n'en  sommes  pas  moins  persuadés 
le  tarderont  pas  ^  se  rembarquer.  Dans  ce 
I  vous  assure  qu'ils  ne  le  feront  pas  sans 
)résence. 

ans  les  divers  combats  qui  ont  eu  lieu  de- 
SI  descente,  l'ennemi  a  dû  perdre  au  moins 
(nille  hommes  tués,  prisonniers  ou  blessés, 
ce  nombre,  se  trouvent  tous  ses  meilleurs 
PS.  Lord  Chatam,  frère  du  ministre  Pitt,  a 
3ssé.  Le  fils  du  général  Abercromby  a  été 
I,  et  le  colonel  d'un  des  régiments  des 
s  fait  prisonnier  par  Vaugien,  brigadier  au 
;iment  de  chasseurs.  Le  tableau  des  pri- 
ers  que  je  vous  adresserai  vous  indiquera 
ms  et  qualités  des  principaux  d'entre  eux. 
LU  moment  de  l'attaque  du  6,  le  duc  d'York 
a  le  général  major  George  Don ,  avec  son 
i,  au  lieutenant  général  Daendels,  qui  gar- 
vec  sa  division  les  positions  de  Moniken- 
Le  général  Daendels  les  fit  arrêter  à  ses 
-postes,  et  en  prévint  le  général  en  chef,  qui 
donna  de  les  lui  faire  conduire.  Ce  général 
était  porteur  d'une  proclamation  au  gouver- 
nt  batave ,  portant  qu'il  fallait  chasser  les 
fais  de  la  Batavie,  et  que  les  troupes  de  cette 
;ance  devaient  se  réunir  au  prince  d'Orange 
l'aider  à  les  exterminer.  La  conduite  de  cet 
t  a  été  regardée  par  le  général  en  chef 
ne  un  espionnage,  et  il  a  ordonné  que  le  gé- 
l-major  Don  et  son  suivant  seraient  gardés 
"•  3 


«S4  — 

par  six  gretlâdiers  et  un  ofBoiêr,  Jii6(|Ti'à  ce  que  le 
duc  d'York  les  ait  rappelés,  ce  qui  ne  sera  pa« 
effectué  dans  conditions  avantageuses. 

t  Le  général  en  chef  ayant  promis  à  différents 
officiers  de  nouveaux  grades,  vous  en  adressera 
l'état  sous  peu  pour  faire  confirmer  leurs  nomi* 
nations  par  le  Directoire.  » 

Les  pertes  éprouvées  par  Tarmée  anglo-Prusse 
le  6  octobre,  sa  retraite  dans  ses  positions  du  Zyp, 
la  difficulté  de  vivre  resserré  à  la  pointe  extrême  da 
pays,  décidèrent  le  duc  d'York  à  entrer  en  arran- 
gements. 

Dès  le  8,  les  Oallo-bataves  marchaient  en  avant, 
réoccupaient  le  9,  Alkmaar  évacué,  Schoreldam 
et  les  autres  postes.  Quelques  affaires  d'avant 
garde  sans  importance  eurent  lieu  dans  les  jour- 
nées du  11  et  du  12  octobre.  Le  18  et  le  14  ort 
côrtimença  à  fkire  des  reconnaissance^,  indiquant 
à  Tennemi  Tintentlon  de  T  attaquer  et  de  le  forcer 
dans  seà  retranchements.  Le  16,  des  propositions 
furent  faites  parle  général  en  chef  anglais.  Brune 
y  répondit  le  jour  môme  d' Alkmaar,  où  il  avait  re- 
placé son  quartier  généml  : 

«  Monsieur  le  duc  d'York,  général  en  chef  de  l*ar- 
méeanglaise,  désire  qu'il  y  ait  cessation  d'hostilités 
par  la  considération  dv  l'approche  de  la  mauvaise 
saison.  Il  promet  de  retirer  du  territoire  batave, 
d*ici  à  la  fin  de  novembre  prochain,  toute  Tarmée 
qui  est  sous  ses  ordres,  et  consent  à  ne  faire 
aucun  dégât,  à  n'ouvrir  aucune  écluse,  à  ne  roni* 


prê  aucune  digue,  pourvu  qtié  dans  sa  retraite  il 
ne  soit  point  inquiété  par  Tarmée  française-ba- 
lavé. 

•  Le  motif  de  Monsieur  le  duc  d' York  n'existerait 
pas  s'il  jugeait  ses  rtioyens  assez  forts  pour  iavancer 
dans  le  pays,  car  dans  ce  cas,  il  aurait  la  faculté 
de  prendre  des  quartiers,  de  se  procurer  des  vivres 
et  de  se  mettre  enfin  à  Tabri  des  inconvénients  de 
la  mauvaise  saison.  Nous  devons  par  conséquent 
espérer  de  lui  des  avantages  proportionnés  à  Tin- 
suBisance  des  forces  dont  il  dispose. 

«  Les  conditions  proposées  par  Monsieur  le  duc 
d'York  ne  sont  que  les  effets  nécessaîi^és  d'une 
Cessation  d'hostilités.  On  ne  peut  guère  imaginer 
que  Monsieur  le  duc  fasse  rompre  les  digues,  in- 
cendier le  pays,  iucendierles  villages,  dans  le  seul 
but  d'exercer  des  violences  :  ce  serait  agir  contre 
les  lois  de  la  guerre,  et  attirer  sur  soi  la  réproba- 
tion de  toute  l'Europe  et  de  sa  propre  nation.  Il  est 
dotic  certain  que  Monsieur  le  duc  d'York  se  bor- 
nerait à  faire  les  dégâts  qui  seraient  utiles  à  son 
armée  ou  nuisibles  à  la  nôtre.  Mais  nous  sommes 
préparés  à  tous  ces  accidents,  parce  qu'ils  sont  in- 
hérents à  l'état  de  guerre.  Ainsi,  les  propositions 
faites  n'ont  aucun  but. 

f  Cependant,  puisque  les  malheurs  de  l'hulttà- 
Wlé  entrent  aussi  dans  les  vues  dé  Monsieur  le  dUC 
d'York,  le  général  Brune  accueille  bien  volontiers 
cet  honorable  sentiment  :  aussi  les  clauses  qu'il 
met  à  la  cessation  des  hostilités  sont-elles  si  jus-* 


—  36-. 

les,  qu'il  déclare  à  l'avance  ne  pouvoir  s'en  dé- 
partir : 

•  1®  La  flotte  batave  rendue  à  l'amiral  Mit- 
chell  par  Tamiral  Story  sera  restituée  à  la  répu- 
blique batave  avec  l'armement  et  l'équipage.  Dans 
le  cas  où  Texécution  de  celte  clause  excéderait 
les  pouvoirs  de  Monsieur  le  duc  d'York,  Son  Altesse 
s'engage  à  obtenir  de  sa  cour  une  compensation 
équivalente  ; 

«  2®  Quinze  mille  prisonniers  de  guerre  ,  fran- 
çais et  bataves,  détenus  en  Angleterre,  seront,  au 
choix  et  dans  la  proportion,  réglés  par  les  gou- 
vernements dès  deux  républiques,  renvoyés  libres 
et  sans  conditions  dans  leur  patrie.  L'amiral  ba- 
tave De  Winter  sera  considéré  comme  échangé. 
Le  présent  article  ne  préjudicie  en  rien  au  cartel 
d'échange  qui  est  en  activité  et  n'en  fait  point 
partie  ; 

«  3®  Les  batteries  et  fort  du  Helder  seront  ré- 
tablis dans  l'état  où  ils  se  trouvaient  lors  de  l'in- 
vasion faite  par  l'armée  anglo-russe.  Un  officier 
d'artillerie  sera  envoyé  au  Helder  par  le  général 
Brune  pour  surveiller  l'exécution  de  cet  article  ; 

•  4®  Sous  quarante-huit  heures,  l'armée  aux 
ordres  de  Monsieur  le  duc  d'York  évacuera  la  po- 
sition du  Zyp  :  ses  avant-postes  seront  retirés  à  la 
hauteur  de  Gallantsoog.  L'armée  française-batave 
conservera  les  positions  qu'elle  occupe  actuelle- 
ment, et  prendra  néanmoins  avant-poste  à  Peten, 
Krabbendam  ,  Schagerbrug  et  Colorn  :  elle  aura 


-87  - 

seulement  une  vedette  à  la  hauteur  de  Callantsoog; 

•  5®  Les  troupes  composant  l'armée  anglo-russe 
se  rembarqueront  successivement  elle  plus  promp- 
tement  possible.  Au  30  brumaire  de  la  présente 
année  (21  novembre  1799),  tous  bâtiments  anglais 
devront  être  sortis  du  Texel,  ainsi  que  toutes  trou- 
pes anglaises  et  russes  des  mers,  côtes  et  îles  de 
la  république  batave,  sans  que,  dans  cet  inter- 
valle, ils  puissent  troubler  les  grandes  sources  de 
la  navigation,  ni  pratiquer  aucune  inondation  dans 
le  pays  ; 

«  6®  Les  vaissaux  de  guerre  ou  autres  bâti- 
ments chargés  de  nouvelles  troupes  pour  Tarmée 
combinée  anglaise  et  russe,  ne  pourront  effectuer 
de  débarquement  :  ils  devront  se  remettre  en  mer 
le  plus  tôt  possible  ; 

«  7*^  Pour  la  garantie  de  ces  clauses,  il  sera 
donné  par  M.  le  duc  dTork  des  «otages  choisis 
parmi  les  officiers  de  marque  de  son  armée.  » 

Le  18  octobre  on  était  d'accord,  et  Ton  traitait 
sur  les  bases  indiquées  par  le  document  ci-des- 
sous : 

«  Le  citoyen  Brune,  général  en  chef  de  Tarmée 
française  et  batave,  n'a  rien  plus  à  cœur  que  de 
prévenir  une  nouvelle  effusion  de  sang  en  faisant 
cesser  les  hostilités,  mais  il  sait  ce  qu'il  doit  à  la 
bravoure  et  à  la  supériorité  de  Tarmée  qu'il  a  l'hon- 
neur de  commander.  Il  a  examiné  les  observations 
de  M.  le  duc  d'York  sur  les  articles  proposés  avant- 
hier,  et  il  a  autorisé  le  général  RostoUant  à  con- 


-?8- 
clura  un  accorcl  d'après  les  modiOcaUoii^  qui  ré- 
siUteut  des  remarques  suivaates  : 

«    Aï^TIÇLÇ  l®^  —   RESTITUTION    DE   lA   FLOTTE. 

t  Le  général  Brune  voit  avec  peine  que  M.  le 
duc  d'York  se  déclare  sans  pouvoirs  sur  cet  ar- 
ticle. Il  ne  veut  point  prendre  trop  de  confiance 
dans  l'effet  des  communications  que  Son  Altesse 
Royale  promet  de  donner  au  gouvernement  an- 
glais à  cet  égard.  Cependant,  il  doit  observer  que 
la  flotte  batave  a  été  livrée  par  trahison  et  qu'elle 
a  été  reçue  comme  dépôt  pour  être  remise  au  gou- 
vernement que  la  cour  de  Londres  se  proposait  de 
rétablir  dans  ce  pays,  selon  la  volonté  présumée 
des  habitants.  Gomme  le  sort  des  armes  en  a  au- 
trement décidé,  et  que  M.  le  duc  d'York  a  pu  voir 
que  le  peuple  batave  ne  consent  en  aucune  manière 
au  rétablissentent  des  formes  anciennes  de  son  ad- 
ministration, la  loyauté  semblerait  exiger  que  la 
flotte  fût  restituée,  ou  du  moins  que  le  peuple  ba- 
tave reçut  une  indemnité  équivalente.  Quelque 
parti  que  prenne  le  gouvernement  anglais,  il  est 
présumable  que,  soit  de  meilleures  maximes,  soit 
les  chances  de  la  guerre  générale,  amèneront  des 
circonstances  favorables  au  redressement  de  ce 
grief. 

«   ARTICLE   2.  —  ANCIENS  PRISONNIERS  DE  GUERRE. 

•  M.  le  duc  d'York  fixe  décidément  à  ciaq  mUle 


le  nomlvre  des  prisenniers  epii  devront  être  rmidus 
par  TAngteterre.  Le  général  Brune  en  a  demandé 
quinze  mille  :  en  réduisant  ce  nombre  à  huit  mille, 
peut-être  ne  compen$e^t-^on  que  faiblement  les 
avantages  que  promet  à  l'armée  française  et  ba- 
tave  la  continuation  des  hostilités. 

"   ARTICLE  4.  —  POSITIONS   DES  DEUX  ARMEES. 

•  Le  terrain  qui  reste  en  Nord-Hollande  à  Tai- 
mée  anglaise  et  russe  suffisant  à  peine  pour  la 
cantonner  en  attendant  les  moyens  d'embarque- 
ment, le  général  Brune  n'insiste  pas  pour  qu'elle 
cède  les  positions  demandées.  En  conséquence,  la 
ligne  des  avant-postes  de  chacune  des  deux  armées, 
telle  qu'elle  existe  en  ce  moment,  pourra  servir 
respectivement  de  démarcation. 

•    ARTICLE  5.    —  EMBARQUEMENT. 

•  En  accordant  jusqu'au  9  frimaire  prochain 
(30  novembre  1799)  pour  Tentière  évacuation  du 
territoire  batave  par  l'armée  anglo-russe,  le  géné- 
ral Brune  entend  bien  que  ce  terme  sera  de  ri- 
gueur, et  qu'à  l'expiration  du  délai  fixé,  il  ne 
pourra  rester  un  seul  ennemi  sur  aucunes  terres, 
côtes,  mers  et  îles  de  la  répubUque  batave. 

«    ARTICLE   7.  —  OTAGES. 

«  La  Dosiliofi:  de  l'armée  française  et  batave  ne 


—  40  — 

souffre  point  la  réciprocité  d'otages.  Cependant, 
afin  de  prévenir  sur  cet  article  toute  vaine  dispute, 
Ton  peut  statuer  que,  de  part  el  d'autre,  il  sera 
envoyé  des  officiers  chargés  de  s'assurer  de  la 
cessation  des  travaux,  et  en  général  de  Texécution 
de  tous  les  articles  connus.  Néanmoins,  un  oflîcier 
général  anglais  devra  rester  dans  Tarmée  fran- 
çaise et  batave  pour  la  garantie  de  la  prompte  dé- 
livrance des  huit  mille  prisonniers  qui  devront 
élre  rendus  par  l'Angleterre.  » 

Cette  campagne  de  trois  mois  avait  été  glorieuse 
pour  Vandamme,  et  il  y  avait  acquis  de  nouveaux 
titres  à  la  reconnaissance  de  sa  patrie  ;  mais  sa 
santé  se  trouvait  assez  fortement  ébranlée  par 
suite  de  sa  chute.  Dès  que  la  convention  fut  signée, 
dès  que  le  général  vit  qu'il  n'y  avait  plus  proba- 
bilité de  combattre,  il  sollicita  un  congé  pour  re- 
tourner en  France.  Il  produisit  à  l'appui  de  sa  de- 
mande le  certificat  ci-dessous  : 

«  Nous  soussignés,  officiers  de  santé  en  chel 
de  l'armée,  certifions  que  le  citoyen  Vandamme, 
général  de  division  employé  à  l'armée  française 
en  Hollande,  a  été  atteint,  il  y  a  deux  décades, 
d'une  luxation  complète  du  bras  gauche,  et  que. 
quoique  cette  luxation  ait  été  réduite  sur  le  mo- 
ment même,  cependant  comme  le  général  Van- 
damme n'a  pas  discontinué  ses  fonctions  mili- 
taires, et  qu'au  contraire  il  s'est  livré  à  une  ex- 
cessive activité,  il  éprouve  dans  toute  l'extrémitt 
supérieure  gauche  des' douleurs  considérables  qu 


le  privent  de  l'usage  de  ce  bras  ;  comme  d'ailleurs 
il  a  ressenti,  depuis  une  décade,  plusieurs  atteintes 
de  fièvre,  et  qu'en  général  sa  santé  est  depuis  ce 
temps  fort  altérée,  nous  pensons  que  le  général 
Vandamme,  pour  recouvrer  le  libre  exercice  de 
son  bras  gauche  et  rétablir  entièrement  sa  santé, 
doit  se  retirer  quelque  temps  chez  lui  et  s'y  livrer 
au  repos  et  aux  soins  appropriés  à  son  état. 

•  En  conséquence,  nous  certifions  que  le  ci- 
toyen ci-dessus  désigné  est  dans  le  cas  d'obtenir 
un  congé  de  convalescence  de  trois  mois.  » 

Non-seulement  Bnme  accorda  de  bonne  grâce 
à  son  vigoureux  lieutenant  le  congé  demandé,  mais 
il  lui  adressa,  le  19  octobre,  une  lettre  des  plus 
flatteuses. 

La  voici  : 

«  Citoyen  général,  je  vous  accorde,  suivant  vos 
désirs,  la  peimission  d'aller  rétablir  votre  santé  à 
Cassel.  Vous  ne  cesserez  pas  d'être  compris  dans 
le  nombre  des  généraux  attachés  à  Tarmée  que  je 
commande,  à  moins  que  le  ministre  ne  vous  donne 
une  autre  destination. 

•  Pour  ce  qui  concerne  vos  réflexions  relatives 
à  mes  sentiments  pour  vous ,  ayez  la  certitude 
que  personne  n'a  plus  d'estime  que  moi  pour  vos 
talents  militaires,  ni  d'inclination  à  vous  rendre 
justice  (1). 

«  Salut  républicain.  » 

(1)  Une  affaire  d*argent,  ainsi  qu*on  le  verra  plus  loin,  ne 
•levait  pas  tarder  A  jeter  du  froid  entre  Brune  et  Vandamme. 


-42- 

«  p.  iS.-r-P  Je  vous  renvoie  vos  cef  tifioats,  voire 
parole  suffit.  » 

Bruiie  Ut  plus  pour  Vandamme,  il  le  chargea 
de  porter  au  Pirectoire  batave  le  tmité  conclu,  et 
écrivit  aux  membres  du  gouvernement  le  20  oo 
tobre  : 

%  Citoyens  Directeurs,  si  Tarmée  que  j'ai  Thon- 
neur  de  commander  a  fait  des  prodiges,  c'est 
qu'elle  est  composée  de  républicains  et  a  com- 
battu pour  la  liberté.  Enfin,  une  convention  glo- 
rieuse met  un  terme  aux  calamités  de  la  gueiTe 
en  Batavie.  Le  général  Vandamme,  qui  vous  re- 
nuettra  cette  convention,  a  puissamment  concouru 
par  ses  talents,  sa  bravoure  et  son  dévouement  à 
amener  cet  heureux  résultat  de  nos  travaux  mili- 
taires. Je  l'ai  choisi  pour  vous  en  offrir  l'hom- 
çaage. 

t  Salut  républicain.  » 

Vandamme  se  rendit  auprès  du  Directoire  de  la 
république  batave,  lui  remit  le  traité  et  prononça 
le  discours,  un  peu  ampoulé  et  dans  le  goût  de 
l'époque  que  l'on  va  lire  : 

< 

«^  Citoyens  Directeurs,  'envoyé  vers  voua  par  le 
général  en  chef  des  armées  combinées,  je  m'ap- 
p^audtis  d'un  choix  qui  me  procure  la  première 
mission  que  j'aurai  remplie  auprès  d'une  autorité 
aussi  respectable  que  la  vôtre.  Et  quelle  mission, 
citoyens  Directeurs  !  Je  vous  apporte  la  nouvelle 
d'uue  capitulation  qui  délivre  la  Batàvie  d'un 


mièVi\  piuUsai^t  qui  âQv^lage  vas  âmes  affaissées 
;^s  ri^quiétudç  Pf^tçrnclle  qu'excitait  le  d9^^e^ 
le  vos  oco^citoy  ws,  qui  leur  assure  le  repos,  la 
il^rté^  rhouueur,  Açaour  de  1^  patrie,  horreur 
]»  Ve&olavage,  septiment  d'une  glpire  ^  soutenir, 
iSèctioua  générales  qui  remplissez  les  coeurs  de 
Wte  Tarmée,  saps  ^o.^te  vous  uou$  gair^utissiez 
a  viotoiye;  fE^ais  ceUe  victoire  devait  ooûtçir  encore 
lu  sang,  d^  ^?iï^6St,  et  le  deuil  (^e  quelques  fa- 
pi^es  se  fût  ^lélé  ai^,  témoignages  de  Tallégress^e 
)iiblique«  Quel  triomphe  glorieux  que  celui  qui 
itt^te  ^  tous  les  peuples  la  valeur  invincible  dVne 
irmée,  et  sur  lequel  r^uipaauité  iie  peut  gémir, 
d'est  donc  1^  que  viçuneut  aboutir  ces  puissantes 
EX)mbinaiaQns,  ces  eCforts  redoutés,,  auxquels  la 
pteur  des  uns  donnaiit  une  apparence  si  mons- 
trueuse et  que  l'espérance  coupable  des  autres 
nous  vantait  avec  une  ]oie  si  féroce.  Ils  ignoraient 
donc,  les  insensés,  que  les  Bataves  avaient  à  leurs 
côtés  ces  alKés  généreux,  ces  amants  exaltés  de  la 
liberté,  qui  souffriront  la  mort  mille  fois  plutôt  que 
l'esclavage  de  leurs  amis  !  C'est  en  répandant  leur 
saog  pour  \^  dçfeuse  dfi  ces  contrées  que  le?  Fran- 
çais ont  va\|lu  répondra  aux  insinua,tions  calom- 
pieases  de  la  perfidie.  Ik  ont  réclamé  l'honneur 
les  postes  les  plus  p^riUeu^c;^  ils  les  ont  défeAd,us 
^  prix  des  plus  gr^ucl^  sacrifices  j  c'est  aiusi 
i«'^  out  diaçipé^  tous  çf  s  br^i^  de  refaite  sujp;- 

«  Les  p^pWs  libres  sont  géivéroux,.  l*aBpÂ(ié  pant 


—  44  — 

les  unir  ;  mais  les  rois  qui  calculent  tout  ne  con- 
naissent point  Tamitié.  C'est  à  l'harmonie  qui 
règne  dans  tous  les  rapports  entre  les  deux  répu- 
bliques que  vous  devez  l'éclatant  succès  qui  ter- 
mine la  campagne.  Quelle  leçon  puissante  pour 
resserrer  de  nouveau  les  nœuds  d'une  alliance  qui 
nous  présage  tant  de  bonheur  !  Est-il  un  con- 
seiller perfide  qui  cherche  à  vous  faire  refuser  le 
bras  d'un  peuple  puissant  qui  soutient  l'édifice  de 
votre  Hberté  ?  Qu'il  se  cache  maintenant  avec  la 
honte  de  ses  desseins  coupables,  et  qu'il  frémisse 
à  l'aspect  des  deux  peuples  formant  une  union 
indissoluble  pour  le  salut  de  la  Batavie.  » 

Le  général  RostoUant  rendit  compte  le  19  au 
ministre  de  la  guerre,  par  ordre  de  Brune,  et  ce 
dernier  envoya  le  texte  même  de  la  convention  au 
gouvernement  français  par  le  général  Boudet. 

Voici  ces  deux  documents  : 

«  Alkmaar,  le  19  octobre  1799. 
ROSTOLLANT   AU   MINISTRE  DE   LA   GUERRE. 

•  Citoyen  Ministre,  grâce  à  la  brave  armée  que 
commande  le  brave  général  Brune,  la  république 
batave  se  trouve  délivrée  du  terrible  fléau  de  la 
guerre  ! . . .  Quarante  mille  Anglais  et  Russes 
tremblant  devant  nos  faibles  cohortes  sont  venus 
demander  capitulation.  L'acte  en  a  été  signé  hier. 
Ce  traité,  la  honte  du  gouvernement  britannique, 
et  le  plus  rude  choc  donné  à  la  coalition,  a  pour 


principal  article  1  affranchissement  de  huit  mille 
prisonniers  de  guerre  français  et  bataves  détenus 
maintenant  en  Angleterre.  L'armée  britannique 
aura  jusqu'au  9  frimaire  (30  novembre  1799)  pour 
évacuer.  Le  général  en  chef  vous  fera  connaître 
toute  la  négociation  et  les  articles  qui  ont  été 
arrêtés. 

•  Ce  traité  dicté  par  Thumanité  et  par  Tinlérét 
des  deux  républiques  sera  considéré  comme  une 
douce  et  importante  victoire  ;  il  prouvera  d'ailleurs 
que  rien  ne  peut  ébranler  les  républicains  quand 
Tamour  de  la  gloire  et  l'attachement  à  la  patrie  les 

anime.  > 

* 

«  Alkmaar,  le  20  octobre  1799. 
BRUNE   AU   MINISTRE   DE   LA   GUERRE. 

«  Citoyen  Ministre,  enfin  j'ai  termine  une  cam- 
pagne heureuse  par  un  traité  profitable  et  glorieux. 
Le  général  Boudet,  qui  vous  le  remettra,  est  l'un 
des  généraux  qui  par  ses  talents  et  sa  bravoure 
personnelle  ont  le  plus  contribué  à  nos  succès. 
C'est  lui  qui  à  Kastricum  vit  le  premier  Tcnncmi, 
et  qui  le  lendemain  le  poursuivit  dans  sa  retraite, 
J'ai  ci*u  devoir  lui  donner  le  plaisir  de  vous  pré- 
senter le  fruit  de  nos  travaux.  » 

Voici  maintenant  une  lettre  curieuse  de  Bou- 
delà  Vandamme,  lettre  écrite  de  Paris  à  la  date 
du  30  octobre  1799: 

«  Dans  l'intention  où  j  étais,  citoyen  général, 


de  vouB  donner  utl  dét&il  exact  dé  ma  toiisBloMi 
àe  Veitei  qu^ellô  aVait  produit,  j*ai  suspendu 
plaisir  de  vous  en  informer  jusqu'au  moment  i 
l'opinion  publique  mô  serait  bien  connue.  Aujou 
d'hui  qu'elle  est  généralement  prononcée  sur 
bien  de  la  capitulation,  je  puis  vous  dire  qu'elle 
fait  la  plus  agréable  sensation  ;  chacun  en  COU 
mente  les  conséquences  et  lés  avantages  ;  on  rôi 
la  justice  qui  est  due  à  Tarmée,  et  parliculièreme 
à  vous,  déjà  connu  sous  les  rapports  les  pi 
avantageux;  j'ai  du  plaisir*  à  vous  répéter  ce  t 
moignage,  c'est  celui  que  vous  m'avez  fait  co 
nailre. 

«  Je  suis  engagé  chaque  jour  chez  les  dif 
renls  Directeurs  ;  tous  se  font  un  plaisir  de  r 
parler  de  l'armée;  ils  désirent  vivement  d'à 
prendre  la  fin  de  rembarquement  de  l'ennemi.  1 
terme  accordé  est  ce  qu*îls  ont  trouvé  beàucoi 
trop  long;  je  les  ai  rassurés  en  leur  disant  qi) 
était  presque  certain  qu'il  ne  profilerait  pas  ( 
délai  et  qu'il  serait  parti  avant  qu'il  fut  expiré. 

•  Bonaparte  est  à  la  campagne,  ce  qui  m'a  ei 
péché  jusqu'à  présent  de  le  voir.  Le  général  Be 
nardotte  m'a  beaucoup  parlé  de  vous  ;  je  l'ai  a 
sure  de  votre  amitié  ;  c'est  un  patriote  et  ami  q 
vous  et  moi  regretterons  toujours  de  ne  pas  v< 
au  ministère  ;  c'est  à  lui  à  qui  nous  devons  1 
prompts  secours  envoyés  on  Hofiande,  et,  po 
mieux  dire,  tous  les  triomphes  que  la  Républiq 
a  sur  ses  ennemis. 


•  j'ai  eu  k  plaisir  hiét  de  ki^  COtltiaifiëMflO» 
avec  le  général  Moreau  ;  il  est  difficile  d'allier  att* 
tant  de  mérite  et  de  taodestie.  Il  iîi'a  parlé  dfe  vous  ; 
il  est  particulièrement  votre  ami  ;  il  a  apprîà  avèé 
joie  les  détails  que  j*ai  pu  lui  donner  ;  votre  mérite 
d'ailleurs  lui  est  parfaitement  cohtaU.  L'armée 
d'Italie  vient  de  remporter  un  léger  avàtttàgêi 
Tennemi,  faisant  sa  retraite  du  levant,  a  été  pour* 
suivi,  et  on  lui  a  fait  douze  cents  prisonniers. 

*  Croyez,  je  vous  prie,  à  Testime  et  à  l'Attiitié 
de  votre  èamarade.  » 

Vandamrtie  passa  lé  temps  de  son  congé  à  Gâs* 
sel,  où  il  rétablit  ia  santé,  et  ne  tarda  pas  à  se 
marier.  Il  avait  alors  Vingt -^ neuf  ans.  Aimatil 
beaucoup  Bonaparte,  il  applaudit  au  18  brtt* 
maire  et  à  ravèneifaenl  au  pouvoir*  du  vaîU(|ueUf 
de  l'Italie. 

Au  commencement  de  Tannée  1800,  MoreûU,  qui 
commandait  Tarmée  du  Rhin^  et  désirait  avoir 
Vandamme  sous  ses  ordres,  lui  écrivit  de  Bâlè 
(8  janvier)  : 

«  Recevez,  mon  cher  général,  mes  sincères 
félicitations  sur  les  brillants  succès  que  vous 
avez  obtenus  en  Hollande.  Ceux  qui  vous  con- 
naissent n'attendaient  pas  moins  de  votre  courage 
èl  des  talents  que  vous  avez  déployés  en  toute 
occasion. 

«  Lorsque  votre  santé,  bien  rétablie,  vous  per- 
mettra de  reprendre  un  service  actif  et  de  courir 
encore  les  chatices  de  la  guerre,  creye«  qUè  je 


-  48- 

serai  infiniment  flatté  que  nous  les  partagions  en- 
semble. 

«  Recevez  l'assurance  du  parfait  attachement 
que  je  vous  ai  voué  pour  la  vie.  » 

Vandamme  avait  été  fort  lié  avec  Moreau,  et, 
malgré  un  peu  de  refroidissement,  il  rendait  jus- 
tice à  ses  brillantes  qualités  comme  général,  et  ne 
demandait  pas  mieux  que  de  servir  sous  un  pareil 
chef. 

Il  obtint  facilement  un  emploi  à  l'armée  du  Rhin, 
à  laquelle  il  fut  nommé  le  26  janvier.  En  lui  fai- 
sant connaître  sa  nouvelle  destination,  Berthier, 
alors  ministre  de  la  guerre,  le  prévint  que  Tordre 
n'étant  pas  d'urgence,  il  ne  lui  serait  pas  alloué  de 
frais  de  poste.  Vandamme  en  écrivit  à  Moreau, 
qui,  ayant  hâte  d'organiser  son  armée,  lui  ré- 
pondit le  12  février  : 

«  Quoique  le  ministre  de  la  guerre  vous  pré- 
vienne, mon  cher  général,  qu'il  n'est  pas  urgent 
que  vous  vous  rendiez  à  Tarmée,  je  vous  invite  à 
hâter  votre  départ  pour  Baie.  J'espère  que  vous 
voudrez  bien  faire  l'avance  des  frais  de  poste,  et 
quand  vous  serez  arrivé  ici,  je  ferai  en  sorte  que 
tout  s'arrange  à  votre  entière  satisfaction. 

«  Vous  ne  doutez  pas  du  plaisir  que  j'aurai  de 
vous  revoir,  et  je  me  flatte  que  vous  ne  me  lais- 
serez pas  longtemps  dans  l'impatience.  » 

Vandamme  était  tout  disposé  à  rejoindre  l'ar- 
mée du  Rhin  dès  la  lin  de  février  ;  mais  une  lettre 
de  Bernadette  lui  apprit  que  le  grand  nombre  d'of- 


-  49  - 

ficiers  généraux  et  d'état  major  alors  à  cette  ar- 
mée, avait  fait  prendre  au  ministre  de  la  guerre  la 
détermination  d'en  envoyer  une  partie  dans  l'Ouest 
ou  en  Italie. 

Bernadette  ajoutait  que  si  une  de  ces  destina- 
tions pouvait  lui  convenir,  il  était  prêt  à  faire  des 
démarches  pour  cela,  ou  que  s'il  voulait  un  congé 
à  Toccasion  de  son  mariage,  le  ministre  était  dis- 
posé à  le  lui  accorder.  Vandamme,  qui  ne  croyait 
pas  à  la  reprise  prochaine  des  hostilités,  et  devant 
les  yeux  duquel  on  avait  fait  luire  le  prestige  du 
commandement  supérieur  de  plusieurs  départe- 
ments du  Nord  menaces  par  les  Anglais,  demanda 
que  ce  commandement  lui  fût  réservé.  Ne  sachant 
donc  pas  encore  positivement  s'il  serait  ou  non 
conservé  au  Rhin,  il  attendit  que  son  sort  fût  fixé 
pour  se  rendre  à  Baie,  où  il  arriva  enfin  dans  les 
derniers  jours  de  mars.  Il  apprit  qu'on  lui  desti- 
nait le  commandement  de  l'une  des  quatre  divi- 
sions du  corps  de  Tailc  droite,  corps  aux  ordres 
du  lieutenant  général  Lecourbc. 

Ce  dernier  lui  écrivit  le  30  mars  de  Zurich  pour 
le  prier  de  venir  sans  délai  à  Saint-Gall,  afin  d'y 
prendre  le  commandement  des  doux  premières  di- 
visions, fondues  en  une  seule  avec  le  n^  2.  Il  le 
prévint  que  cette  division  nouvelle  était  composée 
des  trois  brigades  Jardon,  Laval  et  Molitor. 

L'armée  du  Rhin  avait  alors  l'organisation  sui- 
vante : 

Aile  droite,  réserve,  centre,  aile  gauche.  —  Gé- 

II.  4 


—  80  — 

néral  en  chef,  Moreau  ;  chef  d'état  major  général, 
Dessolle.  —  Aile  droite  :  Lecourbe  ;  chef  d'étal 
major  général,  Gudin.  —  V^  division,  Montchoisy 
(six  mille  huit  cents  hommes);  2%  Vandamme 
(douze  mille  hommes);  3*,  Lorge  (neuf  mille  hom- 
mes) ;  4*,  Montrichard  (huit  mille  huit  cents  hom- 
mes), occupant  la  rive  gauche  du  Rhin,  du  con- 
fluent L'Aar  au  Saint-Bernard.  —  Réserve  sous 
les  ordres  directs  de  Moreau.  —  Divisions  Del- 
mas,  Leclerc,  Richepanse;  réserve  de  cavalerie, 
D'Hautpoul.  —  Centre,  général  Saint-Gyr;  divi- 
sions Ney,  Baraguey-D'Hilliers  et  Thurreau;  di- 
vision de  réserve,  Dcsbrulys.  —  Aile  gauche, 
général  Sainte-Suzanne  ;  divisions  actives  :  Co- 
laud,  Legrand,  Delaborde,  Levai;  deux  divisions 
territoriales. 

La  division  Vandamme  était  formée  des  bri- 
gades de  droite,  Molitor  (quatre  mille  quatre  cents 
hommes)  ;  du  centre,  Jardon  (trois  mille  hommes), 
et  de  gauche,  Laval  (  quatre  mille  quatre  cents 
hommes). 

Moreau  avait  conçu  un  plan  de  campagne  fort 
habile,  mais  pour  rexéculion  duquel  il  fallait  une 
grande  précision  de  mouvements,  des  généraux 
capables  et  d'excellentes  troupes.  Ce  plan  consis- 
tait à  agir  par  Taile  droite,  observant  le  Saint- 
Gothard  et  les  principaux  passages  du  Haut- Va- 
lais jusqu'aux  Grisons,  à  tromper  les  Autrichiens, 
à  les  retenir  sur  leur  propre  droite,  et  à  les  rejeter 
sur  la  rive  gauche  du  Danube,  isolant  ainsi  l'ar- 


—  51  — 

mée  autrichienne  de  Mêlas,  en  Italie,  de  celle  de 
Kray,  en  Allemagne. 

Le  Premier  Consul  n'approuva  pas  d'abord  ce 
plan.  Il  ne  songeait  qu'à  reconquérir  Tltalie,  et  il 
eût  voulu  que  l'armée  du  Rhin  se  bornât  à  para- 
lyser les  principales  forces  de  l'Autriche,  laissant 
le  rôle  principal  à  Tarmée  de  réserve  sous  ses 
ordres. 

Des  letlres  assez  importantes  furent  écrites  à 
cette  époque  par  Moreau  à  Bonaparte.  Nous  don- 
nerons les  Irois  suivantes,  deu,x  du  2  avril  et 
l'autre  du  4  du  même  mois,  parce  qu'elles  font 
connaître  parfaitement  la  situation  mihtaire  : 

«  L'ennemi  se  rassemble,  citoyen  Consul,  aux 
débouchés  de  Schaffouse  et  de  la  Vuttach.  Cela 
rendra  le  passage  du  haut  Rhin  dangereux,  même 
imprudent.  Alors,  je  déboucherai  avec  toute  Tar- 
mée,  excepté  le  corps  du  général  Lecourbe,  par 
Kehl,  Brisach  et  Baie,  et  me  rendrai  à  la  sortie 
des  montagnes  Noires  pour  me  porter  sur  ses  der- 
rières. Il  sera  forcé  de  quitter  sa  position  pour 
venir  me  combattre.  Lecourbe  passe  alors,  et  me 
joint  facilement  par  la  chaussée  de  Stulingen  et 
de  Schaffouse. 

«  S'il  prend  l'offensive,  Lecourboy  en  lui  oppo- 
sant  la  résistance  nécessaire  pour  retarder  sa 
marche,  s'en  ira  de  position  en  position  jusque 
derrière  la  Limath,  pendant  que  je  ferai  mon  mou- 
vement sur  ses  ponts. 

«  J'ai  laissé  au  corps  du  général  Lecourbe  sa 


—  62  — 

dénomination  de  droite.  Les  noms  ne  font  rien  à 
la  chose,  et  une  réserve  à  droite  indiquait  à  l'en- 
nemi qu'on  remploierait  autrement  qu'à  la  faire 
combattre  à  son  rang  de  bataille. 

«  Je  connais  d*autant  mieux  vos  idées  pour  la 
réserve  de  Dijon,  qu'avant  de  savoir  qu*elle  dût 
exister,  j'avais  le  projet,  si  nous  avions  des  succès 
décisifs,  de  faire  moi-même,  avec  une  partie  de 
l'armée,  la  pointe  de  l'Italie,  pour  dégager  noire 
armée,  et  à  confier  au  lieutenant  général  Saint-Cyr 
la  défensive  de  l'Allemagne  pendant  cette  incur- 
sion, que  j'estimais  devoir  être  de  six  semaines 
au  plus.  L'armée  qui  se  rassemble  à  Dijon  rem- 
plira le  but  bien  plus  facilement  et  plus  sûrement; 
mais  je  pense  qu'il  faudra  toujours  passer  par 
Laudec,  Sanders,  Botzen  et  Trente. 

«  Le  général  Lecourbe  a  envoyé  une  demi-bri- 
gade de  renfort  dans  le  Valais.  Le  3®  bataillon  de 
la  9*  légère  est  en  marche  pour  s'y  rendre.  11  as- 
sure que  le  Gothard  n'est  tenable  ni  pour  nous  ni 
pour  l'ennemi,  mais  qu'il  appartient  à  celui  qui  s 
le  Valais.  Il  est  gardé,  mais  on  ne  peut  y  envoyci 
trop  de  troupes,  par  la  difficulté  de  les  y  faire 
vivre. 

•  Il  a  fallu  laisser  deux  demi-brigades  à  Mayence 
en  attendant  Tarrivée  de  la  66*.  Je  viens  même 
d'ordonner  que  la  5*  et  la  17®  ne  partiraient  poui 
leur  destination  qu'à  son  arrivée,  pour  que  je 
puisse  en  retirer  un  bataillon  de  la  65®,  que  j'j 
avais  envoyé  pour  s'opposer  à  des  démonstrations 


assez  sérieuses,  que  le  corps  de  Starray,  resté  sur 
le  Necker  et  le  Mein,  avait  faites  contre  Cassel  et 
le  Palatinat.  Je  me  rends  à  Strasbourg,  où  j'achè- 
verai de  régler  tous  ces  objets.  Mais  il  faut  avoir 
un  moyen  de  connaître  la  mauvaise  volonté  des 
habitants  pour  se  figurer  combien  il  faut  de  troupes 
pour  disperser  et  garder  les  postes. 

«  Les  approvisionnements  que  vous  avez  or- 
donnés, et  ceux  de  vingt-cinq  à  trente  jours  né^ 
cessaires  à  Tarmée  pour  commencer  ses  opéra- 
tions, exigent  de  granJs  fonds.  Je  viens  de  prendre 
plus  d'un  million  sur  la  solde  pour  assurer  le 
service  courant.  Les  détails  que  le  général  Des- 
solle  envoie  au  ministre  de  la  guerre,  qui  sûre- 
ment vous  en  rendra  compte,  vous  en  convain- 
cront facilement.  Il  vous  instruira  également  des 
demandes  du  général  Eblé,  pour  les  chevaux  d'ar- 
lillerie.  La  lenteur  de  la  levée  du  quarantième  che- 
val nous  laisse  un  déficit  considérable,  et  si  on  ne 
le  remplit  très-incessamment,  nous  serons  forcés 
(le  faircla  campagne  sans  parc  et  sans  équipages 
de  pont. 

«  A  mon  arrivée  à  Strasbourg,  je  vous  expé- 
dierai un  courrier  pour  vous  donner  des  détails 
sur  la  gauche  de  l'armée.  Elle  se  forme  actuelle- 
ment d'après  la  nouvelle  organisation  que  j'ai  ar- 
rêtée. Quelque  désir  que  j'aie  de  la  voir  toute  ras- 
semblée, cela  m'est  impossible,  par  la  difficulté 
de  faire  vivre  les  chevaux. 

•  Salut  et  respect.  » 


—  il  — 

•  Le  général  Des>olIe  m'a  remis,  citoyen  Con- 
sul, votre  lettre  du  i5  mars.  II  m'a  appris  que 
votre  projet  n'était  pas  «le  venir  à  l'armée  du 
Rhin. 

•  Comme  Français,  j'aurais  désiré  vous  en  re- 
mettre le  commandement,  certain  des  succès  que 
vous  obtiendriez  ;  comme  général  en  chef,  j'étais 
également  aise  de  la  quitter,  j'avais  lieu  de  croire 
que  le  gouvernement  n'a\~ait  plus  en  moi  la  con- 
fiance que  doit  inspirer  un  général  en  chef.  L'ins- 
truction du  ministre  de  la  guerre  du  2  mars,  celle 
donnée  au  citoyen  d'Albe  et  dont  je  vous  envoie 
copie,  l'envoi  d'officiers,  les  uns  venant  à  l'armée 
avec  Tintention  d'aller  dire  aux  troupes  qu'ils 
étaient  venus  apporter  de  l'argent  et  qu'on  allait 
les  payer;  d'autres,  celle  de  visiter  des  avant- 
postes  occupés  depuis  longtemps  par  des  géné- 
raux qui,  certes,  auraient  pu  en  faire  un  rapport 
plus  exact  et  plus  détaillé  qu'un  oflicier  particu- 
lier qui  les  parcourt  en  poste  ;  des  ordres  pour 
placer  tel  et  tel  corps  dans  telle  garnison  ou  can- 
tonnement; des  changements  de  destination  qu'on 
adressait  directement  ou  à  des  généraux  ou  à  des 
officiers  particuliers,  etc.  J'étais  très-élonné  d'ap- 
prendre que  telles  divisions  ou  tels  postes  ces- 
saient d'être  occupés  parce  que  ceux  qui  y  étaient 
avaient  reçus  l'ordre  direct  de  quilter  Tannée. 
Une  vingtaine  d'officiers  du  génie  viennent  encore 
de  recevoir  l'ordre  de  se  rendre  à  Dijon.  Cela  m'a 
enfin  déterminé  à  défendre  à  qui  que  ce  soit  de 


quitter  Tarmée  sans  que  son  ordre  ait  été  vu  à 
l'état-major  pour  les  remplacements. 

«  J'ai  peut-être  à  me  reprocher  de  ne  pas  vous 
avoir  fait  part  de  ces  détails.  J'aurais  préféré  quit- 
ter l'armée  à  votre  arrivée,  et  que  vous  les  igno- 
riez toujours;  mais  ayant  appris  que  vous  aviez 
été  affecté  de  quelques-unes  de  mes  lettres,  et 
craignant  que  vous  ne  les  attribuiez  à  des  motifs 
qui  vous  fussent  personnels  ou  à  des  regrets  de 
me  voir  remplacer,  j'ai  dii  vous  faire  connaître  les 
causes  de  mes  dégoûts. 

«  Je  vous  assure  avec  la  même  franchise  que 
je  vous  suis  sincèrement  attaché.  Croyez  que  per- 
sonne n'apprécie  mieux  et  ne  rend  plus  de  justice 
à  votre  manière  de  gouverner.  Je  vous  crois  même 
nécessaire  à  la  tranquillité  et  au  bonheur  de  la 
République. 

«  La  confiance  que  vous  venez  de  me  témoi- 
gner, le  désir  d'être  utile  à  mon  pays,  m'imposent 
l'obligation  devons  seconder  de  tous  mes  moyens. 
J'ose  espérer  des  succès,  mais  je  vous  réponds 
de  tous  mes  efforts. 

•  Je  vous  prie  de  regarder  cette  lettre  comme 
particulière,  de  ne  faire  aucun  usage  des  détails 
qu'elle  contient,  dont  sûrement  vous  ignoriez  la 
plus  grande  partie,  et  de  croire  que  personne  ne 
vous  est  plus  sincèrement  attaché  que  moi.  » 

«  Comme  je  montais  en  voiture  pour  me  rendre 
à  Strasbourg,  citoyen  Consul,  j'ai  reçu  une  dé- 
pêche de  M.  de  Lehrbach,  contenant  celle  que 


—  Si  — 

j'eavôie  ?ar  -Te  rccr-i-fr  ti  citrven  Tallevrand. 

•  Crs:  Ji  ^îiix  M  jn  iTi'^rre.  La  première  est 
uri  cve^.ird'ecL:  ie^ir^^ix.  '711  rentira  le  k»onheurà 
Eocre  pa^ie.  Xet^cèr:  rie  Li  seo^ade.  s'il  faut  en 
\ciLs  Li.  ae  ^Hrrll  Zii5  zLilleorefise  :  mais  il  nous 
fa'it  de  rar^c.i  ^«i^ir  "«.s  appr^visioiinemeiils  et 
uce  mesure  pr^nz'.e  p^rir  les  chevaux  d'artillerie. 
Nous  en  avons  d:  ne  oa  ^pîr.r.-^  cents  à  Tinfirme- 
rie.  partîcuLîèremeaî  de  la  gauche.  Il  parait  qu'il 
y  a  eu  plus  fie  de  riiLs.>uciaiice.  Le  général  Eblé 
est  à  Strasb'-jur^.  Je  m'y  rends  également,  et  nous 
tirerons  cela  au  clair.  Je  crains  d'avoir  à  décou- 
vrir du  gaspillage  dans  quelques  officiers  d'artil- 
lerie. 

«  Je  serai  à  Strasbourg  trois  ou  quatre  jours. 
Vous  pouvez  m'y  faire  passer  vos  ordres  jusqu'au 
8.  Je  vous  prie  de  me  faire  connaître,  par  le  télé- 
graphe, si  nous  devons  combattre.  • 

Vandamne  fut,  à  cette  époque,  sur  le  point  de 
quitter  l'armée  de  Moreau.  Bemadotte  avait  fait 
des  démarches  auprès  du  Premier  Consul  pour 
lui  faire  obtenir  le  commandement  supérieur  des 
déparlements  du  Nord,  objet  de  ses  désirs,  et 
avait  [d'abord  réussi  ;  mais  ensuite  Bonaparte 
avait  décidé  que  le  commandement  ne  serait  affec- 
té au  général  qu'après  les  premières  opérations 
sur  les  bords  du  Rhin  et  le  passage  du  fleuve.  Le 
Premier  Consul  avait  l'intention  d'appeler  à  lui  la 
droite  de  l'armée  du  Rhin ,  pour  avoir  à  celle  de 
Réserve,  Lecourbe,  et  il  était  fort  aise  que  l'un  des 


divisionnaires  de  ce  dernier  fût  l'intrépide  Van- 
damine.  Voici  la  lettre  de  Bernadolte  : 

•  Depuis  ma  lettre  écrite,  mon  cher  général, 
lettre  dans  laquelle  je  vous  annonçais  que  vous 
recevriez  incessamment  des  lettres  de  comman- 
dement pour  les  départements  de  la  ci-devant 
Belgique,  le  Premier  Consul  a  changé  de  détermi- 
nation, et  sa  nouvelle  décision  vous  laisse  à  l'ar- 
mée du  Rhin,  où  vos  talents  et  vos  connaissances 
locales  sont  utiles.  Il  m'a  chargé  de  vous  dire 
qu'il  saisirait  avec  plaisir  Toccasion  de  vous  être 
agréable,  mais  qu'il  pensait  qu'au  moment  de  la 
reprise  des  hostiUtés,  vous  seriez  bien  aise  de  con- 
tribuer par  votre  courage  et  votre  persévérance 
aux  succès  qui  attendent  l'armée  du  Rhin.  Il  m'a 
ajouté  que  votre  division  était  aux  avant-postes, 
et  qu'il  ne  croyait  point,  s'il  en  jugeait  d'après  ses 
derniers  avis,  que  les  Anglais  et  les  Russes  opé- 
rassent un  débarquement  en  Hollande. 

•  Croyez,  mon  cher  général,  que  je  serai  tou- 
jours prêt  à  faire  valoir  vos  désirs  dans  la  suppo- 
sition que  vous  persistiez  dans  votre  premier  pro- 
jet, et  persuadez-vous  que  mon  attachement  pour 
vous  est  inaltérable.   » 

Le  bruit  du  départ  prochain  de  Vandamme  étant 
venu  aux  oreilles  de  Moreau,  le  général  en  chef 
témoigna  combien  il  serait  peiné  qu'il  le  quittât. 
Vandamme  se  hâta  de  lui  répondre  qu'il  mettait 
un  grand  prix  à  servir  sous  ses  ordres,  qu'il  n'a- 
bandonnerait l'armée  du  Rhin  qu'autant  que  ses 


uo 


dçrviœs  seraient  plus  utiles  ailleurs.  Pour  le  ras- 
surer complètement,  il  lui  envoya  copie  des  deux 
lettres  de  Bernadette. 

Le  10  avril  1800,  tout  faisait  présager  la  reprise 
prochaine  des  hostilités  sur  les  bords  du  Rhin.  Le 
chef  d'état-major  général  adressa  au  ministre  de 
la  guerre,  par  ordre  de  Moreau,  le  rapport  sui- 
vant, exposant  le  plan  défmitivement  adopté  par 
le  général  en  chef  : 

«  Citoyen  Ministre,  on  s'occupe  en  ce  moment 
de  réunir  l'armée,  et  tout  se  prépare  pour  l'entrée 
en  campagne.  Le  général  en  chef,  qui  fait  un 
voyage  à  Zurich,  pourra  vous  écrire,  à  son  retour, 
le  jour  fixé  pour  le  commencement  des  opéra- 
tions. 

f  Le  principal  effort  devant  se  porter  sur  la 
gauche  de  l'ennemi,  appuyée  au  bas  de  Cons- 
tance, le  général  Sainte-Suzanne  débouchera  par 
Kehl,  et  fera  des  mouvements  dans  le  Kintsig, 
pour  engager  une  partie  des  forces  de  l'ennemi 
dans  cette  vallée,  et  occuper  le  général  Starray, 
qui  se  trouve  vers  Rastadt. 

•  Le  général  Saint-Cyr  débouchera  par  Brisach 
et  menacera  le  val  d*Enfer.  Ses  premières  opéra- 
tions paraissant  se  lier  à  celles  du  général  Sainte- 
Suzanne,  il  aidera  à  l'effet  de  la  diversion  qu'il 
doit  opérer. 

f  Le  général  Leclerc  sortira  avec  sa  division 
par  Baie  et  se  portera  jusqu'à  Schillingen,  sou- 
teau  par  la  division  du  général  Delmas,  pour 


-B9- 

ieux  dessiner  le  projet  de  nous  servir  de  la  forêt 
)ire,  pour  déboucher  dans  la  Souabe. 
«  Ensuite,  à  jour  fixé,  tous  ces  différents  corps 
Jrcheront  par  leur  droite,  et  suivront  la  rjve 
Dite  du  Rhin  et  les  villes  forestières,  se  porte- 
it  sur  Valdstatt ,  tandis  que  le  reste  du  corps  du 
aérai  Morcau  marchera  par  la  rive  gauche,  et, 
adant  que  le  général  Lecourbe  effectuera  son 
ssage  soit  à  Diessenhofen ,  soit  à  Eglisau  ou 
tisenthal,  les  mouvements  de  l'ennemi  décide- 
it  le  choix  du  passage.  L'ennemi,  forcé  de  com- 
ttre  désavantageusement  sur  le  Rhin  par  cette 
ération,  se  portera  sans  doute  sur  Stokach  ou 
V  une  ligne  plus  en  arrière.  Ses  opérations  dé- 
leront  de  celles  du  général  en  chef. 
«  Le  général  Sainte- Suzanne  seul  se  repliera 
r  Kehl  sur  la  gauche  du  Rhin,  et  marchera  der- 
re  ce  fleuve  jusqu'à  Brisach.  Les  circonstances 
cideront  s'il  doit  se  joindre  à  nous  ou  par  le 
1  d'Enfer,  sur  Hoffingen,  ou  par  la  vallée  du 
lin,  ou  bien  se  borner  à  couvrir  les  ponts  de 
îsach  et  Bâle,  en  nous  faisant  rejoindre  la  plus 
ando  partie  de  son  infanterie. 
•  II  serait  possible  que  si  l'ennemi  donnait  dans 
diversion  du  général  Sainte-Suzanne,  le  corps 
*il  aurait  engagé  dans  la  vallée  de  la  Kintzig 
ivàt  plus  tard  à  la  grande  armée  que  le  général 
inte-Suzanne  à  Hoffingen,  'où  il  nous  aurait 
pipt. 
«  L'on  fait  tous  les  prépar^lifs  néoesâairea 


—  60  — 

-  •  •  * 

pour  réparer  les  ponts  sur  le  Rhin,  depuis  Bâ 
jusqu'à  Schaffouse,  et  pour  en  jeter  un  à  Valdsta 
par  l'embouchure  de  TAar. 

«  Salut  et  respect.  » 

Ce  plan  de  Moreau  contrariait  les  projets  c 
Bonaparte,  et  il  ne  nous  paraît  pas  douteux  qi 
de  cette  époque  et  de  cette  circonstance,  da 
l'antipathie  de  ces  deux  grands  hommes  de  guen 
l'un  contre  l'autre. 

Le  Premier  Consul  voulait  seulement  que  1 
Suisse  fut  bien  gardée,  pour  pouvoir  descend] 
par  les  montagnes  dans  les  plaines  de  la  Lon 
hardie  ;  il  voulait  que  Moreau  restât  en  observî 
tion  et  détachât  toute  son  aile  droite  pour  renforc( 
Tarmée  de  réserve.  C'est  dans  ce  but  qu'il  ava 
fait  donner  à  Lecourbe  le  commandement  de  l'ai 
droite,  attendu  qu'il  appréciait  la  valeur  de  c< 
officier  général,  son  habileté  dans  la  guerre  c 
montagnes  et  sa  connaissance  du  pays.  Or,  L( 
courbe  préférait  servir  sous  Moreau  ;  il  témoigr 
une  sorte  d'éloignement  à  faire  partie  de  l'arme 
de  réserve.  Moreau,  au  lieu  de  se  prêter  à  ce  qi 
son  aile  droite  fût  détachée  à  l'armée  de  Bom 
parte,  au  lieu  de  lui  donner  Lecourbe,  se  borna 
envoyer  quelques  troupes  dont  on  fit  un  corps  au 
ordres  de  Moncey.  Lecourbe  ne  cacha  pas  sa  sî 
tisfaction  de  ne  pas  quitter  Moreau.  Voilà  ce  qi 
exphque  les  sentiments  de  ces  trois  hommes  Tu 
pour  l'autre,  et  l'éloignement  constant  de  Lecourl 
des  armées  impériales. 


—  01   — 

Ajoutons  que  Bonaparte  avait  fait  placer  Van- 
damme  à  Taile  droite  de  Moreau,  précisément 
dans  le  but  de  l'avoir  bientôt  sous  ses  ordres, 
puisqu'il  espéra  longtemps  que  les  quatre  belles 
divisions  de  Lecourbe  le  joindraient  en  Italie  ; 
c'est  aussi  à  cause  de  cela  qu'il  ajourna  le  com- 
mandement de  Vandamme  en  Belgique. 

Ce  que  nous  disons  là  résulte  d'une  instruc- 
lioii  très-détaillée  adressée,  d'après  les  ordres  de 
Bonaparte,  à  Moreau,  par  le  ministre  de  la  guerre, 
instruction  fort  remarquable,  qui,  sans  dévoiler 
le  véritable  projet  du  Premier  Consul,  renfermait 
tout  son  plan  de  campagne  et  indiquait  la  force, 
la  composition  du  corps  qui,  sous  Lecourbe,  de- 
vait être  détaché  de  l'armée  du  Rhin,  pour  rallier 
celle  dite  de  Réserve. 

Moreau  résista  aux  insinuations,  puis  aux  or- 
dres du  gouvernement.  Il  voulait  agir  non  pas 
d'une  façon  passive,  mais  d'une  façon  active,  dans 
celle  guerre  contre  rAutriche.  Bonaparte,  pour 
ne  pas  dévoiler  entièrement  ses  projets,  fut  con- 
traint de  ne  pas  pousser  les  choses  à  l'extrême, 
mais  de  là  vinrent  les  germes  de  leurs  dissenti- 
ments. Ce  que  le  Premier  Consul  pardonna  le 
moins  à  Moreau,  ce  fut  de  garder  Lecourbe,  qu'il 
désirait  par-dessus  tout  avoir  dans  son  armée 
d'Italie  avec  ses  divisions. 

L'importance  que  Bonaparte  attachait  à  avoir 
Lecourbe  avec  lui  ressort  des  notes  qu'il  lui  fit 
demander  sur  la  défense  de  la  Suisse  et  sur  les 


-62- 

débouchés  de  Tllalie,  des  Grisons,  du  Vorariberg, 
notes  qui  existent  en  original. 

Comme  nous  Tavons  dit,  Moreau  s'obstina  à 
garder  le  commandant  de  son  aile  droite,  et  con- 
sentit à  composer  un  corps  de  onze  bataillons  qu'on 
mit  sous  Moncey  pour  former  une  réserve  en 
Helvélie,  jusqu'au  moment  où  une  division  de 
Tarmée  de  Bonaparte  viendrait  relever  ce  pelil 
corps  et  lui  permettre  d'occuper  les  débouchés  de 
la  vallée  des  Grisons. 

Moreau  se  prêtait  si  peu  aux  combinaisons  de 
Bonaparte,  qu'après  avoir  lu  le  plan  qui  lui  était 
adressé  par  le  ministre  de  la  guerre ,  il  répondit 
directement  au  Premier  Consul:  «  Que  dans  sa 
conviction,  l'armée  de  réserve  serait  fort  bien 
placée  à  Genève  d'où  elle  pourrait  observer  la 
Suisse,  et  rendre  disponibles  les  troupes  de  Far- 
mée  du  Rhin,  lesquelles  agiraient  sur  le  Reinthal 
et  les  Grisons  ;  que  Moncey  défendrait  la  Suisse  ; 
qu'il  avait  fait  proposer  un  armistice  au  général 
en  chef  autrichien  Kray  ;  que  s'il  n'avait  pas  la 
réponse  sous  vingt-quatre  heures,  il  ferait  débou- 
cher son  armée.  » 

Dans  une  autre  lettre  du  même  jour,  Moreau 
disait  au  ministre  de  la  guerre  : 

«  Que  puisque  l'on  faisait  dépendre  les  opéra- 
tions de  l'armée  d'Italie  des  succès  que  celle  du 
Rhin  obtiendrait  sur  le  général  Kray,  on  aurait 
du  diriger  principalement  sur  cette  dernière  tous 
les  efforts  ainsi  que  les  troupes  qui  étaient  à  Di- 


—  63  — 

jon  ;  qu'il  espérait  battre  Tennemi;  mais  qu'il  eût 
répondu  du  succès  s'il  eût  pu  l'attaquer  il  y  a  un 
mois,  lorsque  les  Autrichiens  n'étaient  pas  en  me- 
sure ;  qu'il  allait  faire  déboucher  le  corps  du  gé- 
néral Sainte-Suzanne  par  Kehl,  pour  atlirer  l'en- 
nemi de  ce  côté  ;  que  le  général  Saint-Cyr  débou- 
cherait par  Brisach,  menaçant  le  val  d'Enfer,  et 
suivrait  ensuite,  par  un  mouvement  rapide,  le 
corps  qui  marcherait  sur  les  villes  forestières; 
qu'il  serait  bon  que  le  corps  du  Valais  fût  appuyé 
par  une  division  de  l'armée  de  réserve,  parce  qu'a- 
lors on  attaquerait  les  Grisons  et  l'on  pourrait,  en 
entrant  par  la  vallée  de  Feldkirch,  s'emparer  de 
tout  le  Vorarlberg.   » 

On  voit  que  Moreau  n'entendait  nullement  cé- 
der le  rôle  principal  à  l'armée  de  Réserve,  qu'il 
considérait  en  quelque  sorte  comme  une  annexe 
de  la  sienne,  tandis  que  Bonaparte,  de  son  côté,  ne 
voulait  faire  jouer  qu'un  rôle  secondaire  aux  trou- 
pes de  Moreau.  Ce  dernier,  la  veille  d'entrer  en 
campagne,  adressa  au  gouvernement  un  rapport 
que  nous  allons  donner  complet,  parce  qu'il  ré- 
sume admirablement  la  position  des  armées  sur 
les  bords  du  Rhin  : 

•  Le  Premier  Consul,  dans  Tinstruction  qu'il  me 
donna  à  mon  départ,  désirait  que  l'armée  du  Rhin 
s'emparât  de  la  Bavière  le  plus  promptement  qu'il 
serait  possible.  L'état  de  dénuement  de  l'armée,  la 
rigueur  de  la  saison,  le  défaut  de  subsistances,  de 
solde  et  d'habillement,  le  délabrement  de  la  cava- 


—  64  — 

lerie,  avaient  rendu  toute  opération  impossible 
pendant  l'hiver  ;  à  présent  même  la  rigueur  du 
temps  pourra  retarder  de  quelques  jours  Tentrée 
de  la  campagne.  L'armée  de  la  République  est 
forte  d'environ  cent  mille  hommes  d'infanterie  et 
treize  mille  chevaux.  L'armée  ennemie  est  forte 
d'environ  quatre-vingt-quinze  mille  hommes,  doiil 
vingt-sept  mille  chevaux.  On  n'y  comprend  pas 
tous  les  corps  d'émigrés  à  la  solde  de  l'Angleterre, 
les  mihces  et  troupes  de  Souabe,  Franconie  et  Ba- 
vière; cela  pourra  surpasser  notre  nombre,  mai^ 
nous  devons  nous  regarder  supérieurs  en  troupes 
d'infanterie  régulières  et  aguerries. 

«  L'armée  de  la  Répubhque  est  placée  sur  h 
rive  gauche  du  Rhin,  depuis  la  frontière  des  Gri- 
sons jusqu'à  Mayence,  avec  quatre  têtes  de  pont  i 
Baie,  Vieux-Brisach,  Kehl  et  Gassel.  Il  y  a  à 
plus  un  corps  de  troupes  dans  les  vallées  du  RhôiK 
et  de  la  Reuss.  L'armée  ennemie  occupe  la  riv( 
opposée  du  Rhin,  mais  sans  têtes  de  pont.  Sî 
gauche,  aux  ordres  du  général  Petrasch,  s'étem 
de  Coire  à  Lindau.  Le  centre,  commandé  par  li 
général  Nauendorf,  est  i)lacé  de  Lindau  à  la  vallc< 
de  la  Kintsig.  La  droite,  aux  ordres  du  généra 
Starray,  s'étend  de  la  Kintsig  à  la  Nidda.  La  ré 
serve  est  aux  environs  de  Donaueschingen,  quar 
tier  général  du  prince  Charles,  commandant  d 
l'armée. 

«  Les  meilleures  communications  pour  entre 
en  Allemagne  sont  les  chaussées  de  Schaffouse,! 


—  es- 
vallée  de  la  Wuttach,  le  val  d'Enfer,  la  Kinlsig,  les 
chaussées  de  Pforzheim,  les  vallées  du  Necker  et 
iu  Mein.  La  nécessité  de  couvrir  la  Suisse  exige 
juon  débouche  par  les  communications  qui  y 
aboutissent  ;  mais,  pour  diminuer  les  obstacles  qui 
peuvent  être  difficiles  à  vaincre  dans  un  pays  res- 
serré et  coupé  de  défilés,  et  où  se  trouvent  réunies 
les  plus  grandes  forces  de  Tennemi,  il  faut,  par  de 
fausses  démonstrations,  l'engager  à  dégarnir  le 
point  où  Ton  veut  faire  Teffort.  Les  places  de 
Mayence  et  de  Cassel  sont  d'un  intérêt  si  majeur 
pour  la  République,  qu'on  ne  peut  les  abandonner 
à  la  garde  de  quelques  dépôts.  Un  revers  considé- 
rable à  notre  droite,  l'ennemi  pourrait  y  diriger  un 
effort  d'une  conséquence  majeure.  D'après  cela, 
j'avais  cru  devoir  former  la  garnison  complète  de 
ces  places,  dont  je  tirais  le  double  avantage  de 
n'avoir  nulle  inquiétude  sur  elle,  quelque  événe- 
ment qu'il  arrive,  mais  encore  de  faire  agir  ce 
corps  sur  le  liane  droit  et  les  derrières  de  l'armée 
ennemie,  et  de  mettre  à  contribution  la  Franconie 
et  les  cercles  du  haut  Rhin. 

•  Le  reste  de  l'armée  devra  déboucher  en  trois 
corps. 

•  Celui  de  droite,  aux  ordres  du  général  Le- 
courbe,  doit  tenter  un  passage  du  Rhin,  entre 
Schaffouse  et  le  lac  de  Constance  ,  soutenu  par 
le  centre  dé  l'armée  à  mes  ordres  qui,  partant  de 
Bàle  et  remontant  la  rive  droite  du  Rhin,  débou- 
chera par  là  vallée  de  la  Wuttach. 

Il  S 


-66- 

•  La  gauche,  aux  ordres  du  général  Saint-Cyr, 
sortira  par  le  Vieux-Brisach,  et  se  dirigera  par 
Neustadt  et  Laffingen  pour  joindre  Tarmoe  qui 
doit  prendre  sa  position  appuyée  au  lac  de  Cons- 
tance, entre  Slokach,  Engen  et  Furstemberg.  Un 
corps  de  flanqueurs,  passant  par  Lorach  et  Sainte- 
Maise,  doit  servir  à  lier  le  corps  de  gauche  au  centre. 

«  Le  mouvement  de  Tarmée  doit  s'exécuter  à 
partir  de  ses  cantonnements  et  sans  se  rassembler, 
moyen  sûr  de  mettre  de  Tincertitude  dans  la  dé- 
fense de  Tennemi. 

«  J'avais  calculé  que  le  corps  de  Mayence  me 
débarrasserait  entièrement  du  corps  du  général 
Starray.  Une  fausse  attaque  des  troupes  de  Kehl, 
vers  la  Kinlsig,  doit  y  attirer  quelques  troupes  de 
la  réserve  de  Donaueschingen,  et  avec  l'armée 
forte  d'environ  soixante-dix-huit  mille  hommes 
d'infanterie  et  douze  mille  chevaux ,  j'abordera 
l'armée  ennemie  qui  se  trouve  entre  le  lac  de  Gon 
stance  et  le  Danube.  Le  mouvement  du  corps  d( 
Saint-Cyr  par  le  val  d'Enfer  est  difticile.  Si  h 
corps  du  général  Starray  est  bien  occupé  par  1( 
corps  de  Mayence,  le  débouché  de  la  Kintsig  es 
bien  préférable  quoique  plus  éloigné. 

«  Si  l'ennemi  se  détermine  à  recevoir  le  combat 
il  est  à  présumer  qu'il  ne  pourra  résister  à  nolri 
effort.  Alors  on  peut  espérer  d'envahir  la  Bavière 
et  faire  même  un  détachement  pour  seconde 
l'armée  d'ItaUe  ou  s'opposer  à  celui  que  l'ennem 
fera  probablement  en  Helvétje, 


—  67  — 

«  S'il  ne  reçoit  pas  le  combat,  au  débouché  des 
montagnes,  ce  qui  est  probable  et  à  craindre,  il 
nous  force  à  le  suivre  avec  Tarmée  qu'il  faudra 
cependant  affaiblir  pour  garder  Tllelvétie.  Il  se 
retirera  dans  son  camp  d'Ulm  couvert  par  le  Da- 
nube et  cette  place,  ou  derrière  les  rivières  qui 
sortent  du  Tyrol,  appuyé  aux  montagnes. 

•  Dans  la  première  supposition,  le  corps  du  gé- 
néral  Sainte-Suzanne  ,  placé  sur  ses  derrières, 
rendra  l'attaque  du  camp  retranché  assez  facile. 
Dans  la  seconde,  il  faut  le  suivre  avec  rapidité 
d'ensemble  pour  le  forcer  à  combattre,  car  il  nç 
faut  pas  se  dissimuler  que  quelques  succès  bien 
prononcés  sont  nécessaires  pour  assurer  Tenva- 
hissement  de  la  Bavière. 

«  Voilà  mes  idées  sur  le  début  de  la  campagne. 
La  suite  des  opérations  tient  aux  mouvements  que 
feront  les  armées  ennemies,  tant  en  Allemagne 
qu'en  ItaUe. 

«  Je  désire  que  ces  idées  soient  utiles  au  Pre- 
mier Consul.  » 

Les  opérations  commencèrent  le  25  avril.  L*aile 
gauche  (quinze  mille  hommes)  passa  le  Rhin  à 
Kelil,  se  porta  sur  Offenburg  ;  le  général  Sainte- 
Suzanne,  qui  la  commandait,  battit  Tennemi  et  le 
rejeta  au  delà  de  celte  ville.  Le  même  jour,  Saint- 
CvT,  avec  le  centre  (vingt  mille  hommes),  franchit 
le  fleuve  à  Vieux-Brisach  ,  s'empara  de  Fribourg 
et  étendit  sa  gauche  vers  rentrée  de  la  vallée  de  la 
Kintzig.  Le  37,  Moreau,  avec  le  corps  de  réserve, 


—  68-^ 

passa  également  le  pont  de  Bàle.  La  division 
Delmas,  après  un  beau  combat,  repoussa  Tenneiiii; 
celle  du  général  Richepanse  le  culbuta  à  Sainte- 
Biaise. 

Les  Autrichiens,  crovant  avoir  affaire  à  toute 
Tarmée  française,  se  replièrent  pour  prendre  une 
nouvelle  ligne.  Le  30  avril  la  Wutlach  fut  franchie, 
l'armée  marcha  pour  se  rapprocher  de  Lecourbe, 
qui  avait  ordre  d'opérer  son  pa-sagc  le  1*^'  mai, 
alin  de  rallier  Moreau  sur  Schaffouse  et  Stul- 
lingen. 

A  l'aile  droite,  où  se  trouvait  Vandamme,  il  ne 
s'était  rien  passé  pendant  le  mois  d'avril,  si  ce 
n'est  une  fausse  alerte,  donnée  le  12,  par  un  mou- 
vement de  l'ennemi,  qu'un  des  chefs  de  demi-bri- 
gade de  la  division  avait  pris  pour  une  préparation 
à  une  attaque  sérieuse.  On  avait  bientôt  reconnu 
que  loin  de  songer  à  franchir  le  Rhin,  l'adversaire 
paraissait  parfaitement  tranquille  de  ce  côté,  cl 
sans  nulle  défiance.  Or,  un  des  principaux  élé- 
ments de  succès  pour  le  plan  de  Moreau  con- 
sistait à  attirer  les  Autrichiens  sur  notre  gauche 
en  leur  laissant  croire  que  l'aile  droite  n'avait  pa^ 
à  agir  directement. 

Le  19  avril,  Lecourbe  ,  qui  avait  été  recevoir  d( 
Moreau,  à  Baie,  ses  dernières  instructions,  donne 
à  Vandamme  l'ordre  :  de  couper  toute  communi- 
cation entre  les  deux  rives  du  Rhin,  soit  par  le  lac 
de  Constance,  soit  sur  tout  autre  point,  à  parti] 
du  23  ;  de  réunir  toutes  les  barques  grandes  el 


petites   vers   Constance ,  n'en  laissant   aucune 
ailleurs,  sous  quelque  prétexte  que  ce  fût,  et*  les 
plaçant  aux  mains  d'un  détachement  chargé  de  les 
garder  nuit  et  jour;  de  prescrire  au  général  Jar- 
don  de  faire  beaucoup  de  simulacre  dans  le  haut 
Rheinthal ,  afin  d'attirer  de  ce  côté  Tattenlion  de 
l'ennemi,  et  de  faire  croire  qu'on  avait  l'intention 
de  se  jeter  dans  les  Grisons  ;  de  répandre  le  bruit 
que  l'armée  de  Réserve  se  portait  dans  le  Rhein- 
thal, et  que  ses  têtes  de  colonne  étaient  déjà  à 
Berne;  enfin,  de  faire  charger  l'équipage  du  pont 
de  sa  division,  et  de  le  faire  conduire  à  Rheineck, 
comme  si  on  allait  se  porter  entre  TIll  et  le  lac.  Le 
général  Laval ,  en  vertu  de  ces  mômes  instruc- 
tions, reçut  l'ordre  de  s'établir  vers  Rheineck  et 
de  pousser  de  ce  côté  un  ou  deux  bataillons. 
•  Je  ferai  en  sorte,   ajoutait  Lecourbe  dans  sa 
leltre  du  19  avril,  d'aller  vous  voir  un  de  ces  jours, 
el  vous  instruirai  des  mouvements  ultérieurs  de 
voire  division.  Ne  la  poussez  cependant  pas  trop  à 
droite,  votre  mouvement  devant  se  faire  sur  la 
gauche.  Il  m'importe  que  l'ennemi  croie  que  nous 
voulons  déboucher  à  droite,  afin  qu'il  y  tienne  le 
nombreux  corps  de  troupe  qui  s'y  trouve.  Faites 
rapprocher  du  Rhin  et  du  lac  toutes  vos  troupes,  à 
dater  du  24,  que  tous  vos  postes  soient  doublés, 
triplés  même,  de  manière  qu'aucun  espion  ne 
puisse  passer.  Recommandez  au  général  Molitor, 
surtout,  la  plus  grande  surveillance,  et  invitez-le 
à  se  rapprocher  du  Rhin,   du  côté  de   Steck- 


—  7U  — 

born  (sur  la  route,  entre  Stein  et  Constance). 

«  Le  pont  est  jeté,  et  le  23  ou  24  ,  commence  le 
branle-bas  à  la  gauche.  » 

Deux  jours  plus  tard,  le  21  avril,  Lecourbe  fil 
connaître  à  Vandamme  que  le  mouvement  étail 
retardé,  et  ne  devait  commencer  à  la  gaucho  que 
le  25  ;  qu'il  valait  mieux  ne  faire  les  démonstra- 
tions sur  la  droite  que  le  26  ou  le  27,  au  lieu  di 
23  ou  du  24. 

Le  général  Molitor,  qui  devait  opérer  avec  ô« 
brigade,  en  tête  de  colonne  ,  fit  alors  une  recon- 
naissance pour  déterminer  un  point  de  passage 
entre  Stein  et  Reichlingen.  Ce  dernier  point  lui 
parut  présenter  de  grandes  difficultés,  tandis  qnè 
une  demi-lieue  sur  la  droite  de  Reichlingen,  entre 
cette  ville  et  Vageahausen,  il  y  avait  un  autre  poinl 
réunissant  les  conditions  les  plus  avantageuses. 
«  Le  Ueu  d'embarquement  est  contigu  à  la  route 
de  Stein  à  Schaffouse,  disait  le  général  dans  son 
rapport,  celui  de  débarquement  touche  à  celte 
route  et  à  celle  de  Stockach.  Sur  la  rive  droite,  le 
Rhin  est  étroit,  Tennemi  a  néglige  ce  poinl  qu'il 
ne  paraît  pas  apprécier,  et  ne  peut  opposer  là  que 
peu  de  troupes,  etc.   » 

L'ennemi,  vers  le  24  avril,  commença  à  avoir 
l'évçil.  Soit  que  les  démonstrations  trop  bruyantes 
du  général  Jardon  à  droite,  soit  que  les  recon- 
naissances de  Molitor  sur  la  gauche  lui  eussent 
indiqué  des  intentions  prochaines,  il  doubla  ses 
postes  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  parut  inquiet 


et  porta  son  attention  entre  Stein  et  Rechlingen. 

En  rendant  compte  à  Vandamme  de  ce  qui  se 
passait,  Molitor  lui  manda,  le  24  avril  :  que  le 
rassemblement  des  barques  ne  pouvait  être  opéré 
à  Constance ,  qu'il  venait  de  s'en  assurer  par 
lui-même,  qu'il  serait  impossible,  môme  de  nuit, 
d'en  remontrer  une  seule  sous  le  fou  de  Tennemi, 
tant  le  fleuve  était  étroit  près  de  Gottlieben  ;  qu'il 
fallait  les  réunir  au  village  de  Ermadingen,  à  une 
lieue  au-dessous  de  Constance. 

Le  15  avril,  Vandamme  reçut  de  Lecourbe  Tor- 
dre de  faire  les  dispositions  pour  le  passage.  Il 
devait  :  placer  ses  troupes  le  27,  de  façon  à  ce  que 
le  28  et  le  29 ,  elles  pussent  être  réunies  sur 
Stamen ,  un  peu  en  arrière  de  Stein ,  où  lui- 
même  s'établirait  le  29  ;  faire  camper  sa  division 
le  29 ,  en  avant  de  Stamen ,  en  évitant  que  les 
feux  de  bivouacs  ne  soient  aperçus  de  la  rive 
droite,  etc.,  etc. 

L*inslruction  du  commandant  de  Taile  droite 
était  nette  ,  détaillée  et  cependant  très-précise. 
Vandamme  se  hâta  de  s'y  conformer  en  tous 
points. 

La  brigade  Molitor,  qui  devait  franchir  le  fleuve 
la  première,  fît  réunir  pendant  la  nuit  du  26  au  27 
a\Til,  à  Ermadingen,  toutes  les  barques  qui  se 
trouvaient  sur  la  rive  gauche  du  lac.  Le  général 
en  eut  ainsi  à  sa  disposition  quatre-vingt-dix, 
dont  trois  grandes,  pouvant  contenir  deux  cents 
hommes,  sept  moyennes,  cinquante-trois  plus  pe- 


-  7î  — 

tîles  et  quelques  canots.  L'ennemi  s'était  aperçi 
de  l'opération,  avait  battu  la  générale,  se  tenan 
sous  les  armes  pendant  toute  la  nuit. 

Enfin,  le  i^^  mai,  avant  la  levée  de  l'aurore,  des 
officiers  de  l'état-mÉyor  du  général  Lecourbe  s( 
rendirent  aux  différentes  colonnes  qu'ils  étaient 
chargés  de  guider,  et  le  mouvement  commença. 
Les  opérations  effectuées  par  l'aile  gauche,  le  cen- 
tre et  la  réserve,  avaient  permis  à  ces  différents 
corps  àe  l'armée  de  Moreau,  de  se  rapprocher  de 
Taile  droite,  de  façon  à  ce  que,  le  fleuve  franchi  pai 
Lecourbe,  les  diverses  parties  pussent  se  soudei 
ensemble. 

Entre  Constance  et  Schaffouse,  un  peu  au- 
dessous  de  Stein,  la  chaîne  des  hauteurs  escar- 
pées qui  bordent  la  rive  droite  du  Rhin,  est  brus- 
quement interrompue  et  présente  une  ouverture 
qui  laisse  apercevoir  un  petil  fort  commandani 
cette  vallée,  et  appelé  Hohentwiel.  Il  était  occupé 
par  des  troupes  wurtembergeoises.  Ce  fut  vis-à- 
vis  cette  ouverture,  de  deux  mille  mètres  enviror 
de  largeur,  au  village  de  Reichlingen,  qu'eut  liei 
le  passage  exécuté  de  vive  force. 

Le  général  Molitor  était  chargé  de  franchir  le 
Rhin  avec  les  premières  troupes.  Ces  troupes  ne 
se  trouvèrent  pas  à  l'heure  dite  au  point  indiqué  ; 
alors,  n'écoulant  que  son  courage,  le  brave  gé- 
néral s'embarqua  avec  quarante  hommes  de  h 
1^  légère,  et  sautant  sur  la  rive  droite,  il  se  jetf 
à  leur  tête  sur  les  avant-postes  ennemis  qu'il  re- 


••w 


poussa.  Deux  compagnies  de  la  36^  de  ligne  iqui, 
avec  leur  demi-brigade  devaient  demeurer  en  ré- 
sei-ve,  et  se  trouvaient  de  garde  sur  le  Rhin,  voyant 
lepassage  commencé,  se  précipitèrent  sans  attendre 
d'ordres  de  leurs  chefs  dans  les  premiers  bateaux 
sous  leurs  mains,  débarquèrent,  vinrent  en  aide 
au  détachement  du  général  Molitor  ,  et  tinrent 
ferme  jusqu'à  l'arrivée  des  deux  premiers  ba- 
taillons de  la  86*.  Les  troupes  s'établirent  ensuite 
àGotterdingen,  et  les  ponts  ayant  été  établis  vers 
midi,  toute  Taile  droite,  vingt  mille  hommes,  avec 
lartillerie  fut  transportée  sur  la  rive  ennemie. 

Vandamme  ayant  opéré  le  passage  avec  sa  di- 
vision, marcha  sur  le  petit  fort  de  Hohentwiel,  qui 
se  rendit  à  lui  sans  coup  férir.  Lecourbe  se  lia  par 
sa  gauche  avec  le  corps  de  réserve  où  se  trouvait 
Moreau.  Il  fit  repousser  les  troupes  autrichiennes 
qui  avaient  essayé  de  s'opposer  au  passage,  et  qui, 
à  la  suite  d'une  bonne  défense,  se  mirent  en  re- 
traite sur  Stokach. 

Ainsi,  après  des  marches  longues  et  pénibles 
effectuées  par  l'aile  gauche,  le  centre  et  la  réserve, 
après  le  passage  du  fleuve  par  l'aile  droite,  après 
avoir  trompé  l'ennemi  qui  attendait  l'armée  fran- 
çaise avec  la  majeure  partie  de  ses  forces,  vers  le 
débouché  de  Kintzig  et  du  Val-d'Enfer,  l'armée  de 
Moreau  se  trouva  réunie  et  en  bataille ,  sa  droite 
au  lac  de  Constance,  et  en  mesure  d'enlever  cet 
appui  important  au  général  Kray.  Ce  dernier,  re- 
venu de  son  erreur,  manœuvrait  avec  le  plus  de 


rapidité  possible  pour  gagner  Stockach  avant  son 
adversaire.  Moreau  espéra  le  surprendre  pendant 
cette  marche  de  flanc,  et  donna  Tordre  de  mou- 
vement pour  le  3  mai.  Lecourbe  se  porta  sur  Stoc- 
kach, le  corps  de  réserve  se  dirigea  sur  Engen,  le 
corps  de  Saint-Cyr  eut  ordre  de  se  diriger  éga- 
lement sur  Engen  par  Stutlingen.  La  réserve  de 
cavalerie  du  général  d'Hautpoul  suivit  le  corps 
de  réserve,  les  équipages,  à  Texception  des  am- 
bulances, restèrent  en  arrière. 

Moreau  voulait,  par  cette  manœuvre,  séparer  la 
gauche  de  Tennemi  du  corps  occupant  les  Grisons, 
et  s'établir  sur  la  ligne  de  Stockach  à  Engen. 

L'aile  droite  se  mit  en  mouvement  le  3  mai,  à 
sept  heures  du  matin.  La  1^*  division ,  celle  de 
Vandamme,  se  liant  avec  la  2®  du  général  Mont- 
richard  ,  se  dirigea  sur  Sernadingen.  Ces  deux 
'  divisions  trouvèrent  l'ennemi  en  position  aux  dé- 
bouchés du  bois  de  Steitlingen,  Walvis  et  Bodman, 
Il  était  commandé  par  le  prince  de  Vaudemont,  sa 
nombreuse  cavalerie  déployée  en  arrière  de  Steit- 
lingen. Lecourbe  ordonna  à  la  cavalerie  du  gé- 
néral Nansouty  (15*  régiment,  11*  de  dragons, 
12*  de  chasseurs)  de  charger.  Les  Autrichiens 
furent  repoussés  jusqu'en  avant  de  Stockach. 

Vandamme,  à  la  tête  d3  la  brigade  Molitor,  fil 
un  mouvement  tournant  par  sa  gauche ,  déborde 
l'ennemi,  et  le  général  Montrichard,  profilant  ha- 
bilement de  cette  manœuvre  hardie,  chargea  avec 
sa  division.  Les  Autrichiens  furent  mi6  en  pleim 


déroute.  La  cavalerie  française  les  poursuivit , 
entra  pêle-mêle  avec  eux  dans  Stockach,  dépassa 
celte  ville,  gagna  les  hauteurs  qui  la  dominent. 
Presque  toute  Tinfanterie  autrichienne  qui  avait 
combattu  de  ce  côté  resta  prisonnière. 

Lecourbe ,  en  rendant  compte  de  cette  belle 
journée,  donna  les  plus  grands  éloges  à  Vandamme 
el  à  Molitor. 

Pendantque  l'aile  droite  obtenait  ce  grand  succès, 
le  corps  de  réserve,  avec  Moreau,  gagnait  la  ba- 
taille d'Engen. 

Le  4  mai^  lendemain  de  ces  deux  victoires 
simultanées  ,  l'armée  française  appuya  sur  sa 
droite  ;  la  division  Lorge,  un  instant  détachée  du 
corps  de  Lecourbe,  y  rentra,  la  division  de  cava- 
lerie d'Hautpoul  se  rendit  à  Stockach,  à  la  dispo- 
sition du  commandant  de  l'aile  droite.  Moreau, 
instruit  dans  la  soirée ,  par  sa  reconnaissance, 
que  l'ennemi  s'établissait  fortement  à  Grombach,  et 
paraissait  vouloir  encore  tenter  le  sort  des  armes, 
aN-ant  de  franchir  le  Danube,  donna  des  ordres 
pour  que  l'armée  se  mît  en  mouvement  le  5,  et  se 
portât  sur  Moskirch,  point  de  jonction  des  routes  de 
Stockach  et  de  Tutlingen  sur  la  vallée  du  Danube. 
Lecourbe  s'ébranla  à  cinq  heures  du  malin,  mar- 
chant sur  Moskirch.  Vandamme,  formant  tête  de 
colonne  avec  sa  division,  flanqua  la  droite  de 
l'armée  avec  une  de  ses  brigades,  tandis  qu'avec 
deux  qui  lui  restaient  il  interceptait  la  roule  de 
Pfullendorf  à  Moskirch.  Les  autres  divisions  de 


—  76- 

Taîle  droite,  la  résen-e  et  le  centre,  a*àvancêrent 
dans  leur  ordre  de  bataille  naturel. 

Les  Autrichiens  occupaient  en  force  le  plateau, 
en  avant  de  Moskirch.  Vingt-cinq  bouches  à  feu 
enfilaient  la  chaussée  de  Grombach,  sur  laquelle 
marchait  le  général  Montrichard.  Ce  dernier  essaya 
de  déboucher  rapidement,  mais  il  eut  de  la  peine 
à  maintenir  le  combat  sur  ce  point.  Ce  ne  fui 
qu'avec  des  difficultés  inouïes,  des  pertes  consi- 
dérables, qu'il  parvint  à  se  soutenir.  Pendant  ce 
beau  combat  de  la  division  Montrichard,  la  divisioi 
Lorge  attaquait  une  des  clefs  de  la  position,  It 
village  d'Endorf  au  pied  du  plaleau  et  défendu  paj 
l'élite  de  Tarmée  de  Kray.  Vandamme  ayant  re- 
joint Montrichard,  Taida  alors  à  s'emparer  de  Mos 
kirch,  que  la  brigade  Molitor  (36®  et  94®)  finit  pa 
enlever  au  pas  de  charge  et  à  la  baïonnette. 

L'ennemi  combattit  énergiquement  de  8  heure 
du  matin  à  la  nuit,  et  ne  se  décida  que  fort  tard 
abandonner  le  champ  de  bataille  pour  se  retire 
vers  le  Danube,  ayant  perdu  plus  de  huit  mill 
hommes. 

A  cette  bataille  de  Moskirch,  une  des  demi-bri 
gades  qui  agit  avec  le  plus  de  vigueur  fut  la  bT  d 
ligne.  Lorsque,  le  lendemain,  Moreau  parcoun 
le  terrain  où  elle  avait  combattu,  il  lui  dit  :  «  î 
votre  conduite  en  ItaHe  ne  vous  avait  pas,  d( 
longtemps  mérité  le  nom  de  la  terrible,  les  Auti 
chiens  vous  l'auraient  donné  à  la  bataille  de  Mo 
kirch.  • 


Après  celle  troisième  grande  affaire ,  l'armée 
aulrichienne  se  décida  à  passer  le  Danube  et  à 
se  concentrer  derrière  ce  fleuve.  Le  8  mai,  Van- 
damme  reçut  de  Lecourbe  Tinvilalion  de  se  rendre 
au  quartier  général  de  Taile  droite  à  Altschausen, 
pour  prendre  le  commandement  du  corps  d'armée, 
Lecourbe  étant  fort  souffrant.  Il  ne  conserva  ce 
commandement  que  quarante-huit  heures ,  Le- 
courbe l'ayant  repris  le  dO.  La  brigade  de  Laval 
de  la  division  Vandamme  ,  chargée  de  flanquer 
Textréme  droite  de  Tannée ,  s'empara  de  Ravens- 
burg,  de  Wangen  et  de  Lindau  sur  le  lac  de  Con- 
stance, observant  le  corps  du  prince  de  Reuss  sur 
les  débouchés  du  Tyrol  et  du  Vorarlberg.  Pendant 
ce  temps,  le  général  Kray  passait  le  Danube  à 
Sigmaringen.  Le  quartier  général  de  Moreau  était 
porté  à  Biberach. 

Le  10,  Vandamme  descendit  l'Aach  jusqu'à 
Memingen,  et  aida  le  général  Montricliard  a  s'em- 
parer de  cette  ville.  Le  chef  de  brigade  Defrance, 
du  12*  de  chasseurs  à  cheval,  prit  ce  jour-là,  sur 
la  route  de  Memingen  à  Kempten,  la  majeure  partie 
d'un  immense  convoi  de  vivres  et  de  bagages.  Un 
grand  nombre  de  voitures,  et  deux  cent  cinquante 
chevaux  restèrent  au  pouvoir  de  ses  chasseurs. 

Le  quartier  général  de  l'aile  droite  était  étabU  le 
13  mai  à  Memingen,  lorsque  Vandamme  reçut  de 
Lecourbe  la  lettre  suivante  : 

«  Peu  s'en  est  fallu,  mon  cher  général,  que  le 
ministre  Camot  ne  m'enlève  avec  l'aile  droite,  pour 


-i.  78  — 

I 

nous  porter  en  Italie.  Depuis  un  mois  j*étaisinstruil 
que  le  Premier  Consul  m'avait  désigné  pour  celle 
opération.  Mais  enfin,  après  avoir  bien  bataillé, 
on  m'a  laissé,  et  pris  le  lieutenant  général  Mon- 
oey.  On  m'ôte  une  brigade  et  deux  régiments  de 
cavalerie  dont  le  12**  de  chasseurs  fait  partie.  Le 
restant  des  troupes,  se  montant  à  seize  mille 
hommes,  se  rend  en  Helvétieet  dans  les  garnisons. 
J'en  suis  quitte,  cette  fois,  pour  la  peur.  Je  dois 
aussi  envoyer  un  général  et  réorganiser  Taile 
droite.   • 

Lecourbe  ne  se  doutait  pas  alors  que,  par  cette 
opposition  aux  volontés  du  Premier  Consul,  il  bri- 
sait sa  carrière  militaire. 

Vandamme  ,  continuant  à  se  porter  en  avant 
avec  ses  deux  brigades  de  gauche,  tandis  que  celle 
de  droite  occupait  les  bords  du  lac  de  Constance, 
prit  position,  le  14,  sur  la  Guntz,  la  gauche  à 
Erckheim  ;  le  même  jour ,  l'aile  droite  fut  réorga- 
nisée en  deux  divisions  et  une  résonne.  La  division 
Vandamme  l*"*,  fut  composée  des  1*^  et  10®  légères, 
des  86^  83^  94*  de  ligne,  du  7*  et  8Me  hussards, 
de  six  pièces  de  position.  Vandamme  reçut  ordre 
de  former  un  détachement  de  quatre  bataillons  et 
de  trois  escadrons,  commandés  par  un  général  de 
brigade,  pour  flanquer  la  droite  de  l'armée  et  ob- 
server les  débouches  du  Tyrol,  en  se  liant  avec 
les  troupes  du  Reinlhal. 

L'armée  se  rapprochait  chaque  jour  du  Danube 
vers  Ulm ,  mais  sans  pouvoir  agir  bien  effica- 


-T9  — 

ement  sur  l'ennemi  renfermé  dans  son  camp  r©- 

ranché.  La  première  partie  de  la  campagne  était 

erminée.  C'est  alors,  le  24  mai ,  que  Vandamme 

eçut  Tordre  de  quitter  sa  division,  pour  prendre 

B  commandement  supérieur   qui   lui   avait   été 

iromis  dans  le  Nord,  aussitôt  que  les  opérations 

ftilitaires  terminées  sur  le  Rhin  permettraient  de 

enlever  à  l'armée  de  Moreau.  Lecourbe  lui  écri- 

it  de  Babenhausen,  son  quartier  général  : 

• 

«  Je  viens  de  recevoir,  mon  cher  général ,  une 
lépéche  du  général  Moreau,  qui  me  prévient  qu'il 
ous  donne  une  destination  dans  la  Belgique, 
l'après  les  ordres  du  gouvernement.  Je  suis  fâché 
jue  votre  absence  me  prive  du  plaisir  de  con- 
inuer  à  servir  avec  vous.  Comptez  que  je  sais 
apprécier  tous  vos  talents.  Remettez  provisoi- 
rement au  général  Molitor  le  commandement  de 
votre  division,  et  je  vais  écrire  au  général  Laval 
de  correspondre  directement  avec  moi.  Conservez- 
moi  une  place  dans  votre  amitié.  » 

Le  lendemain,  2rî  mai  1800,  avant  de  quitter 
cette  armée,  aux  brillants  succès 'de  laquelle  il 
avait  puissamment  contribué  ,  Vandamme  écrivit 
au  général  Molitor  : 

«  Je  reçois  à  l'instant,  mon  cher  général,  l'or- 
dre du  ministre  de  me  rendre  en  Belgique  pour  y 
commander  supérieurement.  Le  lieutenant  général 
me  prescrit  de  vous  remettre  le  commandement 
de  la  division,  et  me  prévient  que  le  général  La- 
val, détaché  vers  les  débouchés  du  Tvrol  et  du 


-  80  - 

Vorariberg,  correspondra  dircclement  avec  lui. 

«  Vous  savez  que  j'avais  déjà  reçu  Tavis  du 
général  Bernadolte,  que  le  Premier  Consul  me  des- 
tinait au  commandement  des  neufs  départemeuls 
réunis  ;  avant  le  passage  du  Rhin  j'eusse  refusé 
de  quitter;  maintenant  je  crois  pouvoir  me  rendre 
à  ce  poste,  puisque  l'on  m'assure  que  les  Anglais 
menacent  ces  côtes.  Tandis  que  vous  continuerez 
à  battre  les  Autrichiens ,  je  ferai  mon  possible 
pour  empêcher  les  Anglais  de  vaincre. 

«  Croyez  que  je  regrette  bien  sincèrement  de 
devoir  me  séparer  de  vous,  et  que  je  vous  tien- 
drai compte  en  tous  temps  de  votre  manière  de 
servir;  je  n'oublierai  jamais  les  journées  de  Bi- 
berach,  Stockach  et  Moskirch,  où  vous  vous  êtes 
brillamment  distingué.  Pensez  quelquefois  à  un 
camarade  qui  ne  vous  oubliera  jamais,  et  comptez 
sur  mon  estime  et  sur  mon  amitié.  » 


-e^««<«sa<«» 


—  84  — 


LIVRE  VIII 


De  1800  à  août  1806 


ifaire  de  Vandamme  avec  le  général  Brune.  —  Lettres  rela- 
tives à  cette  affaire  en  1800  et  1801.  —  Lettre  de  Vandamme 
à  Brune  (10  novembre  1801).  —  Réponse  de  Brune  (18  dé- 
cembre 1801).  —  Vandamme  reste  peu  de  temps  dans  le 
Nord.  —  Macdonald  le  demande  à  Tarmée  des  Grisons,  où  il 
est  appelé  le  8  septembre  1800.  —  Il  revient  en  France  le 
î4  septembre  1801  et  prend  le  commandement  de  la  16*  divi- 
sion militaire,  à  Lille.  —  Visite  du  Premier  Consul  à  Lille, 
en  juillet  1803.  —  Berthier  envoie  à  Vandamme,  par  ordre 
de  Bonaparte,  une  paire  de  pistolets  (août  1803).  —  Van- 
damme va  commander  une  des  divisions  du  camp  de  Saint- 
Omer,  à  Boulogne  (septembre  1803).  —  Les  formes  et  le 
langage  se  modifient  dans  l'armée.  —  Les  demi-brigades  sont 
transformées  en  régiments. —  Vandamme  au  camp  d'Outreau. 

—  Son  séjour  au  camp.  —  Pichegru  et  Georges.  —  Lettre 
du  général  Andréossy  à  propos  de  Georges  et  de  Pichegru. 

—  Affaii-e  des  balles  de  laine  empoisonnées.  —  La  Légion 
d'honneur.  —  Vandamme  nommé  grand-officier.  —  L'Em- 
pire. —  Le  prince  Joseph.  —  Le  couronnement.  —  Lettres 
relatives  au  camp  de  Boulogne. —  Organisation  de  la  grande 
armée.  —  Avantages  retirés  des  camps  d'instruction.  — 
Lettre  du  maréchal  Soult  à  Vandamme  (8  septembre).  — 
Passage  du  Rhin  (27  septembre).  —  Marche  de  la  division 
Vandamme  de  Spire  sur  le  Necker  et  le  Danube. — Vandamme 
s'empare  du  pont  de  Donawerth  (6  octobre).  —  Passage  du 
Lech.  —  Mouvement  tournant  d'Ulm.  —  Lettre  de  Van- 
"iamme  à  ses  généraux  de  brigade  (12  octobre).  —  Marche 
SttrMemingen  (13  octobre)  et  passage  de  l'Iller. —  Lettre  de 
Suult  (13  octobre).  —  Reddition  de  Memingen.  —  Capitu- 
lation d'Ulm  (IT  octobre).  —  Marche  de  la  division  Vau- 

6 


—  88  — 

damme  sur  Munich  et  sur  Vienne.  —  Épisode  relative  à  un 
officier  du  46»  de  ligne.  —  Lettre  de  Soult  (20  octobre).  — 
Marche  sur  Hollahrûnn  (15  novembre).  —  Opérations  sur 
les  deux  rives  du  Danube.  —  Marche  sur  Brûnn.  —  Bataille 
d'Âusterlitz  (2  décembre  ).  —  Rôle  brillant  de  Vandamme  et 
de  sa  division  pendant  cette  journée.  —  Récompenses  excep- 
tionnelles accordées  par  Napoléon  à  Vandamme,  en  raison 
de  sa  conduite  à  Austerlitz.  —  La  division  revient  à  Vienne. 

—  L'Empereur  la   passe  en  revue  le  25   décembre   1805. 

—  liCttre  de  Soult  et  ordre  de  Tannée.  —  Affaire  de  Gross- 
Niemschitz. —  Marche  de  la  division  sur  Landshut. — Congé 
accordé  à  Vandamme.  —  Son  ordre  du  jour  à  sa  division  (fin 
de  juillet  1806). 


Avant  de  parler  des  commandements  exercés 
par  Vandamme  pendant  le  Consulat,  nous  croyons 
devoir  expliquer  une  affaire  d'intérêt  qui  jeta  du 
froid  entre  lui  et  son  ancien  général  en  chef  de 
Tarmée  de  Hollande,  le  citoyen  Brune,  comme  on 
disait  encore  à  cette  époque,  bien  que  le  titre  de 
citoyen  commençât  à  être  employé  beaucoup  plus 
rarement. 

On  se  souvient  que  Vandamme  avait  été  chargé 
par  Brune  de  remettre  au  gouvernement  Batave 
la  convention  en  vertu  de  laquelle  l'armée  an- 
glo-russe s'engageait  à  quitter  le  pays,  et  à 
s'embarquer  pour  retourner  en  Angleterre  ou  en 
Russie. 

Le  gouvernement  Batave,  désirant  faire  un 
cadeau  au  général  Vandamme,  qu'on  savait  être 
un  des  hommes  ayant  le  plus  contribué  aux  succès 
obtenus,  fit  des  ouvertures  à  ce  sujet  au  com- 
missaire des  guerres  français,  Bourdon  (Désiré), 


-83  - 

lequel  écrivit  de  la  Haye,  le  10  janvier  1800 ,  à 
Vandamme  : 

•  Mon  général,  le  commandant  Dupont  vous 
remettra  ce  matin  des  sommes  qu'il  a  touchées 
pour  vous,  et  il  vous  fera  connaître  toutes  les  dé- 
marches que  l'ordonnateur  Blanchard ,  pénétré 
d'estime  pour  vous ,  a  faites  dans  toutes  les  cir- 
constances où  il  a  pu  vous  être  utile.  L'intérêt 
que  vos  bontés  pour  moi  m'ont  inspiré  me  dicte 
cette  lettre,  et  me  porte  à  vous  faire  connaître  que 
le  gouvernement  Batave  connaît  tout  ce  qu'il  doit 
à  votre  bravoure  et  à  vos  talents ,  qu'en  consé- 
quence il  y  a  été  agité  de  vous  offrir  un  léger  don 
de  6,000  francs  en  reconnaissance.  Je  pense  que 
la  moindre  démarche  de  votre  part  sufQrait ,  et 
pour  agir  chaudement  en  votre  nom,  il  ne  me  faut 
que  votre  aveu.  Les  lauriers  d'un  militaire  ne  se 
payent  point,  mais  le  don  d'un  gouvernement  est 
toujours  flatteur.  Veuillez  me  faire  connaître  vos 
intentions,  et  comptez,  pour  le  reste,  sur  Tamitié, 
les  soins  et  les  démarches  d'un  homme  qui  joint 
à  la  franchise  d'un  militaire  une  parfaite  considé- 
ration et  beaucoup  d'estime  pour  vous. 

•  P. -S.  —  Que  vous  acceptiez  ou  non  ma  pro- 
position, je  vous  prie  de  me  garder  le  secret  sur 
cette  lettre  jusqu'à  la  conclusion.  L'ordonnateur 
Blanchard,  vous  et  moi,  sommes  les  seuls  ([ui  doi- 
vent la  connaître.  » 

Vandamme,  sans  autre  fortune  que  son  épée, 
assez  mal  payé  encore  de  sa  solde,  attendu  que 


—  «4  — 

Tarmée  française  employée  en  Batavie  était  a 
frais  du  gouvernement  de  celle  République,  re^ 
avec  grand  plaisir  Touverlure  qui  lui  était  faite  ] 
le  commissaire  des  guerres  Bourdon,  et  ne  ca( 
pas  qu*il  serait  fort  désireux  de  toucher  la  mode 
somme  de  6,000  francs  qui  étail  offerte.  Déjà, 
moment  de  quitter  la  Hollande,  le  général  ai 
fait  réclamer  au  gouvernement  batave  les  d( 
mois  d'appointements  qui  lui  étaient  dus. 

Le  ministre  des  relations  extérieures  de  la  1 
publique  Batave  lui  avait  répondu  dans  les  d 
niers  jours  de  novembre ,  qu'il  avait  porté  à 
connaissance  du  Directoire  exécutif  le  contenu 
sa  lettre  ;  que  lé  ministre  de  la  guerre  allait  fa 
sans  retard  un  rapport  à  ce  sujet,  et  qu'il  él 
persuadé  que  tout  cela  serait  terminé  promp 
ment  à  son  entière  satisfaction. 

Il  n'y  avait  donc  pas  lieu  de  penser  que  Tic 
viendrait  à  qui  que  ce  fût  de  confondre  ces  de 
mois  de  solde  dus  à  Vandamme  avec  la  grali 
cation  que  la  République  batave  voulait  lui  offr 
comme  marque  de  sa  haute  satisfaction.  Ce) 
cependant  la  tournure  que  prit  cette  affaire ,  pui 
que,  le  10  janvier  1800,  le  ministre  des  relatio 
extérieures  écrivit  aux  membres  du  Directoire  à 
Haye  : 

«  Citoyens  Directeurs  ,  d'après  la  réponse  r 
vous  avez  bien  voulu  faire  aux  réclamations  que . 
été  chargé  de  vous  présenter  par  le  général  Vi 
damme,  relativement  à  la  gratitîcation  que  v4 


—  85  — 

lui  aviez  promise  lorscpi'il  était  employé  à  votre 
service  ,  j'ai  l'honneur  de  vous  observer  que  les 
deux  mois  d'appointements  accordés  en  indem- 
nité ne  peuvent  être  considérés  sous  ce  rapport, 
puisqu'ils  étaient  dus  au  général  Vandamme,  et 
de  plus  les  mois  de  frimaire  et  de  nivôse,  ainsi 
que  le  prouvent  la  lettre  du  général  Brune  et  le 
certificat  du  commissaire  ordonnateur  Marchand, 
dont  je  m'appuie  auprès  de  vous.  Il  me  reste  donc 
à  savoir  si  vos  intentions  sont  toujours  les  mêmes 
BUT  la  promesse  que  vous  aviez  faite  au  général 
Vandamme  ;  vous  savez  assez  quels  efforts  il  a  faits 
pour  la  fin  heureuse  de  la  campagne  de  la  Nord-Hol- 
lande, et  vous  n'en  avez  sans  doute  pas  perdu  le  sou- 
venir. J'y  ajouterai  que  le  général  Vandamme  n'a 
rien  demandé  en  indemnité  de  la  route  qu'il  a  faite 
de  la  Suisse  jusqu'en  Batavie,  laquelle  route  lui  a 
coûté  plusieurs  chevaux  de  ses  équipages  ;  mais , 
Wnsvous  parler  plus  de  ses  droits  à  la  reconnais- 
•Wce  du  gouvernement  batave,  je  vous  rappellerai 
«colement  la  promesse  qui  lui  a  été  faite ,  et  sur  la- 
fielle  il  a  toujours  fait  fonds,  espérant  bien  qu'elle 
Wus  serait  aussi  sacrée  que  sa  réclamation  est 
intime. 
•  J'ai  l'honneur  d'être  avec  le  plus  profond  res- 
fed. . 

Cette  affaire  traîna  plus  de  dix-huit  mois.  Enfin, 
^jltaoùt  1801,  Vandamme  adressa  une  nouvelle 
^j|lWamation  au  gouvernement  Batave,  par  le  canal 

fcnunistre  de  la  guerre  de  ce  pays,  lequel  lui  ré- 


pondit,  les  21  et  24  août  1808,  les  deux  lettres  c 
dessous  : 

•  Ciloyen  général,  en  vous  accusant  la  récôf 
lion  de  votre  lettre  du  30  thermidor,  an  rv  (18  aôl 
1801),  par  laquelle  vous  me  faites  part  de  la  à 
marche  que  vous  venez  de  faire  auprès  du  Dire 
toire  batavc  ,  pour  être  instruit  de  ce  que  voi 
pouvez  attendre  de  la  promesse  que  vous  a  fait 
gouvernement,  lors  de  la  capitulation  avec  le  di 
d'York,  j'ai  l'honneur  de  vous  informer,  que,  d^ 
depuis  longtemps  j'ai  fait  au  Directoire  m( 
rapport  sur  ce  sujet ,  et  qu'en  cas  qu'il  me  chari 
de  l'exécution  de  Tarrêté  qu'il  prendra  à  cetégar 
je  m'empresserai,  citoyen  général,  de  vous  tran 
mettre  sa  décision.   » 

•  Ciloyen  général ,  le  Directoire  exécutif  n 
charge  de  vous  informer,  par  rapport  à  la  demain 
que  vous  lui  avez  adressée  pour  obtenir  le  cadeî 
que  vous  assurez  vous  avoir  élé  promis,  lors  de 
capitulation  avec  le  duc  d'York,  en  1799 ,  qu'i 
considération  de  l'indemnité  de  deux  mois  d'à 
pointements,  qui  vous  a  élé  accordée  après  vot 
départ  pour  l'Allemagne,  en  octobre  1799,  comr 
une  marque  de  reconnaissance  de  la  part  du  go 
vernemenl,  pour  les  services  que  vous  avez  rend 
à  la  Balavie,  le  Directoire  ne  saurait  vous  off 
aucune  gratification  ultérieure,  d'autant  plus  q 
l'épuisement  des  finances  de  cette  République 
permet  pas  de  faire  aucune  dépense  éxtraor 
naire.  • 


—  w  — 

Afin  do  bien  affirmer  ses  droits,  Vandamme 
rait  obtenu  du  commissaire  ordonnateur  en  chef 
$l*année  française  en  Batavie,  Marchand,  le  cer- 
Seat  ci-dessous,  qui  ne  pouvait  laisser  un  doute 
ir  la  validité  de  sa  réclamation. 
«  Le  conmiissaire  ordonnateur  en  chef  certifie 
le  le  général  de  division  Vandamme  ,  employé 
es  les  troupes  françaises  en  Batavie ,  depuis  le 
m  de  fructidor  an  vu  jusqu'au  mois  de  nivôse 
.  vm,  époque  à  laquelle  il  a  quitté  cette  armée, 
1  pas  été  payé  des  mois  de  frimaire  et  nivôse, 
i  vin,  sur  les  fonds  extraordinaires  mis  parle  gou- 
mement  batave,  pour  le  compte  de  la  République 
inçaise,  à  la  disposition  du  commissaire  ordon- 
iteur  en  chef,  et  destiné  au  payement  des  troupes 

officiers  généraux  ne  faisant  pas  partie  des 
ngt-cinq  mille  hommes,  et  envoyés  au  secours 
3  la  Batavie. 

c  En  foi  de  quoi,  le  présent  certificat  a  été  dé- 
vré  pour  servir  et  valoir  à  ce  que  de  raison.  » 

Voyant  que  ses  justes  réclamations  n'abou- 
issaient  à  rien,  Vandamme  se  décida,  au  com- 
lencement  de  septembre  1801  ,  à  charger  son 
idèle  aide  de  camp  Gobrecht,  alors  dans  le  Nord, 
e  se  rendre  en  Hollande  pour  voir  où  en  était 
«tte  affaire  si  importante  pour  lui. 

Gobrecht  lui  écrivit  le  7  septembre  de  Gand  : 

«  J'arrive  à  Tinstant  de  la  Haye,  et  je  m'em- 
resse  de  vous  rendre  compte  de  l'infâme  décision 
u  Directoire.  Ces  messieurs  ont  fini  par  dire, 


qu'après  avoir  fait  les  recherches  les  plus  exactes 
dans  leurs  archives ,  ils  n'avaient  pu  découvrir 
aucune  pièce,  relative  à  la  promesse,  et  par  con- 
séquent, le  Directoire  actuel  ne  peut  attribuer  au 
général  Vandamme  une  gratification. 

•  Je  ne  puis  confier  au  papier  tout  ce  que  j'ai 
appris  par  des  personnes  que  je  ne  puis  nommer, 
et  que  je  vous  ferai  connaître  plus  tard,  à  votre 
arrivée.  Je  crois  qu'il  est  inutile  de  vous  envoyer 
toutes  les  pièces,  car  je  préfère  vous  les  remettre 
moi-même. 

«  Le  citoyen  Jéansens  a  toujours  continué  de 
me  seconder  ;  il  fut  même  indigné  de  la  décision 
qui  n'a  pas  le  sens  commun  ;  ils  ont  donné  ordre 
à  Jéansens  de  payer  le  mois  d'appointement  qui 
nous  était  dû,  d'après  l'état  général  où  tout  l'état- 
major  était  compris  pour  la  solde  de  frimaire.  J'ai 
donc  touché  pour  vous,  pour  moi,  Marulaz  et  un 
secrétaire.  Je  ne  voulais  point  d'abord  recevoir, 
mais  Jéansens  m'y  a  déterminé,  en  me  disant 
qu'on  ne  se  déshonore  pas  en  recevant  ce  qui 
est  du,  et  depuis  deux  ans  nous  étions  portés 
sur  les  états ,  comme  présents  jusqu'au  mois  de 
nivôse. 

•  J'ai  cru  bien  faire,  et  j'ai  reçu  121  louis  d'or 
que  je  réserve  près  de  moi,  jusqu'à  votre  retour. 
Il  m'est  impossible  de  vous  dire  le  tout  par  écrit, 
ce  qui  vous  indisposerait.   » 

Ici  se  trouvait  un  passage  écrit  en  hollandais, 
expliquant  que  Brune  avait  reçu  100,000  francs 


-89  — 

du  gouvernement  hollandais ,  puis  Gobrecht  re- 
prenait : 

•  Le  général  Augereau  (il  commandait  alors 
Farinée  gallo-batave)  était  furieux  de  leur  procédé. 
Il  m'a  chargé  de  vous  assurer  de  son  attachement. 
Dans  toutes  les  occasions  où  il  pourra  vous  être 
utile ,  vous  pourrez  vous  adresser  à  lui.  Je  pars 
demain  pour  Cassel,  pour  voir  si  vous  avez  tenu 
parole  et  si  vous  avez  achevé  mon  ouvrage,  croyez 
que  je  reprendrai  ma  revanche.  » 

Lorsque  cette  lettre  du  commandant  Gobrecht 
parvint  à  Vandamme,  à  la  fin  de  septembre  1801, 
le  général  se  trouvait  à  l'armée  de  Réserve,  com- 
mandée par  Brune,  en  Italie.  Il  avait  été  question 
entre  eux,  à  plusieurs  reprises,  de  cette  gratifi- 
cation du  gouvernement  batave. 

Vandamme  ayant  quitté  l'armée  d'Italie ,  après 
un  voyage  de  quelques  jours  dans  la  Péninsule 
pour  revenir  en  France,  où  l'appelait  un  nouvel 
ordre  du  Premier  Consul,  écrivit  à  Brune,  le 
10  novembre  1801,  la  longue  lettre  suivante»  qui 
jette  un  jour  complet  sur  l'affaire  en  question  : 

•  Mon  général ,  d'après  la  dernière  explication 
que  j'ai  eue  avec  vous,  je  vous  dois  cette  lettre,  je 
me  la  dois  à  moi-même,  vous  priant  toujours  de 
ne  voir  dans  mes  démarches  que  ce  que  j'ai  cru 
pouvoir,  sans  vous  offenser,  et  sans  que  qui  que  ce 

soit  m'y  ait  engagé  (1),  car  telle  opinion  que  vous 

(t]  Cette  phrase  est  une  allusion  à  Macdonald,  que  Brune 


—  90  — 

puissiez  avoir  sur  mon  compte,  je  n'ai  rien  fait 
pour  vous  faire  peine  ;  et  je  crois  avoir  quelques 
droits  à  votre  estime. 

«  Lorsque  je  reçus  votre  agrément  de  quitter  la 
Batavie,  et  de  me  rendre  chez  moi,  pour  me  réta- 
blir de  la  luxation  de  mon  épaule  et  des  fatigues 
de  la  campagne  de  la  Nord-Hollande,  vous  me 
donnâtes  une  preuve  évidente  de  votre  confiance. 
Dans  tous  les  temps  j'en  serai  digne. 

•  Chargé  de  remettre  de  votre  part  la  capitula- 
tion que  le  duc  d'York  devait  à  votre  générosité; 
vous  me  fîtes  Thonneur  de  me  citer  au  gouverne- 
ment Batave,  comme  ayant  puissamment  seconde 
vos  efforts  dans  cette  mémorable  campagne,  glo- 
rieuse pour  les  deux  Républiques.  L'ambassadeui 
français,  le  comte  Florent-Guiot,  à  qui  je  me  pré- 
sentai en  arrivant  à  la  Haye,  me  fit  compHmenI 
sur  mon  succès  et  sur  la  fin  heureuse  de  celte 
guerre  ;  il  me  fit  connaître  la  satisfaction  qu'en 
éprouvait  le  Directoire  batave,  et  le  désir  qu'il  avaii 
de  nous  récompenser  dignement.  Présenté  par  lui, 
aux  différents  ministres,  et  par  eux  au  Directoire/je 
remis  la  capitulation.  Ils  parurent  très-contents  el 
me  témoignèrent  la  satisfaction  qu'ils  éprouvaient 
En  recevant  ce  gage  si  brillant  de  lavictoire,  ils  me 
firent  des  promesses,  dont  je  n'ai  pu  n'y  voulu  at- 
tendre le  résultat;  c'était  à  vous  seul  qu'il  conve- 


accusait  de  faire  agir  Vandamme  en  dessous  dans  cette  affain 
Macdoaaldet  Brune  étaient- brouiUés. 


-91  - 

nait  de  recevoir  et  de  répartir.  Voilà,  mon  géné- 
ral, ce  que  j'ai  cru.  Le  lendemain,  j'ai  quitté  de 
bonne  heure  la  Haye  et  la  Batavie,  persuadé  que 
je  recevrais  patr  vous  ce  qui  pourrait  me  revenir  ; 
quelque  temps  s'écoula,  et  j'envoyai  de  Cassel 
mon  secrétaire  réclamer  mes  appointements.  j*e\is 
quelque  peine  à  les  obtenir.  Quoique  en  conva- 
lescence par  votre  assentiment,  et  appartenant  à 
l'armée  gallo-batave ,  je  perdis  mes  fourrages, 
mon  logement  et  les  frais  de  bureau  que  mes  ca- 
marades reçurent;  je  ne  vous  cite  ceci,  mon  géné- 
ral, que  pour  vous  faire  connaître  un  homme  à 
qui  j'ai  fait  tout  le  bien  possible,  et  qui  aima  à 
saisir  là  première  occasion  pour  me  payer  d'in- 
gratitude, c'est  le  général  RostoUant  à  qui  je  dois 
cet  éloge. 

«  Quelque  temps  après,  je  reçus  l'avis  que  je 
ne  faisais  plus  partie  de  l'armée  fi^ançaise  enBata- 
vie,  et  je  reçus  mes  lettres  de  service  pour  l'armée 
du  Rhin,  où  je  me  rendis,  quoique  souffrant.  Il 
s'agissait  de  faire  la  grande  guerre;  j'aime  ce  mé- 
tier, et  je  m'en  suis  sérieusement  'occupé  depuis 
dix  ans.  Vous  fûtes  commander  à  la  Vendée,  puis 
en  Italie.  A  différentes  époques,  passantpar  Paris, 
tantôt  l'un,  tantôt  l'autre  de  mes  camarades,  me 
dirent  que  vous  alviez  reçu  du  Directoire  bâtave 
une  somme  considérable  pour  les  généraux  de 
votre  armée.  Tous  s'accordeht  à  me  dire,  que 
cette  feonime  se  montait  â  deux  èlànt  mille  francs 
et  de  plus  vjngt'ôinq  mille pourvos  indemnités. 


Celte  dernière  ne  pouvait  pas  nous  regarder.  D'au- 
tres de  mes  camarades  me  demandèrent,  par  let- 
tres, si  j'avais  quelque  connaissance  de  ce  cadeau. 
Je  répondis  qu'il  m'était  impossible  d'y  croire; 
mais,  des  explications  faites  par  ceux  qui  étaient 
restés  en  Hollande,  des  généraux  très-croyables  et 
autant  vos  amis  que  moi,  voulurent  me  le  persua- 
der. Il  a  fallu  faire  trois  campagnes  depuis,  mon 
général,  et  ce  n'est  qu'après  avoir  passé  dix-huit 
mois  sans  rien  apprendre  de  vous,  et  après  avoir 
eu  tant  de  données  vraisemblables,  tant  par  l'a- 
miral Dewinter,  l'ambassadeur  Schimelpenninck 
et  par  d'autres  différents  envoyés  français  qui  se 
sont  succédé  à  la  Haye,  que  j*ai  cru  devoir  vous 
en  parler. 

«  C'est  en  partant  de  Roveredo  pour  aller  visi- 
ter l'Italie,  que  j'avais  pris  la  détermination  de 
vous  demander  ce  qui  en  était,  de  confiance;  j'es- 
pérais avoir  l'honneur  de  vous  voir  dans  le  cours 
de  ce  voyage,  et  j'eus  cet  avantage  à  Vérone,  où 
je  n'ai  pu  m'y  déterminer,  par  l'accueil  distingué 
et  amical  que  je  reçus  de  vous,  et  du  généreux  ca- 
deau que  vous  me  fîtes  accepter.  Je  le  pouvais 
d'autant  moins,  dans  ce  moment,  que  j'avais,  par 
ce  moyen,  tout  ce  qu'il  fallait  pour  faire  ce  voyage 
avec  agrément,  et  de  plus,  vous  étiez  publique- 
ment brouillé  avec  le  général  Macdonald,  de  qui 
je  suis  l'ancien  ami.  J'aurais  eu  d'autant  plus  de 
torts,  que,  depuis  ce  temps,  lorsque  je  vous  ai 
prié  de  m' entendre  à  ce  sujet,  vous  m'avez  fait  la 


—  }9Ô   — 

honte  de  croire  que  j'étais  poussé  par  quelqu'un  à 
faire  cette  démarche  pour  vous  faire  de  la  peine. 
Non,  mon  général,  personne  ne  m'engagea  à  cela. 
Vos  ennemis  me  connaissent,  et  ils  ne  s'adresse- 
ront jamais  à  un  militaire  comme  moi ,  pour  le 
faire  servir  d'instrument  à  leur  vengeance.  Ils 
savent  aussi  que  je  n'ai  jamais  appartenu  qu'à 
ma  patrie  et  à  mon  métier. 

«  D'après  les  différentes  explications  que  j'eus 
avec  vous,  et  dans  lesquelles  vous  me  fîtes  chaque 
jour  de  nouvelles  protestations  de  n'avoir  rien 
reçu,  j'étais  convaincu,  avec  un  grand  plaisir,  que 
c'était  au  gouvernement  Batave  à  qui  appartenait 
le  tort  de  l'ingratitude,  et  que  c'était  injustement 
que  l'on  vous  accusait  de  nous  avoir  trompés,  car 
il  m'en  coûte  de  croire  à  un  aussi  grand  crime 
envers  de  généreux  guerriers,  qui  s'étaient  tant 
de  fois  offerts  aux  dangers  et  à  la  mort  pour  servir 
votre  gloire.  Enfin ,  mon  général ,  autorisé  par 
vous,  et  après  vous  avoir  prévenu  par  écrit,  j'ai 
adressé  au  gouvernement  Batave  une  réclamation 
sur  le  cadeau  promis  et  mérité  pour  les  indem- 
nités de  route  que  je  n'avais  pas  reçues.  Mon  pre- 
mier aide  de  camp,  le  chef  d'escadron  Gobrecht, 
officier  d'honneur  et  mon  ami,  qui,  à  la  bataille  de 
Bergen,  donna  des  preuves  d'une  grande  intré- 
pidité et  contribua  infiniment  aux  glorieux  succès 
de  celte  brillante  journée,  fut  celui  à  qui  je  don- 
nai ma  procuration.  Il  a  remis  de  ma  part  diffé- 
rentes lettres  au  Directoire  et  aux  ministres,  il  a 


—  M  — 

lait,  enfin,  toutes  les  démarches  permises  pour  ob- 
tenir satisfaction  ;  le  gouvernement  lui  a  payé  un 
mois  de  solde  qui  m*était  dû  et  que  je  n^avais 
pas  demandé,  disant  :  «  que  le  général  Brune 
avait  reçu  de  quoi  indemniser  les  généraux,  et 
qu'ils  étaient  Irès-étonnés  que  le  général  Van- 
damme  n'en  ait  pas  eu  de  part  »  Le  Directoire 
se  rappelait  encore  que  j'y  avais  bien  servi.  Main- 
tenant, quoi  vous  dire  pour  penser  que  vous  avez 
reçu  cette  somme  ?  Répéter  ce  que  Ton  a  dit  à  la 
table  de  l'ambassadeur  Sémonville  ?  Ce  que  lui  a 
dit  Tex-ministrePiémau,  à  présent  Directeur  ?  Ce 
qu'a  aflirmé  le  commandant  Jéansens,  le  premier 
agent  des  finances  et  l'homme  de  confiance  du 
gouvernement?  Voilà,  mon  général,   tout  ce  que 
je  puis  vous  assurer,  je  ne  sais  si  c'est  assez. 
Pour  moi,  qui  ne  suis  pas  bien  avide,  je  ne  puis 
pas  y  perdre  beaucoup,  car  les  déclarations  parti- 
culières ne  suffisent  pas  pour  attaquer  en  justice, 
et  c'est  là  ce  que  vous  me  disiez  de  faire  il  y  a 
quelques  jours.  Mon  général,  je  sais  actuellement 
très-parfaitement  que  je  ne  puis  plus  rien  espérer 
ni  prétendre  du  gouvernement  Batave  ;  mais  je  sais 
aussi  que  je  ne  peux,  ni  ne  veux  vous  forcer  à  me 
rendre  compte.  Quoique  vous  m'ayez  attribué  des 
projets  méchants,  lorsque  je  vous  fis  une  récla- 
mation de  la  manière  la  plus  honnête  ,  je  vous  dé- 
clare que  je  serais  fâché  de  vous  faire  de  la  peine , 
et  de  porter  cette  affaire  à  d'autres  tribunaux  qu'à 
celui  de  votre  justice.  Rappelez-vous  ma  manière 


_    )flD  _ 

de  servir,  80uven€z-vous  des  succès  de  Tarmée, 
el  croyez  qu'ils  ont  puissamment  contribué  à  aug- 
menter votre  réputation.  Sachez  que  je  ne  suis 
pas  riche,  prononcez  enfin,  et  telle  que  pourra 
être  votre  décision,  elle  terminera  tout  ;  je  n'écris 
plus,  et  n'en  parlerai  ofûciellemeat,  pour  mon 
compte,  à  personne,  mais  il  me  restera,  dans  tous 
les  cas,  la  certitude  de  ce  que  je  pourrais  penser. 

«  P.-iS.  —  Personne  n'a  ni  n'aura  connais- 
sance de  cette  lettre,  que  moi  et  mon  secrétaire 
qui  est  chargé  de  la  transcrire.  • 

Il  parait  résulter  jusqu'à  l'évidence,  de  cette 
lettre  et  de  celle  de  Gobrecht  que  Brune  avait  en 
effet  touché  du  gouvernement  Batave  une  somme 
assez  considérable  pour  indemniser  les  généraux, 
et  qu'il  se  l'était  complètement  appropriée.  Le 
vainqueur  de  la  Hollande  se  borna  à  répondre  à 
Vandamme,  son  lieutenant,  cette  lettre  courte  et 
brusque,  le  18  décembre  1801  : 

•  Un  fait  clair,  simple  et  positif,  citoyen  gé- 
néral, ne  peut  avoir  deux  interprétations,  et  j'ai 
l'honneur  de  vous  rappeller  la  réponse  claire , 
simple  et  positive  que  je  vous  fis  en  prairial  der- 
nier. 

•  Je  n'ai  aucune  connaissance  que  le  Direc- 
toire batave  ait  destiné  des  fonds  pour  vous  in- 
demniser, vous,  ou  tout  autre  général  sous  mes 
ordres,  durant  la  campagne  de  Nord-Hollande,  ou 
après. 

«  Je  ne  doute  pas,  citoyen  général,  de  l'assu^ 


—  96  — 

rance  que  vous  me  donnez  de  votre  attachement, 
et  je  vous  prie  de  croire  que  j'y  suis  fort  sen- 
sible. » 

Celte  affaire  ne  fut  pas  poussée  plus  loin,  et 
Vandamme  n'obtint  jamais  le  cadeau  que  lui  avait 
destiné  le  gouvernement  Batave. 

Reprenons  maintenant  les  choses  de  plus  haut. 
On  a  vu  que  le  général  avait  quitté  l'armée  de 
Moreau  et  le  corps  de  Lecourbe  après  le  passage 
de  vive  force  du  Rhin,  les  combats  qui  en  avaient 
été  la  suite  et  dans  lesquels  il  avait  rendu  encore 
de  grands  services  à  la  tête  de  sa  division. 

Appelé  au  commandement  des  divisions  du 
Nord,  il  reçut  de  Bernadotle,  le  12  juin  1800,  de 
Rennes  où  était  son  quartier  général,  la  curieuse 
lettre  ci-dessous  : 

«  Votre  lettre  du  30  floréal  (20  mai)  me  par- 
vient, mon  cher  Vandamme,  au  moment  où  j'ap- 
prends que  vous  êtes  à  Paris  et  que  le  comman- 
dement que  vous  désiriez  vous  est  accordé.  J'ai 
cru  avant  de  faire  aucune  démarche  devoir  vous 
consulter,  car  il  me  semble  surabondant  de  solli- 
citer une  destination  qu'on  a  déjà.  Répondez-moi, 
afin  que  je  puisse  remplir  et  vos  vœux  et  mon 
amitié  pour  vous,  en  écrivant  au  Premier  Consul, 
s'il  est  nécessaire. 

«  L'alarme  s'est  répandue ,  il  y  a  quelques 
jours,  dans  les  environs  de  Quiberon  par  la  pré- 
sence de  35  voiles  de  guerre  et  de  20  bâtiments  de 
transport.  12  à  1,500  Anglais  ont  osé  débarquer 


dans  Tisthme  de  Quiberon  et  dans  la  presqu'île  de 
Rhuys  ;  le  peu  d'habitude  de  la  guerre  qu'ont  les 
généraux  chargés  de  la  défense  de  cette  partie 
aura  fait  prendre  cette  poignée  d'hommes  pour 
une  armée  très-nombreuse;  l'inquiétude  et  la 
consternation  avaient  déjà  abattu  les  esprits;  je 
les  rassurai  bientôt  ;  je  rassemblai  de  suite  un 
corps  de  4,000  hommes,  je  lui  fis  faire  trente 
lieues  en  quarante  heures,  je  me  portai  sur  les 
points  attaqués  ;  à  mon  arrivée  tous  les  Anglais 
étaient  rembarques  ;  maintenant  ils  bloquent  Belle- 
Isle;  il  est  possible  qu'ils  aient  le  projet  d'en  faire 
le  siège. 

•  Donnez-moi  de  vos  nouvelles,  mon  cher  Van- 
damme,  et  comptez  toujours  sur  l'attachement 
bien  sincère  et  l'amitié  que  je  vous  ai  voués. 

«  Je  vous  embrasSe.  • 

Vandamme  ne  conserva  son  commandement 
dans  le  Nord  que  quelques  semaines.  Le  8  sep- 
tembre, il  fut  prévenu  que,  sur  la  demande  du 
général  Macdonald,  commandant  la  seconde  ar- 
mée de  réserve  d'ItaUe  ou  des  Grisons,  il  était 
placé  à  la  tète  d'une  des  divisions  de  cette  armée. 

Arrivé  en  octobre  au  corps  de  Macdonald,  Van- 
damme reçut  le  commandement  de  l'avant-garde. 
Il  se  mit  en  communication  avec  le  général  Ro- 
chambeau,  dont  la  division  formait  la  gauche  de 
l'ordre  de  bataille,  et  concourut  aux  quelques 
opérations    faites  dans  le  Tyrol  et  la  Valteline 


—  88- 

par  Macdonald,  pendant  la  fin  de  Tannée  1800. 

En  janvier  1801,  la  guerre  étant  terminée,  Van- 
damme  voulut  profiter  de  son  séjour  en  Italie  pour 
visiter  un  pays  qu'il  n'avait  pas  encore  vu,  ayant 
toujours  eu  des  commandements  dans  le  Nord  ou 
aux  armées  d*Allemagne.  Macdonald  lui  donna 
Tautorisation  nécessaire.  Il  se  rendit  d'abord  à 
Vérone,  où  il  trouva  le  général  en  chef  Brune, 
qui  lui  remit  la  lettre  de  passe  ci-dessous,  datée 
du  22  janvier  : 

«  J'invite  les  généraux  et  commandants  mili- 
taires sous  mes  ordres  de  procurer  au  général 
Vandamme  toutes  les  facilités  pour  le  voyage  qu  il 
se  propose  de  faire ,  pour  connaître  l'Italie  civile 
et  militaire.  • 

Vers  le  milieu  de  février  1801,  Vandamme  vint 
reprendre  le  commandement  de  sa  division  à 
Trente.  Il  séjourna  deux  mois  à  l'armée,  mais 
voyant  que  la  paix  avec  l'Angleterre  et  avec  l'Au- 
triche le  condamnait  à  l'inaction,  il  demanda  et 
obtint,  le  13  avril,  de  se  rendre  en  France,  en 
vertu  d'un  congé  de  convalescence  de  trois  mois, 
que  lui  accorda  Macdonald.  Son  premier  soin,  en 
arrivant,  le  23  avril,  à  Paris,  fut  de  solliciter  du 
ministre  Tapprobation  de  son  congé,  ce  qui  lui  fui 
gracieusement  octroyé  par  Berthier. 

Le  but  principal  de  Vandamme,  en  quiltan 
l'armée  des  Grisons  pour  revenir  dans  sa  patrie 
était  d'obtenir  le  commandement  de  la  16®  divisioi 
territoriale,  ayant  pour  chef-lieu  Lille,  à  proxi 


-  99  - 

nité  de  Cassel.  Il  agit  et  fit  agir  auprès  du  Premier 
Consul,  el  les  trouva  tous  les  deux  fort  disposés  à 
le  satisfaire.  Le  général  Bonaparte  avait  pour 
Vandamme  une  haute  estime.  Il  le  considérait 
déjà  comme  un  des  plus  brillants  soldats,  comme 
un  des  plus  vigoureux  officiers  et  des  plus  habiles 
généraux  formés  à  la  grande  école  des  sept  an- 
nées de  guerre  qui  venaient  de  s'écouler. 

Le  24  septembre  1801,  le  commandement  de  la 
16*  division  ayant  été  rendu  vacant  par  Berthier  sur 
lordre  du  Premier  Consul,  fut  donné  à  Vandamme, 
qui  se  hâta  de  partir  pour  Lille.  Le  général  était 
marié,  tous  ses  intérêts  Tappelaieutdansle  Nord. 
Il  put  donc  goûter  là,  dans  son  propre  pays,  au 
miUeu  des  siens,  quelques  années  de  repos.  Son 
commandement  comprenait  les  départements  du 
N'ord,  du  Pas-de-Calais  et  de  la  Lys. 

Lorsque  le  traité  de  paix  d'Amiens  eut  été  signé 
îl  connu,  Vandamme  écrivit  au  Premier  Consul 
;22  octobre  1801). 

«  Mon  général,  tout  ce  qui  compose  la  16*  di- 
âsion  militaire,  que  j'ai  Thonneur  de  commander, 
i  appris  avec  satisfaction  la  signature  des  prélimi* 
laires  avec  l'Angleterre,  persuadés  que  ce  qui 
îst  fait  par  vous  assure  la  gloire  des  armées  et  la 
irospérité  de  la  RépubUque.  Nous  qui  étions  ici 
leslinés  les  premiers  à  attaquer  les  Anglais,  en 
as  que  nous  eussions  reçu  les  ordres,  nous  sen- 
}ns  tous  le  prix  de  la  paix  ;  nos  bras  ne  vous  sont 
lus  nécessaires,  c'est  nos  cœurs  que  nous  vous 


-  100- 

offrons  ;  vous  y  régnerez  toujours  ;  ils  vous  sont 
tous  dévoués. 

«  Salut  et  fraternité.  » 

En  septembre  1802,  Vandamme  obtint  un  congé 
d'un  mois  pour  se  rendre  à  Paris  où  l'appelaient 
quelques  affaires  de  famille. 

En  octobre  de  la  même  année,  il  reçut  du  mi- 
nistre de  la  guerre  Berthier  la  lettre  suivante, 
datée  du  16  : 

«  Je  vous  préviens,  citoyen  général,  que,  d*après 
les  dispositions  arrêtées  par  le  Premier  Consul, 
vous  êtes  compris  dans  le  nombre  des  officiers 
généraux  en  activité  pendant  l'an  onze,  et  que 
vous  êtes  maintenu  dans  le  commandement  de  la 
16®  division  militaire.  Je  vous  adresse,  en  consé- 
quence, vos  lettres  de  service. 

«  Le  gouvernement,  qui  apprécie  les  services 
que  vous  avez  rendus,  se  plaît  à  vous  renouvelai 
ce  témoignage  de  sa  confiance. 

«  L'intention  du  Premier  Consul  est  qu'il  n'y  ai 
qu'un  général  de  brigade  pour  chaque  départe- 
ment, mais  dans  les  divisions  qui,  à  raison  de  leu 
situation  militaire,  de  leur  étendue  ou  du  plu 
grand  nombre  de  places  fortes,  exigent  une  sur 
veillance  plus  active,  il  a  cru  devoir  s'écarter  d 
cette  proportion,  et  c'est  d'après  ces  considéra 
tiens  qu'il  a  accordé  quatre  généraux  de  brigad 
à  la  division  que  vous  commandez. 

«  Il  met  de  plus  à  votre  disposition  deux  adji 


«  ^r  .&, 


dants  commandants,  dont  l'un  remplira,  auprès  de 
vous,  les  fonctions  de  chef  d'état-major,  et  l'autre 
sera  employé  extraordinairement  là  où  les  besoins 
du  service  vous  paraîtront  exiger  sa  présence. 

«  Vous  trouverez  ci-joint  l'état  nominatif  de 
ceux  de  ces  officiers  généraux  qui,  conformément 
aux  dispositions  approuvées  par  le  Premier  Con- 
sul, sont  destinés  à  servir  sous  vos  ordres,  dans 
les  résidences  que  vous  jugerez  à  propos  de  leur 
assigner.  Je  leur  fais  expédier  leurs  lettres  de 
service. 

•  Vous  voudrez  bien  m'informer  de  l'arrivée  de 
ceux  de  ces  officiers  généraux  qui  sont  désignés 
pour  passer  dans  votre  division  et  me  rendre 
compte  des  mesures  que  vous  aurez  prises  pour 
la  répartition  des  uns  et  des  autres  dans  les  dé- 
partements qui  la  composent. 

a  Je  vous  salue. 

En  juillet  1803,  Vandamme  reçut,  à  Lille,  le 
Premier  Consul,  qui  passa  dans  cette  ville  les 
journées  des  6,  7  et  8. 

Le  6  eut  lieu  la  revue  de  la  garnison,  le  7  l'au- 
dience accordée  aux  autorités  et  la  visite  à  la 
citadelle,  le  8  la  visite  des  établissements. 

A  la  suite  de  ce  voyage  du  Premier  Consul, 
Berthier  écrivit  à  Vandamme  (août  1803)  : 

a  Le  Premier  Consul,  citoyen  généi-al,  en  par- 
courant votre  division  a  été  très-satisfait  de  l'esprit 
qu'il  a  vu  régner  parmi  les  troupes  et  de  l'état 


—  101  - 

dans  lequel  il  a  trouvé  toutes  les  parties  confiées 
à  vos  soins.  Vous  avez  rempli  les  espérances 
qu'il  avait  fondées  sur  vos  précédents  services. 
Vous  recevrez  une  paire  de  pistolets  que  je  vous 
envoie  en  son  nom.  Conservez-la  comme  un  gage 
honorable,  qui  vous  rappellera  que  vous  avez 
augmenté,  pendant  la  paix,  les  droits  que  les  évé- 
nements de  la  guerre  vous  avaient  déjà  acquis  à 
la  reconnaissance  publique. 
•  Je  vous  salue.  » 

Cette  lettre  de  Berthier  fut  suivie,  quelques 
jours  après  (30  août),  d'une  autre,  dans  laquelle 
le  ministre  annonçait  à  Vandamme  que  le  Premier 
Consul  l'avait  nommé  pour  commander  Tune  des 
divisions  du  camp  de  Saint-Omer,  sous  les  ordres 
du  général  en  chef  Soult. 

«  Ce  camp,  dit  la  dépêche  du  ministre,  fait 
partie  de  Tarmée  qui  doit  porter  sur  le  territoire 
de  TAngleterre  la  guerre  que  cette  puissance  a 
voulu  faire  à  la  République,  et  cette  destination 
vous  est  une  nouvelle  preuve  de  la  confiance  du 
gouvernement,  etc.  » 

Ainsi,  pour  la  troisième  fois,  Vandamme  s€ 
trouvait  sous  les  ordres  de  généraux  en  chef,  qui 
avaient  été  sous  les  siens  :  Moreau,  Macdonald 
Soult.  Certes,  ses  services  militaires  et  son  apti- 
tude égalaient  ceux  de  ces  hommes  de  guerre 
mais  le  caractère  ardent,  entier,  impérieux  même 
du  général,  lui  avaient  fait  beaucoup  d'ennemis 


avaient  retardé  son  avancement.  Maintenu  long- 
temps dans  le  grade  de  général  de  brigade,  il  vit 
passer  avant  lui  ceux  qui  avaient  été  ses  subor- 
donnés. Un  peu  de  souplesse  dans  ce  monde 
est  souvent  fort  utile,  même  dans  le  noble  métier 
des  armes. 

Le  6  septembre  1803,  Vandamme  reçut  de 
Soult,  général  de  la  garde  consulaire  ou  du  gou- 
vernement, commandant  en  chef  le  camp  de 
Saint-Omer,  l'invitation  de  remettre  le  comman- 
dement de  la  16®  division  territoriale  au  plus  an- 
cien de  ses  brigadiers  et  de  se  rendre,  sans  délai, 
à  Boulogne,  pour  y  recevoir  ses  nouvelles  lettres 
de  service  et  y  prendre  connaissance  de  Torgani- 
salion  de  la  division  qu'il  devait  commander  dans 
le  corps  d'armée.  Soult  le  prévenait  que  la  ma- 
jeure partie  de  ses  troupes  étaient  déjà  à  Boulogne 
et  que  les  autres  ne  tarderaient  pas  à  y  arriver 
successivement. 

Quelques  années  seulement  s'étaient  écoulées 
depuis  les  guerres  contre  l'Europe  coalisée,  et 
sous  le  génie  créateur  et  organisateur  de  l'homme 
prodigieux  qui,  déjà,  remplissait  le  monde  de  son 
nom,  tout  avait  pris  un  autre  aspect,  tout  s'était 
régularisé  en  France.  Plus  de  ces  armées  indis- 
ciplinées, parce  qu'elles  n'étaient  jamais  payées  ; 
plus  de  ces  officiers,  de  ces  généraux  obligés  de 
tolérer  le  pillage,  pillant  même  quelquefois  pour 
leur  propre  compte,  parce  qu'avant  tout  il  fallait 
vivre,  eux  et  leurs  soldats.  La  République  ne  don- 


nant  rien,  ne  fournissant  rien  à  ses  défenseurs, 
force  était  de  frapper  des  réquisitions  qui  dégéné- 
raient quelquefois  en  vexations  et  en  exactions, 
qui  nous  aliénaient  Tesprit  des  habitants  des 
contrées  dans  lesquelles  avaient  lieu  les  opéra- 
tions. 

Le  général  Bonaparte  voulait  bien  que  la*  guerre 
nourrit  la  guerre,  mais  il  tenait  à  ce  que  tout  se  fil 
régulièrement.  Il  était  parvenu,  non  sans  peine, 
dès  1796,  à  mettre  dans  sa  petite  armée  de  Tordre 
en  toute  chose.  Aussitôt  à  la  tête  du  gouverne- 
ment, il  agit  pour  la  France  entière,  comme  il 
avait  agi  pour  son  armée  d'Italie. 

Plus  de  militaires  sans  solde,  sans  pain,  sans 
souliers,  sans  vêtements. 

Au  camp  de  Boulogne,  non-seulement  les  offi- 
ciers, les  hommes  de  troupe  reçurent,  en  numé- 
raire et  en  nature,  les  prestations  qui  leur  étaient 
attribuées  en  raison  de  leur  grade  et  de  leur  posi- 
tion, mais  les  généraux  eurent  avis  qu'il  leur  était 
alloué  des  frais  de  représentation  et  de  bureaux, 
s'élevant  à  1,000  francs  par  mois  pour  les  divi- 
sionnaires. 

Les  formules  républicaines  commençaient  à 
n'être  plus  employées  dans  le  style  épistolaire  que 
par  quelques  hommes  sortis  des  bas  fonds  de  la 
société.  A  cette  expression  :  Salut  républicain, 
qui  avait  remplacé  déjà  celle  :  Salut  et  frater- 
nitéy  on  substituait  dans  les  lettres  officielles  mi- 
litaires celle-ci  :  J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 


lUU 


et  même  lorsqu'un  inférieur  écrivait  à  son  supé-  • 
rieur,  il  écrivait  :  Je  vous  salue  avec  respect. 

On  était  en  tout  et  pour  tout  dans  le  moment  de 
transition  entre  la  période  démocratique  et  la  pé- 
riode autocratique. 

De  cette  époque  aussi  date  la  réorganisation 
complète  de  l'armée  française;  sa  formation  en 
régiments,  la  création  des  corps  d'armée,  etc.,  etc. 

Voici,  du  reste,  un  ordre  du  jour,  du  17  oc- 
tobre 1803,  daté  du  quartier  général  de  Boulogne, 
et  qui  nous  paraît  assez  curieux  à  faire  connaître. 

«  L'armée  est  prévenue  que,  d'après  l'arrêté  du 
gouvernement  du  1®"^  de  ce  mois,  et  conformément 
à  l'ordre  du  ministre  de  la  guerre,  en  date  du 
17  vendémiaire,  les  demi-brigades  d'infanterie  de 
ligne  et  légère  prendront  la  dénomination  de  ré- 
giments, en  conservant  leurs  numéros. 

«  Dans  tous  les  régiments,  soit  d'infanterie,  soit 
de  troupes  à  cheval,  le  chef  de  brigade  portera  le 
litre  de  colonel,  le  chef  de  bataillon  ou  d'escadron, 
chargé  du  détail,  sera  remplacé  par  un  major,  dont 
le  grade  sera  intermédiaire  entre  celui  de  colonel 
et  celui  de  chef  de  bataillon  ou  d*escadron. 

«  Le  major  aura  pour  marques  distinctives  de 
son  grade,  dans  l'infanterie  de  ligne  et  légère,  les 
carabiniers,  cuirassiers  et  dragons,  deux  épau- 
lettes  de  colonel,  le  fond  de  l'épauletle  et  la  frange 
seront  de  métaux  différents,  la, frange  sera  tou- 
jours de  même  métal  que  les  boutons;  dans  les 
chasseurs  et  hussards,  il  aura  pour  marques  dis- 


-  106  — 

tinclives,  cinq  chevrons,  dont  quatre  de  4  lignes 
et  un  de  9,  placé  dans  le  milieu  des  quatre  autres, 
ce  dernier  sera  d'un  métal  différent. 

«  Le  major  sera  spécialement  chargé  des  détails 
de  Tinslruction,  de  la  tenue,  de  la  discipline,  de 
la  police  et  de  la  comptabilité  du  corps  et  des 
compagnies,  il  sera  dépositaire  des  contrôles,  il 
remplira,  au  conseil  d'administration,  les  fonctions 
de  rapporteur,  même  lorsqu'il  le  présidera,  et  com- 
mandera le  régiment  en  l'absence  du  colonel.  • 

Nous  ne  ferons  pas  ici  l'histoire  du  camp  de 
Boulogne,  trop  connue  pour  que  nous  en  parlions 
longuement.  Nous  dirons  seulement  que  les  camps 
sur  les  bords  de  la  mer  où  les  troupes  de  la  grande 
armée  devaient  être  rassemblées,  de  1803  à  1805, 
après  la  rupture  du  traité  d'Amiens,  furent  au 
nombre  de  six  :  ceux  de  Hollande,  de  Gand,  de 
Saint-Omer,  de  Compiègne,  de  Saint-Malo  et  de 
Bayonne. 

Nous  ne  parlerons  que  de  celui  qui  prit  ensuite 
le  nom  sous  lequel  il  devint  si  célèbre  de  camp 
de  Boulogne,  et  qui  se  composait,  en  1805  (au  mo- 
ment de  la  marche  sur  l'Allemagne  pour  la  cam- 
pagne d'Ulm  et  d'Austerlitz),  des  corps  de  Saint- 
Omer  et  de  Montreuil. 

Le  camp  de  Saint-Omer,  sous  les  ordres  de 
Soult,  était  formé  des  divisions  Saint-Hilaire, 
Vandamme,  Legrand  et  Suchet. 

Le  camp  de  Montreuil,  sous  les  ordres  de  Ney, 


était  formé  des  divisions  Dupont,  Loison  et  Par- 
tonneaux. 

Les  camps  dits  de  Boulogne  étaient  au  nombre 
de  cinq,  dont  quatre  sur  la  rive  droite  et  un  sur 
la  rive  gauche  de  la  Liane,  à  proximité  de  la 
ville. 

Les  camps  de  la  rive  droite  étaient  ceux  formés  : 
1^  par  les  85®  et  88®  de  ligne,  établis  près  Vime- 
reux;  2®  par  les  101®  léger,  en  arrière  du  fort  de 
la  Crèche,  près  la  Tour-d'Ordre  ;  3^  par  les  40®, 
64^  36*,  45®,  14®  et  55®  de  ligne  sur  le  plateau 
situé  entre  Boulogne  et  la  mer,  en  avant  de  la 
colonne  Napoléon  ;  4^  par  le  26®  léger  et  le  ba- 
taillon corse,  sur  le  plateau  en  arrière  de  Bou- 
logne,  près  la  route  de  Paris. 

Le  camp  de  la  rive  gauche  était  celui  de  la 
f  division  (Vandamme),  établi  en  avant  du  mou- 
lin d'Outreau,  entre  le  village  de  ce  nom  et  la 
mer.  Il  se  composait  des  24®  léger,  tirailleurs  du 
Pô,  4®,  57*,  28%  46®,  22®,  70*,  75'  de  ligne. 

G  est  de  ce  dernier  principalement  que  nous 
avons  à  nous  occuper. 

Une  chose  curieuse  à  observer,  c'est  que  l'em- 
placement de  ces  camps,  augmentés  bientôt  des 
troupes  de  la  garde  impériale,  fut  à  peu  près  le 
même  que  celui  adopté,  en  1854,  pour  les  troupes 
du  second  empire,  au  moment  de  la  guerre 
d'Orient. 

Le  l**"  octobre  1803,  Vandamme  était  installé 


—  108  — 

au  camp  d'Outreau  avec  son  chef  d'état-major, 
l'adjudant  commandant  Mériage. 

Le  10  novembre,  les  troupes  de  sa  division 
furent  passées  en  revue  par  le  Premier  Consul 
c[ui  donna  de  grands  éloges  à  la  tenue  et  à  la 
manière  de  manœuvrer  des  troupes  aux  ordres 
de  Vandamme. 

Le  16  du  même  mois,  le  général  obtint  quelques 
jours  de  permission  pour  se  rendre  à  Lille.  Le 
2  janvier  1804,  le  Premier  Consul  vint  de  nouveau 
visiter  la  division  Vandamme,  en  se  rendant  à  la 
flottille  ;  prévenu  à  l'avance  par  Tétat-m^or,  le 
général  fit  mettre  ses  troupes  sous  les  armes. 

Chaque  jour  il  y  avait  parade  au  camp,  devant  1( 
front  des  brigades.  Le  dimanche  toutes  les  troupes 
étaient  passées  en  revue,  et,  pendant  la  semaine 
les  bataillons  étaient  exercés  non-seulement  au: 
différentes  écoles  de  l'ordonnance  sur  l'infanterie 
mais  à  être  embarqués  sur  les  péniches  et  débar 
qués  le  plus  rapidement  possible,  afin  que  chacui 
fût  bien  au  courant  de  ce  qu'il  aurait  à  faire,  un 
fois  sur  les  côtes  de  la  Grande-Bretagne. 

Vandamme  resta  sur  la  côte,  au  camp  d'Où 
treau,  de  septembre  1803  à  septembre  1805 
c'est-à-dire  pendant  deux  années.  Il  eut  souven 
occasion  de  voir  le  Premier  Consul,  devenu  bientc 
après  Empereur.  Ses  sentiments  républicains  s 
modifièrent  du  tout  au  tout  pendant  ce  séjour  a 
camp  de  Boulogne.  Le  jeune  et  farouche  républi 
cain  de  1793,  l'ami  de  Pichegru  et  de  Moreau  d 


1794  à  1799,  sentit  son  cœur  s'ouvrir  à  des  sen- 
liments  tout  autres  que  ceux  éprouvés  par  lui  pen- 
dant sa  première  jeunesse.  Vandamme  était  alors 
un  homme  d'une  trentaine  d'années,  ayant  vécu 
beaucoup  et  vite,  rompu  à  la  vie  militaire  et  à  la 
discipline,  existence  qui  ramène  forcément  aux 
idées  de  pouvoir,  de  hiérarchie,  et  qui  fait  dispa- 
raître les  utopies  et  les  chimères  d'une  égalité 
impossible  en  ce  monde,  si  ce  n'est  devant  la  loi, 
la  seule  qui  puisse  être  possible. 

L'homme  qui  appelait  les  souverains  des  tyrans, 
leurs  soldats  des  satellites,  n'était  pas  éloigné 
d'acclamer  l'avènement  d'un  souverain,  de  devenir 
lui-même  le  féal  sujet  d'un  empereur  et  d'accepter 
avec  reconnaissance  de  ce  soldat  heureux,  devenu 
roi  par  la  grâce  de  son  épée,  un  titre,  des  déco- 
rations, des  honneurs  et  des  dotations. 

Lorsqu'on  vit  dans  un  certain  centre  ,  sous 
l'empire  d'un  moment  d'effervescence  politique, 
on  n'est  pas  éloigné,  à  vingt  ans,  de  se  dire  avec 
orgueil  partisan  du  système  répubUcain.  L'âge 
mûr  arrivant,  les  événements  politiques  venant  à  se 
succéder,  les  idées  se  modifient ,  et  l'on  accepte 
volontiers  le  pouvoir  d'un  seul.  La  vieillesse  vous 
trouve  indifférent  à  tout  ce  qui  n'est  pas  le  repos, 
la  tranquillité,  et  souvent,  en  portant  les  regards 
en  arrière,  en  ramenant  le  souvenir  sur  le  temps 
passé,  on  se  prend  à  sourire  à  la  pensée  de 
l'exaltation  qu'on  a  montrée,  pour  tel  ou  tel  prin- 
cipe politique. 


—  MO  — 

Ces  modifications,  ces  changements  dans  ses 
opinions,  Vandamme  les  éprouva  à  cette  époque. 
A  son  affection  pour  Pichegru  succéda  sa  haine 
pour  l'ennemi  du  Premier  Consul,  et  le  meurtre 
du  duc  d'Enghien  le  trouva  indifférent.  Quoi 
d'étonnant  à  cela,  ce  dernier  et  triste  événement 
fut  reçu  avec  joie  par  le  général  qui  devait,  onze 
années  plus  tard,  être  un  des  ministres  de  la  fa- 
mille des  Bourbons  ! 

Le  1®'  mars  1804,  le  général  de  division  An- 
dréossy,  chef  d'état-major  général  de  Soult,  écrivit 
à  Vandamme  : 

«  Le  voyage  de  Pichegru  à  Paris  n'est  plus  un 
problème,  citoyen  général,  cet  homme  qui  jurail 
encore,  la  veille  au  soir,  qu'il  assassinerait  le 
Premier  Consul,  a  été  arrêté  dans  la  nuit  du  7  ai 
8,  rue  Chabanais  ;  deux  agents  de  police  et  siî 
gendarmes  d*élite  se  sont  jetés  sur  lui  pendan 
qu'il  dormait;  il  n'a  pas  eu  le  temps  de  se  servi 
des  pistolets  et  du  poignard  qu'il  avait  sous  soi 
chevet.  Après  s'être  longtemps  débattu,  il  a  et 
garrotté  et  conduit  chez  le  conseiller  d'État  Real 
là  sa  fureur  s'est  apaisée,  et  il  a  été  interrogé. 

f  Le  général  en  chef  vous  invite  à  faire  con 
naître  de  suite  cette  importante  nouvelle  à  la  di 
vision  que  vous  commandez  ;  elle  lui  a  été  trans 
mise  par  le  général  gouverneur  du  palais.  » 

Au  bas  de  cette  circulaire,  on  lit,  écrit  de  1 
main  de  Vandamme  : 

«  Cette  lettre  devra  de  suite  être  mise  àl'ordr 


du  jour,   et  lue  à  Finstant  à  la  tête  des  com- 
pagnies.  • 

•  Boulogne,  le  10  ventôse  {l^^  mars  1804),  à 
une  heure  après  midi.  » 

On  voit  que  toute  affection  était  éteinte  dans  le 
cœur  de  Vandamme  à  l'égard  de  Pichegru.  11  faut 
comprendre  aussi  que  ce  cœur  tout  ardent  de 
patriotisme  avait  été  brisé,  en  apprenant  que  celui 
qu'il  avait  si  longtemps  aimé,  chéri,  honoré,  dé- 
fendu, était  un  traître,  cherchant,  pour  de  l'or,  à 
vendre  son  pays  à  l'étranger. 

Les  troupes  du  camp  de  Boulogne  apprirent 
également  vers  la  fin  du  mois  de  mars,  par  la  voie 
(le  Tordre  du  jour,  la  mort  du  duc  d'Enghein  ar- 
rêté, amené  en  France,  jugé,  condamné,  exécuté 
en  l'espace  de  quelques  jours,  on  pourrait  même 
dire  de  quelques  heures. 

Pour  Vandamme,  ce  qui  avait  trait  à  Pichegru 
était  d'une  bien  autre  importance  que  ce  qui  con- 
cernait le  jeune  et  infortuné  duc  d'Enghein  dont 
peut-être,  à  celte  époque,  il  ne  connaissait  ni  le 
uom  ni  l'existence.  La  famille  des  anciens  rois 
était  déjà  bien  oubliée  en  France,  tant  d'événe- 
ment s'étaient  succédé  depuis  1789  ? 

Celte  arrestation  passa  alors  à  peu  près  ina- 
perçue au  camp-  de  Boulogne.  Elle  eut  un  beau- 
coup plus  grand  retentissement  à  Paris. 

Le  10  mars,  Soult  avait  mis  à  l'ordre  : 

•  Le  général  en  chef  s'empresse  d'annoncer  à 
Tannée  qu'il  reçoit  à  l'instant  une  dépêche  télé- 


graphicpie  qui  lui  annonce  que  Georges  a  été 
arrêté  hier  au  soir  à  Paris.  Cette  nouvelle  sera 
siur-le-champ  envoyée  dans  les  divisions  par  des 
ordonnances.  • 

Il  se  passa,  à  la  même  époque,  un  fait  des 
plus  graves,  et  tellement  en  dehors  des  lois  na- 
turelles qui  régissent  le  droit  des  nations  entre 
elles,  qu'on  aurait  de  la  peine  à  y  croire,  si  les 
documents  officiels  de  l'époque  n'en  fournissaient 
la  preuve  la  plus  authentique.  Le  gouvernement 
de  la  Grande-Bretagne  essaya  d'infecter  la  France 
et  peut-être  l'Europe  de  la  peste  ^  en  faisant 
échouer  des  ballots  de  laine  pestiférée  sur  les  côtes 
de  la  Manche. 

Voici  les  documents  relatifs  à  cette  horrible 
machination. 


LE    CHEF   DE   L  ETAT-MAJOR   A   VANDAMME. 


«  Boulogne,  8  mara  1804. 

«  Le  ministre  de  la  guerre  a  transmis  au  gé- 
néral en  chef,  citoyen  général,  l'extrait  suivant 
de  la  correspondance  de  Londres  : 

«  Le  gouvernement  anglais  a  le  projet  de  faire 
jeter  sur  les  côtes  de  France  six  à  sept  cents 
ballots  de  laine,  recueillis  dans  une  contrée  où  la 
peste  eût  régné. 

«  Le  baron  Danneveck  eut  jadis  la  même 
pensée.  » 


—  113  — 

•  D'après  un  pareil  projet,  qui  entraînerait  une 
des  plus  affreuses  calamités,  vous  devez,  citoyen 
général,  recommander  dans  la  partie  de  la  côte 
qui  correspond  à  voire  division,  la  surveillance  la 
plus  active,  et  ordonner  que  les  douaniers  et  les 
marins  qui  seraient  dans  un  bâtiment  échoué  ne 
puissent  en  sortir  avant  d'avoir  rendu  compte, 
par  écrit,  de  toutes  les  circonstances  de  la  navi- 
gation et  de  réchouage  de  ce  bâtiment,  d'après 
lesquelles  il  sera  donné  les  ordres  jugés  né- 
cessaires. 

«  La  nature  des  choses  est  telle,  que  le  gé- 
néral en  chef  n'a  pas  besoin  de  vous  recom- 
mander, citoyen  général  de  tenir  sévèrement  la 
main  à  l'exécution  de  ces  dispositions.  » 

VANDAMME,    A   l'aDJUDANT   COMMANDANT   MÉRIAGE. 

«  16  mars  1804. 

•  Regardez  comme  non  avenu,  mon  cher  Mé- 
nage, l'ordre  que  je  vous  avais  donné  ce  matin, 
de  diminuer  les  postes  de  Neufchàtel  et  de  la 
Garenne,  au  contraire,  j'approuve  l'augmentation 
de  troupe  que  vous  venez  d'y  placer. 

•  Vous  trouverez  ci-joint  une  lettre  du  général 
en  chef,  relative  à  des  signaux  faits  encore  par 
Tennemi,  et  des  ballots  de  coton  jetés  sur  nos 
côtes  ;  je  vous  recommande  de  faire  exécuter 
ponctuellement  les  dispositions  de  cette  lettre,  de 
prescrire  de  ma  part,  aux  généraux  Saligny  et 

8 


Ferôy  d'èhvôyër  de  suite  un  de  leufé  àidès  de 
Côlmp,  pour  donner  ces  instructions  aui  bdm- 
mandants  des  ports  et  des  batteries,  le  fitemièt 
ira,  depuis  le  Musoir  ,  jusqu'au  cap  Dalpreck, 
et  le  second,  depuis  le  cap  Dalpreck  jusqu'à 
l'extrême  gauche  de  la  division  ;  je  compte  stit 
vott'e  zèle  poUr  la  prompte  exécution  de  ces  ôi^- 
dres,  qui  sont  de  la  plus  gratide  importance,  m 

SOULT   A  VANDAMMÉ. 

«  16  mars  1804. 

«  Les  Anglais  viennent  de  commencer  à  exé- 
cuter leur  infernal  projet,  et  déjà,  cinq  ballots  de 
coton  sont  arrivés  sur  nos  côtes,  du  côté  de  Saint 
Frieux  ;  une  frégate  et  deux  corvettes  ont  protège 
les  petits  bâtiments  qui  portaient  ces  balles  et  qu 
les  ont  jetés  à  l'eau. 

«  Je  vous  préviens  de  cet  événement,  afin  qu( 
vous  veuillez  bien,  général,  donner  de  suite  dei 
ordrfes,  pour  que,  sur  toute  la  côte  de  votre  arron 
dissement,  on  redouble  de  surveillance,  que  let 
patrouilles  soient  multipliées,  qu'il  y  ait  des  sen 
tinelles  volantes  pour  parcourir  tous  les  quarts 
d'heure  la  plage,  afin  d'empêcher  que  qui  que  ci 
soit  ne  puisse  approcher  des  différents  objets 
quelle  que  soit  leur  nature  ,  que  la  mer  pourrai 
jeter  sur  nos  côtes  ;  ordonnez  que  les  postes  d 
Saint-Frieux  et  de  la  petite  Garenne  se  tiennen 


aux  batteries^  6t  pour  cet  effet,  qu'ils  lèvent  le  cau- 
tonnement  qu'ils  ont  en  arrière. 

«  Je  vous  prie  aussi  d'ordonner  que  des  pa- 
trouilles soient  faites  pendant  la  nuit  du  côté  de 
Condettie  et  sur  les  hauteurs  de  Saint-Frieux,  afin 
d'arrêter  quelques-uns  des  misérables  qui,  dans 
ces  contrées,  entretiennent  des  signaux  avec  l'en- 
nemi. 

•  Veuille»  empêcher  que  sur  toute  la  côte  de 
votre  arrondissement  aucun  pêcheur  ne  i)uisse 
sortir,  quand  bien  même  il  aurait  des  militaires  à 
bord,  et  ordonnez  qu'on  fasse  feu  sur  tout  ce  (]ui 
chercherait  à  approcher  pour  aborder. 

•  Je  vous  prie  de  multiplier  les  postes  dans  les 
dunes  à  gauche  de  Boulogne,  pour  empêcher  que, 
sous  aucun  prétexte,  qui  que  ce  soit  puisse  en 
approcher  s'il  n'est  de  service,  et  veuillez  punir 
avec  sévérité  tous  ceux  qui  contreviendront  aux 
ordres  que  vous  aurez  donnés  pour  Texécution  de 
ces  dispositions. 

«  Vous  voudrez  bien  aussi  ordonner,  général, 
que  tout  ce  qui  serait  jeté  sur  nos  côtes,  soit  par 
échouage  ou  autrement,  et  qu'on  présumerait 
venir  de  l'ennemi,  soit  immédiatement  couvert  de 
paille  et  brûlé,  sans  qu'on  puisse  pour  cet  effet, 
ni  défaire,  ni  changer  de  nature  Tobjet  sur  lequel 
cette  opération  devait  être  faite  ;  roflîcier  ou  sous- 
officier  du  poste  le  plus  près  où  un  échouage 
pourrait  arriver  sera   personnellement   respon- 


—  116  — 

sable,  sous  les  peines  les  plus  graves,  de  Texécu- 
tion  de  cet  ordre.  » 

LE   GÉNÉRAL   DE   DIVISION  ,    CHEF   DE   l'ÉTAT-MAJOR 

GÉNÉRAL,    A   VANDAMME. 

«  16  mars  1804. 

«  Le  général  commandant  en  chef  vient,  ci- 
toyen général,  d'être  informé  d'une  manière  posi- 
tive, que  les  Anglais  ont  fait  échouer  sur  nos 
côtes  cinq  balles  de  coton  qui,  d'après  les  avis  que 
le  gouvernement  avaient  reçus,  et  dont  vous  avez 
eu  communication,  doivent  être  pestiférés  ;  le  gé- 
néral vous  recommande  la  surveillance  la  plus 
grande  dans  la  partie  de  la  côte  qui  correspond  à 
votre  arrondissement  ;  il  désire  qu'il  y  ait  des  sen- 
tinelles et  rondes  volantes ,  indépendamment  de 
celles  des  officiers  de  tous  grades. 

•  Dans  le  cas  où  quelques  objets  échoués  don- 
neraient lieu  à  suspicion ,  des  sentinelles  seront 
placées  pour  empêcher  qui  que  ce  soit  d'en  ap- 
procher. 

«  Les  objets  reconnus  suspects  et  dangereux 
seront  brûlés. 

«  Vous  voudrez  bien  renouveler  la  défense, 
pour  qu'aucun  pêcheur  ne  puisse ,  sous  aucun 
prétexte,  aller  en  mer,  eussent-ils  même  des  sol- 
dats à  leur  bord;  vous  ordonnerez  de  faire  feu 
sur  tout  ce  qui,  venant  de  la  mer,  voudrait  ap- 
procher des  côtes.  » 


M.M.  M 


Pendant  cette  année  1804,  une  des  plus  grandes 
institutions  civiles,  politiques  et  militaires  fut  créée 
en  France  par  le  gouvernement,  ou  plutôt  par  le 
Premier  Consul,  celle  de  la  Légion  d'honneur. 

Tous  les  militaires  qui  avaient  obtenu  des  armes 
d'honneur,  à  la  suite  d'actions  d'éclat,  de  traits  hé- 
roïques, furent  de  droit,  membres  de  Tordre  nou- 
veau. Les  hommes  les  plus  marquants  de  l'armée 
obtinrent  des  grades  plus  ou  moins  élevés  dans 
cette  hiérarchie. 

Vandamme  fut  fait  grand  officier.  Il  reçut  la 
nouvelle  de  la  haute  distinction  dont  il  était 
l'objet  par  une  lettre  du  grand  chanceher ,  La- 
cépède,  en  date  du  15  juin  1804. 

La  forme  monarchique  venait  de  remplacer  la 
forme  républicaine,  et  nous  disons  à  dessein  la 
forme,  car ,  depuis  le  18  brumaire ,  la  France 
n'était  plus  républicaine  qu'en  apparence.  Le  Pre- 
mier Consul,  depuis  la  fin  de  1799,  résumait  en  lui 
tous  les  pouvoirs. 

Le  général  de  Hondschoote,  l'ennemi  des  rois 
et  des  tyrans,  celui  qui  avait  applaudi  pendant 
quelques  années  au  renversemement  de  l'antique 
monarchie,  accueillit  avec  joie  Tavénement  à  un 
trône  nouveau  de  l'homme  prodigieux  dont  le 
génie  étonnait  l'Europe.  Comme  la  plupart  de  ses 
compagnons  d'armes ,  comme  les  Augereau,  les 
Soult,  les  Davout,  et  tant  d'autres  des  armées, 
non-seulement  d'Itahe  ou  d'Egypte,  mais  d'Alle- 
magne, il  vit  dans  l'ère  qui  se  préparait  une  ère 


—  118  — 

de  gloire  et  de  prospérité.  Il  s'abandonna  comme 
eux  aux  mains  du  plus  habile,  fatigué  des  gou- 
vernement^ ,  d*aI)ord  sanguinaires  ,  puis  faibles 
et  tracassiers,  qui  s'étaient  succédé  depuis  douze 
ans  en  France. 

L'empereur  devint  le  fétiche  de  Vandamme, 
comme  la  République  avait  été  son  idole  ;  mais 
nous  devons  à  la  vérité  de  dire ,  qu'à  partir  du 
jour  où  il  eut  acclamé  le  grand  homme,  il  lui  resta 
fidèle  jusqu'à  sa  dernière  heure. 

Les  membres  de  la  farpille  Bonaparte  devinrent 
princes;  l'ufi  d'eux,  l'aîné  des  fils  de  Chgrles, 
Joseph,  qui  devait  être  quelques  apnées  plus  tard 
roi  de  Naples,  puis  d'Espagne,  accepta  alors  la 
îftodeste  position  de  colonel  d'un  régiment  d'inlanr 
terie,  le  4-  de  ligne,  de  la  division  Vandanmie.  1} 
vint  au  camp  d'Outreau  etprij;  son  conimgiftdement, 
entourp,  pomme  bien  Ton  pense,  des  respects  dç§ 
généraux  et  de  toute  l'armée.  Cette  circonstance 
n}il  Vandamme  en  relation,  avec  le  frère  aîné  de 
l'empereur.  Ces  relations,  cpipmencjées  sous  la 
baraque  ,  au  milieu  des  troupes  ,  ne  cessèrent 
jamais  ,  basées  qu'elles  étaient  sur  une  estime 
réciproque. 

^n  1JSP5,  ie  j6  mars,  quelques  mois  avant  la 
levée  dif  camp,  jet  quelques  jour§  avaj^^  le  ^^rl 
d^  Jo^epl),  Vqjj4s^n;inae  ^'adressa  H  ^  pHniÇe,  pour 
QJ^t^eni^  p^f*  lui  i4e  Napolépn  une  fjPiy.^^:!*  à  ]af{uelle 
U  #ttftphait  feeS*i9Pup  4(b  m^i  M  Ci^wseçsiop  4gs 


terrains  qui  lui  avaient  été  promis  par  l'Empe- 
reur. 

On  n'en  était  pas  encore  aux  titres  honorifiques 
de  duc,  de  comte  et  de  baron,  mais  déjà  Napo- 
léon donnait  volontiers  à  ses  généraux  des  terres 
dans  les  pays  conquis,  et  des  traitements  con- 
sidérables. 


Voici  la  lettre  de  Vandamme  : 

•  Mon  prince,  vous  n'avez  cessé  ,  depuis  le 
moment  où  j'ai  eu  l'honneur  d'être  connu  de  Votre 
\ltesse  Impériale,  de  me  traiter  avec  une  extrême 
bonté,  et  je  dois  chaque  jour  me  féliciter  d'avoir 
mprès  de  Sa  Majesté  votre  puissante  protection, 
3tje  ferai  tout  pour  m'en  rendre  digne. 

•  Oserai-je  prier  Votre  Altesse  de  soUiciter 
lIEmpereur  de  vouloir  bien  m'accorder,  avant  son 
lépart  pour  Paris,  les  terres  que  je  lui  ai  deman- 
dées? La  saison  est  très-propice  pour  les  travaux 
({u'il  serait  nécessaire  d'y  faire,  et  j'ai  d'ailleurs 
plus  de  raisons  de  désirer  vivement  la  décision  de 
cette  affaire,  que  plusieurs  autres  sollicitent  la 
même  grâce,  sans  avoir  cependant  la  recomman- 
dation de  Votre  Altesse,  ni  peut-être  les  mêmes 
droits  que  moi. 

•  Le  conseiller  d'Etat,  Grêtet,  par  ordre  de 
Sa  Majesté,  m'a  demandé  les  plans  des  terres 
dont  il  s'agit;  je  viens  de  les  lui  adresser,  et  je 
prie  très-instamment  Votre  Altesse,  de  daigner  se 
rappeler  de  moi  en  cette  circonstance,  et  de  vou- 


—  120  — 

loir  bien  assurer  le  succès  d'une  affaire  d'où  dé- 
pend ma  fortune  el  celle  de  ma  famille.  » 

Le  15  août  de  cette  année  1804,  eut  lieu,  au 
camp  de  Boulogne,  la  grande  fête,  si  souvent  dé- 
crite, de  la  distribution  des  croix  par  TEmpereur. 
'  Cette  cérémonie,  à  laquelle  on  donna  un  éclat  sans 
précédent,  eut  du  retentissement  en  Europe.  Mais 
un  événement  politique  d'une  importance  bien 
autrement  sérieuse,  fut  le  couronnement  de  l'Em- 
pereur par  le  souverain  Pontife. 

Les  grands  officiers  de  la  Légion  d'honneur 
reçurent  l'invitation  d'y  assister,  invitation  à  la- 
quelle ils  n'auraient  eu  garde  de  manquer,  el 
qu'ils  considéraient  comme  des  plus  flatteuses, 
comme  une  marque  de  faveur  insigne. 

Vandamme  se  rendit,  comme  ses  camarades  de 
l'armée,  à  Paris,  le  2  décembre  1804,  jour  fixe 
pour  le  sacre.  L'on  put  voir  alors  agenouillé,  dam 
la  vieille  Basilique,  au  pied  des  autels,  les  géné- 
raux républicains  pour  lesquels  le  culte  et  leî 
prêtres  avaient  été  si  longtemps  des  objets  de 
mépris,  de  haine  et  d'horreur. 

Nous  terminerons  ce  qui  est  relatif  au  camp  de 
Boulogne  par  quelques  documents  qui  nous  on 
paru,  à  plus  d'un  demi-siècle  de  date,  avoir  ui 
intérêt  historique  assez  grand  pour  être  présenté! 
à  nos  lecteurs. 


—  121  — 


LE  CHEF    D  ETAT-MAJOR   GENERAL   A    VANDAMME. 

«  14  janvier  1804. 

•  A  compter  du  !20  de  ce  mois,  le  gouvernement 
a  prescrit,  citoyen  général,  au  grand  juge  et  mi- 
nistre de  la  police  d'interdire  aux  rédacteurs  de 
feuilles  publiques  toute  annonce  et  toute  réflexion 
sur  les  armements  dirigés  contre  T Angleterre,  afin 
d'étonner  et  d'intimider  l'ennemi,  par  le  profond 
silence  dont  on  enveloppera  les  apprêts  de  l'opé- 
ration ;  le  général  en  chef  désire  que  cette  mesure 
s'étende  aux  correspondances  particulières,  et  il 
vous  invite  à  faire  connaître  à  votre  division  ses 
intentions  à  ce  sujet  et  à  recommander  expressé- 
ment de  s'y  conformer.  » 

SOULT   A   VANDAMME. 

«  15  février  1804. 

•  Tout  me  porte  à  croire,  général,  que  les  An- 
glais ont  cherché  et  tenteront  encore  de  faire  des 
débarquements  clandestins  sur  la  côte;  je  dois 
même  supposer  qu'ils  y  ont  conservé  des  intelli- 
gences qui,  par  des  signaux  ou  autrement,  leur 
lendent  tout  ce  qui  se  passe.  J'excite  à  cet  égard 
votre  vigilance  et  je  vous  invite  à  donner  des 
ordres  tellement  rigoureux,  qu'ils  parviennent  à 
déjouer  toute  espèce  de  tentative.  Que,  pendant 


la  nuit,   les  patrouilles   soient  multipliées  dans 
votre  arrondissement,  particulièrement  sur  la  côte 
et  surtout  sur  la  laisse  de  basse  mer.  Que  les 
officiers  supérieurs  des    troupes  et   les  officiers 
d^état-major  fassent,  pendant  la  nuit,  plusieurs 
rondes  pour  s'assurer  de  ractivité  du  ser\ice  des 
postes,  recevoir  les  rapports  sur  les  événement^ 
qui  pourraient  s'y  être  passés,  tenir  constamment 
le  monde  en  haleine  et  pouvoir,  sans  délai,  vou^ 
mstruire  de  tout.  Défendez  de  nouveau  qu'aucun 
bourgeois  puisse  parcourir  vos  camps,  ai  la  côte, 
m  la  ligne  des  batteries,  sans  votre   permissioi} 
expresse  ;  ordonnez  qu'on  arrête   tous   ceux  qui 
seraient  rencontrés  sur  ces  différents  points,  sans 
une  permission  de  vous  et  sanç  vous  avpir  été 
préalablement  présentés.   Toulg   (}(^iqsité  de  }a 
part  du  bourgeois,  dans  les  circonstances  où  nous 
nous  trouvons,  est  plus  que  déplacée,  et  s'il  y  en 
a  qui  cherchent  à  la  satisfaire  pendant  la  nuit,  elle 
doniie  lieu  à  des  soupçons  fondés  sur  leur  compte. 
La  pèche  a  été  défendue  ;  elle  doit  être  prohibée. 
et  si,  dans  votre  arrondissement,  il    se  trouvail 
des  individus  qui  s'y  livrassent,  en  vertu  de  quelque 
autorisation  de  la  marine,  vous  devez  empéchei 
leur  sortie ,  à  moins  qu'ils  n'aient  à  leur  bord  ui 
ou  deux  hommes  dMnfanteric,   qui   devraient,   i 
chaque  fois,  être   renouvelés ,  et   que  ,  pour  ce 
effet,  vous  choisiriez. 

•  Les  Anglais  soldent  une  infinité  d'espions  € 
de  gens  capables  de  tous  les  crimes,  que  non 


levons  rechercher  avec  le  plus  grand  soin  ;  s'il 
5*CB  présentait  dans  votre  arrondissement,  je 
îuis  bien  persuadé  que,  quel  que  fût  leur  dégui- 
sement, vous  parviendriez  à  les  découvrir.  Si 
)9r  événament,  il  survenait  des  éc|iouages,  faites 
irriter  de  suite;  Ips  équipages,  n'importe  de  quelle 
)j|tion  ils  puissent  être,  afm  qu'ensuite  il  soit 
fériée  si,  parmi  eux,  il  n'y  aurait  pas  quelque 
mitre  déguisé  ou  quelquçi  individu  s]:i6peGt.  Ce^te 
Basure  (livrait  même  être  plus  rigoureuse  pou? 
fS  ]b^tiipQnts  anglais,  g'i)  s'en  trouvait  ^s^m  PS 

f  Jenez  )i^)i  ipstrpit;,  J0  vpi^s  prie,  de  |;ou(  ce 
jVl  viendra  3QU6  pe  rapppr^  à  votre  çpnnais8anc0, 
i\  yeijtlles}  pi^  rendre  poi^^ptia  de  l'exécution  d^^ 
}iv^r§e8  diçpositîpns  qijie  ma  lettra  renferma.  » 

9  18  février  \»0i. 

•  Le  général  en  chef,  citoyen  général,  me  charge 
ie  vous  inviter  à  défendre  expressément  aux 
tFoupes  de  votre  division  de  se  porter  sur  la  ligne 
des  batteries,  lorsqu'elles  tirent  sur  les  bâtiments 
anglais,  et  vous  rappelle  Tordre  de  faire  arrêter 
tout  bourgeois  qui  se  présenterait  sans  permission 
sur  les  mêmes  points.  » 


LE   GENKHAL   CHEF   DE   L  ETAT-MAiOR  A  VA;NDAMME. 

«  24  février  1804. 

•  Je  VOUS  invite,  citoyen  général,  d'après  les 
ordres  du  général  en  chef,  à  donner  les  ordres 
nécessaires  pour  que  la  division  que  vous  com- 
mandez fournisse  toutes  les  nuits,  à  dater  de  ce 
jour,  un  piquet  de  soixante  grenadiers,  qui  sera  di- 
visé en  plusieurs  détachements,  qui  feront  de 
fréquentes  patrouilles  pour  veiller  à  la  garde  du 
bassin  de  Boulogne  dans  toute  sa  circonférence. 
Leur  principale  consigne  sera  d'empêcher  qu'aucun 
homme  ne  puisse  approcher  du  bassin,  à  moins 
qu'il  ne  soit  officier  de  marine,  revêtu  de  son 
uniforme  et  ayant  le  mot  d'ordre.  Ces  détache- 
ments ou  patrouilles  arrêteront  tous  ceux  qui  se 
présenteraient  pour  pénétrer  jusqu'aux  bâtiments 
de  l'intérieur  du  bassin.  Ils  arrêteront  également 
ceux  qui  voudraient  sortir  du  bassin  et  qui  ne  se- 
raient pas  reconnus  pour  appartenir  à  la  marine. 
Le  rapport  en  sera  fait  au  général  en  chef,  qui 
prononcera  leur  mise  en  liberté  s'il  le  juge  conve- 
nable. 

«  Je  vous  serai  obligé  de  m'accuser  la  réceptior 
de  cet  ordre.  » 


—  128  - 


VANDAMME   A   L  ADJUDANT   COMMANDANT   MERIAGE. 

(  Sans  date  précise  ]. 

«  Il  faut  de  suite  faire  éloigner  tous  les  fu- 
miers, etc.,  des  environs  de  Capécure;  M"®  la 
princesse  Joseph  va  y  habiter.  Il  faut  aussi  que 
les  chemins  soient  réparés  et  un  corps  de  garde 
préparé  pour  recevoir  douze  ou  quinze  grenadiers 
de  garde.  Voyez  le  maire  de  cette  commune  à  ce 
sujet,  et  que  rien  ne  soit  négligé  pour  la  sûreté, 
la  salubrité  et  l'agrément  de  cette  maison. 

•  Le  capitaine  Marie  est  déjà  prévenu,  il  faut 
y  faire  placer  des  réverbères. 

•  Donnez  tous  vos  soins  pour  que  le  service  se 
fasse  avec  exactitude  ;  assurez-vous  que  personne 
ne  passe  les  limites  du  camp  et  ordonnez  de  fré- 
quents appels  dans  le  jour,  car  nous  devons  nous 
attendre  à  y  voir  l'Empereur  à  chaque  minute.  » 

LE  GENERAL  CHEF    DE   l' ÉTAT-MAJOR  GENERAL 

A  VANDAMME. 

«  8  novembre  1804. 

•  Les  chefs  de  corps  ont,  jusqu'à  présent,  to- 
léré, général,  que  des  sous-officiers  et  grenadiers 
eussent  à  leur  disposition,  outre  le  sabre-briquet 
que  l'ordonnance  leur  accorde,  des  sabres  dont 
les  lames,  extrêmement  affilées,  sont  d'une  Ion 


-  418  — 

gueur  disproportionnée,  et  qu'ils  réservent  pour 
vider  toutes  les  querelles  qui  surviennent  jouroel- 
lement,  soit  dans  les  régiments,  soit  entre  mili- 
taires qui  appartiennent  à  différents  corps.  Les 
maîtres  ou  prévôts  d'armes  ont,  outre  ce  sabre, 
dfefe  fleurets  mouchetés  ;  il  en  est  même  qui  ont 
fait  montei*  des  armes  dangereuses  dans  des 
Uatmes,  et  on  a  remarqué  que  presque  tous  les 
militaires  blessés  qui  étaient  transportés  à  Thôpi 
làl,  l'avaient  été  par  une  arme  de  ce  dernier  genre 
ëDUvent  même  par  des  militaires  autres  que  ceu: 
aVèô  lesquels  ils  avaient  eu  dispute,  ce  qui  prôu 
verait  qttë,  liôn-seulement  on  femploie  de  préfé 
ttànce  ces  dernières  armes,  mais  encore  que  dan 
les  corps  il  y  a  une  espèce  d'hommes  qui  font  mé 
tifer  de  se  battre  pour  leurs  camarades,  et  souvei 
provoquent  les  disputes  pour  avoir  la  gloire  de  le 
terminer,  ou  au  moiils  de  se  donner  de  Timpoi 
lance. 

•  Gel  abus  ésl  trop  nuisible  à  là  conservation  de 
miUtaires  et  au  maintien  de  la  bonne  intelligem 
qui  dbit  régner  entre  les  corps  de  l'armée,  polir  i 
pas  mériter  que  les  niesures  les  plus  sévère 
soient  prises  pour  y  remédier. 

«  En  conséquence,  le  maréchal  vous  invit 
général,  à  donner  des  ordres  pour  que  dans  toi 
les  corps  de  votre  division  il  soit  fait  simultaiv 
ment  une  visite  des  armes  blanches  et  à  feu  po 
tatives  que  les  militaires  de  tout  grade  pourro 
avoir^  afin  de  retirer,  pour  être  dépoeéee  dans 


qu  Be  seraient  pas  en  tout  coaformes^  tant  pour  la 
longueur  que  pour  les  autres  dimensions,  aux 
armes  qui  sont  délivrées  des  arsenaux  de  TEm- 
pire,  et  qui  excéderaient  celles  que  les  militaires 
de  divers  grades  sont  autorisés  à  avoir. 

«  Les  armes  que  Ton  aura  ainsi  retirées  seront 
vendues  au  profit  de  la  masse  de  linges  et  chaus- 
sures des  militaires  auxquels  elles  appartiennent, 
et  ces  militaires  seront  punis  suivant  qu'ils  Tau- 
ront  mérité  d'après  le  genre,  Tespèce  et  l'usage 
qU*oil  présumera  qu'ils  auront  fait  de  ces  armes. 

t  Le  maréchal  désire  que  vous  preniez^  en 
outre,  des  mesures  pour  qu'à  l'avenir  pareils 
abus  ne  puissent  se  renouveler,  que  vous  déter- 
miniez la  quantité  de  fleurets  que  chaque  maître 
d'armes  est  autorisé  à  conserver^  d'après  le 
nombre  de  ses  écoliers,  et  que  vous  lui  fassiez 
connaitre  les  résultats  de  vos  dispositions  à  ce 
sijget. 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  saluer.  » 

LE    CHEF  B'étAt-kbitfOR  &ÈHtS\kL   A   VANDÂMMB. 

«  8  a\Til  1805. 

•  M.  le  maréchal  commandant  en  chef  a  été  in- 
formé, monsieur  le  général,  que  le  nommé  Pierre 
6otfWo/s,  soldat  au  28'*  régiment,  étant  de  faction 
hier,  à  neuf  heures  du  soir,  devant  les  armes  du 


—  im- 
poste du  préfet,  avait  fait  feu  sur  deux  individus, 
qui  voulurent  prendre  la  fuite  lorsqu'il  les  a  ap- 
pelés au  mot  de  ralliement,  et  qui  se  nomment 
Malisse,  du  4®  régiment,  Durand,  du  10*^  d'in- 
fanterie légère.  M.  le  maréchal  vous  invite  à  faire 
mettre  à  la  garde  du  camp,  pour  vingt  jours,  et  à 
lui  faire  faire  pendant  ce  temps  la  corvée  de  sa 
compagnie,  le  nommé  Malisse;  j'écris  au  général 
commandant  la  l-^*  division  pour  qu'il  ordonne  la 
même  punition  à  l'égard  du  nommé  Durand. 

«  Comme  l'officier  qui  était  de  garde,  le  H  de 
ce  mois,  à  ce  poste,  a  fait  relever  de  sa  faction  le 
nommé  Courtois,  pour  le  punir  d'avoir  tiré,  mon- 
sieur le  maréchal  vous  invite  à  faire  connaître  à 
cet  officier  que  c'est  injustement  qu'il  a  puni  ce 
factionnaire,  auquel  il  aurait  dû  donner  des  éloges 
pour  avoir  fait  son  devoir.  » 


LE   CHEF   d'état-major   GÉNÉRAL   A   VANDAMMK. 


«  23  avril  1805. 

«  M.  le  maréchal  commandant  en  chef  vous  in- 
vite, monsieur  le  général,  à  donner  l'ordre  à  l'offi- 
cier supérieur  commandant  l'artillerie  de  votre  di- 
vision de  faire  lancer,  la  nuit  prochaine,  entre 
onze  heures  et  minuit,  deux  fusées,  comme  contre- 
signaux,  entre  le  ruisseau  du  Bec  et  la  batterie  de 
Saint'Frieux. 

«  Vous  donnerez  Tordre  de  faire  placer  quel- 
ques hommes  de  gendarmerie  et  d'infanterie  en 


embuscade  dans  les  environs  de  ces  batteries.  Ces 
hommes  arrêteront  tout  individu  qui  se  présente- 
rait à  ce  faux  signal,  et  ils  observeront  si  les  bâti- 
ments ennemis  en  croisière  en  face  du  port  de 
Boulogne  y  répondent. 

a  Vous  rendrez  compte,  monsieur  le  général, 
de  l'exécution  de  cet  ordre  par  votre  rapport  jour- 
nalier. » 

«  Boulogne,  21  juin  1805. 

«  Le  général  de  division  Vandamme  prie  Tadju- 
dant  commandant  Mériage  de  prévenir  de  sa 
part  MM.  les  généraux  de  brigade  qu'ils  aient  à 
défendre  les  fausses  queues,  et  à  ordonner  que 
ceux  qui  ont  les  cheveux  courts  les  fassent  cou- 
per convenablement.  Beaucoup  de  corps  croient 
devoir  s'attendre  à  reprendre  la  queue;  vous  pou- 
vez leur  dire  qu'il  n'y  a  point  d'apparence  qu'ils  y 
soient  forcés.  Ordonnez  aux  corps  de  se  procurer 
des  pompons  ronds  et  plats  ;  défendre  ceux  dans 
le  genre  du  5T  :  ils  fatiguent  trop  les  chapeaux  et 
font  toujours  mauvais  effet.  Ordonnez  que,  dans 
chaque  corps,  on  se  procure  des  cocardes  uni- 
formes, qu'on  s'occupe  sérieusement  du  rempla- 
cement des  mauvais  chapeaux  et  qu'on  répare 
promptement  ceux  qui  en  sont  susceptibles.  Je 
passerai  une  revue  le  4,  à  dix  heures  du  matin  ; 
je  visiterai  la  troupe  en  détail;  je  passerai  une 
inspection  très-sévère  de  tout  ce  qui  tient  à 
Tarmement,  l'habillement   et  l'équipement.  Pré- 

9 


—  130  - 

venez  MM.  les  généraux  de  brigade  et  les  chefs 
de  corps. 

«  Ordonnez  que  tous  les  travailleurs  se  trou- 
vent à  cette  revue;  faites  en  sorte  que  les  corps 
soient  très-nombreux.  » 


BERTHIER,  MINISTRE  DE  LA   GUERRE,    A   VANDAMME. 

«  Boulogne,  l*"  août  1805. 

«  La  revue  que  j'ai  passée  aujourd'hui  à  l'im- 
provisto,  mon  cher  général,  avait  pour  but  de  sa- 
voir si  tous  les  hommes  étaient  dans  les  limites 
des  camps,  combien  il  fallait  de  temps  pour  les 
rassembler;  ce  qui  se  trouvait  sous  les  armes,  et 
si  les  sacs  étaient  garnis  do  tout  ce  qui  est  né- 
cessaire pour  la  guerre,  dans  le  cas  où  Ton  dût 
s'embarquer  au  premier  coup  de  baguette. 

«  J'ai  fait  compter  tous  les  hommes  présents, 
et  j'ai  trouvé  le  total  de  5,0 iO. 

«  Cependant  le  présent  sous  les  armes  de  votre 
division  est  de  plus  do  9,000  hommes. 

«  Je  sais  bien  qu'on  doit  défalquer  les  hommes 
embarqués  ou  de  garde;  mais  peut-être  trouverez- 
vous  aussi  qu'un  grand  nombre,  qui  devaient  être 
dans  les  limites  du  camp,  étaient  absent. 

«  Je  sais  que  ,  par  votre  active  surveillance, 
votre  division  est  une  des  plus  belles  de  l'armée, 
mais  vous  sentirez,  comme  moi,  qu'il  y  a  peut- 
être  un  peu  de  négligence  de  la  part  des  officiers 


mbditemed,  qui  ne  se  persuadent  pas  assers  que 
orsque  le  soldat  prend  les  armes  avec  son  sac, 
il  doit  être  muni  de  tous  ses  effets  et  croire  ne 
devoir  pas  rentrer  au  camp.  • 


VANDAMME   A    MERIAGE. 

«  15  âdût  1805. 

•  Mon  cher  MériagOy  il  faut  faire  composer,  de 
sttitei  une  musique  prise  sur  toutes  celles  de  la 
division,  de  manière  qu'elle  soit  excellente  et  plus 
nombreuse  possible. 

•  Le  cdpitaine-^adyudant  Romgana  sera  chargé 
de  conduire  de  suite  ce»  musiciens  au  Pont-de- 
Brique,  afin  qu'ils  puissent  y  être  rendus  entre  dix 
et  onze  heures.  Il  les  devancera  pour  prévenir 
M.  le  grand  maréchal  de  la  cour  Duroô  qtit^  c'est 
la  2®  division  qui  vient  présenter  sôs  hommages 
à  8a  Majesté  TEmpereur,  et  se  faire  indiquer  le 
local  où  ces  musiciens  pourront  être  placés  pour 
être  entendus  de  Sa  Majesté,  et  jouer  pendant 
quelque  temps. 

•  Je  vous  recommande  de  presser  cette  affaire 
8tde  l'organiser  le  mieux  possible  (1).  » 


(!)  Comme  on  le  Voit  par  cette  lettre  et  par  celles  qui  l'ont 
P^MdéeÉ,  Vandammc,  aussi  bien  que  les  autres  généraux 
^itvé»  dans  la  haine  dès  souverains,  avait  modifié  du  tout  au 
M  tes  idées  et  son  langage.  C'est  peut-être  le  cas  de  rap- 
peler ici  la  sii>galièti0  formule  du  serment  exigé  à  cette  époque 


Nons  ne  raconterons  pas  pour  quelles  cause 
la  guerre  que  Ton  s'attendait  à  voir  portée  dans  1 
Grande-Bretagne  eut  tout-à-coup  pour  théâtre  1 
centre  de  T Allemagne  et  la  Moravie.  Ceci  est  d 
domaine  de  Thistoire  générale  de  cette  époqu 
mémorable  et  grandiose.  Notre  cercle  est  plu 
restreint. 

La  grande  armée  organisée,  équipée,  instruit 
avec  un  soin  parfait,  présentait  au  moment  d 
l'entrée  en  campagne  contre  TAutriche,  vers  1 
commencement  de  septembre  1805,  une  force  mi 
litaire  telle  que  jamais  encore  aucune  puissanc 
n'en  avait  mis  sur  pied  une  semblable. 

Le  génie  créateur  et  organisateur  de  Napc 
léon  avait  préparé  pendant  plus  de  deux  années 
dans  les  camps,  sur  les  bords  de  la  Manche 
cette  armée  sans  pareille,  que  les  éléments  seul 
ont  pu  vaincre.  Le  séjour  dans  les  camps  d 
Boulogne,  d'Étaples,  d'Ambleteuse  et  d'Ostendc 
des  troupes  qui  avaient  fait  les  guerres  d'Ita 
lie,  d'Allemagne  ou  de  Vendée,   avait   permi 


des  membres  de  la  Légion  d*honneur.  Lia  voici.  On  y  verra  1 
bizarre  amalgame  de  la  république  et  de  la  monarchie  : 

«  Je  jure,  sur  mon  honneur,  de  me  dévouer  au  service  d 
TEmpire  et  à  la  conservation  do  son  territoire  dans  son  inU 
grité;  à  la  défense  de  TEmpereur,  des  lois  de  la  républiqu 
et  des  propriétés  qu'elles  ont  consacrées;  do  combattre,  pa 
tous  les  moyens  que  la  justice,  la  raison  et  les  lois  autorisent 
toute  entreprise  tendant  à  rétablir  le  régime  féodal;  enfin 
de  concourir  de  tout  mon  pouvoir  au  maintien  de  la  liberté  c 
de  l'égalité»  bases  premières  de  nos  constitutions.  » 


—  433  — 

d'amalgamer  ,  de  réunir  en  corps  bien  soudés 
entre  eux  les  parties  distinctes  qui  composaient 
la  puissance  militaire  du  pays,  et  qui  ren- 
daient en  quelque  sorte  étrangers  les  uns  aux 
autres  les  vainqueurs  de  Lodi ,  de  Gastiglione, 
des  Pyramides,  de  Marengo,  et  ceux  de  Fleurus, 
de  Bergen,  de  Hohenlinden,  ceux  aussi  de  Chollet 
et  du  Mans. 

L'uniformité  dans  les  manœuvres,  Toubli  d'an- 
ciennes rivalités  ,  réchange  de  bons  procédés, 
l'admiration  commune  pour  le  grand  homme  de 
guerre  aux  mains  duquel  la  France  ,  fatiguée  de 
ses  dissensions  intérieures,  avait  remis  ses  desti- 
nées, furent  les  conséquences  immédiates  de  cette 
habile  mesure  prise  par  le  héros. 

Cependant,  l'Autriche,  cédant  aux  instances,  à 
la  poUtique  et  à  l'or  du  cabinet  de  Saint-James, 
nous  déclara  la  guerre,  et  mit  en  ligne  deux  cent 
trente  mille  hommes.  Le  prince  Charles  ,  son 
meilleur  général,  prit  le  commandement  en  Italie. 
Laissant  vingt  mille  combattants  dans  le  Tyrol, 
sous  son  frère  l'archiduc  Jean,  il  marcha  avec 
soixante  mille  autres  sur  TAdige.  Mack  eut 
Tannée  d'Allemagne,  la  plus  importante.  Il  jeta 
Jellachich  avec  dix  mille  hommes  dans  le  Vorarl- 
berg,  et  se  porta  avec  cent  quarante  mille  sur  le 
bas-Inn,  sommant  l'électeur  de  Bavière  d'entrer 
dans  la  coalition.  L'électeur  s'y  refusa,  se  retira 
dans  Wurtzbourg,  et  fit  filer  son  armée  sur  le  Reg- 
nitz,  entre  Nuremberg  et  Bamberg.  Cette  con-^ 


*  484- 

duite  devait  lui  valoir  un  trône  et  une  alliance  avec 
le  fils  adoptif  de  Napoléon. 

Les  Aulricliiens  envahirent  la  Bavière,  s'era^ 
parèrent  do  Munich ,  laissèrent  dans  rélectorat 
quarante  mille  honunes  avec  le  général  Kien- 
mayer  ,  puis  ils  occupèrent  Augsbourg ,  Dona- 
werlh,  Ulm,  et  observèrent  les  défilés  de  la  forêt 
Noire,  depuis  Rothweil,  jusqu'à  la  frontière  de  la 
Suisse,  attendant  dans  cette  position  les  quatre- 
vingt  mille  hommes  de  Tempereur  de  Russie,  con- 
duites par  Alexandre  en  personne  et  par  Kutusoff. 

L'armée  française,  destinée  à  opérer  en  Alle- 
magne» prenant  le  nom  de  grande  année,  reçut 
immédiatement  Tordre  de  se  mettre  en  marclie 
pour  aller  à  Tennemi.  Saintt-Cyr^  alora  à  Naples, 
évacua  cette  partie  de  Tltalie ,  et  vint  renforcer 
Masséna,  qui  avait  le  commandement  dç  Taripée 
dans  le  nouveau  royaume  dont  Napoléon  s'était 
fait  sacrer  souverain. 

L'armée  du  Hanovre  sous  Bernadotte,  les  qua- 
tre corps  du  camp  de  Boulogne,  celui  du  oamp  A% 
Zeigt,  la  réserve  de  cavalerie,  la  garde  impériale, 
formant  cent  quatre-vingt-dix  mille  hommes,  aban? 
dlonnèrent  les  rives  de  la  Manche  pour  courir  au 
Rhin. 

La  grande  armép  se  composa  alors  de  «epl 
corps,  une  réserve  de  cavalerie,  plus  le  corps 
d'ItaUe  ou  huitième .  — ^  1^'  corps  (Bemadotte),  divi- 
i^\om  d'infanterie  Drouot  et  Riyaud,  division  di 
eavaleria  Kellçrmann.  -^  %^  eorps  (Maraumt),  di» 


—  13S  — 

visions  d'infanterie  Boudet,  Grouchy,  Dumonceàu, 
diAision  de  cavalerie  légère  Lacoste.  —  3*  corps 
(Davout)  (1),  divisions  d'infanterie  Bisson,  Priant, 
Gudin  ;  division  de  cavalerie  légère  Vialanes.  — 
4*  corps  (Soult) ,  divisions  d'infanterie  Saint-Hi- 
laire,  Vandamme,  Legrand ,  Suchet  ;  division  de 
cavalerie  légère  Margaron.  —  5®  corps  (Lannes), 
di^ision  de  grenadiers  Oudinot,  division  Gazan  ; 
division  de  cavalerie  légère  Treilhard.  — 6®  corps 
(Ney),  divisions  d'infanterie  Dupont,  Loison,  Ma- 
Iher;  division  de  cavalerie  légère  Tilly.  —  T  corps 
(Augereau) ,  divisions  d'infanterie  Desjardin  et 
Maurice  Mathieu.  —  Réserve  de  cavalerie  (Mo- 
reau),  six  divisions  de  cavalerie  (dont  deux  de 
réserve  et  quatre  de  dragons),  Nansouty,  d'Haut- 
poul,  Klein,  Walther,  Beaumont ,  Bourcier.  — 
Une  division  de  dragons  à  pied  (Baraguey-d'Hil- 
liers).  —  Six  mille  hommes  de  garde  impériale  à 
pied,  et  deux  mille  à  cheval,  sous  les  généraux  de 
brigade  Dorsenne,  Soulès,  Ordener,  ayant  à  leur 
tête  le  maréchal  Bessières. 

Ces  forces  constituaient  un  effectif  de  près  de 
deux  cent  mille  combattants.  L'armée  d'Italie  ou 
8*  corps  en  avait  trente-cinq  mille  ;  celle  de  Saint- 
Cyr,  à  Naples,  quinze  mille;  les  troupes  électo- 
rales vingt-quatre  mille. 

• 

(1  )  La  plupart  des  ouvrages  écrivent  le  nom  de  Davout  avec 
une  s,  celui  de  Sainta-Susanne  avec  un  i.  Nous  avons  sous 
les  yeux  des  lettres  écrites  par  ces  deux  hommes  de  guerre 
et  signées  Davout  et  Sainte- Susanne, 


—  136  — 

Telle  était  la  composition  et  la  force  des  armées 
belligérantes,  lorsque  Napoléon,  voulant  prévenir 
ses  adversaires  et  battre  les  Autrichiens  avant 
rentrée  en  ligne  des  Russes  ,  donna  Tordre,  le 
23  août  1805,  après  une  manœuvre  d'embarque- 
ment à  Boulogne,  do  faire  débarquer  les  troupes, 
de  lever  les  camps,  et  de  mettre  tout  en  œuvre, 
pour  que  cette  armée  formidable  pût  traverser  ra- 
pidement la  France,  de  Touest  à  Test. 

La  division  Vandamme,  2®  du  4®  corps,  était 
formée  des  brigades  Saligny  (tirailleurs  du  Pô  et 
24®  de  ligne),  Ferrey  (4*-^  et  28®  de  ligne),  Gandras 
(46®  et  57®  de  ligne)  ;  en  tout  huit  mille  six  cents 
hommes  environ.  Elle  avait  pour  chef  d'état-major 
l'adjudant  général  Mériage.  Les  aides  de  camp  du 
général  Vandamme  étaient  :  le  chef  d'escadron 
Séron,  le  capitaine  Desoye ,  et  le  lieutenant  Des- 
warte. 

Cette  division,  ayant  un  effectif  de  près  de  neuf 
mille  combattants,  une  des  plus  belles  et  des  plus 
solidement  organisées,  de  celles  ayant  séjourné 
dans  les  camps,  partit  dans  les  premiers  jours  de 
septembre  du  village  d'Outreau,  et  se  trouva,  le 
26  du  même  mois,  sur  les  bords  du  Rhin,  près  de 
Spire. 

A  son  passage  à  Sedan,  Vandamme  reçut  du 
maréchal  Soult  la  lettre  ci-dessous  ,  datée  de 
Paris,  8  septembre  : 

r  J'ai  reçu,  mon  cher  général,  les  états  que 
vous  m'avez  adressés,  et  vos  lettres  relatives  à  la 


—  137  — 

narche  de  votre  division  ;  j'ai  vu  avec  bien  du 
}laisir  que  vous  étiez  satisfait  de  sa  conduite  ,  et 
jue  vous  comptiez  sur  le  retour  des  hommes  qui 
sont  partis  sans  permission  ;  j'en  ai  rendu  compte 
au  ministre  de.  la  guerre,  qui  a  mis  mon  rapport 
sous  les  yeux  de  Sa  Majesté. 

«  J'ai  aussi  adressé  au  ministre  la  lettre  du 
colonel  Marion  que  vous  m'avez  envoyée,  etj'ai  fait 
eu  sa  faveur  la  demande  d'un  secours  extraordi- 
naire ;  il  m'a  été  dit  à  son  égard  que  Sa  Majesté 
lui  avait  accordé  une  gratification  de  10,000  francs, 
à  prendre  sur  les  biens  des  Etats  de  Parme.  Sans 
doute  qu'il  sera  prévenu  officiellement  de  ce  bien- 
fait de  l'Empereur,  et  que  sa  reconnaissance  éga- 
lera les  sentiments  qui  l'animent  pour  son  glorieux 
service. 

•  Incessamment  je  ferai  mettre  à  l'ordre  que 
le  général  Saligny  remplace  le  général  Andréossy 
dans  les  fonctions  de  chef  d'état-major  du  4®  corps. 

•  Je  ne  pense  pas,  mon  cher  général,  qu'il  y 
ait  de  décision  qui  accorde  deux  sous  par  jour  à 
chaque  soldat  en  marche.  La  troupe  reçoit  les 
vivres  de  campagne  comme  au  camp,  et  elle  doit 
se  trouver  beaucoup  mieux  qu'avec  l'indemnité 
d  étape.  Sa  Majesté  a  particulièrement  étendu  ses 
grâces  sur  les  officiers ,  et  leur  a  fait  sentir  les 
effets  de  sa  magnificence. 

'  Je  compte  partir  dans  quatre  ou  cinq  jours 
pour  Landau,  et  faire  en  sorte  de  me  trouver  à 
Verdun  lorsque  votre  division  y  arrivera  ;  j'aurai 


—  188  — 

alors  le  plaisir  de  vous  embrasser,  et  acquérir  là 
nouvelle  certitude  de  la  belle  conduite  de  votre  di- 
vision pendant  sa  marche.   » 

Ainsi  qu'on  le  voit  par  la  lettre  du  maréchal, 
un  des  généraux  de  brigade  de  la  division  Van- 
damme  ,  Saligny ,  nommé  général  de  division, 
quitta  le  commandement  de  sa  brigade,  où  il  fut 
remplacé  par  le  général  Schiner.  Ce  dernier  reçut 
Tordre  de  prendre,  le  25  septembre,  le  comman- 
dement d'un  petit  corps  composé  du  bataillon  des 
tirailleurs  corses,  du  bataillon  des  tirailleurs  du 
Pô,  du  24*^  de  ligne,  de  deux  pièces  de  quatre ,  et 
de  quelque  cavalerie  pour  former  Tavant-garde 
du  4*"  corps,  aile  gauche  de  la  grande  armée. 

Le  27  septembre,  la  division  Vandamme  fut 
réunie  à  dix  heures  du  matin  aux  portes  de  Spire, 
et  se  mit  en  mouvement  pour  franchir  le  fleuve  à 
Reinhausen,  se  dirigeant  sur  Bruchsal.  Elle  fit 
halte  à  Waghausel,  où  elle  attendit  de  nouveaux 
ordres.  Les  jours  suivants  elle  continua  sa  marche 
vers  Test,  par  Heilbronn,  où  elle  passa  le  Necker, 
par  Hall ,  qu'elle  traversa  le  3  octobre  pour  bi- 
vouaquer en  avant  de  la  ville.  Le  jour  suivant, 
un  détachement  de  chasseurs  du  11® ,  régiment 
passé  la  veille  sous  les  ordres  de  Vandamme, 
et  placé  à  son  avant-garde,  trouva  dans  Elwan- 
gen  un  parti  de  hulans  qui  évacua  la  ville. 
On  approchait  de  Fennemi.  Le  maréchal  Soult  fil 
dire  au  comte  de  Walmoden,  qui  commandait  leî 
Autrichiens  sur  cette  partie  du  théâtre   de  h 


gueire,  qu'en  deçà  de  l'Inn  il  ne  reconnaissait 
plus  dans  les  troupes  que  des  ennemis. 

Vandamme  s'établit  en  avant  d'EKvangen,  éclai- 
rant  la  route  de  Aalen ,  et  poussant  des  recon- 
naissances jusqu'à  Nordlingen  II  eut  ordre  de 
s'emparer  de  Donawerth ,  du  pont  sur  le  fleuve, 
des  débris  de  ce  pont,  si  T ennemi  essayait  de  le 
détruire,  et  de  toutes  les  barques  et  matériaux 
pouvant  servir  a  un  passage  de  rivière.  Le  6  oc- 
tobre, en  effet,  Tavant-garde  de  la  division,  con- 
duite par  le  général  Gandras,  attaqua,  à  dix  heures 
du  soir,  le  pont  de  Donawerth ,  et  parvint  à  s'en 
emparer,  ainsi  que  de  celui  de  Munster,  après 
une  assez  vive  résistance,  et  après  avoir  culbute 
le  régiment  de  Golloredo  qui  le  défendait. 

Les  troupes  avaient  fait  une  forte  étape.  Le 
mouvement  de  Vandamme  avait  pour  but  de  sur« 
preqdre  le  passage  du  Danube  et  du  Lech,  et  de 
protéger  la  marche  du  3^  corps  (Davout)  sur 
Harbourg.  Ce  mouvement  réussit  parfaitement^ 
car  les  Autrichiens  surpris  n'eurent  pas  le  temps 
de  défendre  le  pont,  et  cent  mille  hommes  passé-** 
peut  le  Danube,  du  6  au  7  octobre,  sur  les  U'oî» 
points  de  Donawerth,  Neubourg  et  Ingolstadt. 

L'empereur  arriva  de  sa  personne  le  6  au  soir 
à  Nordlingen.  Le  7,  la  division  Vandamme  s'éta- 
Uit  à  Rain,  un  peu  à  Test  de  Donawerth,  et  se 
disposa  à  passer  le  Lech,  le  jour  suivant,  o^ 
^'elle  fil  en  effets  après  avoir  chaseé  devant  elle 
quelquM^  «leadroAe  ennemis.  Elle  dëpaes»,  te  9, 


—  140  — 

la  ville  d^Aicha,  resta  quelques  instants  en  position 
sur  los  hauteurs  de  Fridberg  pour  observer  Ten- 
nemi,  et  voyant  que  rien  ne  s'opposait  à  sa  marche 
vers  Augsbourg,  elle  se  rabattit  au  sud-ouest  sur 
cette  ville  qu'elle  occupa  après  avoir  franchi  le 
Lech  pour  la  seconde  fois.  Elle  s'étabUt  au  sud 
de  ctîtte  dernière  ville,  où  vinrent  successivement 
les  quartiers  généraux  du  prince  Murât  et  celui  de 
l'Empereur.  Vandamme  porta  le  sien  à  Lands- 
berg.  Les  troupes  du  4*^  corps,  fatiguées  par  des 
marches  rapides  depuis  le  passage  du  Rhin,  eurent 
deux  séjours.  La  division  Vandamme  cantonna 
jusqu'au  13  dans  les  villages  autour  de  Landsberg, 
sur  la  rive  droite  du  Lech,  et  le  général  en  profita 
pour  écrire  à  ses  commandants  de  brigade  : 

r  Messieurs,  la  position  dans  laquelle  nous  nous 
trouvons  me  force  à  en  appeler  à  toute  votre  atten- 
tion. Les  marches  forcées  faites  ou  à  faire  pour 
compléter  la  plus  belle  campagne  connue  dans 
l'histoire,  les  privations  auxquelles  nous  sommes 
exposés,  tout,  Messieurs,  exige  de  notre  part  des 
soins  particuliers  pour  maintenir  la  troupe  dans 
la  discipline,  conserver  la  santé  des  braves  que 
nous  commandons,  et  entretenir  l'armement  et  l'ha- 
billement en  règle.  Je  vous  conjure  ,  au  nom  de 
l'honneur,  au  nom  de  l'amour  que  nous  portons 
tous  à  notre  auguste  Empereur,  occupez-vous 
constamment  de  vos  brigades,  régiments,  ba- 
taillons et  compagnies,  comme  je  m'occupe  autant 
que  possible  de  vous  tous.  Je  sacrifierai  ma  santé 


et  ma  vie  pour  le  bien-être  de  ma  division,  mais  je 
ne  puis  rien  sans  le  concours  de  ceux  qui,  comme 
moi,  ont  juré  à  TEmpereur  de  bien  le  semr,  et 
de  tout  faire  pour  son  glorieux  règne. 

<r  Nous  sommes  à  la  veille  des  plus  grands 
événements  militaires  :  toute  une  armée  autri- 
chienne est  presque  entourée  par  la  grande  armée 
que  le*  grand  Napoléon  commande  en  personne  ; 
préparons-nous  à  bien  nous  battre ,  et  sous  peu 
la  victoire  la  plus  signalée  terminera  cette  cam- 
pagne pénible  et  glorieuse.  C'est  dans  des  cir- 
constances difficiles  que  Thomme  de  cœur  prouve 
qui  il  est  ;  si  notre  métier  n'était  pas  pénible,  s'il 
n'y  avait  pas  souvent  des  dangers  et  des  maux  à 
supporter,  quel  honneur  y  aurait-il  d'être  militaire? 
L'élite  de  la  nation  ne  composerait  pas  les  armées, 
et  nous  ne  serions  plus  les  citoyens  distingués  de 
la  grande  nation. 

f  Content  jusqu'ici  de  la  presque  totalité  de 
ma  division,  je  me  félicite  de  la  commander;  je 
vois  les  chefs  attentifs,  les  soldats  patients  et  dis- 
ciplinés, et  j'ose  d'avance  me  convaincre  que  de 
brillants  succès  couronneront  nos  généreux  efforts, 
f  Soldats,  continuez  à  être  disciplinés  et  pa- 
tients, croyez  que  moi  et  tous  vos  chefs  nous 
n'avons  rien  tant  à  cœur  que  de  vous  conduire  au 
chemin  de  la  victoire  ;  le  temps  est  affreux,  les 
chemins  difficiles ,  mais  nous  sommes  Français, 
notre  auguste  Empereur  marche  à  notre  tête, 
d^éclatantes  victoires  seront  le  prix  de  tant  d'hé- 


roïsme.  La  campagne  ne  sera  pas  longue,  mu» 
peu  nous  n'aurons  plua  d'ennemis  ,  tous  savent 
que  notre  souverain  ne  combat  que  pour  les  vain* 
cre,  ils  no  peuvent  l'avoir  oublié.  Je  compte  tou- 
jours sur  votre  valeur,  sur  votre  discipline  et  sur 
votre  patience ,  comptez  sur  toute  ma  sollicitude 
pour  alléger  vos  privations,  vos  souffrances,  el 
obtenir  qu'on  mette  un  peu  plus  de  régolarité  dan» 
la  distribution  des  vivres. 

t  Je  sais  vous  apprécier,  continuez  à  m'accofder 
votre  confiance,  donnez-m'en  la  preuve  par  votw 
bonne  conrluite,  et  je  serai  toujours  tout  entier  à 

TtUS.   3 

Le  12,  Vandamme  écrivit  encore  au  général 
Schiner,  qui  commandait  son  avant-garde  : 

«  Mon  cher  général,  ayez  bien  soin  de  vos 
braves  chasseurs  du  24'\  Cette  nuit,  faites  en 
sorte  que  votre  batterie  de  deux  pièces  de  4  soit 
bien  pourvue  de  tout;  ne  lui  laissez  pas  man- 
quer de  chevaux ,  et  faites-leur  donner  force 
avoine.  Ayez  aussi  des  bontés  pour  tes  cxknmh 
niers  et  soldats  du  train,  car  nous  allons  faire, 
d'ici  quatre  jours  ,  de  fortes  marches  et  stoir 
bien  à  nous  battre.  Le  moment  est  décisif.  H  faut 
surtout  pourvoir  aux  cartouches  et  pierres  à  feu. 
Dans  la  nuit,  je  vous  enverrai  tout  ce  qu'il  me 
sera  possible  de  pain  et  d'eau-de-vie.  Du  reste, 
je  compte  sur  vous  ;  je  vous  prie  de  faire  tout 
au  mieux.  » 

Par   sa  belle  manœuvre,  Vemper&xr  «oupeit 


-  14»  - 

a  ligne  d'opérations  de  rennemi.  Mack  ,  après 
avoir  pris  le  change  sur  la  direction  donnée  à 
Farmée  française,  et  avoir  cru  qu'il  allait  être  atta- 
qué de  front  sur  sa  ligne  de  Tlller,  finit  par  com- 
prendre que  le  gros  des  forces  françaises  se  por- 
tait vers  le  Danube.  Il  fit  replier  sur  Stockach  et 
Memingen  ses  corps  avancés,  concentra  ses  forces 
dans  Ulm  et  ses  environs  et  laissa  sur  la  riv« 
droite  du  fleuve  une  forte  avant-garde  aux  ordre» 
de  Kienmayer.  Mais,  ainsi  qu  on  Ta  vu,  il  ne 
sut  pas  empêcher  le  passage  du  Danube,  et  perdit 
en  quelques  jours  toutes  ses  lignes  de  retraite. 
Déconcerté  par  la  rapidité  des  marches  de  son 
adversaire,  il  apprit  en  même  temps  Toccupation 
de  la  Bavière,  la  position  d'une  armée  nombreuse 
sur  le  Lech,  c'est-à-dire  sur  ses  derrières.  Il  n'eut 
ï^us  d'autre  parti  rationnel  à  prendre  que  de  se 
concentrer  sur  l'IUer,  entre  Ulm  et  Memingen.  l\ 
fil  retrancher  à  la  hâte  celte  dernière  place,  espé- 
rant pouvoir  se  maintenir  avec  toutes  ses  forces 
assez  de  temps  pour  être  joint  par  l'armée  russe. 

Vandamme,  avec  l'habitude  qu'il  avait  de  la 
grande  guerre,  avait  compris  le  grand  et  habile 
mouvement  tournant  de  l'Empereur  pour  envelop- 
per Mack. 

Le  13  octobre,  le  4®  corps  se  remit  de  nouveau 
ea  marche.  La  2^  division  se  porta  de  Landsberg 
sur  Memingen,  franchit  l'IUer,  échangea  quel- 
qMs  coups  de  canon  avec  l'ennemi,  et  contri- 


—  144  — 

bua  à  la  reddition  de  la  ville,  que  les  Autrichienî 
défendirent  faiblement. 

La  veille,  Vandamme  avait  reçu  de  Soult  h 
lettre  suivante  : 

«  La  3^  division  doit  être  rendue  demain  matin 
pour  dix  heures  à  Memingen  et  y  attaquer  immé- 
diatement Tennemi  ;  celle  que  vous  commandez, 
monsieur  le  général,  devrait  y  être  rendue  à  deu^ 
heures,  afin  de  concourir  aux  opérations  de  celle 
journée  et  pour  secourir  la  division  du  général 
Legrand,  s'il  était  nécessaire. 

•  Faites  mettre  à  Tordre  de  votre  division  que 
les  régiments  qui  veulent  combattre  doivent  être 
rendus,  pour  trois  heures  après  midi,  devanl 
Memingen,  et  que  je  i-emarquerai  ceux  qui  laisse- 
ront le  plus  d'hommes  en  arrière. 

«  Mandez-moi  à  quelle  heure  vous  vous  mettrez 
en  marche,  instruisez-moi  de  votre  arrivée  devant 
Memingen  et  ne  souffrez  dans  la  colonne  aucune 
lacune,  ni  voiture  d'équipage,  qui  pourrait  inter- 
rompre sa  marche.  » 

Le  il  octobre,  les  1^®  et  3*  divisions  du 
4*  corps  se  mirent  en  marche  pour  se  porter  sui 
Ochsenhausen ,  prolongeant  le  mouvement  tour- 
nant général  combiné  par  l'Empereur.  La  division 
Vandamme  eut  ordre  de  se  tenir  prête  à  suivre  h 
même  route  dès  que  les  articles  de  la  capitulatior 
de  Memingen  seraient  signés,  ce  qui  eut  lieu  dauî 
l'après-midi.  La  garAison,  forte  de  4  à  5,001 
hommes,  fut  faite  prisonnière  de  guerre.  Le  gêné 


—  146  ~ 

*al  Schiner  entra  dans  la  place  pour  Texécution 
les  articles  de  la  capitulation,  et  la  division  Van- 
lamme  partit  pour  Ochsenhausen.  Le  15,  elle 
'emonta  à  la  suite  de  la  3®  division,  au  nord,  et 
ânt  bivouaquer  autour  de  Laubleim,  laissant  Ulm 
sur  sa  droite. 

Cette  dernière  ville  ayant  capitulé  le  17,  etlarmée 
le  Mack  s'étant  rendue  prisonnière,  la  première 
partie  de  la  campagne  était  terminée.  Il  fallait 
adors  poursuivre  les  débris  des  corps  autrichiens 
en  retraite  sur  Vienne  et  cherchant  à  joindre  Tar- 
mée  russe,  en  marche  sur  la  Moravie. 

Le  4^  corps  reprit,  dès  le  18  octobre,  la  route 
d'Ochsenhausen,  de  Memingen,  de  Landsberg,  où 
la  division  Vandamme  fit  séjour  le  23,  puis  ce 
corps,  se  dirigeant  sur  Munich,  vint  passer  Tlnn, 
le  29  àMettenheim,  près  Mùldorf-la-Trann  ;  le 
5  novembre  il  s'arrêta  à  Wels  et  s'établit  en  avant 
de  cette  ville. 

Ces  marches  rapides  ne  s'étaient  pas  effectuées 
sans  donner  lieu  à  quelques  désordres.  Le  retard 
et  quelquefois  le  manque  de  distributions  régu- 
lières faites  aux  troupes  avaient  amené  des  actes 
regrettables  de  violence  au  préjudice  des  habi- 
tants, des  réquisitions  forcées,  des  crimes  même, 
ce  qui  motiva  un  ordre  du  jour  très-vigoureux  du 
maréchal  Soult,  en  date  du  16  octobre.  Dans  cet 
ordre  fort  long,  nous  remarquons  la  mesure  cu- 
rieuse prise  pour  faire  cesser  l'usage  que  les 
soldats  avaient  adopté  de  tirer  à  tout  propos, 

T.  II.  10 


-446  - 

dans  les  camps»  des  coups  de  feu,  pouvant  porter 
la  perlurhation  i)arlout  : 

«  Le  maréchal  commandant  en  chef,  dit  l'ordre 
du  IG,  voulant  aussi  réprimer  le  pillage  et  faire 
cesser  Tindécont  tiraillement  qui  a  lieu  journelle- 
ment dans  les  camps  et  pendant  la  marche,  or- 
donne que  tout  mihtaire  qui  aura  tiré  un  coup  de 
fusil,  sans  être  en  présence  de  Tennemi,  soit  privé 
pendant  huit  jours  d'avoir  de  chien  à  son  fusil,  et 
si,  pendant  ce  temps,  il  faut  combattre,  il  soil 
obligé  de  se  défendre  avec  sa  baïonnette.  Si  ce 
militaire  appartient  à  un  régiment  de  cavalerie,  il 
sera  démonté  pendant  deux  jours.  » 

Le  même  ordre  prescrivait  de  faire  juger  séance 
tenante,  môme  en  marche,  les  hommes  qui  pille- 
raient, violeraient,  etc.;  de  les  faire  passer  par  les 
armes,  s'ils  étaient  condamnés,  avant  que  le  régi- 
ment pût  se  remettre  en  mouvement. 

Le  4^  corps,  cependant,  formant  depuis  l'ouver- 
ture de  la  campagne  le  centre  de  la  grande  armée, 
franchit  l'Enns  et  marcha  sur  Haag. 

La  division  Vandamme  arriva,  le  9,  à  Lostorf, 
le  10  à  Pottenbrûnn,  où  elle  passa  la  Trasen,  el 
le  41  à  Judenau.  Elle  fit  séjour  le  12  dans  cette 
petite  ville  et  fut  prévenue  par  le  chef  d'étal-major 
général  que  des  partis  russes  commençaient  à 
se  laisser  voir  sur  les  deux  rives  du  Danube;  qu'il 
était  urgent,  on  conséquence,  d'ordonner  à  ses 
cantonnements  sur  la  içauche  de  la  route  de  Vienne 
d'être  sur  leurs  gardes,  pour  éviter  toute  sur- 
prise. 


—  147  — 

Vandamme  profita  de  ce  court  repos  pour  mettre 
à  Tordre  du  jour  de  la  division  ce  qui  suit  : 

«  Le  général  recommande  aux  officiers  et  sous- 
officiers  le  plus  grand  soin  à  surveiller  et  à  punir 
les  soldats  qui  se  permettraient  le  moindre  dé- 
sordre dans  le  pays  que  nous  occupons.  Il  est 
possible  que  nous  y  restions  longtemps,  ou  au 
moins  est-il  certain  qu'après  nous  d'autres  troupes 
françaises  Toccuperont.  Il  faut  donc  en  ménager 
les  ressources  et  sévir  très-rigoureusement  contre 
quiconque  ose  se  permettre  le  moindre  pil- 
lage, etc.  » 

A  la  suite  de  cet  ordre, «venait,  comme  corol- 
laire, celui-ci,  en  date  du  même  jour  : 

•  Le  général  de  division  félicite  M.  Sacré,  ad- 
judant major  au 46®  de  ligne  et  officier  de  la  Légion 
d'honneur,  de  l'énergie  et  de  la  fermeté  qu'il  a 
déployées  contre  un  soldat  pillard  d*un  des  régi- 
ments de  la  division,  qui,  après  avoir  pillé  dans 
mie  maison,  poursuivait  une  pauvre  femme  avec 
atrocité,  la  menaçant  de  la  baïonnette.  Il  voulut 
aussi  s'en  servir  contre  ledit  adjudant  major,  qui 
lui  a  passé  son  sabre  à  travers  le  corps,  etc.  » 

Mais,  si  Vandamme  était  d'une  sévérité,  d'une 
dureté  extrêmes  pour  les  pillards  et  les  indisci- 
plinés, il  n'admettait  pas  non  plus  qu'on  laissât 
ses  soldats  mourir  de  faim.  Chaque  fois  que  les 
vivres  manquaient,  il  s'en  prenait  à  l'administra- 
tion chargée  de  ce  soin,  et  comme  il  ne  savait  ni 
se  taire  ni  se  modérer,  il  disait  à  qui  voulait  l'en- 


—  «48  — 

tendre  ce  qu'il  pensait,  allant  même  souvent  an 
delà  des  limites  permises. 

Il  reçut,  à  l'occasionde  paroles  imprudentes  dt 
ce  i^enre,  une  lettre  très- vigoureuse  et  très-nette 
du  maréchal  Soult,  lettre  datée  de  Gros-Nemet- 
schilz,  le  20  novembre.  La  voici  : 

•  Plusieurs  officiers  recommandables  par  leur 
mérite  m'ont  rendu  compte,  monsieur  le  général, 
que  depuis  plusieurs  jours  vous  insinuiez  publi- 
quement que  les  subsistances  de  l'armée  étaient 
vendues  ;  j'ai  été  d'autant  plus  étonné  d'apprendre 
qu'un  pareil  propos  avait  pu  sortir  de  votre  bouche, 
que  j  étais  persuadé  que  vous-même  étiez  cou- 
vaincu  que  l'administration  avait  fait  tous  les 
efforts  possibles  pour  donner  à  la  troupe  ce  qui 
lui  était  dû,  et  que  si  parfois  les  subsistances  ont 
manqué,  on  ne  pouvait  Tattribuer  qu'à  la  rapidité 
de  nos  marches,  et  à  la  pénurie  dans  laquelle 
nous  nous  sommes  souvent  trouvés. 

•  Je  croyais  aussi  qu'une  insinuation  de  celte 
nature  était  indigne  de  votre  caractère,  et  que  vous 
ne  jmuviez  vous  la  permettre,  si  toutefois  quelque 
fait  que  j'ignore  était  parvenu  à  votre  connais- 
sance, sans  au  préalable  m'en  avoir  rendu  compte, 
et  ni'avoir  mis  à  même  de  faire  punir  les  cou- 
pables auteurs  de  ces  déhts. 

«  Enfin,  on  m'a  instruit  des  scènes  scanda- 
leuses que  vous  avez  suscitées  au  chef  de  l'étal' 
major  général,  à  l'ordonnateur  en  chef,  et  parfois 


—  149  — 

même  aux  autres  généraux  de  division  du  corps 
d  armée. 

«  Si  leur  témoignage  n'était  pas  irrécusable, 
j'aurais  refusé  de  le  croire;  car,  je  le  répète,  ces 
moyens  me  paraissent  si  fort  au-dessous  du  carac- 
tère dont  vous  êtes  revêtu,  que  j'aurais  cru  être 
injuste  à  votre  égard  si  je  vous  les, avais  prêtés. 

■  Lorsque  vous  avez  des  besoins  à  faire  con- 
naître et  qu'ils  sont  relatifs  à  vos  troupes,  lors- 
que des  abus  ou  des  délits  vous  sont  dévoilés, 
lorsqu'enfîn  des  virements  quelconques  dans  le 
service  surviennent,  et  que  le  concours  de  mon 
autorité  doit  intervenir,  par  honneur  et  par  devoir, 
monsieur  le  général,  vous  devez  m'en  rendre 
compte,  pour  que  je  puisse  y  remédier,  faire  ces- 
ser le  désordre  et  resserrer  les  liens  de  la  disci- 
pline. 

«  L'oubli  que  vous  avez  fait  de  ces  devoirs 
m'oblige  à  vous  écrire  cette  lettre,  mais  je  ne  le 
fais  qu'à  regret  ;  elle  me  donne  cependant  lieu  de 
vous  sommer  sur  votre  honneur  de  me  faire  con- 
naître tous  les  délits,  fraudes,  ou  les  actions  qui 
peuvent  avoir  été  commis  et  qui  seraient  restés 
impunis,  pour  que  je  livre  les  coupables,  quel  que 
soit  leur  caractère,  à  toute  la  rigueur  des  lois,  car 
eu  tout  temps  je  veux  pouvoir  répondre  à  Sa 
Majesté  que  les  troupes  dont  elle  a  daigné  me 
confier  le  commandement  sont  dignes  de  sa  con- 
fiance et  ne  cessent  de  mériter  ses  grâces.  » 

Le  15  novembre ,  l'armée  était  dans  Vienne  , 


-  180  — 
Vandammc  ayant  la  pcnsde  que  TEmpcrcur  pas- 
serait une  revue,  fit  les  plus  grandes  recomman- 
dations aux   chefs  de   corps.    Il  écrivit   à  Fun 
d'eux  : 

«  Voici  en  peu  de  temps,  monsieur  le  colonel, 
la  campagne  la  plus  éclatante  terminée.  C'est  au 
génie  extraordinaire  et  à  la  bonne  étoile  de  notre 
auguste  Empereur,  à  qui  nous  en  avons  Tobli- 
gation  »  ;  et  plus  loin  :  «  Voici  deux  jours  de  repos 
qui,  j'espère,  auront  été  bien  employés  par  votre 
régiment.  Prenez,  je  vous  prie,  toutes  les  mesures 
nécessaires,  pour  que  le  corps  que  vous  com- 
mandez soit  en  état  de  paraître  demain  ou  après 
devant  S.  M.  TEmpereur;  je  mets  le  plus  grand 
amour-propre  pour  que  ma  division  soit  bien 
tenue.  Elle  a  déjà  quelques  avantages  sur  d'autres, 
que  je  suis  jaloux  de  conserver,  etc.  » 

Le  même  jour,  15  novembre,  Vandammc  reçut 
l'ordre  de  mettre  sa  division  en  marche,  le  len- 
demain 16,  à  8  heures  du  matin,  et  de  so  diriger 
avec  elle  sur  Znaïm  par  IloUabrùnn  (rive  gauche 
du  Danube).  Mais  quelques  heures  avant  la 
diane ,  contre-ordre  fut  donné  ,  et  la  divisiwi 
resta  la  matinée  à  Judenau.  Elle  ne  se  porta  en 
avant  que  vers  trois  heures,  lorsque  Ton  sut  que 
Ton  était  aux  prises  avec  les  Russes  à  HoUabrûnn. 
ExpHquons  en  deux  mots  ce  qui  avait  motivé  ces 
mouvements. 

L'armée  de  Kutusoff  était  arrivée  sur  le  Da- 
nube et  avait  rallié  les  débris  des  corps  autri- 


—  151  — 

chiens  baltiis.  Napoléon  ayant  la  conviclion  (jue 
toutes  les  forces  réunies  des  deux  puissances 
cheicheraient  à  sauver  Vienne  en  livrant  une 
grande  bataille  à  Saint-Poolten,  prit  ses  disposi- 
tions en  conséquence  ;  mais  Kutusoff  trouva  les 
coi-ps  Autrichiens  tellement  désorganisés,  qu'il 
préféra  se  replier  en  Moravie  pour  y  attendre  la 
seconde  armée  russe. 

Il  passa  donc,  par  le  pont  de  Krems  sur  la  rive 
gauche  du  fleuve ,  en  abandonnant  Vienne,  Il  se 
trouva  que  les  combinaisons  de  TEmpereur,  faitea 
dans  la  prévision  d'une  bataille  à  Saint-Poolten, 
devinrent  inutiles.  Le  prince  Murât  s'étant  en 
outre  avancé  trop  rapidement  et  avec  imprudence 
sur  Vienne,  malgré  les  ordres  de  Napoléon,  et 
ayant  attiré  à  lui  les  corps  de  Lannes  et  de  Soult, 
le  maréchal  Mortier ,  seul  sur  la  rive  gauche ,  fut 
sur  le  point  d'être  écrasé  par  toutes  les  forces 
des  Austro-Russes.  Alors  eut  lieu  le  beau  et  san-» 
glant  combat  de  Dierstein  (12  novembre).  Mortier 
parv- int  à  passer  sur  le  corps  de  l'ennemi  et  à  ral- 
lier Napoléon. 

L'ordre  fut  immédiatement  donné  de  pousser 
sur  la  capitale  de  l'Autriche,  les  Russes  se  re- 
pliant sur  Znaïm.  Le  13  novembre,  Murât  entra 
à  Vienne,  surprit  le  passage  du  pont,  envoya  des 
partis  de  cavalerie  sur  la  route  de  Briinn,  et  se  fai- 
sant suivre  par  le  corps  de  Lannes,  les  divisions 
Vandamme  et  Legrand,  du  4"  cprps,  il  se  mit  en 
opération  sur  Brûnn,  pour  tâcher  de  couper  Ten- 


—  152  — 

nemi  dans  sa  marche  sur  Znaïm,  et  rempêcherde 
rallier  la  seconde  armée  russe. 

La  division  Vandamme  ayant  traversé  Vienne 
le  14,  se  porta,  le  10,  sur  Hollabrûnn  ,  où  elle  ar- 
riva au  moment  où  le  combat  se  terminait  par  la 
retraite  do  Tennemi. 

Kutusoff,  en  apprenant  la  marche  de  Murât  sur 
Znaïm,  avait  jeté  à  Hollabrûnn  une  division  de  six 
mille  hommes,  de  quelques  escadrons,  d'un  gros 
de  Cosaques,  et  de  douze  bouches  à  feu,  sous  le 
prince  Bagration,  en  lui  donnant  Tordre  de  tenir  à 
tout  prix,  jusqu'à  ce  que  le  reste  de  l'armée  qui 
filait  sur  Znaïm  eût  dépassé  Hollabrûnn. 

Attaqué  par  les  grenadiers  d'Oudinot,  Bagration 
fut  rejeté,  et  perdit  cent  voitures  d'équipage.  La 
division  Vandamme,  arrivée  trop  tard  pour  pren- 
dre part  à  l'affaire,  prolongea  son  mouvement  jus- 
qu'à Guntersdorf,  en  avant  d'HoUabrûnn,  à  quel- 
ques lieues  de  Znaïm.  Le  17,  elle  bivouaquait  en 
arrière  de  cette  ville.  Le  22,  elle  atteignit  Stanilz, 
et  s'y  établit  pour  quelques  jours.  Elle  avait,  dans 
sa  marche,  franchi  la  Taja  et  traversé  la  route  de 
Presbourg  à  Brûnn. 

Il  s'était  passé  un  fait  assez  curieux  à  Holla- 
brûnn, Murât,  ayant  hâte  d'atteindre  Znaïm,  point 
de  jonction  des  routes  de  Brûnn  et  de  Vienne, 
avait  envoyé  un  parlementaire  à  Kutusoff.  Ce  der- 
nier, heureux  de  trouver  un  moyen  pour  sauver  son 
armée  d'un  désastre  complet,  même  en  sacriliant 
le  corps  de  Bagration ,  avait  dépêché  aussitôt  le 


-  183  — 

baron  de  Winlzingerode  à  Mural  pour  entrer  en  né- 
gociation. Une  convention  pour  Tovacuation  de 
VAllemagne  par  l'armée  russe  fut  signée,  sauf 
approbation  de  l'Empereur.  Gela  donnait  un  répit 
de  vingt  heures  au  général  ennemi,  puisque  Na- 
poléon était  à  Schœnbrûnn,  quinze  lieues  au  sud; 
c'était  tout  ce  qu'il  avait  désiré,  car  Tadjudant  gé- 
néral de  Tempereur  Alexandre,  le  baron  Winlzin- 
gerode, avait  annoncé  qu'il  traitait  au  nom  d'Alexan- 
dre, tandis  qu'il  n'y  élait  nullement  autorisé.  Mu- 
rat  s'était  laissé  prendre  à  celte  ruse. 

Napoléon,  en  apprenant  la  maladresse  de  Mu- 
rat,  partit  de  Schœnbrûnn,  dans  l'espoir  d'attein- 
dre et  de  battre  Kutusoff,  avant  qu'il  se  fût  élevé 
à  la  hauteur  de  Brùnn.  Il  n'avait  pu  empêcher  la 
jonction  de  toutes  les  forces  alliées. 

Revenons  à  Vandamme,  dont  la  division,  comme 
nous  l'avons  dit,  avait  gagné  Stanitz  au-dessous 
d'Auslerhtz.  Elle  resta  dans  cette  position  jusqu'au 
28  novembre.  Ce  jour-là,  elle  reçut  l'ordre,  qu'elle 
exécuta  immédiatement,  de  se  porter  sur  Auster- 
lilz,  et  de  s'établir  en  arrière  de  ce  point  sur  la 
grande  route  de  Brùnn.  A  midi,  les  Russes  ayant 
attaqué  le  cantonnement  de  Wischau,  la  division 
se  replia  sur  ceux  de  Stanitz  et  de  Butschowitz,  en 
arrière  et  à  Test  d'Austerlitz.  Elle  campa  sur  les 
hauteurs.  Le  jour  suivant,  elle  tourna  Austerlitz 
et  vint  au  hameau  de  Schlapanitz.  Le  UO,  elle 
traversa  ce  hameau  ,  et  se  rapprocha  d'Auster- 
lilz. 


—  154  — 

Kilo  so  trouvait  à  la  position  (iu  Santon  devenu 
cëlùhro  par  le  l)ivouac  do  TEmperour,  lorsque, 
dans  la  soin'^e  du  r*^  au  2  ddcembre,  à  8  heures, 
les  soldats  ayant  reconnu  Napoléon,  donnèrent  le 
si}^^nal  de  la  célébration  de  Tanniversaire  du  cou- 
ronnement (1). 

La  veille  Tadjudant  général  Mériagc  avait  été 
remplacé  comme  chef  d'état-major  à  la  division. 

Tout  indiquait  une  grande  et  décisive  bataille 
pour  le  lendemain.  Soult  envoya  à  Vandamme 
Tordre  de  passer  le  défdé  situé  en  avant  de  son 
front,  et  de  se  former  avant  le  point  du  jour  sur 
deux  lignes,  par  brigade ,  une  de  ses  brigades 
déployée,  Fautre  en  colonne,  et  vis-à-vis  des  in- 
tervalles des  bataillons  de  la  première  ligne.  11 
devait  jolcr  son  infanterie  légère  à  cent  pas  en 
avant,  et  son  artillerie  également  en  avant  et  prêle 
à  faire  feu.  «  Faites  en  sorte ,  disait  le  maréchal 
dans  sa  lettre,  que  le  mouvement  s'opère  dans  le 
plus  grand  silence  et  en  ordre.  Votro  troupe  ne 
fera  point  de  feu  lorsqu'elle  sera  rendue  dans  la 
position  que  je  vous  indique.  » 

Le  2  décembre  1805,  jour  à  jamais  mémorable 
dans  les  annales  militaires  de  la  France,  la  di- 
vision Vandamme,  qui  devait  s'illustrer  dans  celte 
bataille,  passa  le  délilé  de  Girzhowitz  et  s'établit, 

(1)  L'Empereur  vint  s'asseoir  un  instant  au  bivouac  de  Van- 
damme, et  le  général,  on  souvenir  de  ce  fait,  a  conservé  une 
bûche  à  demi-cousumée  sur  laquelle  Napoléon  avait  appuyé 
ses  pieds  pour  se  chauffer.  On  garde  cette  bûche  dans  la  fa- 
mille Vandamme,  comme  une  sorte  de  relique. 


^155  — 

ayant  le  village  à  sa  gauche  ,  et  la  1"^^  division 
(Sainl-Hilaire)  du  môme  corps,  à  une  poiiée  de 
canon  sur  sa  droite.  A  huit  heures,  elle  reçut 
ordre  de  se  mettre  en  mouvement.  Elle  traversa 
un  marais  assez  difficile,  et  aborda  résolument  la 
première  position  de  Fennemi.  L'infanterie  légère 
enleva  cette  position  à  la  baïonnette.  Vandamme, 
ayant  alors  réuni  toutes  ses  troupes  sur  la  hauteur, 
prolongea  son  mouvement  offensif  à  la  suite  des 
Austro-Russes  qui  manœuvraient  en  se  retirant. 
Dans  cette  marche,  le  1®^  bataillon  du  4®  de  ligne 
(ancien  régiment  du  prince  Joseph  au  camp  d'Où- 
Ireau),  s'étant  trop  engagé  a  la  poursuite  des 
Russes,  et  ayant  atteint  le  versant  des  hauteurs 
qui  dominent  Austerlitz  au  nord,  fut  soutenu  par 
le  24®  d'infanterie  légère  qui  courut  pour  le  déga- 
ger. Ces  trois  bataillons  furent  un  instant  culbutés 
par  la  cavalerie  ennemie,  et  essuyèrent  des  pertes 
sensibles.  Vandamme  les  rallia  et  les  porta  de 
nouveau  en  avant,  tandis  qu'avec  sept  bataillons, 
il  ciiassait  les  Russes  devant  lui,  de  positions  en 
positions,  sans  leur  donner  le  temps  de  se  recon- 
naître, et  en  remontant  la  vallée  d'AusterUtz  située 
à  sa  gauche. 

Arrivée  dans  la  plaine,  la  division  fut  arrêtée  un 
instant  pour  qu'elle  pût  prendre  haleine  ;  elle  se 
forma  ensuite,  la  gauche  à  la  chapelle  d'Augezd, 
et  l'ennemi,  prononçant  son  mouvement  par  le 
Dano  droit,  Vandamme  profita  de  cette  faute  avec 
la  plus  grande  habileté  et  la  plus  grande  vigueur. 


—  156  — 

Il  réunit  tous  ses  J)alaHloiis,  descendit  dans  la 
valloc,  et  aidé  par  de  rarlillerie  et  de  la  cavalerie 
quo  lui  envoyait  l'Empereur,  il  culbuta  dans  le  lac 
de  Telnilz  l'infanterie  russe  et  le  parc.  A  rentrée 
du  lac,  il  s'empara  de  cincpiante  à  soixante  bou- 
ches à  feu.  Faisant  alors  appuyer  ses  troupes  à 
droite,  il  (It  altaijuer  de  front  le  village  de  Telnilz 
par  quebiues  bataillons,  tandis  que,  se  mettant  de 
sa  personne  à  la  tête  de  quelques  autres,  il  lit  un 
mouvement  tournant,  et  contraignit  Tennemi  qui 
lui  était  opposé  à  se  mettre  en  retraite  à  la  hâte  et 
sans  ordre. 

Les  Russes,  culbutés  sur  tous  les  points  ,  vou- 
lurent se  rallier  sur  la  hauteur  du  village  de  Me- 
nitz,  en  arrière  des  lacs,  ils  furent  encore  cul- 
butés. 

La*  division  Vandamme  prit  alors  position  à 
gauche  de  la  digue  qui  sépare  les  deux  lacs  de 
Telnitz  et  de  Menitz. 

L'ennemi  étant  en  pleine  déroute ,  le  général 
Schiner,  avec  le  24®  de  ligne,  le  bataillon  corse  et 
le  55®  de  Ugne ,  fut  lancé  à  sa  poursuite.  Les 
autres  troupes  bivouaquèrent  sur  le  champ  de  ba- 
taille. 

L'Empereur  avait  pu  apprécier  les  services 
rendus  dans  cette  journée  par  le  4®  corps,  et  en 
particulier  par  la  division  Vandamme  qui  avait 
pris  douze  drapeaux.  Il  fit  demander  un  rapport 
détaillé  ,  relatant  les  événements  ,  les  actions 
d'éclat,  les  pertes  éprouvées.  Il  nomma  Van- 


l 


(lamme  grand  aigle  de  la  Légion  d'honneur.  Le 
grand  chancelier ,  Lacépèdc ,  en  annonçant  le 
iî7  décembre  cette  haute  distinction  au  général 
(distinction  fort  rare,  et  que  Napoléon  ne  prodi- 
guait pas  aux  divisionnaires),  écrivit  de  sa  main, 
au  bas  de  cette  lettre  d'avis  : 

«  Les  membres  de  la  Légion  d'honneur  verront 
avec  un  grand  plaisir  ,  mon  cher  confrère  ,  la 
grande  décoration  réunie  aux  lauriers  que  vous 
venez  de  moissonner  sous  le  plus  grand  des  héros, 
dans  la  plus  mémorable  des  campagnes,  et  à  ceux 
que  vous  avez  déjà  cueillis  à  Furnes,  à  Friedberg, 
sur  les  rives  du  Rhin,  sur  les  bords  du  Waal,  dans 
la  Nord-Hollande,  etc.,  etc.  » 

En  outre,  Tempereur,  en  date  du  8  février  1806, 
rendit  un  décret  dont  voici  la  teneur  : 

•  Voulant  reconnaître  les  services  rendus  à  la 
bataille  d'Austerlitz,  par  les  généraux  dénommés 
ci-après,  et  les  mettre  en  état  de  soutenir  leur 
rang,  avons  décrété  :  il  est  assigné  une  pension  de 
20,000  francs  sur  les  fonds  de  la  Légion  d'honneur, 
à  chacun  des  généraux  Vandamme,  etc.  * 

La  division  Vandamme  resta  le  3  décembre 
dans  sa  position  de  Telnitz  ,  tandis  que  le  général 
Schiner  poursuivait  l'ennemi.  Le  4,  elle  se  dirigea 
par  la  traverse  sur  Nassedlovitz,  pour  aller  bi- 
vouaquer à  Butschowitz.  Au  moment  où  la  tête  de 
colonne  des  troupes  arrivait  à  la  hauteur  du  mou- 
lin de  Spalen,  la  conférence  connmcnçait  entre  les 
deux  empereurs  des  Français  et  d'Autriche.   Le 


-  188  — 

général  y  assista.  Une  suspension  d'armes  sui* 
irit  cette  entrevue  de  Napoléon  et  de  François  II, 
cl  le  lendemain  5  eut  lieu  la  signature  des  pré- 
liminaires de  paix. 

La  division  rétrograda  sur  Vienne  (1)  et  s'y  ins- 
talla pour  y  tenir  garnison,  à  dater  du  23  décem- 
bre. Elle  y  resta  jusqu'au  12  janvier. 

Dans  rinlcrvallc,  elle  fut  passée  en  revue  par 
Napoléon  (le  25  décembre).  Vandamme,  à  cette 
occasion,  reçut  du  maréchal  Soult  la  lelti^  et  Tor- 
dre de  TEmpereur,  voici  ces  deux  documents  : 

«  Jo  vous  adresse ,  monsieur  le  général ,  des 
exemplaires  de  Tordre  généml,  en  date  de  ce  jour. 
Vous  y  remarquerez  que  l'Empereur  a  été  satis- 
fait de  la  division  qnc  vous  commandez,  et  que 
Sa  Majesté  me  charge  de  le  témoigner  aux  troupes 
qui  la  composent  :  je  m'acquitte  de  ce  devoir  avec 
bien  du  plaisir;  mais  je  ne  puis  ajouter  aux 
expressions  honorables  de  Sa  Majesté,  qui  attes- 
tent la  part  glorieuse  que  votre  division  a  prise  à 
la  bataille  d'Austcrlitz. 

«  Vous  voudrez  bien  faire  parvenir  aux  chefs  de 
corps.  Tordre  de  l'armée,  et  leur  prescrire  d'en  faire 

(1)  En  anivaiit  à  Vienne,  la  division  Vandammc  avait  en- 
core 2G9  oflicici's  et  7,640  hommes  présents  sous  les  armes; 
10  oflicicis  et  384  hommes  de  troupe  étaient  en  détachement; 
38  et  4,^50  aux  hôpitaux;  1  et  30  prisonniers.  Elle  avait  eu,  à 
la  bataille  d'Austerlitif,  29  officiers  et  174  hommes  de  troupes 
blessés,  14  et  339  tués. 

Pendant  cette  campagne ,  la  grande  armée  avait  pris 
2,555  bouches  à  feu,  dont  2,403  aux  Autrichiens  et  152  au^ 
Russes. 


lecture  aux  compagnies  assemblées,  en  leur  don- 
nant x)onmiuniGation  de  ma  lettre.  » 

ORDRE   DU  iOUR. 

«  L'Empereur  a  passé  lundi  la  revue  des  divi- 
sions des  carabiniers  et  cuirassiers  des  généraux 
Nansouty  et  d'Hautpoul. 

«  Sa  Majesté,  après  la  revue,  a  éprouvé  une  vé- 
ritable satisfaction  de  voir  en  aussi  bon  état  ces 
braves  régiments  de  cuirassiers,  qui  lui  ont  donné 
tant  de  preuves  de  courage  dans  le  courant  de  la 
campagne,  et  notamment  à  la  bataille  d'Aus- 
terlitz. 

«  Mardi  Sa  Majesté  a  passé  la  revue  de  la  divi- 
sion Vandamme.  L*Empereur  charge  le  maréchal 
Soult,  de  faire  connaître  qu'il  a  été  satisfait  de 
celte  division,  et  de  revoir,  après  la  bataille  d'Ans- 
terlitz,  en  si  bon  état  et  si  nombreux  les  bataillons 
qui  ont  acquis  tant  de  gloire  et  qui  ont  tant  con- 
tribué au  succès  de  cette  journée. 

«  Arrivé  au  premier  bataillon  du  4®  régiment  de 
ligne,  qui  avait  été  entamé  à  la  bataille  d'Austerlitz 
et  y  avait  perdu  son  aigle,  TEmpercur  lui  dit  : 
Soldats,  qu'avez-vous  fait  de  l'aigle  que  je  vous 
avais  donnée?  vous  aviez  juré  qu'elle  vous  servi- 
rait de  point  de  ralliement,  et  que  vous  la  défen- 
driez au  péril  de  votre  vie  ;  comment  avez-vous 
tenu  votre  promesse?  Le  major  a  répondu  que  le 
porte-drapeau  ayant  été  tué  dans  une  charge,  au 


—  160  — 

moment  de  la  plus  forte  mêlée,  personne  ne  s'en 
était  aperçu  au  milieu  de  la  fumée  ;  que  cependant 
la  division  avait  fait  un  mouvement  à  droite,  que 
le  bataillon  avait  appuyé  ce  mouvement,  et  que  ce 
n'était  que  longtemps  après  que  Ton  s'était  aperçu 
de  la  perte  de  son  aigle  ;  que  la  preuve  qu'il  avait 
été  réuni  et  qu'il  n'avait  point  été  rompu,  c'esl 
qu'un  moment  après  il  avait  culbuté  deux  batail- 
lons russes  et  pris  deux  drapeaux,  dont  il  faisail 
hommage  à  l'Empereur,  espérant  que  cela  leui 
mériterait  qu'il  leur  rendit  une  autre  aigle.  L'Em- 
pereur a  été  un  peu  incertain  ;  puis  il  a  dit  :  Offi- 
ciers et  soldats,  jurez-vous  qu'aucun  de  vous  n( 
s'est  aperçu  de  la  perte  de  son  aigle,  et  que  s 
vous  vous  en  étiez  aperçus,  vous  vous  seriez  pré- 
cipités pour  la  reprendre,  ou  vous  auriez  péri  sui 
le  champ  de  bataille  ?  car  un  soldat  qui  a  perdi 
son  drapeau  a  tout  perdu.  Au  même  moment  mill( 
bras  se  sont  élevés  :  Nous  le  jurons,  et  nous  ju- 
rons aussi  de  défendre  l'aigle  que  vous  nous  don- 
nerez avec  la  même  intrépidité  que  nous  avoni 
mise  à  prendre  les  deux  drapeaux  que  nous  voui 
présentons.  En  ce  cas,  a  dit,  en  souriant,  l'Em- 
perenr,  je  vous  rendrai  donc  votre  aigle. 

«  Le  major  général  rappelle  à  Messieurs  les  ma 
réchaux  et  généraux  commandant  en  chef  à  la  ba 
taille  d'Auslerlitz  la  demande  qui  leur  a  été  fait 
d'un  état  certifié  des  conseils  d'administration  de 
corps  qui  servaient  sous  leurs  ordres  à  cette  ba 
taille,  vérifié  par  le  sous-inspecteur  aux  revues,  c 


—  161  — 

revêtu  de  leur  visa  ,  constatant  les  veuves  et  les 
enfants  des  officiers  et  soldats  français  morts  dans 
cette  mémorable  journée,  afin  de  les  faire  jouir, 
sans  délai,  des  bienfaits  des  deux  décrets  du  16  fri- 
maire, insérés  dans  Tordre  du  jour  du  17.  Mes- 
sieurs les  colonels  doivent  sentir  combien  il  m*im- 
porte  d'accélérer  Texécution  de  ces  deux  décrets, 
qui  font  la  fortune  et  assurent  le  bien-être  des 
veuves  et  des  enfants  de  leurs  camarades  morts 
au  champ  d'honneur. 

•  Il  sera  fourni  de  Tarsenal  de  Vienne  des  mous- 
quetons à  tous  les  régiments  de  cuirassiers. 

•  11  sera  également  fourni  de  l'arsenal  de  Vienne 
une  forge  de  campagne  à  chaque  régiment  de  cui- 
rassiers.  » 

Dans  sa  marche  sur  Vienne,  la  division  Van- 
damme  occupa  le  7  septembre  le  village  d'Unter- 
Witternitz,  sur  la  route  et  en  avant  de  Nikols- 
bourg.  Au  village  de  Gros-Niemtschitz,  entre  Aus- 
terlilz  et  Witternitz,  avaient  été  envoyés  le  jour 
de  la  bataille  les  bagages  de  la  division.  Les  ha- 
bitants étaient  tellement  convaincus  de  la  défaite 
de  l'armée  française,  qu'ils  avaient  eu  l'audace  de 
[jiller  en  partie  ces  bagages.  Vandamme  écrivit  à 
cette  occasion  au  maréchal  Soult  : 

«  Monsieur  le  maréchal,  d'après  toutes  les  in- 
formations prises,  j'ai  l'honneur  de  vous  rendre 
compte  que  j'ai  l'intime  conviction  que  les  habi- 
tants de  Gros-Niemtschitz,  et  particulièrement  le 
bailli,   sont   cause    du  malheur  arrivé  dans  ce 

II.  11 


—  401- 

village.  Le  curé,  qui  a  été  \ictiine  de  cet  événe- 
ment, n  a  pu  se  défendre  que  les  habitants  même 
y  eussent  pris  part.  J  ai  donc  laissé  à  Gros- 
Niemlschilz,  un  capitaine  de  voltigeurs  du  24*  d'ia- 
fanterie  légère  avec  sa  compagnie,  pour  continuer 
les  informations,  en  dresser  procès-verbal,  et 
prendre  en  otages  le  bailli  en  personne,  car  il  est 
le  premier  coupable ,  et  deux  des  principaux  ha- 
bitants. Ils  arriveront  demain  à  mon  quartier  gé- 
néral ;  veuillez  me  donner  vos  ordres  à  cet  égard, 
et  me  dire  si  je  dois  les  faire  passer  outre  ou  vous 
les  adresser. 

«  On  a  retrouvé  dans  le  village  de  Gros-Niemt- 
schitz  beaucoup  d'effets  cachés  dans  la  paille  ou 
dans  la  terre.  Le  général  Ferrey  a  eu  sa  voiture, 
mais  toute  pillée.  Le  colonel  Latrille  a  trouvé  une 
partie  de  ses  effets,  dont  ses  épaule ttes  et  sa 
croix  ;  quelques  officiers  du  28®  ont  aussi  retrouvé 
différents  objets  ;  mais  toutes  ces  choses  sont 
dans  un  tel  état  de  dégradation,  qu'à  peine  on 
en  pourra  tirer  le  moindre  parti. 

•  Aussitôt  que  le  capitaine  du  24®  sera  rentré 
de  Gros-Niemtschitz,  j'aurai  l'honneur,  monsieur 
le  maréchal,  de  vous  adresser  son  procès-verbal. 

«  P. -S.  —  On  a  également  trouvé  en  différents 
endroits  des  hommes  enterrés ,  des  membres 
coupés,  etc.  Plusieurs  domestiques  ont  été  re- 
connus. » 

Le  bailliage  dont  Gros-Niemtschitz  dépendait 
fut  imposé  à  30,000  francs,  pour  servir  au  rem- 


—  100  — 

boursement  des  pertes  essuyées  par  la  division 
Vandamme,  et  le  générai  dut  laisser  au  village  le 
capitaine  de  voltigeurs  et  sa  compagnie,  chargé 
de  garder  le  bailli  en  otage,  et  d'opérer  la  rentrée 
de  la  contribution. 

Le  23  janvier,  Vandamme  put  espérer  qu'il 
allait  rentrer  en  France  et  revoir  sa  famille.  La  di- 
vision reçut  Tordre,  d'après  le  mouvement  gé- 
néral du  4®  corps,  de  se  mettre  en  marche  le  len- 
demain par  Neumarkt  sur  Amstetten  et  Steyr,  où 
elle  devait  cantonner. 

Le  traité  de  Presbourg  laissait  croire  à  chacun 
que,  la  guerre  étant  terminée,  l'évacuation  du  terri- 
toire autrichien  était  prescrite  ;  mais  les  difficultés 
qui  survinrent  dans  l'exécution  du  traité  pour  la 
reddition  des  bouches  du  Gattaro  fit  continuer 
l'occupation.  La  forteresse  de  Braunau  fut  retenue 
'  par  la  France,  et  les  troupes  de  la  grande  armée 
furent  maintenues  en  Bavière,  en  Franconie,  en 
Souabe. 

La  division  Vandamme  resta  autour  de  Steyr. 
Le  général,  en  quittant  Vienne,  avait  demandé  un 
congé  pour  aller  rétablir  sa  santé  dans  ses  foyers. 
L'Empereur  accorda  ce  congé  de  six  semaines, 
par  décision  du  20  février  1806,  mais  avec  cette 
restriction  que  le  général  n'en  jouirait  pas  tant 
que  sestroupes  seraient  en  deçà  d'Augsbourg. 

Or,  le  18  juin,  Vandamme,  qui  avait  perdu  un 
de  ses  aides  de  camp,  le  lieutenant  de  Soye,  et 
qui  avait  été  lui-même  fort  malade,  se  trouvait 


—  164  — 

encore  à  Landshul.  Il  écrivit  de  là  au  prince  de 
Neuchùtel,  à  qui  l'Empereur  avait  laissé  le  com- 
mandement de  Tarmée,  et  qui  se  trouvait  à  Mu- 
nich : 

«  Monseigneur ,  la  nouvelle  de  mon  indispo- 
sition ayant  été  répandue  par  les  journaux,  mon 
épouse  en  a  été  informée,  et  cela  Tamise  dans  un 
état  tel  que  toute  sa  famille  en  désespère ,  ce  qui 
rend  ma  position  ici  affreuse. 

«  Maintenant  que  la  rentrée  de  l'armée  est  cer 
taine,  je  prie  Votre  Altesse  de  me  permettre  de 
profiter  du  congé  que  Sa  Majesté  a  daigné  m'ac- 
corder  pour  aller  passer  quarante  jours  en  Flan- 
dre; j'en  ai  d'autant  plus  besoin  que  je  souffre  jour- 
nellement des  coliques  nerveuses  qui  m'ont  tant 
accablé  il  y  a  un  mois  ;  j'ai  un  besoin  indispen- 
sable des  eaux  de  Spa,  afin  de  me  guérir  entière- 
ment de  ces  affreuses  souffrances. 

«  Je  prie  Votre  Altesse  de  me  permettre  de 
compter  sur  la  continuation  de  ses  bontés,  et 
d'agréer  les  assurances  de  mon  attachement  sin- 
cère. » 

Vandamme  ne  put  quitter  l'armée  qu'à  la  (in  de 
juillet,  en  vertu  d'un  congé  de  deux  mois  accordé 
par  l'Empereur.  Sa  division  fut  donnée  au  général 
Levai,  et  il  put  enfin  venir  jouir  dans  ses  foyers, 
près  (le  sa  jeune  femme,  d'un  repos  acheté  par 
des  fati;j,ucs  glorieuses,  des  dangers  sans  nombre, 
et  des  services  que  l'Empereur  se  plaisait  à  re- 
connaître et  à  récompenser. 


—  165  — 

Avant  de  quitter  sa  belle  division,  il  lui  adressa 
(le  Landshut  Tordre  du  jour  suivant,  en  date  du 
19  juillet  1806  : 

•  Mes  amis,  c'est  ainsi  que  j'appelle  avec  plai- 
sir tous  ceux  qui  composent  la  2«  division. 

•  Je  ne  puis  vous  quitter  sans  me  rappeler  tout 
ce  que  j'ai  éprouvé  d'heureux  depuis  que  j'ai 
rhonneur  de  vous  commander. 

«  Votre  valeur,  votre  sage  conduite  ont  fixé  plus 
d'une  fois  les  regards  du  grand  Napoléon,  notre 
auguste  Empereur;  elles  m'ont  procuré  en  plu- 
sieurs occasions  des  compliments  et  des  grâces 
particulières  de  ce  monarque  que  nous  idolâtrons 
tous,  parce  qu'il  fait  le  bonheur  de  la  France  et 
assure  notre  gloire. 

«  Votre  patience  à  Boulogne,  votre  rare  intré- 
pidité à  Austerlitz,  et  votre  sage  conduite  en  Ba- 
vière, seront  toujours  présents  à  ma  pensée  ;  je 
serai  toujours  fier  de  vous  avoir  commandé,  et 
n'oublierai  jamais  les  marques  de  confiance  dont 
vous  m'avez  honoré  ,  et  dont  je  serai  toujours 
jaloux. 

«  J'ai  un  congé  de  quelques  semaines;  le  gé- 
néral Levai,  Tunde  mes  camarades,  me  remplace 
momentanéinent  ;  vous  lui  prouverez  comme  à  moi 
l'avantage  qu'il  y  a  de  vous  commander. 

•  Guerre  ou  paix ,  aux  fêtes  de  Paris  ou  sur  de 
nouveaux  champs  de  bataille,  je  serai  bientôt  à 
voire  lôte.  • 


1 
l 


-  166  — 


LIVRE  IX 


D'octobre  1  806  à  1 809. 


Vandftmme,  à  l'expiration  de  son  congé,  rejoint  la  grande 
armée.  —  Il  reçoit  le  commandement  d'une  division  do 
O*  corps  (Ney),  avec  laquelle  il  investit  Magdebourg  (oc- 
tobre 1806).  —  Bombardement  et  capitulation  de  la  place.  ^ 
Satisfaction  de  l'Empereur.  —  Vandamme  envoyé  au  prince 
Jérôme,  en  Silésie. —  Lettre  de  Berthier  (21  novembre  1806). 

—  Siège  de  (ilogau,  par  la  division  wurlembergeoise  de 
Seckendorf,  commandée  par  Vandamme.  —  Capitulation  de 
cette  place,  dont  la  garnison  met  bas  les  armes  et  défile 
(levant  Vandamme,  le  3  décembre.  —  L^Empereur  fait  écrire, 
par  Berthier,  une  lettre  de  félicitation  à  Vandamme  (5  dé- 
cembre). —  Investissement  de  Breslau»  le  5  décembre.— 
Opérations  devant  cette  ville,  du  5  décembre  1806  au  9  jan- 
vier 1807.  — Sujets  de  mésintelligence  entre  le  prince  Jérôme 
et  Vandamme.  —  Tentatives  du  prinoe  d'Anhalt-Pless.  —  \^ 
petite  armée  dos  alliés  prend  le  nom  de  9*  corps  de  la  grande 
armée. —  Lettres  du  prince  Jérôme  et  du  général  Hédouville 
à  Vandamme.  —  Réponses  de  Vandamme  (janvier  1807).  — 
Affaire  du  fourgon  de  Vandamme.  —  Opérations  devant 
Schweidnitz  :  blocus,  siège  et  bombardement  de  cette  forte- 
resse, par  la  division  wurlembergeoise,  commandée  par  Van- 
damme. —  Belle  conduite  du  général  devant  cette  place.  — La 
garnison  défile  devant  le  pinnco  Jérôme,  venu  à  Schweidniti 
pour  la  circonstance.  —  Lettre  de  la  marquise  de  Mazancourt. 

—  Démonstration  de  Vandamme  sur  Glatz  et  Silberbcrg.  — 
Opérations  devant  Neiss.  —  Le  siège  converti  en  blocus.  — 
Investissement.  —  Blocus.  —  Reprise  du  siège.  —  Siège  et 
bombardement  du  1 1  avril  au  29  mai.  —  Attaque  du  fort 
Blockauss.  —  Capitulation  de  la  place.  —  Reddition  de  Neiss 


(iô  juin).  — Gontentament  de  TEmperaur.  —  Félicitatioii  à 
Vandamxne.  — Jérôme  et  Vandamme  devant  le  camp  retran- 
ché de  Glatz  (22  juin).  —  Lettres  du  marquis  de  Bombelles. 
—Vandamme  reçoit  lo  commandement  de  la  16«  division  mi- 
litaire à  Lille  (il  novembre  1807).  —  Il  est  fait  comte  de 
l'Empire  par  décret  du  19  mars  1808.  —  Il  reçoit  le  com- 
mandement du  camp  de  Boulogne,  le  16  août  1808. 

Le  congé  de  Vandamme  expirant  au  commen- 
cement d'octobre  1806,  et  la  guerre  avec  la  Prusse 
n'étant  plus  un  secret  pour  personne,  le  général, 
qui  ne  voulait  pas  rester  inactif  pendant  cette 
nouvelle  campagne ,  demanda  à  rejoindre  son 
ancienne  division.  Le  ministre  fit  répondre  à 
Vandamme  d'avoir  à  se  rendre  à  Mayence,  et  de 
là  au  grand  quartier  général,  vu  que  le  comman- 
dement de  sa  division  ayant  été  donné  au  général 
Levai,  on  ne  pouvait  le  lui  restituer. 

Dans  le  courant  d'octobre,  on  lui  prescrivit  de 
prendre  au  6®  corps  (celui  de  Ney)  le  comman- 
dement devenu  vacant  de  la  division  Malher.  II 
était  alors  à  Halle.  Il  en  partit  le  21  octobre  pour 
Halberstadt ,  où  était  le  quartier  du  futur  prince 
de  la  Moscowa. 

Le  corps  de  Ney,  après  avoir  franchi  le  Mein 
au-dessus  de  Bayreuth,  s'était  porté  sur  Hoff, 
avait  conversé  sur  Géra  avec  le  reste  de  l'armée, 
concourant  au  mouvement  d'ensemble,  par  lequel 
l'armée  française,  débordant  l'aile  gauche  de  l'en- 
nemi et  envahissant  la  Saxe ,  avait  coupé  les 
Prussiens  de  leurs  lignes  sur  Berlin,  et  les 
avait  forcés  à  accepter  une  bataille,  dans  la- 


—  168  — 

quelle  le  sort  de  la  campagne  pouvait  être  décidé. 

Le  14  octobre,  en  effet,  la  lutte  décisive  avait 
lieu  à  Yéna  et  à  Auerstaëdt,  les  Prussiens  écrasés 
fuyaient  dans  toutes  les  directions,  et  le  corps  de 
Ney  se  portait  au  nord  sur  TElbe,  pour  s'emparer 
de  Magdebour}^. 

A  peine  arrivé  à  la  tête  de  sa  nouvelle  division, 
Vandamme  reçut  Tordre  d'investir  cette  grande  et 
importante  place  par  le  bas  Elbe.  Il  prit  position, 
la  droite  à  Olivenstadt,  la  gauche  à  Rothen-Sée. 
Jusqu'au  28,  on  n'entreprit  rien  de  sérieux,  oc- 
cupé que  l'on  était  à  faire  les  approches  et  à  re- 
connaître la  place  sous  le  canon  prussien.  Quel- 
ques petites  affaires  d'avant-postes  eurent  lieu,  cl 
comme  après  chacune  d'elles  des  déserteurs  se 
jetaient  dans  les  rangs  des  Français,  on  dut  en 
conclure,  ou  que  les  troupes  chargées  de  la  dé- 
fense étaient  assez  médiocres  ,  ou  bien  qu'elles 
étaient  dans  un  grand  état  de  démoralisation. 

Voyant  qu'un  blocus  ou  une  attaque  régulière 
pouvaient  faire  traîner  les  choses  en  longueur,  le 
maréchal  Ney  résolut  de  brusquer  le  dénouement, 
en  essayant  d'intimider  les  habitants  et  la  gar- 
nison par  un  bombardement.  Des  ordres  furent 
donnés  en  conséquence.  On  lit  venir  de  Brunswich 
et  d'Erfurt  les  bouches  à  feu  de  gros  calibre  quis'y 
trouvaient.  Le  soir  même,  deux  obusiers  furent 
mis  en  batterie,  à  800  mètres  de  l'enceinte.  On 
tira  une  trentaine  de  coups,  puis  on  ôta  les  pièces 
des  batteries. 


—  169  — 

Le  29,  le  commandant  de  la  place  s'aboucha 
ivec  Vandamme,  mais  les  propositions  de  ce  der- 
lier  furent  rejetées. 

Vandamme  résolut  alors  de  continuer  le  bom- 
ardement.  Le  30,  prenant  avec  lui  le  comman- 
ant  du  génie  de  sa  division,  il  poussa  une  re- 
onnaissance  jusqu'au  pied  de  la  place,  du  côté  du 
lagasin  à  poudre.  Un  fait  assez  singulier  se  pro- 
uisit,  et  le  général  en  profita  avec  audace  et  ha- 
ileté. 

On  devait  croire  que  les  magasins  à  poudre 
laienl  occupés;  néanmoins,  pendant  cette  recon- 
laissance  on  ne  tira  pas  sur  les  deux  officiers, 
'ous  deux,  fort  étonnés  de  cette  circonstance, 
pénétrèrent  dans  Tun  de  ces  magasins  qu'ils  trou- 
èrent sans  défenseurs.  Or,  ces  couverts  se  pro- 
)ngeaient  au  loin,  dans  une  direction  parallèle  à 
a  place,  sur  un  développement  de  7  a  800  mètres. 
5'étant  bien  assuré  du  fait ,  le  général  ordonna 
l'occuper  ces  locaux,  par  des  postes  qu'on  y  ins- 
alla,  de  telle  sorte  que  l'ennemi  fut  resserré,  et 
|u'on  ne  se  trouva  plus  qu'à  200  mètres  de  ses 
)alissades.  C'était  là  une  chance  des  plus  favo- 
able  pour  le  succès  du  bombardement  projeté. 
En  outre,  en  tète  du  faubourg  de  Neustadt,  Van- 
iamme  reconnut  un  rideau  qui  s'étendait  jusqu'à 
la  même  distance  de  l'enceinte,  et  qui  pouvait 
^''i^alement  être  utilisé. 
Eu  revenant  de  cotte  reconnaissance,   le  gé- 

lïéral  combina  immédiatement  son  plan.  Il  résolut 


—  no  — 

de  faire  deux  attaques  séparées,  Tune  contre  le 
faubourg  de  Neustadt,  l'autre  contre  la  place  elle- 
même  .  Il  destina  à  la  première  deux  pièces  de 
douze  et  un  obusier,  et  à  la  seconde  trois  batteries 
installées  dans  les  couverts  même  qu'il  avait 
trouvé  inoccupés,  par  l'imprudence  si  singulière 
de  l'ennemi.  Ces  trois  batteries,  dirigées  spécia- 
lement contre  la  ville,  furent  armées,  l'une  à  gau- 
che, avec  quatre  mortiers;  T autre  à  droite,  avec 
trois  mortiers  ;  la  troisième  au  centre,  avec  quatre 
obusier  s.  On  les  fit  soutenir  en  établissant  des 
places  d'armes  pour  recevoir  les  défenseurs.  Jus- 
qu'au  5  novembre,  Tennemi  ne  fit  pas  de  tentatives 
sérieuses  pour  s'opposer  au  bombardement  ;  mais 
dans  la  nuit  du  5  au  6,  il  essaya  une  sortie  qui  fut 
repoussée  avec  la  plus  grande  vigueur. 

Le  feu  des  batteries  commença  par  celle  de 
Neustadt  qui ,  dans  la  nuit  du  4  au  5,  mit  le  feu  à 
trois  maisonS;  et  par  un  mortier  de  la  batterie  de 
gauche,  qui  incendia  également  trois  autres  mai- 
sons dans  l'intérieur  de  la  ville.  La  garnison  qui 
ne  s'était  opposée  que  faiblement  à  la  construction 
des  batteries,  à  leur  armement  et  au  creusemeni 
des  parallèles  et  places  d'armes,  commença  um 
défense  plus  accentuée,  envoya  des  boulets  et  d( 
la  mitraille  et  fit  une  sortie  ;  mais  après  deux  joun 
de  bombardement,  la  place  se  rendit,  et  le  H,  lî 
garnison  défila  devant  le  6«  corps.  Vingt  généraux 
huit  cents  officiers,  vingt  mille  hommes  d'infaii 
terie,  quatre  cents  de  cavalerie,  deux  mille  d'ar 


—  171  — 

I 

tillerie  déposèrent  leurs  armes.  On  prit  dans  cette 
ville  cinquante-quatre  drapeaux,  huit  étendards, 
huit  cents  bouches  à  feu,  un  équipage  de  pontons, 
un  millier  de  poudre  et  des  magasins  considé- 
rables. 

L'Empereur  se  plut  à  rendre  à  Vandamme  cette 
justice,  qu'il  avait  plus  que  nul  autre  contribué  à 
cette  conquête  importante . 

Au  commencement  de  la  campagne  de  Prusse, 
le  plus  jeune  des  frères  de  l'Empereur,  Jérôme 
Bonaparte,  était  rentré  en  grâce  auprès  de  Napo- 
léon. Il  était  alors  très-aimé  et  très-apprécié  du 
souverain ,  parce  qu'il  avait  montré  de  l'énergie  en 
sauvant  son  vaisseau,  le  Vétéran,  dans  la  baie  de 
Goncarneau,  préférant  la  mort  au  déshonneur  de 
se  rendre  aux  Anglais. 

L'Empereur  avait  beaucoup  admiré  ce  trait  d'au- 
dace. Croyant  reconnaître  dans  ce  jeune  homme 
des  aptitudes  pour  la  guerre,  il  le  nomma  général 
de  division,  et  résolut  de  le  charger  de  la  con- 
quête d'une  des  plus  riches  provinces  de  la  mo- 
narchie prussienne ,  celle  de  la  Silésie  dont  il 
comptait  tirer  ses  approvisionnements  pour  la 
grande  armée. 

La  Silésie  avait  alors  des  places  fortes  de  pre- 
mier ordre  dont  il  fallait  s'emparer,  et  dont  plu- 
sieurs pouvaient  nécessiter  des  attaques  régulières 
et  des  sièges.  Le  jeune  prince,  passé  du  jour  au 
lendemain  du  commandement  d'un  vaisseau  faisant 
partie  d'une  escadre,  au  commandement  d'un  corps 


—  172  — 

d'armée  agissant  un  peu  en  dehors  de  TEmpereur 
lui-même ,  devait  nécessairement  avoir  besoin 
d'éléments  de  premier  ordre  auprès  de  sa  per- 
sonne, pour  réussir  dans  un  métier  nouveau  qu'il 
ignorait  complètement.  L'Empereur  songea  à  lui 
donner  un  bon  et  sérieux  chef  d'état-major,  dont  il 
connaissait  par  lui-même  la  capacité,  le  calme,  la 
bravoure  et  l'ordre,  le  général  Hédouville,  et  un 
excellent  et  vigoureux  commandant  en  second, 
qui  put  agir,  au  besoin ,  en  dehors  de  la  direction 
du  jeune  commandant  en  chef,  et  lui  en  imposât 
par  sa  réputation  militaire.  Il  jeta  les  yeux  sur 
Vandamme  ,  dont  le  rude  caractère,  la  trempe 
énergique  et  les  talents  incontestables  connus  de 
l'armée  entière,  devaient  rassurer  Napoléon,  si 
son  frère  n'était  pas  à  la  hauteur  de  la  mission  qui 
lui  était  confiée. 

Le  ^27,  Vandamme  reçut  de  Berthier  la  lettre  ci- 
dessous,  datée  de  Meseritz,  et  qui  indiqua  en  quel- 
ques lignes,  et  la  nature  du  service  nouveau  confié 
au  général,  et  la  nature  des  relations  qui  devaient 
exister  pour  le  reste  de  cette  campagne,  entre  lui, 
le  major  général,  et  le  prince  Jérôme  : 

«  L'Empereur  ordonne  au  général  Vandamme 
de  laisser  le  commandement  de  sa  division  à  son 
plus  ancien  général  de  brigade,  et  de  partir  sur-le- 
champ  de  sa  personne,  avec  ses  aides  de  camp, 
pour  se  rendre  devant  Glogau  et  y  prendre  le  com- 
mandement du  siège  :  il  trouvera  la  place  investie 
par  huit  mille  Wurtembergeois  et  des  batteries  de 


mortier  établies  ou  prêtes  à  être  établies.  Ces  mor- 
tiers et  munitions  viennent  de  Gustrin.  L'intention 
de  l'Empereur  est  que  le  général  Vandamme 
resserre  la  place  ;  qu'il  fasse  donner  toute  la  nuit 
des  alertes  ;  qu'il  fasse  préparer  des  échelles  , 
afin  de  menacer  la  garnison  d'escalade ,  et  enfin 
de  commencer  le  bombardement  qui  décidera  pro- 
bablement le  gouverneur  à  rendre  cette  place. 

«  Comme  le  corps  wurtembergeois  fait  partie  du 
corps  auxiliaire  aux  ordres  de  S.  A.  I.  le  prince 
Jérôme,  qui  est  à  Kalisch  avec  seize  mille  Ba- 
varois, le  général  Vandamme  fera  part  au  prince 
Jérôme  de  ce  qui  se  passera ,  et  n'en  communi- 
quera pas  moins  directement  avec  moi  à  Posen, 
afin  que  les  rapports  parviennent  à  l'Empereur. 
Je  le  préviens  que  le  général  Montbrun  commande 
la  cavalerie  wurtembergeoise ,  et  est  en  avant  sur 
Breslau.  Il  est  ordonné  au  général  Vandamme  de 
m'instruire  fréquemment  de  toutes  les  nouvelles 
qu'il  apprendrait  de  la  Silésie.  » 

La  petite  armée  mise  sous  les  ordres  du  prince 
Jérôme  à  la  fin  d'octobre  1806,  et  qui  bientôt  prit 
le  nom  de  9*^  corps,  ne  se  composait  que  de  trou- 
pes étrangères,  deux  divisions  bavaroises  et  une 
wurtembergeoise. 

r®  bavaroise  de  Deroy,  lieutenant  général,  gé- 
néraux majors  Siebein  et  Raglovich,  huit  ba- 
taillons de  ligne ,  un  d'infanterie  légère ,  deux 
compagnies  de  chasseurs  à  pied,  deux  régiments 
de  cavalerie    (huit   escadrons)  ,    deux   batteries 


-  174- 

(douze  bouches  à  feu).  Total,  un  peu  plus  de  huil 
mille  hommes  présents  sous  les  armes.  — 2*ba* 
varoisedeWrède,  lieutenant  général  (commandée 
pendant  toute  la  campagne  par  le  général  major 
Minucci,  généraux  majors  Mezzanelli  et  Minucci, 
Imit  bataillons  de  ligne,  deux  d'infanterie  légère, 
trois  régiments  de  cavalerie  (neuf  escadrons), 
trois  batteries  (dix-huit  bouches  à  feu,  dont  six  de 
douze).  Total ,  six  mille  combattants.  —  Division 
wurtembergeoise  de  Seckendorf,  général  de  di- 
vision ;  deux  brigades  de  ligne,  généraux  majors 
de  Lilienberg  et  Schrœder;  une  légère,  colonel 
Neubronn ,  dix  bataillons  de  ligne,  deux  d'infan- 
terie légère,  deux  de  chasseurs  à  faibles  effectifs, 
trois  régiments  de  cavalerie  légère  (neuf  esca- 
drons), une  batterie  à  pied  et  une  à  cheval  (douze 
bouches  à  feu).  Total  général,  huit  mille  cinq  cents 
hommes. 

Le  9®  corps  avait  donc,  a  l'ouverture  de  la  cam- 
pagne, un  effectif  de  vingt-deux  à  vingt-trois  mille 
hommes  et  cinquante-deux  bouches  à  feu. 

Au  moment  où  le  prince  Jérôme  en  prit  le  com- 
mandement, le  10  novembre,  on  donna  à  ce  corps, 
d'après  les  ordres  de  l'Empereur,  une  organisation 
identique  à  celle  des  corps  de  la  grande  armée. 
Des  huit  régiments  de  cavalerie,  on  en  forma  trois 
brigades  :  la  V^,  général  MezzaneUi  (1®*^  dragons  et 
2®  chasseurs  bavarois).  —  La  2®,  général  français 
Montbrun  (1"^®  et  2^  de  chevau-légers  bavarois).  — 
La  3® ,  général  de  brigade  Lefebvre-Desnoëttes , 


premier  aiae  ae  camp  de  iierome  (i^'  ae  cnasseurs , 
8*  de  <5hevau-légers  et  2®  de  dragons  wurtem- 
bergeois) . 

Lorsque  Vandamme  arriva  le  28  novembre  de- 
vant Glogau,  voici  ce  qui  s'était  passé  en  Silésie, 
et  où  en  étaient  alors  les  affaires.  Le  6  novembre, 
le  général  Lefebvre,  avec  sa  brigade,  avait  fait  une 
tentative  sur  Glogau,  puis  le  10,  la  division  de 
Deroy  s'était  présentée  devant  la  place,  Tavait 
investie,  et  le  11,  avait  commencé  les  travaux  du 
siège.  Le  15,  elle  avait  reçu  la  brigade  bavaroise 
de  Lilienberg  pour  renfort,  laquelle  s'était  établie 
sur  la  rive  droite  de  TOder ,  tandis  que  toute  la  di- 
vision bavaroise  s'était  portée  sur  la  rive  gauche. 
Le  18,  l'autre  brigade   wurtembergeoise   s'était 
rapprochée  de  Glogau.  Le  11,  la  place  avait  été 
sommée  inutilement;  le  13,  le  feu  avait  été  ouvert, 
mais  comme  on  n'avait  que  des  pièces  de  cam- 
pagne ,  et  comme  la  place  paraissait  vouloir  se 
défendre,  on  se  décida  à  faire  venir  un  équipage 
de  siège  de  Custrin.  Les  15  et  16,  dans  la  nuit,  le 
feu  recommença ,  quelques  incendies  se  décla- 
rèrent, et  le  prince  Jérôme  voulut  risquer  un  assaut 
dans  la  nuit  du  16  au  17.  Le  général  de  Deroy  ne 
répondant  pas  que  ses  troupes  fussent  assez  har- 
dies pour  une  pareille  tentative,   on  y  renonça. 
Berthier  écrivit  le  19  à  ce  sujet,  à  Jérôme  :  «  J'ai 
mis  sous  leç  yeux  de  l'Empereur,  Monseigneur, 
votre  lettre  ;  Sa  Majesté  trouve  que  les  observa- 
tions que  vous  a  faites  le  général  de  Deroy  sont 


Irès^r*^*^  :  •:«  '•?•  :*?^  r«s  prendre  une  \ille 
d'at^-.^-il,  -T:âà&i  v-Q  Bi  i«>  îa:î  br^icbe  et  •:pian(i  il 
y  a  îiùe  •'-<iir:*r  r%  -i:!ir  •♦•aae  omUM^-escarpe  ;  Sa 
Xtàjrr^lié  p^TîL^  -rje  virox  'pi  •:»nt  pu  être  de  l'a\is 
d'une  j^^ârvrj.-e-  ^tt^TT^r  •>Dt  r'Q  !rê":^^rand  tort  ;  car 
on  7  p»-r*lra:i  i-r-^'i-^i-op  dr  m->Dde  inutilement.  • 

La  «lemièrv  f»dJlie  de  là  phrase  semble  être  un 
repnxbe  tacite  ii  i'a-iresse  du  chef  d'état-major, 
dont  l'Empereur  crc»yait  fieut-être  que  le  conseil 
avait  influé  sur  la  décision  de  son  frère.  Le  major 
général  conseillait  ensuite  un  lombardement  pour 
forcer  fennemi  à  capituler 

Cependant,  le  siège  ne  marchait  pas,  et  cela 
était  dautant  moins  étonnant  que  le  parc  n'arriva 
devant  Glogau  que  le  28  novembre,  et  que  le  24, 
le  prince  Jérôme,  sur  Tordre  de  l'Empereur,  était 
parti  avec  les  deux  divisions  bavaroises  pour  ral- 
lier la  grande  armée,  laissant  seulement  devant 
Glogau  les  sept  mille  hommes  de  la  division  wiir- 
temlxfrgeoise  ,  dont  Vandamme  vint  prendre  le 
commandement  supérieur  le  28,  au  moment  où  les 
bouches  à  feu  de  gros  calibre,  retardées  par  la 
cme  de  TOder,  par\enaient  enfin  sous  les  murs  de 
la  place.  Le  général  les  fil  conduire  au  village  de 
Froslau.  Un  bataillon  seulement  bloquait  sur  la 
rive  droite  la  tète  de  pont  du  fort  de  Dohm,  le  reste 
de  la  division  était  sur  la  rive  gauche,  aux  travaux 
et  aux  attaques.  Six  mortiers,  quatre  gros  et  deux 
petits,  quatre  obusiers  furent  mis  en  batterie  le 
30,  et  au  signal  d'un  coup  de  canon,  le  feu  corn- 


mença.  Le  tir  fut  dirigé  sur  les  édifices.  On  vou** 
lait,  comme  à  Magdebourg ,  effrayer  les  habitants, 
et  amener  à  composition  le  général  prussien  Rein- 
bart,  qui  trois  fois  déjà  avait  refusé  de  capituler. 
On  n*avait  pu,  à  cause  des  chemins  défoncés  et 
des  pluies,  transporter  les  gros  mortiers  au  front 
d^attaque,  mais  Vandamme  ne  voulut  pas  atten- 
dre plus  longtemps.  Le  1*^  décembre,  de  six  à 
neuf  heures  du  matin,  les  petits  mortiers  et  les 
obusiers  envoyèrent  des  projectiles  qui  portèrent 
la  désolation  dans  la  ville.  Le  gouverneur  parle- 
menta toute  la  journée,  et  voyant  enfin  que  le 
bombardement  allait  recommencer  avec  les  bou- 
ches à  feu  de  gros  calibre,  il  consentit,  à  9  heures 
du  soir,  à  rendre  la  ville,  basant  sa  capitulation 
sur  celle  de  Magdebourg. 

L'avant-veille,  le  vieux  général  prussien  avait 
sollicité  et  obtenu  de  Vandamme  la  permission  de 
faire  sortir  de  la  place  des  femmes  et  des  enfants 
auxquels  on  avait  même  procuré  des  voitures.  Le 
30,  il  avait  demandé  une  suspension  d'armes  de 
quatre  jours,  et  un  passe-port  pour  un  officier  qu'il 
voulait  envoyer  aux  informations  de  l'autre  côté  de 
rOder,  qui  avait  été  refusé.  Enfin,  le  l**"  décembre, 
il  avait  écrit  à  Vandamme  : 

•  Sur  la  parole  d'honneur  que  vous  me  donnez 
qu'il  n'y  a  ni  Prussiens  ni  Russes  de  ce  côté  de  la 
Vistule,  je  suis  prêt  à  capituler,  si  vous  accordez 
pour  première  condition  à  la  garnison  la  sortie 

II.  12 


libre  pour  se  rendre  à  volonté  à  Schweidnilz  ou  à 
Glatz.  »  Cette  clause  fut  rejetée. 

Le  3  décembre,  les  trois  mille  cinq  cente  hommes 
de  troupes  qui  se  trouvaient  dans  la  forteresse 
défilèrent  et  mirent  bas  les  armes.  Les  officiers 
furent  libres  de  se  retirer  où  bon  leur  semblait, 
après  s'être  engagés  à  ne  pas  servir  jusqu'à  la 
paix  ou  leur  échange.  L'on  entra  en  possession 
do  quatre  cents  milliers  do  poudre,  de  trois  mille 
fusils,  de  deux  cents  bouches  à  feu,  et  de  magasins 
do  biscuit  et  avoine. 

Napoléon  se  montra  trùs-satisfait  de  la  conduite 
do  Vandamme  en  cette  circonstance,  il  lui  fit  écrire 
par  Berlhier  : 

«  L'Empereur  a  appris  avec  grand  plaisir,  gé- 
néral, la  reddition  de  la  place  de  Glogau.  Sa  Ma- 
jesté approuve  la  capitulation  que  vous  avez  faite  ; 
elle  attend  d'un  moment  à  l'autre  que  Breslau 
aura  signé  la  même  capitulation. 

«  J'ai  mis  sous  les  yeux  de  l'Empereur  les  té- 
moignages  avantageux  que  vous  rendez  de  l'ad- 
judant commandant  Duveyrier.  Sa  Majesté  m'a 
laissé  espérer  qu'elle  l'avancerait,  dans  la  Légion 
d'honneur.  Aussitôt  qu'elle  en  aura  pris  le  décret, 
il  me  sera  agréable  de  vous  en  instruire.  » 

La  nouvelle  de  la  capitulation  de  Glogau  arriva 
à  Posen  où  était  le  grand  quartier  général,  le  2  au 
soir  (1).  Le  3  décembre,  au  matin,  Berthier  en- 

(1)  On  attribua  naturelleiueiit  la  Kloire  do  cette  opcratioai^ 


voya  Tordre  à  Vandamme  de  laisser  mille  hommes 
dans  la  place,  pris  parmi  les  moins  valides  et  de 
se  porter  dans  le  moindre  délai  avec  le  reste  de  la 
division  wurtembergeoise  sur  Breslau.  Il  lui 
prescrivait  de  faire  embarquer  toute  Tartillerie  et 
le  prévint  que  le  prince  Jérôme  partait  de  Ka- 
lisch  avec  les  Bavarois  pour  attaquer  également  la 
capitale  de  la  Silésie. 

a  Le  prince  Jérôme  commandera  en  chef  le 
siège,  disait  la  lettre  de  Berthier,  et  vous  serez 
sous  ses  ordres.  Je  lui  ai  prescrit  de  faire  faire  un 
pont  pour  établir  ses  communications  avec  vous. 
Vous  voudrez  bien  m'informer  de  votre  départ  et 
me  faire  connaître  Tartillerie  que  vous  avez  em- 
barquée pour  le  siège  de  Breslau.  » 

Gomme  nous  avons  nous-mêmes  publié,  en  1851» 
une  histoire  détaillée  de  la  campagne  de  Silésie, 
histoire  écrite  sur  des  documents  d'une  vérité  incon- 
testable, nous  abrégerons  dans  ce  nouvel  ouvrage 
le  récit  de  celte  guerre,  nous  bornant  à  faire  con- 
naître succinctement  ce  qui  concerne  Vandamme. 
Le  14  novembre,  pendant  le  siège  de  Glogau, 
les  deux  brigades  de  cavalerie  Lefebvre  et  Mont- 
brun  avaient  été  envoyées  devant  Breslau  pour 
chercher  à  intimider  la  garnison  prussienne.  La 


Vandamme,  bien  que  Jcrômo  eût  commencé  le  siège  et  continué 
^^  opérations  jus([u*uu  bombardement,  (llela  choqua  le  jouue 
ITiiice  et  fut  un  des  premiers  sujets  d'une  sorte  de  mésintelli- 
};»'nce  qui  éclata  ù  plusieurs  reprises,  pendant  celte  campagne, 
"Hlre  Vandamme  et  lui. 


démorali^Uon  des  Iroupes  ennemies  ëtail  telle 
alors,  qu'on  avail  espéré  voir  la  capitale  de  la  Si- 
lésie  se  rendre  à  la  première  démonstration.  Les 
s^>mmations  adressées  au  gouverneur,  le  géné- 
ral Thilc,  furent  sans  effet  elles  Prussiens  travaillè- 
rent avec  ardeur  à  mettre  la  place  en  état  de  dé- 
fense. 

Breslau  avait  70,000  habitants ,  et  6,000  hom- 
mes de  garnison  dont  300  de  cavalerie  pai-aissaiU 
disposés  à  se  défendre.  Elle  avait  douze  kilo- 
mètres de  développement  sur  les  deux  rives  de 
rOdcr  qui  baignait  au  nord  le  pied  de  ses  rem- 
parts et  séparait  la  ville  d'une  partie  de  ses 
faubourgs.  Une  première  enceinte  bastionnée,  un 
fossé  de  10  mètres  de  largeur  et  profond  de  4  mè- 
tres ,  une  seconde  enceinte  également  bastionnée 
avec  large  fossé,  constituaient  les  défenses  régu- 
lières sur  la  rive  gauche  du  fleuve.  Sur  la  rive 
droite,  elle  était  défendue  par  la  petite  rivière 
d'Ohlau,  par  des  coupures  à  terres  coulantes,  pai 
un  petit  système  bâstionné  par  une  .tête  de  pon 
irrégulière  formant  une  petite  île  au  nord-oues 
de  la  place,  enfin  par  une  large  coupure  devant  la 
quelle  une  petite  redoute  formait  des  rives  sur  ui 
des  faubourgs. 

Le  système  général  de  défense  de  Breslau  étai 
bon,  mais  nécessitait  une  nombreuse  garnison  e 
une  nombreuse  artillerie.  La  place  était  bien  con 
mandée,  mais  la  garnison  était  trop  peu  cons 
dérable;  elle  était  bien  approvisionnée  et  posséda 


-481- 

}n  magnifique  arsenai  avec  le  plus  beau  maté- 
riel. 

Lorsque  Vandamme  se  présenta  devant  la  ville, 
le  moral  des  habitants  venait  d  être  relevé  par  la 
Qomination  comme  gouverneur  de  la  Silésie  d  uu 
homme  énergique,  le  prince  d*Anhalt-Pless,  qui 
avait  reçu  du  roi  la  mission  et  le  plein  pouvoir 
de  faire  des  levées  pour  défendre  le  pays. 

Le  4  décembre,  après  avoir  vu  défiler  la  garni- 
Son  de  Glogau,  Vandamme  se  dirigea  sur  Bres- 
lau  en  remontant  l'Oder  par  la  rive  gauche, 
tandis  que  le  prince  Jérôme  partait  le  5  de  Kalisch 
avec  la  brigade  Lefebvre  et  la  division  de  Vrède 
(ou  plutôt  Minucci,  le  général  de  Vrède  étant 
malade),  laissant  à  la  grande  armée  la  division 
de  Deroy  et  la  brigade  de  cavalerie  Mezzanelli, 
diminuée  du  régiment  des  chevau-légers  du 
Prince  Royal. 

Le  5,  la  brigade  Montbrun  se  présenta  devant 
Breslau  sur  la  rive  gauche  de  l'Oder  et  en  com- 
mença Tinvestissement.  Le  6,  Vandamme  s'établit 
à  6  kilomètres  de  la  place,  au  château  de  Lissa,  et 
le  7  il  fit,  avec  le  colonel  du  génie  Blein  et  le  géné- 
ral d'artillerie  de  Pernety,  la  reconnaissance  pour 
déterminer  le  point  d'attaque. 

Dans  la  nuit  du  7  au  8,  en  commença  le  travail 
de  la  tranchée  sur  la  rive  droite.  Le  lendemain,  le 
prince  Jérôme  compléta  l'investissement  sur  la 
rive  gauche.  Le  gouverneur,  sacrifiant  aux  dures 
nécessités  de  la  guerre,  fit  brûleries  faubourgs, 


-  482  - 

dont  beaucoup  des  malheureux  habitants  furent 
recueillis  par  nous.  Le  10,  le  feu  commença  vers 
six  heures  du  matin.  A  une  heure,  le  prince  Jé- 
rôme, qui  commandait  en  chef,  fit  sommer  le  gou- 
verneur qui  refusa  d'entrer  en  pourparlers.  Les 
travaux  et  le  bombardement  continuèrent  donc; 
les  batteries  d  attaque  furent  rapprochées  jusqu'à 
180  mètres  de  la  place.  La  division  de  Deroy  que 
l'Empereur  avait  gardée  en  Pologne  fut  renvoyée 
par  lui  devant  Breslau,  dont  on  n'avait  pas  cru 
que  la  défense  serait  aussi  énergique. 

Vers  le  milieu  de  décembre  1806,  le  9®  corps 
tout  entier  se  trouvait  en  Silésie,  la  division  Mi- 
nucci  devant  la  capitale  sur  la  rive  gauche  de  10- 
der,  soutenant  la  division  wurlembergeoise  aux 
ordres  supérieurs  de  Vandamme ,  la  brigade 
Montbrun  partie  en  observation  du  côté  de 
Schweidnitz,  la  division  de  Deroy  et  la  brigade 
Mezzanelli  à  16  lieues  de  Breslau,  et  pouvant  en 
deux  jours  èti*e  appelées  au  siège. 

Cependant  le  général  prussien  Thile,  malgré 
un  bombardement  vigoureux,  se  défendait  avec 
courage,  persuadé  que  la  prochaine  entrée  en  li- 
gne de  Tarmée  russe  et  les  efforts  du  prince  de 
Pless  parviendraient  à  le  dégager.  De  notre  côté, 
le  plus  jeune  des  frères  de  TEmpereur  déployail 
de  l'activité.  Il  était  secondé  avec  énergie  pai 
Vandamme,  qui  toujours  sur  pied,  toujours  pré 
au  combat,  déployait  les  talents  dont  il  avait  donn< 
depuis  si  longtemps  des  preuves.  Le  général  é 


capitaine  Mbrion,  le  colonel  du  génie  Blein,  pous- 
saient les  travaux  sans  donner'  un  instant  de  répit 
aux  Prassiens. 

Un  second  st^jet  dé  mésintelligence  éclata  à 
cette  époque  entre  Jérôme  et  Vandamme.  Ce  der- 
nier et  le  général  Montbrun  ayant  besoin  d'argent 
pour  payer  leurs  espions,  firent  faire  une  réquisi- 
tion de  250  louis  par  leurs  aides  de  camp,  à  Neu- 
mark.  Le  prince  Tapprit,  en  écrivit  à  l'Empereur, 
et  donna  ordre  aux  deux  généiraux  de  faire  rendre 
les  250  louis. 

La  division  de  Deroy  et  la  brigade  Mezzanelli* 
forent  enfîn  appelées  au  siège,  et  le  général  Thile 
ayant  résisté  à  une  nouvelle  sommation,  on  fit  ve- 
nir de  Glogau  un  second  équipage  de  siège. 

Le  47  décembre,  le  prince  Jérôme  fut  mandé 
auprès  de  l'Empereur.  Il  quitta  son  armée  le  20, 
laissant  son  chef  d'état-major  Hédou ville  chargé 
de  concentrer  le  service.  Vandamme  eut  le  com- 
mandement du  siège  sur  la  rive  gauche  de  l'Oder, 
le  général  de  Deroy  sur  la  rive  droite. 

Hédouville,  brave  homme,  excellent  chef  d'état- 
major,  ti'avait  ni  les  titres  ni  les  talents  militaires 
de  Vandamme;  aussi  ce  dernier  fut- il  blessé  en 
îoyant  Jérôme  lui  laisser  en  quelque  sorte  le  com- 
Aftildement.  Ce  fut  là  encore  un  des  griefs  du 
général  contre  le  prince.  Le  siège  n'en  continua 
pas  moins,  poussé  avec  vigueur.  On  fît  le  22  une 
tentative  qui  ne  réussit  pas  contre  le  bastion  de 


la  porte  d'Ohlau.  Il  fallait  opérer  deux  passage^ 
successifs  de  fossés  pleins  d'eau  et  cela  par  sur- 
prise, tandis  qu'on  occupait  Tennemi  sur  deux 
autres  points.  L'affaire  manqua  par  suite  d'unre- 
•  lard  dans  Tenvoi  des  troupes  commandées  pour 
l^tlaque,  et  cela  sans  qu'il  fut  possible  de  dire  de 
qui  provenait  la  faute.  Du  moins  tous  les  rapports 
se  taisent  à  ce  sujet. 

Pendant  que  Tinfanterie  du  9*  corps  était  oc- 
cupée au  siège  de  Breslau,  la  cavalerie  détachée 
dans  les  environs  pour  éclairer  le  pays  livrait 
plusieurs  combats  brillants.  Le  17,  le  colonel  des 
dragons  de  Latour  et  Taxis,  à  la  tête  de  son  régi- 
ment, culbuta  une  forte  colonne  de  cavalerie  prus- 
sienne cherchant  à  introduire  un  convoi  d'argent 
dans  la  forteresse  de  Schweidnitz.  Il  fit  une 
soixantaine  de  prisonniers  et  s'empara  du  convoi. 
Le  21,  un  détachement  de  150  chevaux  du  régi- 
ment de  Linange  mit  en  déroute  aux  portes  de 
Schweidnitz  300  chevaux  prussiens,  lui  prenant 
36  hommes,  32  chevaux  et  un  convoi  de  bœufs» 

Cependant  le  prince  d'Anhalt-Press,  vigoureux 
soldat  et  habile  général,  d'une  grande  énergie, 
commençait  à  être  en  état  de  tenir  la  campagne. 
Il  avait  réuni  autour  de  Brieg  des  détachements  de 
troupes  tirés  des  forteresses,  les  gardes  forestiers 
et  les  douaniers  assez  nombreux  dans  cette  partie 
de  la  province,  des  paysans,  et  se  trouvait  alors 
avoir  un  petit  corps  de  14  à  16,000  hommes^ 
moitié    soldats  réguliers,   moitié  partisans.  Le 


24  décembre,  à  la  tête  de  6,000  combattante  et 
avec  6  bouches  à  feu,  il  fit  un  mouvement  sur  la 
gauche,  se  porla  sur  Sirelhen  dans  Tespérance 
de  jeter  une  partie  de  ce  petit  corps  dans  Breslau, 
mais  il  était  surveillé.  Vandamme,  informé  par 
Monlbrun ,  dirigea  aussitôt  sur  Strelhen  la  deuxième 
division  bavaroise  éclairée  par  la  brigade  de  ca- 
valerie Montbrun.  Après  une  marche  forcée  de 
huit  heures,  le  général  Minucci  arrivé  à  Grosburg^ 
apprit  par  sa  cavalerie  que  les  Prussiens  étaient 
en  position  à  Strelhen.  Il  n'avait  avec  lui  que  là 
2^  brigade;  cependant  il  se  porta,  vivement  sur 
Tennemi,  tandis  que  Montbrun  tournait  la  position 
de  ce  dernier.  Le  prince  de  Pless  vigoureusement 
attaqué  de  front  et  en  flanc  abandonna  ses  posi- 
tions et  opéra  sa  retraite  en  perdant  du  monde, 
mais  avec  assez  d'ordre  jusqu'à  l'arrivée  de  Mont- 
brun qui  changea  son  mouvement  rétrograde  en 
une  véritable  déroute.  On  lui  prit  800  hommes, 
300  chevaux,  et  ses  six  pièces  de  canon. 

Ce  beau  combat  ne  contribua  pas  peu  à  la  red- 
dition de  Breslau.  Vandamme  en  instruisit  le 
gouverneur,  ne  lui  cachant  pas  que  s'il  refusait 
de  capituler,  il  allait  employer  contre  la  ville  le  tir 
à  boulets  rouges.  Le  général  Thile,  d'abord  incré- 
dule, ayant  appris  bientôt  par  ses  propres  espions 
l'avortement  de  la  tentative  du  prince  de  Pless> 
entra  en  pourparlers  ;  mais  tout  à  coup  et  sans 
motif  apparent,  il  rompit  la  négociation.  Le  fait 
est  qu'il  venait  de  recevoir  du  prince  l'assurance 


-  48e  — 

d*êli^  secouru  sôue  peu  de  JoUrd.  Vatidamme  fu- 
rieux mil  à  Tordre  que  le  gouverneur  de  Breslao 
ayant  rompu  l'armistice  qu'il  avait  sollicite  lui- 
même,  des  mesures  extraordinaires  allaient  être 
prises  pour  réduire  la  vîUe.  Une  longue  instriié- 
tion  fut  donnée  aux  troupes  et  aux  généraux. 
L'artillerie  prépara  tout  pour  tirer  à  boulets  rou'^ 
ges  et  mettre  le  feu. 

Vandamme  avait  trop  d'expérience  pour  ne  pas 
comprendre  que  la  brusque  rupture  du  général 
Thile  était  la  conséquence  d'une  promesse  nou- 
velle du  prince  d'Anhalt.  Il  prescrivit  donc  à  sa 
cavalerie  de  veiller  avec  le  plus  grand  soin  du 
côté  de  Brieg  et  de  Schweidnitz.  Il  envoya  même 
trois  bataillons  légers  de  la  division  wurtember- 
geoise  s'établir  dans  la  petite  ville  d'Ohlau,  non 
loin  de  Brieg  et  sur  la  route  dé  Breslau,  pouf 
soutenir  la  brigade  Montbrun.  Dans  la  nuit  du 
27  au  28  décembre,  le  feu  devint  des  plus  violents 
contre  Breslau  ;   87  pièces  étaient  •  en  batterie. 
Le  28,  l'ennemi  fit  une  sortie  que  les  oanonniers 
repoussèrent.  Le  29,  tous  les  ouvrages  de  l'atta- 
que étant  terminés  et  armés,  on  reprit  le  feu  sans 
discontinuer.  Le  même  jour,  Montbrun  prévint 
que  le  prince  de  Pless  marchait  sur  lui  avec 
douze  mille  hommes.  Vandamme  fit  aussitôt  partir 
pour  Ohlau  la  diviisîon  Minucci,  dégamisôant  ainsi 
forcément  la  ligne  autour  de  Breàlau-  G'étiait  où  eft 
voulait  venir  le  gouverneur  de  la  Silésie  qui,  lais- 
sant un  corps  aux  prises  du  côté  d'Ohlau,  réunit 


-487  - 

ies  principales  forces  près  du  confluent  de  la  Neisf; 
ît  de  rOder,  vers  Scliurgast,  pour  marcher  sur  la 
capitale.  Le  29,  a  Olilau,  2,000  fantassins  prus- 
siens, 400  chevaux  et  une  batterie  de  6  pièces  se 
jetèrent  sur  la  brigade  Montbrun  et  sur  ses  trois 
bataillons.  Le  général  français  céda  d'abord  du 
terrain,  mais  voyant  Tennemi  prendre  une  mau- 
vaise position,  il  fit  un  retour  offensif,  le  tourna, 
rattaqua  en  flanc,  lui  tua  500  hommes  et  lui  prit 
4  de  ses  6  canons. 

Pendant  ce  temps-là ,  et  dans  la  nuit  du  29  au 
30  décembre ,  le  prince  de  Pless  avec  dix  mille 
hommes  fit  une  marche  forcée  par  d'horribles 
chemins,  évitant  les  postes  de  la  brigade  Lefebvre. 
Le  30  avant  le  jour,  il  arriva  jusqu'aux  bivouacs 
de  la  division  de  Seckendorf,  sous  Breslau.  Vou- 
lant faire  connaître  au  général  Thile  qu'il  était  là, 
il  fit  incendier  quelques  maisons  du  village  d'Hube, 
et  se  précipita  sur  les  hameaux  occupés  par  le 
corps  de  siège.  Vandamme  prévenu  se  hâta  de 
prendre  des  dispositions  pour  résister  d'une  part 
à  l'attaque  furieuse  du  prince,  d'une  autre  à  une 
sortie  probable  de  la  garnison.  Le  départ  de  la  di- 
vision Minucci  rendait  la  position  des  plus  criti- 
que, mais  Vandamme  était  doué  d'une  grande 
énergie  et  d'un  coup  d'œil  militaire  exercé.  Il  eut 
bientôt  tout  ordonné  pour  faire  tête  à  l'orage.  Le 
13^  de  ligne  bavarois  laissé  quelque  temps  devant 
!e  fort  de  Cumbald  était  arrivé  fort  heureusement 
a  veille  au  soir.  Il  mit  sous  le  commandement  de 


•-  188  - 

Bon  chef  d'élal-major,  l'adjudant  commandant  Du- 
veyrier,  un  bataillon  de  ce  13«  de  ligne,  le  régi- 
ment du  prince  Charles,  celui  des  chevau-légers 
de  Linange  et  une  batterie  légère.  Duveyrier  mar- 
cha 8ur  les  villages  attaqués  et  culbuta  les 
Prussiens  malgré  une  vigoureuse  résistance.  Pen- 
dant ce  temps-là,  les  sapeurs,  les  canonniers  fran- 
çais (car  ces  troupes  spéciales  n'étaient  ni  bava- 
roises ni  wurtembergeoises)  debout  dans  les  tran- 
chées étaient  prêts  à  mourir  à  leur  poste.  Le 
feu  contre  la  place  redoubla. 

Après  deux  heures  d'une  lutte  acharnée,  le 
prince  de  Pless  vit  qu'il  ne  pouvait  forcer  les  li- 
gnes et  se  replia  sur  Schweidnitz.  Vandamme  dès 
le  commencement  de  l'action  avait  chargé  le  capi- 
taine (plus  tard  général)  Vincent  un  de  ses  aides 
de   camp,  d'essayer  de  passer    au  travers  des 
bataillons  ennemis  pour  rappeler  la  division  Mi- 
nucci  et  la  brigade  Montbrun.  Le  brave  aide  de 
camp  fut  assez  heureux  pour  remplir  sa  périlleuse 
mission.  Les  généraux  Minucci  et  Montbrun,  sans 
perdre  de  temps,  se  mirent  en  devoir  de  couper  la 
retraite  du  prince  qui,  voyant  le  danger,  ordonna 
à  ses  troupes  de  se  disperser  et  de  gagner  par 
petits  détachements  les  forteresses  du  comté  de 
Glatz  et  du  haut  Oder.  Dix-huit  cents  hommes, 
treize  pièces  attelées  et  mille  chevaux  restèrent 
aux  mains  de  Vandamme. 

Cette  tentative  fut  la  dernière  du  gouverneur  de 
la  Silésie  pour  délivrer  Breslau.  Mieux  secondé, 


—  189  — 

le  prince  eut  pu  réussir  peut-être,  surtout  s'il 
n'avait  pas  eu  pour  adversaire  un  homme  de  la 
trempe  de  Vandamme. 

La  tentative  du  prince  de  Pless  avait  prouvé 
que  les  Bavarois  méritaient  encore  le  reproche  qui 
leur  avait  déjà  été  adressé  à  plusieurs  reprises, 
cehii  de  se  garder  très-mal.  Vandamme  leur  en 
témoigna  son  mécontentement  par  un  ordre  du 
jour  du  31  décembre,  tout  en  félicitant  les  troupes 
de  cette  nation  sur  leur  bravoure,  grâce  à  laquelle 
tout  avait  pu  être  réparé  dans  le  combat  du  30. 

Le  9®  corps  reprit  ses  positions  autour  de  Bres- 
lau  ;  un  corps  d'observation ,  commandé  par 
Montbrun,  fut  lancé  sur  les  routes  de  Strelhen  et 
de  Schweidnitz,  Le  général  Thile  n'avait  pas 
essayé  de  sortir  pendant  l'action  du  30,  ne  s  étant 
pas  bien  rendu  compte  du  mouvement  fait  en  sa 
faveur  par  le  prince  de  Pless.  Malgré  un  bombar- 
dement de  trois  jours,  il  voulut  prolonger  encore 
la  défense,  mais  enfin,  le  3  janvier  1807,  ayant  fini 
par  se  convaincre  de  la  défaite  du  gouverneur  de 
la  Silésie,  voyant  qu'une  résistance  plus  longue 
ne  mènerait  à  rien  qu'à  faire  écraser  la  ville,  puis- 
qu'il ne  pouvait  plus  espérer  de  secours  de  l'exté- 
rieur, n'ayant  pas  assez  de  troupes  pour  résister 
à  une  attaque  de  vive  force,  il  demanda  à  entrer 
en  pourparlers.  L'adjudant  commandant  Duvey- 
rier,  envoyé  dans  la  place  par  Vandamme,  rap- 
porta les  articles  préliminaires,  signés  de  lui  et 
du  général  de  Thile. 


-  190  — 

Nous  avons  dit  que  plusieurs  circonstances, 
légères  en  apparence,  avaient  blessé  Vaa- 
dammc.  Des  difficultés  s'étaient  élevées  entre  lui 
et  le  général  Hédouville,  aussitôt  après  le  départ 
du  prince  Jérôme  pour  la  grande  armée.  Van- 
damme  avait  affecté  de  ne  pas  reconnaître  Taulo- 
rité  du  chef  d'état-major  général;  Hédouville  s'était 
plaint  du  peu  d'égards  qu'on  montrait  envers  lui, 
soit  en  ne  faisant  pas  connaître  à  temps,  à  l'état* 
major,  ce  qui  se  passait  au  siège,  soit  en  ne  pre- 
nant pas  les  ordres  du  représentant  du  général 
en  chef.  Un  échange  de  lettres  aigres-douces  eut 
lieu.  Le  prince,  instruit  de  toutes  ces  petites  dis- 
cussions, qui,  du  reste,  n'entravaient  en  rien  le 
service,  écrivit  à  Vandamme  le  29  décembre  1806, 
de  Pultusk  : 

«  Monsieur  le  général,  je  reçois  votre  lettre  du 23. 
J'ai  vu  avec  bien  du  plaisir  l'affaire  de  Strehlen. 
Je  vais  en  faire  mon  rapport  à  l'empereur.  J'es- 
père que  le  nombre  des  prisonniers  ne  se  sera  pas 
borné  à  400. 

«  Les  Russes  ont  été  complètement  battus  en 
plusieurs  endroits.  Ils  sont  en  pleine  fuite.  Nous 
leur  avons  fait  li  à  4,000  prisonniers  et  enlevé 
80  pièces  de  canon.  Ils  ont  repassé  la  Narew  et 
nos  troupes  prennent  position  ici. 

«  Je  pars  demain  pour  me  rendre  à  mon  corps 
d'armée.  Je  serai  a  Lissa  le  6,  si  Breslau  n'est 
pas  Acyd  pris. 

•  Je  n'ignorais    pas  à  mou  départ  que  moa 


-.  191  - 

absence  ne  serait  que  de  très-peu  de  jours.  C'est 
la  raison  qui  m'a  fait  laisser  mon  chef  d*élat-major, 
afln  qu'il  transmit  mes  ordres  comme  si  j'étais 
présent,  Sa  Majesté  n'ayant  pas  jugé  à  propos  que 
les  généraux  Hédouvilie,  Deroy  et  Minuoci  fussent 
sous  vos  ordres  pendant  mon  absence.  Croyez, 
monsieur  le  général,  que  je  sais  apprécier  mieux 
que  personne  vos  talents,  votre  zèle  et  votre 
activité.  • 
Le  même  jour,  Jérôme  mandait  à  Hédouvilie  : 
•  J'ai  appris  avec  plaisir  l'affaire  de  Strelhen. 
Tout  ce  qui  s'est  passé  entre  le  général  Van- 
damme,  le  général  de  Deroy  (1)  et  vous,  je  l'avais 
prévu,  et  c'est  pour  cette  raison  que  je  vous  avais 
laissé  à  Lissa  ;  je  savais  que  ce  n'était  pas  une 
commission  agréable,  mais  je  savais  également 
que  je  pouvais  compter  que  vous  feriez  tout  ce 
qu'il  serait  possible  de  faire.  » 

Plusieurs  autres  causes  de  mésintelligence 
éclatèrent  entre  le  prince,  Vandamme  et  Hédou- 
vilie à  la  fin  du  siège  de  Breslau.  Le  plus  jeune 
des  frères  de  Napoléon,  tout  en  quittant  le  9®  corps 
pour  se  rendre  auprès  de  l'Empereur,  entendait 
bien  recueillir  la  gloire  de  la  prise  de  la  capitale 
de  la  Silésie.  Il  ne  voulait  partager  avec  personne 
les  lauriers  conquis  devant  cette  place;  aussi  fut-il 

(1)  Le  général  de  Doroy  avait  été  placé  en  dohora  du  com- 
mandement do  Vandamme,  qui  n'avait  sous  ses  ordres  que  les, 
divisions  de  Seekondorf  et  Minucci  avec  les  brigades  de  cava- 
lerie. 


Irès-mécontent  que  Yandamme  eut  envoyé  sou 
chef  d'étal-major  au  général  de  Thile.  II  eût  voulu 
que  la  sommation  vînt  du  général  Hédouville,  parce 
que  celui-ci  c'était  lui.  Il  écrivit  donc,  le  1*' jan- 
vier, de  Varsovie  : 

«  Monsieur  le  général,  je  reçois  à  Tinstant 
votre  lettre  du  26  décembre*  Je  suis  fâché  que 
vous  ayez  fait  une  nouvelle  sommaÇon  au  gou* 
verneur.  Vous  saviez  que  mes  intentions  n'étaienl 
pas  telles.  Je  ne  vous  avais  pas  laissé  ignorer 
avant  mon  départ  que  mon  absence  n'était  que 
momentanée,  que  je  ne  quittais  point;  le  comman- 

* 

dément  de  l'armée  des  alUés,  que  je^Iaissais  mon 
chef  d'état-major   pour  vous    transmettre   mes 
ordres,  et  je  vois  que  dans  tous  ceux  que  vous 
donnez,  vous  le  faites  en  votre  nom.  Le  général 
Hédouville  savait,  par  les  instructions  que  je  lui 
avais   laissées,  quelles   étaient  mes  intentions* 
Vous  ne  deviez  point  envoyer  M.  l'adjudant  com- 
mandant Duveyrier  pour  traiter  avec  le  gouver- 
neur, parce  que  c'était  en  mon  nom  que  devait 
être  faite  la  capitulation,  et  que  mon  chef  d'état- 
major  en  était  chargé,  M.  Duveyrier  n'étant  point 
le  chef  d'élat-major  de  Tarmée  des  alliés,  et  la 
place  se  rendant  à  l'armée  et  non  pas  à  une  divi- 
sion de  Tannée  comme  à  Glogau.  J'espère,  mon- 
sieur le  général,  que  je  ne  serai  pas  obligé  de 
vous  faire  de  pareilles  observations.   Elles  me 
coûtent  d'autant  plus  que  je  n'ai  qu'à  me  louer 
de  vos  talents,  de  votre  zèle  et  de  votre  activité, 


—  193  - 

que  je  me  suis  fait  un  plaisir  de  laisser  con- 
itre  à  Sa  Majesté  l'Empereur.  Je  demanderai 
jourd'hui  avant  mon  départ,  à  Sa  Majesté, 
vancement  que  vous  désirez  pour  les  officiers 

votre  état-major.  J'appuierai  surtout  la  de- 
mde  pour  Tadjudant  commandant  Duveyrier.  Je 
rai  le  6  au  plus  tard  à  mon  quartier  général, 
jspère  apprendre  en  route  la  reddition  de  Bres- 
1.  J'écris  au  général  Hédouville,  et  lui  fais  con- 
ître  à  quels  termes  seulement  je  veux  accorder 
capitulation  au  gouverneur. 
«  Les  intentions  de  Sa  Majesté  sont  que  vous 
us  portiez,  sans  entrer  dans  la  ville  de  Breslau, 
ec  la  division  de  Wurtemberg  et  l'artillerie  né- 
ssaire,  devant  la  place  de  Schweidnitz,  pour  en 
re  le  siège.  Au  reste,  cet  article  étant  comme 
as  les  autres  dans  les  instructions  que  j'ai  lais- 
es  à  mon  chef  d'état-major,  je  ne  doute  point 
le,  quand  même  la  place  serait  rendue  avant 
irrivée  de  cette  lettre,  il  ne  vous  transmette  les 
dres  que  je  lui  ai  laissés.  » 
Ainsi,  il  était  interdit  à  Vandamme,  auquel  seul 
i  devait  la  prise  de  Breslau,  de  mettre  les  pieds 
ins  cette  ville.  C'était  là  une  chose  blessante  et 
le  Hédouville  avait  fait  déjà  pressentir  à  l'impé- 
eux  général,  en  lui  écrivant  le  26  décembre  : 
«  S.  A.  I.  m'a  ordonné  de  signer  en  son  nom 

capitulation  de  la  place  de  Breslau,  dès  que 
)us  l'aurez  faite.  Monseigneur  le  prince  Jérôme 
iapoléon  m'a  chargé  de  vous  transmettre  l'ordre 

13 


—  194  — 

d'aller  faire  le  siège  de  la  forteresse  de  Schweid- 
nitz  (aussitôt  que  nous  serons  en  possession  de 
Breslau),  avec  la  division  de  Wurtemberg  et  la 
brigade  du  général  Montbrun,  etc.  • 

Il  y  avait  en  effet,  dans  cette  défiance  à  Tégard 
de  Yandamme,  de  quoi  choquer  un  homme  plus 
patient  que  lui.  Il  connaissait  son  mérite,  sa  va- 
leur, ses  services.  Le  prince  Jérôme,  le  général 
Ilédouville  n'avaient  été  pour  rien  dans  les  com- 
bats de  Strelhen,  et  devant  Breslau,  dans  la  red- 
dition de  cette  ville.  Mécontent,  furieux  même, 
il  ne  voulut  pas  laisser  Hédouville  signer  seul  la 
capitulation  (1),  et,  malgré  les  ordres  du  chef  d'état- 
major  général,  il  y  apposa  son  nom  et  lui  écrivit: 

«  Je  ne  saurais  aller  à  Schweidnitz  que  lorsque 
la  division  do  Wurtemberg  aura  reçu  ses  reu- 
forts  et  son  organisation,  de  manière  à  pouvoir 
me  présenter  devant  cette  forteresse  sans  com- 
promettre riionneur  des  alliés  et  le  mien.  Je  uc 
puis  non  plus  m'avanccr  vers  cette  place,  que 
lorsque  j'aurai  un  train  d'artillerie  capable  d'eu- 
Ircprendre  ce  siège  important.  Je  ne  sais,  d'ail- 
leurs, si  ma  santé  répondra  au  désir  que  j'ai 
d'exécuter  les  ordres  de  S.  A.  I.,  et  si  je  ne 
serai  pas  forcé  à  un  repos  de  plusieurs  jours. 


(l)  Ilédoiivine,  en  apprenant  le  4  janvier  la  reddition  ilc 
Hreslan,  avait  écrit  à  Vandamnie  en  lui  envoyant  ses  nom?, 
prénoms  et  qualités  pour  que  la  capitulation  fût  signée  par  lui 
seul  au  nom  du  prince ,  eo  à  quoi  Vandamme  no  voulut  pa^? 
consentir. 


—  195  - 

ne  puis  vous  dissimuler  que  la  lellre  que  je 
;ois  du  prince  et  celle  que  vous  m'écrivez  me 
isent  autant  de  surprise  que  de  peine.  Il 
î  semble  que  ce  n'est  pas  de  moi  qu'on  devrait 
jouer  ainsi.  Si  je  n'ai  pas  satisfait  aux  ordres 
aux  désirs  du  prince,  en  tout  point,  je  le  ré- 
elle beaucoup,  mais  du  moins  j'ai  fait  tous  mes 
bris  pour  sortir  victorieusement  de  la  situation 
[Ticile  011  je  me  suis  trouve.  Enfin,  si  le  malheur 
ulait  que  le  prince  fut  mécontent,  il  est  beau- 
up  d'autres  généraux  qui  réussiront  mieux  que 
oi  à  lui  plaire,  sans  doute,  mais  aucun  ne  sau- 
il  faire  plus  d'efforts  pour  mériter  son  suffrage 
lui  prouver  un  entier  dévouement.  J'espère, 
ailleurs,  monsieur  le  général,  que  le  retour  de 
A.  1.  me  sera  plus  favorable  que  son  absence,  t 
Au  prince,  Yandamme  répondit  le  6  janvier  : 
•  Monseigneur,  je  ne  puis  dissimuler  à  Votre 
liesse  Impériale  que,  depuis  quinze  ans  que  je 
lis  général,  je  n'ai  reru  d'aucun  de  mes  chefs  les 
proches  amers  qu'elle  vient  de  m'adresser. 
près  les  plus  grands  efforts  que  j'ai  tout  récem- 
eiit  faits  pour  sortir  de  la  situation  la  plus  cri- 
lue,  tant  par  rapport  à  l'ennemi  que  j'avais  à 
pousser  qu'eu  égard  à  la  composition  des 
Dupes  qui  se  trouvaient  sous  mes  ordres  et  qui 
'étaient  si  peu  conimes,  il  m'a  été  plus  sensible 
le  je  ne  saurais  l'exprimer  de  me  voir  aussi  mal 
compensé  du  service  le  plus  diflicile  que  j'aie 
mais  eu  à  faire,  surtout  de  la  part  d'un  prince 


—  196  — 

auquel  j'ai  voué  un  attachement  si  sincère  cl  des 
bontés  duquel  j'avais  osé  me  flatter.  J'ai  supporté 
avec  beaucoup  de  peine  la  révolution  que  j'en  ai 
sur-lo-champ  éprouvé. 

«  L'ordre  do  Votre  Altesse,  de  marcher  sur-le- 
champ  sur  Schwcidnitz,  porte  une  sorte  de  dé- 
fense d'entrer  eu  ville  dont  je  me  suis  trouvé  fort 
humilié.  Je  ne  saurais  vous  taire ,  Monseigneur, 
que  ma  santé  a  beaucoup  souffert  de  l'état  d'in- 
quiétude où  je  me  suis  trouvé  pendant  voirc 
absence. 

«  Permettez-moi  de  répondre  au  reproche  (|iie 
me  fait  Votre  Altesse,  sur  la  sommation  que  jai 
adressée  au  gouverneur,  le  25  décembre,  que  je 
ne  pouvais  politiquement  et  militairement,  surtout 
au  moment  où  j'avais  à  faire  valoir  la  défaite  de 
Strehlen,  user  des  movens  terribles  en  artillerie 
que  j'étais  sur  le  point  de  déployer,  sans  chercher 
encore  à  détourner  de  cette  ville  les  malheurs 
affreux  qui  la  menaçaient.  Cette  sommation  n'a 
pas  eu  de  succès  ;  mais  c'eût  été  un  grand  bien 
qu'elle  réussît. 

«  Enfin,  il  me  semble  voir  dans  toute  la  dernière 
lettre  de  Votre  Altesse  que  j'ai  perdu  sa  conliance 
et  que  j'ai  eu  envers  elle  des  torts  que  je  ne  puis 
deviner.  Sans  doute  quelqu'un  me  les  a  gratuite- 
ment donnés;  mais  j'ose  espérer  de  Votre  Allessc 
Impériale  la  justice  qu'elle  me  doit  et  la  prie  de 
croire  pour  toujours  à  mon  dévouement.  » 

Le  général  Hédouville  répondit  à  Vandamme  : 


-  197  - 

•  Je  vous  prie,  mon  cher  général,  de  m'envoyer 
a  capitulation  que  vous  avez  conclue  avec  le  gou- 
emeur  de  Breslau,  Son  Altesse  Impériale  m'ayant 
ordonné  d'en  prendre  connaissance  et  même  de  la 
aire  moi-même,  et  se  réservant  de  Tapprouver. 

•  L'intention  de  Son  Altesse  Impériale,  ainsi 
[ue  je  vous  l'ai  déjà  mandé,  est  que  Monsieur  An- 
lès,  intendant  de  Breslau,  et  Monsieur  Maupetit, 
ommissaire  des  guerres,  entrent  dans  cette  place 
vec  les  premières  troupes  des  alliés  ;  je  vous 
irie  de  m'instruire  de  vos  dispositions  à  cet 
gard. 

«  Son  Altesse  Impériale  m'ayant  chargé  de 
DUS  transmettre  Tordre  d'aller  avec  la  division 
e  Wurtemberg  et  la  partie  de  la  division  Deroy, 
u'il  a  mise  sous  votre  commandement,  assiéger 
î  forteresse  do  Schweidnitz  ,  aussitôt  que  Eres- 
m  serait  rendu ,  m'ordonne  de  vous  réitérer  le 
lême  ordre,  et  de  -vous  mander  d'aller  cerner 
Schweidnitz,  aussitôt  que  la  garnison  de  Breslau 
ura  quitté  cette  ville. 

«  Je  vous  avoue  que  je  n'ai  pas  été  peu  surpris 
e  voir  arriver  ici  à  l'instant  un  officier  et  trente- 
uatre  hommes  du  13®  régiment  d'infanterie  de 
gne,  d'après  vos  ordres,  pour  rester  en  sauve- 
arde  au  château  de  Lissa  ;  cet  officier  était  muni 
'une  liasse  d'ordres  de  sauvegardes  à  envoyer 
ans  le  cercle  de  Neumarck  ;  vous  n'ignoriez  sûre- 
ment pas  que  le  quartier  de  Son  Altesse  Impériale 
si  ici,  et  que  les  troupes  sous  mes  ordres  occu- 


-  198  - 

pent  Neumarck.  J'ai  ordonné  à  cet  officier  elà 
son  détachement  de  rejoindre  Icnr  corps. 

•  Veuillez  bien,  général,  ordonner  au  1''^  ba- 
taillon des  gardes  du  roi  de  Bavière,  que  vous 
m  aviez  demande  momentanément ,  de  venir  se 
réunir  ici  à  son  second  bataillon,  c'est  rinlenlicn 
de  Son  Altesse  Impériale. 

•  Elle  m'a  ordonné  d'entrer  dans  Breslan  avec 
la  division  Minucci.  - 

Le  jeune  prince  ne  voulut  pas  se  priver  des 
services  d'un  homme  de  la  valeur  militaire  de 
Vandamme  ;  il  eut  d'ailleurs  la  satisfaction  d'a- 
mour-propre  de  faire,  le  8  janvier  1807,  son 
entrée  solennelle  dans  la  place  que  lui  avait  con 
quise  son  intrépide  lieutenant.  Horace  Vernet,  qni 
commençait  alors  sa  carrière  de  peintre  d'histoire 
militaire,  fil  un  tableau  qui  représentait  Jérôme 
Napoléon,  à  cheval,  recevant  les  clefs  de  la  ville 
et  les  hommages  des  habitants. 

Vandamme  fut  surtout  choqué  de  voir  que  les 
bulletins  48  et  50  de  la  grande  armée,  reiulanl 
compte  de  la  prise  de  Breslau  et  des  combats 
devant  cette  place,  nommaient  tous  les  généraux, 
excepté  lui.  Le  i)rince  Jérôme,  qui  n'avait  été  pour 
rien  dans  la  conquête  de  cette  place,  aussi  bien 
que  le  général  Hédouville,  étaient  cités;  et  de  lui, 
Vandamme,  pas  un  mot  (1).  Il  fut  sur  le  point  de 


(1)  Le  prince  Jérôme,  dans  un  ordre  du  9  janvier,  relatif  à  la 
prise  de  Breslau,  évita  également  de  parler  de  Vandamme. 


demander  à  se  retirer.  Cependant,  le  sentiment 
du  devoir  l'emporta  chez  lui,  et  malgré  son  mé-^ 
contentement  légitime,  il  se  décida  à  se  venger 
noblement,  en  rendant  à  la  France,  à  TEmperenr 
et  à  l'armée,  de  nouveaux  et  signalés  services. 

Nous  croyons  devoir  maintenant  interrompre  un 
instant  le  récit  des  faits  relatifs  à  celte  campagne 
de  Silésie,  pour  expliquer  d'où  venait  la  suspicion 
dont  Vandamme  était  alors  Tobjet. 

Le  général,  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  le  cours  do 
cet  ouvrage,  avait  été  plusieurs  fois  déjà  en  buttcî  a 
certaines  accusations,  qui  tout  en  n'ayant  eu  pour 
résultat  que  de  constater  son  innocence,  n'en 
avaient  pas  moins  laissé  de  lui  l'opinion  fâcheuse 
qu'il  était  enclin  à  lever  des  contributions  pour 
son  propre  compte. 

Or,  l'officier  général  qui  commandait  alors  la 
16®  division  militaire,  ennemi  personnel  de  Van- 
lamme,  avait  adressé  à  plusieurs  reprises  des 
rapports  au  ministre  de  la  guerre,  sur  les  envoie 
faits  par  le  général,  à  son  domicile,  à  Lille.  Le  mi- 
listre,  mis  en  éveil  par  ces  rapports,  avait  prévenu 
ieces  faits  l'Empereur  ;  des  ordres  secrets  étaient 
lonnés  au  prince  Jérôme,  pour  qu'il  eût  à  empé- 
îher,  à  tout  prix,  Vandamme  d'entrer  dans  les 
[)laces  conquises,  dans  la  crainte  qu'il  ne  fît  des 
iélournements  à  son  profit. 

Nous  allons  à  cet  égard  anticiper  un  peu ,  et 
raconter  ce  qui  se  passa  à  la  fin  de  mars. 

Vandamme  envova  de  la  Silésie,  à  Lille,  un 


fourgon  S0U6  la  conduite  d*un  pauvre  diable,  an- 
cien mililairo  qu'il  chargea  de  celle  mission.  Le 
départ  de  ce  fourgon  fut  signalé  de  Tarmée  au  mi- 
nistre, à  Paris,  et  ce  dernier  donna  Tordre  au 
général  commandant  à  Strasbourg,  de  le  faire 
arrêter  à  son  entrée  dans  cette  ville. 

Le  12  avril ,  le  général  qui  avait  reçu  cet  ordre 
écrivit  au  ministre  : 

«  Monseigneur,  Tordre  en  date  du  26  mars, 
concernant  le  caisson  du  général  Vandamme,  et 
le  sieur  Philippp-Pierre  Berlin,  chargé  de  le  con- 
duire, m'a  été  remis  le  4  avril,  j'ai  de  suite  pris 
les  informations,  et  j'ai  appris  que  cet  homme 
était  arrivé  le  25  mars  à  Kehl,  où  il  avait  déposé 
son  caisson  jusqu'à  ce  qu'il  eût  reçu  des  instruc- 
tions du  général  Vandamme,  à  qui  il  avait  écrit, 
afin  de  lever  les  diflîcultiîs  pour  le  faire  entrer  à 
Strasbourg  ;  j'ai  donné  les  ordres  nécessaires  au 
commandant  de  Kehl,  et  le  caisson  a  été  conduit  à 
la  citadelle  de  Strasbourg,  où  il  est  en  sûreté, 
après  avoir  pris  toutes  les  précautions  pour  que 
rien  ne  soit  ni  distrait  ni  égaré.  Ce  caisson  ren- 
ferme dix-huit  paquets,  caisses  ou  coffrets  qui  ont 
été  ficelés  et  cachetés. 

•  Quant  au  sieur  Berlin ,  j'appris  qu'il  était 
parti  le  2  avril  pour  Stuttgard,  et  qu'il  devait  être 
de  retour  sous  cinq  à  six  jours;  je  me  suis  vu  forcé 
de  retarder  le  départ  de  votre  courrier,  afin  de  rem- 
pUr  entièrement  vos  intentions. 

«  Cel  homme  arrive  à  l'instant,  et  m'a  déclara 


être  parti  de  Breshu  près  Neiss ,  le  4  mars ,  et 
n'avoir  aucuns  papiers,  autres  que  son  ordre  de 
route,  dont  vous  m'aviez  adressé  copie  et  que  je 
vous  envoie.  II  reçut  du  général  Vandamme,  en 
date  du  10  mars,  une  lettre  pour  le  prince  Guil- 
laume, ministre  de  la  guerre  du  roi  de  Wurtem- 
berg ;  il  partit  le  2  avril  pour  la  lui  remettre  ;  le 
ministre  lui  en  donna  connaissance,  parce  que 
c'était  une  recommandation  du  général  pour  le 
faire  recevoir  dans  les  troupes  du  Roi,  en  lui 
disant  qu'il  ne  pouvait  y  avoir  égard,  ne  recevant 
aucun  Français.  Cet  homme  m'a  aussi  répondu 
sur  la  demande  que  je  lui  en  ai  faite,  que  le  caisson 
renfermait  dix-huit  paquets  ou  caisses,  qui  est  le 
nombre  qui  s'y  est  trouvé. 

•  J'attendrai,  Monseigneur,  vos  ordres  ulté- 
rieurs, tant  pour  le  sieur  Bertin  que  pour  le 
caisson.  • 

Le  ministre  de  la  guerre,  afin  d'être  sûr  que  le 
caisson  de  Vandamme  n'échapperait  pas  aux  in- 
vestigations, non-seulement  avait  envoyé  l'ordre  à 
Strasbourg  de  l'arrêter ,  mais  il  avait  en  outre 
prévenu  à  Lille,  en  sorte  que  le  15  avril,  le  gé- 
néral commandant  la  16®  division  lui  écrivit  : 

«  Monseigneur,  aussitôt  la  réception  de  la  let- 
tre confidentielle,  sous  la  date  du  26  mars,  que 
Votre  Altesse  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire,  tou- 
chant un  caisson  que  le  général  Vandamme  a  di- 
rigé de  Schweidnitz  sur  Lille  ou  Gassel ,  j*ai 


—  202-. 

donné  de  snite,  et  de  la  manière  la  moins  péné- 
trahie,  les  ordres  que  j'ai  jugé  convenables  pour 
opérer  son  arrestation,  la  saisie  des  papiers  de 
l'officier,  et  l'apposement  des  scellés  sur  l'objol 
principal . 

•  En  daignant  me  montrer  ce  degré  de  con- 
fiance, Votre  Altesse  m'a  donné  à  penser  que  le 
général  Vandamme  lui  était  parfaitement  connu 
sous  plusieurs  rapports  ;  qu'en  conséquence,  il 
était  de  mon  devoir  pour  y  répondre,  de  lui  faire 
part  de  ce  que  j'ai  visiblement  remarqué,  comine 
toutes  les  personnes  qui  en  furent  témoins,  con- 
cernant les  envois  réitérés  que  ce  général  a  faits  à 
son  domicile  depuis  ma  présence  à  Lille. 

«  Pou  après  la  bataille  d'Auslerlitz,  il  fut  an- 
noncé que  le  général  Vandamme  avait  été  pillé  de 
tous  ses  équipages;  néanmoins,  l'on  vit  arrivera 
Lille  trois  fourgons  extrêmement  chargés,  dont  un 
attelé  de  quatre  chevaux,  parmi  eux  en  était  un 
russe.  Le  bruit  public ,  d'accord  avec  les  rapports 
domestiques  et  particuliers,  décidèrent  que  ces 
caissons  renfermaient  des  objets  de  grande  valeur, 
notamment  un  certain  saint  d'argent  massif ,  de 
grandeur  naturelle  ;  les  chevaux  de  cette  voiture 
furent  vendus  dus  leur  arrivée. 

•  Depuis  la  bataille  d'Iéna,  deux  autres  fourgons 
ont  encore  été  expédiés,  mais  séparément,  le  second 
est  arrivé  le  10  février  dernier,  attelé  de  trois  che- 
vaux, chargé  de  trois  masses  extrêmement  lourdes, 
avec  deux  grandes  caisses  plates ,   plus   douze 


—  203  - 

beaux  chevaux  de  main  sous  la  conduite  d'un  offi- 
cier présumé  l'un  de  ses  aides  de  camp,  lequel  ne 
s'écartait  pas  des  voilures,  ayant  avec  lui  deux 
Flamands  et  un  autre  individu  nommé  Ignace.  Cet 
officier  conducteur  s'est  à  peine  montré,  et  a  dis- 
paru tout  à  fait  le  lendemain. 

«  Dix  de  ces  chevaux  ont  été  vendus  à  Gassel, 
deux  seulement  ont  été  conservés  pour  le  service 
de  Madame  ;  les  trois  autres  qui  étaient  au  caisson 
ont  été  vendus  à  bas  prix  à  un  nommé  Godin,  voi- 
turier  de  cette  ville  ;  le  caisson  à  une  autre  per- 
sonne pour  le  premier  prix  offert,  ce  qui  fit  débiter 
alors  que  ces  différents  objets  n'avaient  proba- 
blement pas  coûté  plus  que  bien  d'autres  précé- 
demment acquis.  Ces  chevaux  et  ce  caisson  sont 
encore  à  revendre. 

«  Je  crois  devoir  me  dispenser.  Monseigneur, 
de  remonter  à  une  époque  autre  que  celle  citée, 
pour  ne  pas  craindre  de  montrer  dans  le  général 
Vandammé  un  homme  fourbe ,  impudent ,  comp- 
tant riionneur  pour  peu,  et  rapportant  toutes  ses 
actions  à  un  intérêt  sordide,  que  d'ailleurs  la  for- 
tune colossale  qu'il  a  amassée  dans  un  pays  qui 
Ta  vu  sortir  de  la  plus  profonde  obscurité,  atteste 
tous  les  jours. 

«  Bien  que  j'eusse  beaucoup  à  me  plaindre  de 
ce  général,  je  prie  cependant  Votre  Altesse  de  dai- 
gner croire  que  ces  renseignements  que  j'ai  Thon- 
neur  de  lui  donner,  me  sont  moins  dictés  par  lin 
intérêt  de  vengeance,  que  par  celui  qiie  l'intérêt 


général  me  commande,  et  particnlièrement  Thon- 
neur  de  Tarmée. 

«  J'aurai  soin  de  tenir  Votre  Altesse  informée 
de  tout  ce  que  je  pourrai  apprendre  sur  le  caisson 
et  Tofficier  qu'elle  m'a  signalés,  et  la  prie  de 
croire  au  dévouement  sans  bornes,  et  aux  senti- 
ments respectueux,  avec  lesquels. . . .  etc.  » 

Cette  lettre  était  un  tissu  d'absurdités,  et  une 
vengeance  mal  déguisée.  Depuis  le  saint  d^argent 
massif ,  jusqu'aux  lourds  caissons  venus  d'Iéna 
à  Gasscl,  tout  était  faux. 

Cependant  le  ministre ,  en  recevant  ces  dénon- 
ciations qu'il  prit  peut-être  pour  ce  qu'elles  va- 
laient, c'est-à-dire  comme  ces  contes,  comme  ces 
romans  qui  vont  grossissant  d'une  façon  ridicule 
en  passant  par  mille  bouches,  le  ministre  voulut, 
ou  acquérir  la  preuve  matérielle  qu'il  y  avait  du 
vrai  dans  tout  cela,  ou  qu'on  calomniait  le  général. 
Ordre  fut  donc  envové  d'inventorier  le  fameux 
fourgon. 

Voici  le  procùs-verbal  de  cette  opération  : 

L'an  dix-huit  cent  sept,  le  11  du  mois  de  mai, 
heure  de  midi. 

Nous,  Jean-Marie  Sauveton,  commandant  d'ar- 
mes de  la  citadelle  de  Strasbourg, 

Vu  Tordre  à  nous  adressé  par  Monsieur  le  gé* 
néral  de  division  Desbureaux,  commandant  la 
5^  miUtaire,  en  date  de  ce  jour,  portant  qu'en  exé- 
cution des  ordres  de  Son  Altesse  le  prince  minis- 
tre de  la  guerre,  major  général  de  la  grande  armée, 


—  205  - 

je  dois  prévenir  Monsieur  le  commandant  d'armes 
de  Kehl  d'être  rendu  vers  les  midi  dans  notre  lo- 
gement de  la  citadelle ,  où  se  trouvera  à  la  même 
heure  Monsieur  le  général  de  division  Desbureaux, 
aux  fins  que  réunis,  nous  nous  transportassions 
à  Tarsenal  de  celte  citadelle ,  pour  reconnaître 
1  elat  des  scellés  apposés  le  5  avril  dernier  sur  un 
fourgon  provenant  de  M.  le  général  de  division 
Vandamme,  et  dont  procès-verbal  de  dépôt  avait 
été  dressé  ledit  jour. 

Avons  donné  connaissance  dç  ces  dispositions 
à  Monsieur  Pinot,  capitaine  du  corps  impérial  du 
génie,  commandant  d'armes  à  Kehl,  qui  s'est  rendu 
à  l'heure  précisée  en  cette  citadelle  pour  opérer 
comme  il  a  été  ordonné. 

En  présence  de  Monsieur  le  général  de  divi- 
sion Desbureaux ,  accompagné  de  M.  Daiiclle  , 
chef  de  bataillon/ son  aide  de  camp,  nous  nous 
sommes  rendus  à  l'arsenal  de  cette  citadelle,  où 
Monsieur  Bacq,  garde  d'artillerie,  nous  a  présenté 
un  fourgon  quatre  roues,  déclarant  être  celui  scellé 
et  mis  en  dépôt  à  l'arsenal  le  5  avril  dernier.  S'est 
en  même  temps  présenté  Monsieur  Walz,  secrélaire 
de  place  de  cette  citadelle,  nous  exhibant  le  procès- 
verbal  dressé  à  cet  effet  ledit  jour  ,  5  avril  mil  huit 
cent  sept,  sur  lequel  avaient  été  couchés  les  em- 
preintes et  sceaux  apposés  ledit  jour  sur  cinq 
bandes  de  toile,  clouées  et  cachetées  sur  les  di- 
verses clôtures  et  faces  du  susdit  fourgon. 

Après  avoir  examiné  les  empreintes  faites  sur 


—  206  — 

ledit  procès-verbal,  nous  les  avons  reconnues  pour 
celles  (lu  sceau  du  commandement  du  fort  de  Kchl, 
de  celui  de  la  citadelle  de  Strasbourg,  et  de  Mon- 
sieur le  général  de  division  Desbureaux ,  qui 
avaient  été  apposées  le  5  avril  dernier  sur  les 
scellés  mis  au  susdit  fourgon. 

«  Nous  nous  sommes  en  conséquence  approchés 
du  fourgon  et  Tavons  examiné  Irès-altenlivemcnl. 
Nous  nous  sommes  convaincus  que  c'était  le  même 
qui  avait  été  mis  en  dépôt,  et  que  les  empreintes 
des  cachets  étaient  sains  et  saufs,  sans  aucune 
altération. 

«  En  consé(pience,  nous  avons  fait  ai)pelcr  le 
sieur  Montignon,  serrurier  de  celte  citadelle,  cl 
lui  avons  fait  rompre  (faute  de  clefs)  les  cadenas 
et  clôtures  dudit  fourgon,  ainsi  que  les  scellés  y 
apposés,  et  avons  fait  déballer  les  ballots,  caisses 
ou  malles  contenues  dans  icelin^  et  qui  se  seul 
trouvés  au  nombre  de  dix:-huit. 

«  Nous  avons,  en  notre  présence,  fait  trans- 
porter par  des  hommes  de  corvée  lesdits  dix- 
huit  articles  dans  le  logement  du  commandant 
d'armes  et  de  la  citadelle  (  conligu  aux  bâtiments 
de  Tarsenal),  et  déposé  dans  une  chambre  parti- 
culière ,  où  ledit  serrurier  a  été  appelé  pour  ouvrir 
les  cadenas  des  malles  ;  il  a  ouvert  en  notre  pré- 
sence ceux  qu'il  était  en  état  d'ouvrir,  et  a  cassci 
celles  des  serrures  qui  n'ont  pu  être  ouvertes  pai 
(les  crochets,  attendu  qu'il  ne  s'est  trouvé  au- 
cunes clefs.  D(3s  que  les  caisses,  coffres  ou  mallci- 


—  Î07  — 

ont  été  ouvertes,  le  serrurier  s'est  retiré  sur  notre 
invitation, 

•  Monsieur  le  général  de  division  Desbureaux 
nous  a  ensuite  donné  lecture  de  Tordre  de  Son 
Altesse  le  prince  minisire  de  la  guerre,  relatifs  à 
la  présente  opération,  et  a  fait  déposer  sur  table 
Tordre  adressé  ce  même  jour  au  commandant  do 
la  citadelle  par  lui  ;  nous  a  invité  de  suivre  ce 
qu'il  prescrit  et  s'est  retiré.  » 

«  Cet  ordi-e  est  ainsi  conçu  : 
«  Au  commandant  d'armes  de  la  citadelle  de 
Strasbourg.  —  Strasbourg,  le  11  mai  1807. 

•  D'après  les  ordres  de  Son  Altesse  le  prince 
ministre  de  la  guerre,  major  général  de  la  grande 
armée,  vous  préviendrez  le  commandant  du  fort 
de  Kelil  de  ge  rendre  aujourd'hui  à  midi  précis 
chez  vous,  pour  connaître  les  scellés  apposés  sur 
le  fourgon  du  général  Vandamme,  et  de  suite,  en 
sa  présence,  vous  procéderez  à  Touverturc  des 
dix-huit  paquets,  caisses  ou  ballots  qu'il  renferme, 
vous  les  visiterez  et  dresserez  procès-verbal  do 
leur  contenu.  S'il  y  a  des  effets  précieux,  vous  les 
enverrez  à  la  caisse  d'amortissement,  comme 
objets  appartenant  à  Tarmée,  tout  autre  objet  sera 
remis  sous  le  scellé  et  restera  à  votre  garde  jus- 
qu'à nouvel  ordre. 

«  Vous  dresserez  du  tout  procès-verbal,  que 
vous  me  remettrez  de  suite. 

«  Mettez  dans  cette  opération  le  plus  grand 
ordre  et  beaucoup  de  discrétion. 


«  Je  vous  pré%ieiis,  en  outre,  que  je  serai  repré- 
senté à  la  reconnaissance  des  scellés  » . 

«  Sur  quoi,  monsieur  Pinot,  commandant  du 
fort  de  Kehl,  et  nous  commandant  d'armes  de  la 
citadelle,  avons  commencé  à  inventorier  les  sus- 
dits dix-huit  articles,  en  présence  de  M.  Walz, 
secrétaire  de  place  de  cette  citadelle,  chargé  de 
tenir  note  des  objets  à  inventorier,  et  nous  avons 
reconnu  : 

•  i^  Une  |>etile  caisse  de  la  longueur  de 
16  pouces,  hauteur  6  pouces  i /i  et  de  la  largeur 
de  i  i  pouces,  marquée  à  Tun  de  ses  côtés  A.  M. 
B.  H.  et  au-dessous  Wûrben,  au  fond  est  n°  12, 
contenant  trois  pièces  de  toile  blanche  de  pre- 
mière qualité; 

«  ^  Un  coffre  de  la  longueur  d'environ  S  pieds, 
de  la  largeur  de  16  pouces,  recouvert  en  cuir  (le 
couvercle  seulement),  ferré  à  ses  angles  et  fermé 
d'une  serrure  à  moraillon,  marquée  sur  la  face 
n*^  II,  un  peu  au-dessous  et  à  gauche  de  la  ser- 
rure, contenant  dix-sept  douzaines  et  deux  ser- 
viettes, quinze  nappes  de  différentes  gi-andeurs 
et  un  surtout;  Unge  de  table  damassé,  ouvré,  d( 
première  qualité  ; 

«  3^  Une  caisse  couverte  dans  sa  partie  supé- 
rieure en  toile  cirée,  de  la  longueur  de  19  pouces 
largeur  13  pouces,  hauteur  7  pouces  1/2,  marqué 
à  l'un  de  ses  côtés  n®  111,  Wùrben,  contenan 
quatre  paquets  de  toile  blanche  de  première  qua 
Ulé,  dont  trois  à  l'adresse  du  général  Vandamm 


—  209  — 

et  le  quatrième  à  celle  de  M.  le  colonel  de  Nam- 
merer,  à  Wûrben  ; 
t  4®  Une  caisse  de  la  longueur  de  23  pouces  et 

15  pouces  de  large,  sur  13  1/2  de  haut,  couverte 
à  la  partie  supérieure  en  toile  cirée,  et  marquée 
au  bas  et  à  droite  du  cadenas  n^  IV,  contenant  onze 
paquets  de  toile  blanche  première  qualité  ; 

«  5^  Une  autre  caisse  de  la  longueur  de 
22  pouces  sur  18  de  large  et  6  de  haut,  également 
couverte  en  toile  cirée  et  marquée  du  n^  V,  con- 
tenant quatre  douzaines  de  serviettes,  deux  nappes 
damassées  et  trois  pièces  de  toile  blanche,  le  tout 
de  première  qualité,  et  plusieurs  paquets  de  bou- 
tons blancs; 

«  6^  Un  coffre  de  2   pieds  de  longueur,    et 

16  pouces  1/2  de  largeur  et  autant  de  haut,  la 
partie  supérieure  couverte  en  toile  cirée ,  fermé 
par  un  cadenas  et  marqué  à  la  droite  du  cadenas 
du  n^  VI,  contenant  neuf  paquets  de  linge  da- 
massé, onze  paquets  de  toile  blanche,  le  tout  de 
première  qualité,  et  un  morceau  de  drap  bleu; 

«  7*^  Une  caisse  ayant  le  dessus  couvert  de  toile 
cirée,  de  la  longueur  de  2  pieds  6  pouces,  largeur 
22  pouces,  hauteur  4  pouces,  marquée  du  n^  VII, 
Godberge,  contenant  une  pièce  de  drap  bleu  ; 

«  8^  Une  autre  caisse,  ayant  également  le  des- 
sus couvert  en  toile  cirée,  de  2  pieds  1/2  de  long 
sur  7  pouces  1/2  de  large  et  9  pouces  1/2  de  haut, 
marquée  n®  VIII,  contenant  un  télescope  ; 

«  9^  Une  autre  caisse,  de  4  pieds  2  pouces  de 


—  «10  — 

long,  16  pouces  de  large  et  6  de  haut,  clouée  sim- 
plement, n^  IX,  contenant  trois  fusils  à  deux 
coups,  une  carabine  et  ua  sac  de  chasse  ; 

•  10"  Une  autre  caisse,  de  4  pieds  dû  long  sur 
8  pouces  de  large,  et  7  1/2  de  haut,  marquée  sur 
le  dessus  n""  X,  contenant  deux  fusils  de  chasse, 
deux  pistolets,  un  porte-cartouche  et  une  mesure 
de  charge  ; 

«  11*^  Un  petit  coffre,  recouvert  eu  cuir  et  garni 
en  fer,  ferme  d'un  cadenas  et  d'une  courroie,  de 
m  pouces  de  long  sur  un  pied  de  largo  cl 
11  pouces  de  haut,  marquée  n"  XI,  contenant  une 
collection  de  caries  topographiques,  plans  de 
places  et  de  bataille  ; 

«  12^  Un  autre  coffre,  couvert  eu  cuir  et  garni 
en  fer,  fermé  pai-  un  cadenas,  longueur  2  pieds  i/3, 
largeur  14  pouces  et  hauteur  15  pouces,  n^  12, 
contenant  six  douzaines  et  deux  ser\iett6S,  dix 
nappes  et  douze  pièces  d  autre  toile,  le  tout  d'une 
qualité  inférieure  ; 

•  13^  Une  petite  caisse,  simplement  clouée,  de 
21  pouces  de  long  sur  9  1^2  de  large  et  8  1/2  de 
haut,  sans  autre  marque,  contenant  des  médailles 
de  bronze  antiques,  de  lUfférentes  grandeurs. 

•  11"'  Une  malle,  sous  une  marque  de  B.  V. 
llammeivr,  et  fermée  par  deux  cadenas  et  une 
couri\)ie,  couverte  en  cuir  et  garnie  en  fer,  de 
2  pii\ls  i  pouces  de  long  sur  14  1/â  de  large  el 
Il  l;2  do  haut,  contenant  quatrepiwes  de  toile 
bUuK  he.  de  première  qualité,  el  des  hardes  ; 


-  211  - 

•  15^  Un  paquet,  couvert  en  toile  cirée,  sous 
\e  cachet  du  général  Vandamitie,  contenant  cinq 
paquets  de  linge  de  table  damassé,  de  première 
qualité,  dont  un  paquet  de  plus  grand  volume  que 
les  autres  quatre  ; 

«  16*^  Un  autre  paquet  en  toile  cirée,  à  l'adresse 
de  M.  Louis  Darras,  contenant  un  paquet  basin 
blanC;  et  trois  paquets  en  toile  blanche,  de  pre- 
mière qualité,  ainsi  qu'une  serviette  et  surfont  de 
table  damassée  en  soie,  fleurs  cramoisies; 

•  17''  Un  autre  paquet,  couvert  en  toile,  conte- 
nant du  drap  ordinaire  de  couleur  verte; 

«  18^  Un  paquet,  couvert  en  toile  cirée,  sous  le 
cachet  du  général  Vandamme ,  contenant  six  pa- 
quets de  linge  de  table  damassé,  de  première 
qualité. 

«  Le  tout,  ainsi  inventorié,  détaillé  et  spécifié, 
est  resté  déposé  dans  le  logement  du  comtnandan 
d'armes  de  la  citadelle  de  Strasbourg,  pour  être, 
conformément  aux  ordres  de  M.  le  général  de  di- 
vision Desbureaux,  réemballé  (  après  réparation 
faite  des  serrures,  loquets  et  caisses)  fermé,  ficelé 
el  scellé,  et  ainsi  rester  déposé  sous  sa  garde 
jusqu'à  nouvel  ordre. 

«  De  tout  quoi,  nous  avons  dressé  le  présent 
procès-verbal  en  double  expédition,  Tune  pour 
être  remise  à  M.  le  général  de  division  Desbu- 
reaux, commandant  la  5^  militaire;  ràulro,  pour 
rester  déposée  aux  archives  de  cette  citadelle,  pour 
servir  el  valoir  ce  que  de  droit,  et  avons  signé. 


—  Jlî  — 

«  Fail  et  clos  à  la  citadelle  de  Strasbourg,  les 
jours,  mois  et  ans  que  dessus,  à  sept  heures  du 
soir.  •  Suivent  les  signatures. 

Ce  procès- verbal  fut  envoyé  au  ministre  parle 
général  Desbureaux,  avec  cette  lettre,  datée  du 
14  mai  : 

•  Monseigneur,  j'ai  Thonneur  de  vous  adresser 
le  procès-verbal  qui  constate  la  levée  des  scellés 
apposés  sur  le  caisson  du  général  Vandamme, 
ainsi  que  vous  l'avez  ordonné  par  votre  lettre  du 
23  avril  dernier,  que  j'ai  reçue  le  10  mai. 

•  Vérification  faite,  vous  verrez  que  les  caisses 
contiennent  du  linge  damassé  et  pièces  de  toile 
blanche  de  première  qualité. 

«  Deux  caisses  contiennent  des  armes,  une  des 
plans  et  caries  et  une  autre  des  médailles  et 
bronzes. 

«  Les  scellés  ont  été  remis  de  nouveau  sur 
chaque  malle,  caisse  et  paquets,  et  sont  déposés 
dans  une  chambre  particulière  du  logement  du 
commandant  de  la  citadelle,  qui  seul  en  a  la 
clef. 

«  Ci-joinl  l'état  de  services  du  sieur  Berlin.  Cet 
officier  demeure  ordinairement  à  Strasbourg,  où 
il  est  marié,  n'a  point  d'enfants  et  jouit  d'une 
bonne  réputation. 

•  J'attendrai  vos  ordres,  tant  pour  la  levée  des 
arrêts  du  sieur  Berlin  que  pour  la  destination  à 
donner  aux  effets.  • 

Vandamme,  cependant,  n'avait    pas    tardé  à 


—  218  — 

apprendre,  par  M.  Berlin,  que  son  caisson,  arrêté 

à  Strasbourg,  était  pour  ainsi  dire  en  fourrière 

dans  cette  ville.  Peiné  au  delà  de  toute  expression 

de  la  conduite  que  Ton  tenait  à  son  égard,  il 

écrivit,  les  28  avril  et  21  mai,  les  deux  lettres 

suivantes  au  ministre  de  la  guerre  : 

VANDAMME  AU   MINISTRE   DE   LA   GUERRE. 

«  Monseigneur,  honoré  de  vos  bontés,  de  votre 
amitié  même,  je  me  croyais  digne  de  l'une  et  de 
l'autre;  que  penser  aujourd'hui,  lorsque,  par  les 
ordres  de  Votre  Altesse,  l'on  me  déshonore  à 
Strasbourg,  tandis  qu'ici,  depuis  quatre  mois,  je 
me  sacrifie  à  toute  heure  à  la  gloire  et  au  service 
de  Sa  Majesté. 

«  Le  général  Legrand,  mauvais  officier,  sans 
services  comme  sans  talents,  commandant  à 
Anspach,  dénonce  à  Votre  Altesse  le  passage 
d'un  fourgon  à  moi,  contenant  fusils  de  chasse, 
quelques  lunettes  d'approche,  des  cartes,  plans, 
livres,  etc.,  quelques  pièces  de  toile  et  services 
de  table,  comme  si  cela  avait  dû  être  un  trésor; 
tout  est  visité  et  arrêté  à  Strasbourg,  comme 
effets  volés  appartenant  à  un  voleur;  c'est  ainsi, 
qu'au  nom  du  prince  ministre  de  la  guerre  on  a 
agi  envers  ce  qui  m'appartient.  Rien  ne  me  peine 
plus  que  cela,  puisqu'il  m'avilit  d'une  manière  fort 
injuste,  dans  un  pays  où  dix  ans  de  bons  services 
m'avaient  assuré  Testime  des  gens  de  bien. 


•  «14- 

«  Monseigneur,  Ton  m'a  calomnié  prè»  de  Votre 
Altease,  el  ce  n^est  paâ  la  premièi^e  fois.  J'ai 
besoin  de  toute  votre  justice  pour  me  consoler  de 
tout  ce  que  j'ai  souffert,  et  s'il  restait  le  moindre 
soupçon  sur  mon  compte,  ce  serait  ma  retraite 
que  je  demanderais.  Servir  comme  je  le  fais,  el 
être  traité  comme  je  le  suis,  ne  peut-être  juste, 
sous  le  règne  du  grand  Napoléon. 

«  J'attends  tout,  d'un  prince,  d'un  ministre, 
J^ôse  dire  d'un  ami  comme  vous,  car  les  preuves 
d^amilié  que  j'ai  reçues  de  Votre  Altesse,  et  dont 
je  serai  toujours  jaloux,  me  forcent  à  croire  que 
l'on  vous  trompe  souvent  sur  mon  compte,  i 

ft  Monseigneur,  le  fourgon  arrêté  à  Strasbourg 
est  le  mien,  il  contient  quelques  pièces  et  ser- 
viettes, des  livres,  des  cartes,  et  quelques  fusils 
de  ohasse,  rien  de  prohibé  ou  de  mal  acquis;  j'ose 
donc  prier  Votre  Altesse  d'ordonner  qu'oi^  laisse 
passer  ce  fourgon,  en  payant  les  droits  coAfornié' 
ment  aux  lois  de  l'empire. 

*  Ce  M.  Berlin,  qui  a  conduit  mon  fourgon, 
aat  un  malheureux  officier  qui  a  donné  dans  le 
temps  sa  démission,  el  qui  se  trouve  actuellement 
dans  la  misère;  il  était  venu  me  rejoindre  en 
Prusse  pour  avoir  du  pain  et  je  l'avais  renvoyé 
chez  lui;  profitant  de  son  retour,  je  lui  confiai  ce 
fourgon  ei^  lui  donnant  de  quoi  payer  les  frais  du 
voyage;  il  a  dû  lui-même  fair^  cet  er4re  dont 
Votre  Altesse  me  parl^,  afin  d'éviter  quelques 
dépenses  ea  ehevauiç,  et  voilai  je  crpis  la  seule 


—  815  — 

chose  à  reprocher  à  ce  pauvre  diable.  Je  prie 
donc  Votre  Altesse  de  terminer  cette  affaire,  afin 
que  les  Strasbourgeois  ne  s'amusent  pas  plus 
longtemps  à  mes  dépens.  » 

Le  fameux  fourgon  put  alors  entrer  en  libre 
{Nratique,  traverser  la  France  et  arriver  à  sa  des- 
tination. Cette  fois  encore  on  fut  obligé  de  recon- 
naître que  la  calomnie  s'était  attachée  à  dénaturer 
un  fait  des  plus  simples  et  qui,  de  tout  autre,  eût 
passé  sans  doute  inaperçu. 

Nous  avons  voulu  présenter  cette  affaire  dans 
tout  son  développement,  pour  qu'on  pût  se  rendre 
compte  de  Ja  défiance  qui  planait  sur  la  conduite 
du  général,  et  pourquoi  on  était  à  son  égard  d'une 
iiyustice  qui  le  blessait  profondément. 

L'Empereur  aimait  beaucoup  Vandamme,  mais 
il  était  sévère  pour  les  dilapidateurs.  Ce  qu'on 
avait  dit  du  général  en  mainte  occasion,  avait 
laissé  dans  l'esprit  du  souverain  des  défiances,  et 
il  saisit  la  première  occasion  qui  lui  fut  offerte 
pour  reconnaître  si  ses  soupçons  étaient  fondés 
ou  ne  Tétaient  pas. 

L'histoire  du  fourgon  visité  à  Strasbourg, 
tourna  entièrement  à  l'avantage  du  brave  gé- 
néral. 

Revenons  maintenant  à  la  campagne  de  Silésie. 

La  petite  armée  commandée  en  chef  par  le 
prince  Jérôme  ,  ayant  vingt-neuf  mille  hommes 
préseBts  sou»  les^  armes,  prît  le  5  janvier,  par 
ordre  de  Napoléon,  le  nom  de  9*  corps  de  la  grande 


—  216  — 

armée.  Le  jeune  prince,  arrivé  en  toute  hâte  pour 
se  montrer  en  vainqueur ,  vit  défiler  la  garnison 
de  Breslau,  tandis  que  Vandamme  se  rendait  de 
sa  personne  devant  Schweidnitz.  Brieg  fut  investie 
en  même  temps.  Le  général  en  chef  resta  à  Bres- 
lau avec  une  réserve  de  six  mille  hommes,  pour 
envoyer  à  la  grande  armée  tout  ce  qu'on  pouvait 
tirer  de  la  conquête  en  munitions  de  guerre  et  de 
bouche. 

Le  général  de  Deroy  fut  chargé  de  s'emparer  de 
Brieg  avec  cinq  mille  cinq  cents  fantassins  de  sa 
division,  huit  cents  cavaliers  de  la  brigade  Mezza- 
nolli  et  six  batteries  servies  par  mille  canonniers, 
plus  un  matériel  de  huit  grosses  bouches  à  feu. 

Vandamme ,  avec  la  division  wurtembergeoise, 
mit  ses  troupes  en  marche  le  9  janvier,  sur  deux 
colonnes,  la  première  formée  de  neuf  cents  cava- 
liers composant  la  brigade  Montbrun,  et  de  quatre 
bataillons  légers,  deux  mille  six  cents  fantassins, 
avec  six  pièces  de  six  et  quatre  obusiers.  La 
seconde,  commandée  par  le  général  de  Secken- 
dorf,  avec  huit  cents  fantassins  des  régiments  de 
ligne  et  dix  bouches  à  feu.  Le  parc  de  siège  n'ar- 
riva devant  la  place  assiégée  qu'à  la  fin  du  mois. 
Une  centaine  de  soldats  du  génie  et  d'artillerie  fran- 
çais furent  désignés  pour  être  adjoints  aux  troupes, 
dont  Teffectif  total  ne  s'élevait  pas  à  plus  de  six 
mille  cinq  cents  hommes.  Elles  furent  renforcées 
le  18  de  mille  cinq  cents  combattants  envoyés  de 
Glogau. 


-^  «1  — 

Schweidnitz  était  alors  une  des  places  les  plus 
fortes  de  TEurope.  Elle  était  surtout  de  premier 
ordre  à  cause  de  ses  mines  et  de  ses  batteries  ca- 
sematées.  Elle  avait  une  garnison  assez  nom- 
breuse ,  des  approvisionnements  pour  neuf  mois  ^ 
en  un  mot,  elle  passait  pour  imprenable.  Située 
dans  une  belle  position  ,  sur  un  plateau  au 
pied  duquel  coule  le  ruisseau  nommé  la  Weis« 
Iritz,  elle  avait  une  ancienne  enceinte  envi- 
ronnée de  plusieurs  grands  forts  étoiles  à  doubles 
enceintes,  reliés  par  de  longues  courtines  brisées 
flanquées  par  des  lunettes  intermédiaires.  Le  dé- 
veloppement total  de  ces  fortifications  embrassait 
quatre  fronts,  celui  du  côté  du  ruisseau,  suscepti- 
ble d*inondation,  était  le  plus  fort.  Les  trois  autres 
étaient  entièrement  contre-minés.  La  place  avait 
en  outre  des  ouvrages  détachés  battant  au  loin  la 
campagne,  et  empêchant  les  approches. 

Schweidnitz,  en  1807,  au  moment  où  Vandamme 
se  présenta  sous  ses  murs,  présentait  donc  de 
grandes  difficultés  pour  son  attaque.  Sa  situation 
en  avant  des  montagnes  du  comté  de  Glatz,  entre 
Breslau  et  Brieg,  non  loin  de  Neiss,  de  Glatz  et 
de  Silberberg,  en  faisait  un  point  stratégique 
de  la  plus  haute  importance.  Sa  garnison,  com- 
mandée par  le  heutenant  colonel  de  Haxo,  se 
composait  de  deux  bataillons  (mille  six  cents 
hommes),  de  six  dépôts  (six  cents  soldats),  de 
quatre  cents  cavaliers  montés,  de  cent  artilleurs, 
de  quarante  mineurs ,  de  cinquante  invalides , 


' 


total,  trois  mille  anciens  militaires,  plus  de  deux 
mille  cinq  cents  conscrits. 

Les  opérations  devant  cette  place  peuvent  être 
divist^es  en  deux  périodes.  L'investissement  et  le 
blocus  du  10  au  31  janvier;  le  bombardement  de 
la  fin  do  janvier  au  7  février  1807. 

Vandamme,  comme  on  le  voit,  avait  des  moyens 
fort  restreints,  comparativement  à  ceux  de  l'en- 
nemi, pour  s*emparer  de  Schweidnitz,  puisque  la 
garnison  de  la  place  était  presque  aussi  forte  que 
le  corps  mis  à  sa  disposition  pour  Tattaque.  L'Em- 
pereur comptait  beaucoup  sur  l'énergie  et  la  pro- 
fonde connaissance  de  la  guerre  du  général  :  il  ne 
se  trompait  pas.  Ce  dernier,  avec  ses  sept  à  huit 
mille  hommes,  ne  pouvait  faire  un  siège  régulier, 
il  ne  pouvait  même  investir  la  ville  que  par  un 
système  de  patrouilles  volantes,  il  le  comprit  et  se 
décida  à  un  bombardement. 

Le  10  jan\ier,  il  arriva  avec  ses  deux  colonnes 
en  vue  do  la  place  qu'il  investit ,  en  occupant  lef^ 
hauteurs  voisines.  Tous  les  postes  ennemis  se 
replièrent  et  rentrèrent,  mais  la  garnison  essaya 
presque  immédiatement  une  sortie ,  dans  le  but 
d'incendier  un  faubourg  où  l'assiégeant  aurait  pu 
se  loger.  Elle  exécuta  son  projet,  mais  perdit 
quelques  hommes.  Le  lendemain,  11  janvier,  Van- 
damme somma  le  gouverneur,  qui  parut  fort  cho- 
qua qu'on  osât  lui  demander  de  rendre ,  sans 
l'avoir  attaqué  ,  une  forteresse  comme  la  sienne. 
La  place  fut  resserrée  et  on  se  mit  en  eonununi^ 


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nation  avec  la  division  de  Deroy  occupée  devant 
Brieg,  attendant  pour  agir  efficacement  l'arrivée 
de  l'équipage  de  siège,  les  outils,  matériaux  et  les 
munitions  nécessaires.  La  nuit  on  fit  quelques  dé- 
monstrations pour  fatiguer  la  garnison  qui,  le  14, 
tenta  inutilement  une  petite  sortie.  L'eau  arrivait 
an  ville  par  deux  tuyaux  qui  l'amenaient  des  mon- 
tagnes voisines  ;  on  les  rompit  le  17,  et  l'ennemi 
pour  s'en  procurer  et  en  puiser  au  ruisseau,  fut 
contraint  de  faire  une  sortie  le  18.  La  ville  com- 
mença à  souffrir  et  à  être  inquiète,  bon  nombre  de 
déserteurs  se  présentèrent  aux  avant-postes  de 
Vandamme.  Dans  la  nuit  du  19,  le  général  fit  tirer 
aix  coups  par  obusier,  et  le  feu  prit  à  l'intérieur. 
On  voulut  détourner  le  cours  de  la  Weistritz,  pour 
priver  complètement  les  défenseurs  d'eau  potable  ; 
mais  celte  opération  difficile  ne  réussit  qu'impar- 
faitement. D'ailleurs,  il  existait  des  puits  à  Tinté- 
rieur^  Le  24,  le  gouverneur  tenta  un  coup  de  main 
hardi,  et  chercha  à  enlever  un  poste  de  cent 
hommes  qui  se  tenait  près  d'un  des  ouvrages 
extérieurs.  Il  ne  réussit  pas.  Le  général  Bertrand 
avait  été  envoyé  pour  faire  un  rapport  à  l'Empe- 
reur et  pour  reconnaître  la  place  ;  deux  officiers 
de  génie  venaient  également  de  se  rendre  au  quar- 
tier général  de  Vandamme  ;  ce  dernier  se  décida 
fdcors  à  faire  ouvrir  la  tranchée  dans  la  nuit  du  35 
au  26.  Une  forte  gelée  ne  lui  permit  pas  d'exéeuter 
9W  projet. 
A  €i€Ate  ^qu€^,  Vandamioe  reçut  du  général 


—  MO- 

Hédouville ,  la  lettre  ci-dessous,  lui  prescrivant 
de  prendre  Schweidnitz  : 

tr  Monsieur  le  général,  l'Empereur  veut  que 
Schweidnitz  soit  pris  avant  le  20  février,  c'est-à- 
dire  avant  un  mois;  Son  Altesse  Impériale  me 
charge  de  vous  le  mander,  et  de  vous  transmettre 
Tordre  d'examiner  et  de  faire  examiner  de  suite 
quels  sont  les  meilleurs  moyens  d'attaquer  vigou- 
reusement cette  place  avec  succès  ;  proposez  ces 
moyens  à  Son  Altesse  Impériale,  et  demandez-lui 
tout  ce  qui  vous  sera  nécessaire  en  ce  qui  con- 
cerne l'artillerie  et  le  génie. 

<  Son  Altesse  Impériale,  voulant  aussi  faire 
attaquer  en  même  Kosel  et  Neiss,  ne  pourra  aug- 
menter votre  division,  ni  en  infanterie,  ni  en  ca- 
valerie, autrement  que  par  les  renforts  wurlem- 
bergeois  qui  vous  arriveront  successivement  de 
Glogau.  » 

Vandamme  ne  demandait  pas  mieux  que  de 
s'emparer  de  Schweidnitz ,  mais  pour  cela,  il  lui 
fallait  au  moins  de  l'artillerie  de  siège,  et  on  verra 
par  la  lettre  ci-dessous  du  général  de  Pernely, 
lettre  datée  de  Breslau,  24  janvier  1807,  que  le 
parc  attendu  n'était  pas  même  encore  parti  : 

«  Mon  général,  vos  affaires  en  artillerie  pour  le 
siège  de  Schweidnitz  seraient  plus  avancées,  et 
vous  eussiez  eu  déjà  Marion,  au  moins  en  tournée 
pour  reconnaître  des  emplacements  de  parc ,  bat- 
teries, etc.,  si,  le  22  au  soir,  je  n'avais  reçu  ordre 
de  faire  partir,  le  23,  pour  Kosel,  des  bouches  à 


—  2Î1  — 

feu  et  munitionSt  qui  ont  retardé  le  départ  fixé 
alors  à  ce  matin,  24,  d'un  commencement  d'ar- 
tillerie pour  Schweidnilz,  et  dont  le  reste  devait 
être  envoyé  les  trois  jours  suivants.  Il  y  a  plus, 
nos  très-faibles  moyens  personnels  et  la  difiîculto 
de  suffire  aux  consommations  des  deux  places,  ne 
permettent  guère  de  les  pousser  toutes  deux  en- 
semble avec  quelque  vigueur.  On  peut  avoir  plus 
aisément  Kosel,  et  relativement  à  notre  position 
militaire,  cette  place  est  aussi  essentielle  à  possé- 
der ,  nous  donnant  ensuite  des  moyens  contre 
Neiss,  que  Ton  attaquerait  en  même  temps  que 
Scliweidnitz,  si  surtout,  d'ici  là,  il  arrive  quelques 
compagnies  d'artillerie  française  ;  l'intention  du 
prince  est,  en  effet,  que  l'on  active  surtout  l'attaque 
de  Kosel,  sans  cependant  négliger  Schweidnitz, 
où  j'enverrai  successivement  les  bouches  à  feu 
que  vous  avez  demandées,  laissant  le  24  pour  le 
dernier,  car  pour  ne  faire  que  canonner,  sans  bat- 
tre en  brèche,  le  12  produit  à  peu  près  le  même 
effet,  et  présente  bien  moins  de  difficultés. 

«  J'espère  aller  voir  momentanément  fétabUs- 
sement  des  batteries  elles  travaux,  mais  je  doute 
de  pouvoir  obtenir  d'y  rester.  Je  vous  laisserai  le 
capitaine  Marion,  jusqu'à  ce  que  je  puisse  dis- 
poser de  quelque  bon  officier  supérieur  d'artillerie 
dont  plusieurs  me  sont  annoncés.  Il  partira  après- 
demain  matin. 

«  Le  premier  convoi  sera  mis  aussi  en  route 
après-demain  ;  mon  aide  de  camp  aura  les  notes 


—  zzz  — 

nécessaires  sur  sa  composition  et  celle  des  sui- 
vants ,  ainsi  que  de  tout  ce  qui  pourrait  être  utile 
au  service  de  Tartillerie. 

«  Soyez  persuadé,  mon  cher  général,  que  je  ne 
négligerai  rien  pour  vous  prouver  le  prix  que 
j'attache  à  mériter  la  continuation  de  l'estime  et 
de  Tamitié  que  vous  voulez  bien  me  témoigner.  » 

Vandamme,  très-désireux  de  satisfaire  aux  dé- 
sirs de  TEmpereur,  écrivit  lettres  sur  lettres  direc- 
tement au  prince  Jérôme,  pour  demander  l'envoi 
d'artillerie  et  de  renforts.  Le  général  Hédouville, 
avec  lequel  il  avait  eu,  lors  du  siège  de  Breslau, 
quelques  difficultés,  comme  nous  l'avons  dit,  lui 
manda,  le  30  janvier,  du  quartier  général  : 

«  Je  vous  adresse,  mon  cher  général,  deux  let- 
tres que  Son  Altesse  Impériale  m'a  ordonné  de 
vous  écrire  ;  vous  direz  encore  qu'il  vaut  mieux 
avoir  affaire  à  Dieu  qu'à  ses  saints,  mais  je  vous 
répète  que  Son  Altesse  Impériale  ne  se  laisse  in- 
fluencer par  personne  ;  après  avoir  mûrement 
pesé  toutes  les  raisons  qui  peuvent  la  déterminer 
à  prendre  tel  ou  tel  parti,  sa  décision  est  prompte, 
et  l'exécution  encore  davantage  en  tout  ce  qui  peut 
dépendre  d'elle. 

«  Son  Altesse  Impériale  se  plaît  à  vous  rendre 
justice ,  mais  vous  ajouterez  à  la  confiance  qu'elle 
a  dans  vos  talents  et  votre  activité,  en  ne  sortant 
pas  des  bornes  convenables  au  bien  du  service. 

"  Ne  voyez  dans  ma  franchise,  mon  cher  gé- 
néral, que  le  désir  de  vous  voir  continuer  à  avoir 


-823- 

dcs  succès  sâQ8  qu'ils  soient  mêlés  de  désagré- 
ments. > 

Brieg,  cependant ,  avait  capitulé  le  16,  la  di- 
vision de  Deroy  était  parti  le  18  pour  investir 
Kosel  y  et  le  prince  de  Pless  laissait  soupçonner 
Tintention  de  se  porter  contre  la  division  wurtem- 
bergeoise  occupée  devant  Schweidnitz.  Le  26  jan- 
vier, Vandamme  fut  prévenu  que  le  général  prus- 
sien réunissait  dans  le  comté  de  Glatz  une  dizaine 
de  mille  hommes  tirés  des  garnisons  de  Silber- 
berg,  de  Neiss  et  de  Glatz ,  pour  l'attaquer,  que 
la  brigade  Lefebvre,  avec  un  bataillon  léger,  avait 
ordre  de  marcher  vers  Franckenstein  pour  couper 
la  retraite  à  Tennemi,  tandis  que  le  général  Mi- 
nucci  devait,  avec  quatre  mille  hommes  d'infan- 
terie, son  artillerie  et  quelques  escadrons,  se  tenir 
prêt  à  voler  au  secours  du  corps  occupé  devant 
Schweidnitz.  Quelques  petites  affaires  de  cavalerie 
commençaient  déjà  à  mettre  Vandamme  sur  ses 
gardes .  Le  29 ,  il  dirigea  sur  Wartha  une  forte 
reconnaissance,  qui  l'instruisit,  à  son  retour,  qu'en 
effet,  le  prince  de  Pless  avait  réuni  aux  environs 
de  Glatz  mille  deux  cents  chevaux  et  huit  mille 
fantassins. 

Les  différentes  reconnaissances  dirigées  par 
ordre  de  Vandamme  sur  Franckenstein,  Wartha, 
Neiss,  les  rapports  des  espions ,  ne  pouvaient 
laisser  de  doute  sur  le  rassemblement  dans  le 
comté  de  Glatz  ;  mais  en  même  temps,  il  devenait 
certain  que  le  gouverneur  de  la  Silésie,  cantonné 


—  224- 

dans  le  triangle  formé  par  Wartha,  Neurode  el 
Franckenstein,  n'avait  pas  bougé,  et  faisait  courir 
à  dessein  le  bruit  d  une  levée  de  boucliers  des 
Autrichiens,  pour  exciter  les  hommes  valides  du 
pays  à  prendre  les  armes,  à  se  soulever  et  à  se 
joindre  à  lui. 

Si  donc  il  était  évident  que  le  prince  de  Pless 
n'attendait  qu'une  occasion  favorable  pour  tenter 
un  coup  de  main,  d'un  autre  côté,  il  était  assez 
difficile  de  savoir  s'il  se  dirigerait  sur  Schweidnilz 
ou  sur  Kosel.  La  brigade  Lefebvre  fut  mise  à  la 
disposition  de  Vandamme.  Elle  était  à  Strelhen, 
en  intermédiaire,  et  pouvant  se  porter  sur  le  point 
menacé,  mais  son  chef  étant  malade  et  au  lit,  ainsi 
que  Montbrun,  le  général  d'artillerie  de  Pemety 
reçut  l'ordre  d'en  prendre  momentanément  le  com- 
mandement . 

Revenons  au  blocus  de  Schweidnitz.  Vandamme 
avait  sous  ses  ordres,  à  la  fin  de  janvier,  sept  mille 
cinq  cents  fantassins,  sept  cent  cinquante  cava- 
liers et  quelques  centaines  de  canonniers  ou  de 
soldats  du  génie.  Ce  n'était  pas  une  force  suffi- 
sante pour  s'emparer  d'une  place  telle  que  l'était 
celle  que  ses  troupes  bloquaient  ;  à  des  de- 
mandes pour  l'envoi  de  renforts ,  on  se  bornait 
à  répondre  que  l'on  comptait  sur  son  zèle,  sur  ses 
talents,  sur  son  activité,  mais  qu'on  n'avait  per- 
sonne à  lui  donner. 

Du  26  au  28  janvier  1807,  le  blocus  continua 
sans  événement  remarquable,  la  gelée,  le  manque 


46^M/ 


d'outil  empêchèrent  le  commencement  des  travaux 
d'attaque.  Le  28,  l'ennemi  fit  une  sortie  avec  deux 
cents  fantassins  et  cent  cavaliers.  Vandamme  se 
trouvait  près  des  avant-postes  attaqués.  Il  fit 
monter  à  cheval  une  centaine  de  chasseurs,  les 
lança  sur  le  flanc  de  la  colonne  prussienne ,  sous 
la  conduite  de  ses  deux  aides  de  camp,  les  capi- 
taines Revest  et  Vincent.  Il  neigeait,  ce  qui  favo- 
risait ce  mouvement.  L'ennemi,  culbuté,  laissa  une 
partie  des  siens. sur  le  terrain. 

Enfin ,  le  30  janvier  eut  lieu  l'ouverture  de  la 
tranchée.  Un  matériel  de  siège  assez  considérable 
annoncé  de  Breslau ,  huit  pièces  de  douze,  deux 
obusiers,  deux  mortiers,  des  munitions  en  assez 
grande  quantité  partirent  de  cette  place  le  27  ; 
huit  autres  pièces  de  vingt-quatre,  six  obusiers, 
quatre  mortiers  avec  leur  armement  complet  fu- 
rent mis  en  route  le  30.  Le  capitaine  Marion, 
excellent  officier,  aide  de  camp  du  général  de  Per- 
nety,  et  dans  lequel  ce  dernier  avait  la  plus  grande 
confiance,  arriva  le  29  devant  Schweidnitz,  pour 
prendre  la  direction  de  l'artillerie  au  siège.  Il  était 
temps  que  Ton  fournît  enfin  à  Vandamme  les 
moyens  de  réduire  la  place.  Il  s'était  engagé  à 
satisfaire  aux  désirs  de  l'Empereur,  et  à  entrer 
dans  la  forteresse  avant  le  20  février,  si  ou  lui  eu 
donnait  la  possibilité.  Le  général,  pour  faciliter 
et  activer  l'arrivée  de  son  matériel  qu'il  atten- 
dait avec  une  vive  impatience,  avait  envoyé  de 

Schweidnitz  tout  ce  qu'il  avait  d'attelages,  mai 
H.  15 


s 


ces  attelages  avaient  été  dirigés  sur  la  grande 
armée,  pour  y  porter  des  munitions,  TEmpereur 
ayant  écrit  à  son  frère  que  les  Russes  reprenaient 
les  hostilités,  et  que  toute  afTaire  cesante,  toute 
considération  mise  de  côté,  il  devait  lui  envoyer 
des  cartouches  à  fusils  ou  à  canons. 

Néanmoins,  la  tranchée  fut  ouverte  au  jour  (fil, 
la  forteresse  fut  resserrée ,  et  l'équipage  de  siège 
arriva  au  moment  où  les  batteries  étaient  termi- 
nées. Cet  équipage  n'était  pas  aussi  considérable 
que  celui  annoncé.  Il  se  composait  définitive- 
ment de  huit  pièces  de  21,  approvisionnées  à 
trois  cents  coups  ;  de  neuf  pièces  de  12 ,  avec 
deux  mille  quatre  cents  coups  ;  de  huit  obusiers, 
de  six  mortiers  approvisionnés  à  deux  cent  cin- 
quante et  deux  cents  coups  ;  total ,  trente  et  une 
bouches  à  feu  senies  par  un  détachement  de  cin- 
quante canonniers  français.  Trois  grandes  batlc- 
ries  avaient  été  construites. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  les  détails  de  la  fin 
de  ce  siège,  décrit  tout  au  long  dans  notre  premier 
volume  des  opérations  du  9®  corps.  Nous  dirons 
seulement  que  le  feu  fut  ouvert  le  3  février  au 
matin,  qu'il  continua  jusqu'à  six  heures,  fut  repris 
Je  4,  à  deux  heures  ;  qu'on  recommença  à  tirer  à 
dix  heures,  et  qu'on  ne  cessa  qu'à  la  nuit.  Plus 
de  mille  deux  cents  projectiles  furent  lancés  sur 
la  place  ;  des  incendies  se  manifestèrent  dans  plu- 
sieurs quartiers.  Les  casemates  de  l'ennemi  souf- 
frirent beaucoup,  et  ses  pièces,  sur  beaucoup  de 


point,  furent  mises  hors  d*état  de  riposter.  Dans 
la  nuit  du  4  au  5  février,  un  incendie  considérable 
se  déclara  en  ville  et  consuma  plusieurs  maisons. 
La  garnison  commençait  à  se  plaindre  de  som 
service,  les  déserteurs  arrivaient  aux  quartiers  de 
Tassiégeant;  les  habitants  qui  avaient  cru  leur 
place  imprenable,  n'osaient  plus  sortir  de  leurs 
demeures,  craignant  les  projectiles  qui  sillonnaient 
les  rues. 

Le  prince  Jérôme,  apprenant  par  les  rapports 
de  Vandamme  que  Schweidnitz  était  aux  abois, 
se  rendit  devant  la  place.  Le  6  au  matin,  il  fit 
sommer  le  gouverneur,  par  un  de  ses  aides  de 
camp,  le  prince  de  Hohenzollern.  Ses  propositions 
furent  écoutées,  et  il  fût  stipulé  que  la  forteresse 
serait  rendue  le  16,  si  elle  n'était  secourue  avant 
cette  époque.  La  capitulation  fut  signée  le  7,  et  le 
jeune  frère  de  l'Empereur  retourna  à  Breslau, 
laissant  un  ordre  du  jour ,  dans  lequel  il  té- 
moignait sa  satisfaction  aux  troupes  de  Van- 
damme (1). 

En  partant,  Jérôme  s'était  entendu  avec  Van- 
damme ,  dont  il  avait  beaucoup  loué  la  conduite, 
pour  que  le  général  combinat  sans  retard  une 
expédition  des  plus  importantes. 

(1)  Les  magistrats  do  Schweidnitz  et  ceux  des  cercles  voi- 
sins offrirent  à  Vandamme  quatre  chevaux  attelés  et  un  cheval 
de  selle.  Le  9  février,  la  ville  de  Laudshutt  fit  également  prier 
lo  général  d'accepter  des  toiles  de  Silésie.  Ce  sont  ces  chevaux 
et  ces  toiles  qui  furent  expédiés  de  Schweidnitz,  par  Vandamme, 
et  fjui  motivèrent  l'affaire  du  fourgon  arrêté  à  Strasbourg. 


—  JSSo  — 

II  s'agissait  d'attaquer  le  prince  de  Pless  dans 
ses  positions  fortifiées  en  avant  de  Glalz,  et  de  le 
forcer  à  rentrer  dans  cette  place.  Le  général  Lefeb- 
vre-Desnouettes,  et  l'adjudant  commandant  Reu- 
bell,  tous  deux  aides  de  camp  du  prince,  furent 
désignés  pour  cette  opération  qui  eut  un  plein 
succès.  Le  gouverneur  de  la  Silésie  perdit  une 
partie  de  ses  forces  dans  les  combats  qu'il  fui 
obligé  de  livrer.  Il  résolut  néanmoins  de  chercher 
à  secourir  Schweidnitz,  avant  l'expiration  du  délai 
du  16.  Le  13,  à  la  léle  de  mille  cinq  cenls  fan- 
tassins et  de  deux  escadrons,  d'une  batterie  de 
six  bouches  à  feu,  il  se  porta  sur  Wunschelberg, 
sur  Friedland,  viola  le  territoire  autrichien  près 
de  Braunau,  et  se  dirigea  vers  Schweidnitz.  Celle 
tentative,  la  plus  sérieuse  de  cette  époque ,  faite 
par  le  prince  de  Pless,  échoua  complètement, 
grâce  aux  dispositions  prises.  L'ennemi  fut  obHgé, 
pour  n'être  pas  coupé,  de  se  disperser  en  se  jetant 
en  Bohême.  Le  lendemain,  16  février,  la  garnison 
de  Schweidnitz  défila  devant  le  prince  Jérôme,  qui 
était  revenu  pour  cette  circonstance,  comme  il 
l'avait  fait  déjà,  lors  de  la  capitulation  de  Brcslau. 
II  entra  pompeusement  dans  la  ville ,  à  la  tête  de 
son  état-major.  La  veille  Hédouville  avait  écrit  à 
Vandamme  : 

«  Monsieur  le  général,  Son  Altesse  Impériale 
me  charge  de  vous  mander  qu'elle  verra  défiler 
avec  plaisir  devant  elle  les  troupes  wurtember- 


geoises,  après  que  la  garnison  prussienne  aura 
défilé  et  déposé  ses  armes. 

«  Les  troupes  wurtembergeoises,  après  avoir 
défilé  devant  Son  Altesse  Impériale,  entreront  de 
suite  dans  la  ville,  où  elles  seront  placées  en  haie 
depuis  la  porte  de  Breslau,  jusqu'au  logement  de 
Son  Altesse  Impériale. 

«  Les  magistrats  municipaux  de  Schweidnitz 
se  trouveront  en  dehors  de  la  porte  de  Breslau, 
pour  y  recevoir  Son  Altesse  Impériale  qui  y  en- 
trera, lorsque  les  troupes  wurtembergeoises  auront 
formé  la  haie. 

t  II  sera  tiré  vingt  et  un  coups  de  canon  des 
remparts  de  la  place,  au  moment  où  Son  Altesse 
Impériale  y  entrera. 

«  M.  le  chef  de  bataillon  Laville,  nommé  com- 
mandant de  la  place  /  vous  remettra  cette  let- 
tre ;  l'intention  de  Son  Altesse  Impériale  est  que 
vous  le  fassiez  entrer  en  ville,  aussitôt  que  cela  se 
pourra,  ainsi  que  l'adjoint  commissaire  des  guerres 
nommé  par  le  commissaire  ordonnateur  en  chef 
du  9®  corps  d'armée ,  pour  prendre  possession  de 
tous  les  magasins  et  objets  qui  le  concernent ,  et 
les  inventorier.  Si  cette  besogne  était  déjà  com- 
mencée par  vos  soins,  il  la  continuera,  en  se  con- 
formant aux  instructions  qu'il  a  reçues  de  l'ordon- 
nateur en  chef. 

•  L'administrateur  général  doit  aussi  vous  en- 
voyer un  de  ses  délégués,  qui  est  chargé  de  pren- 
dre possession  des  caisses. 


«  Vous  avez  sûrement  poiin'u  à  ce  qui  con- 
cerne le  génie  et  i'arlillerie. 

•  Son  Altesse  Impériale  me  charge  de  vous 
prévenir  que  demain,  à  six  heures  du  matin,  les 
équipages  et  l'un  de  ses  aides  de  camp  seront 
rendus  à  la  porte  de  Breslau,  pour  aller  au  loge- 
ment que  vous  avez  fait  marquer  pour  Son  Al- 
tesse Impériale.  » 

A  cette  époque  Vandamme  reçut  de  Breslau, 
d'une  marquise  de  Mazancourt,  née  comtesse  d'Es- 
grigny,  une  longue  lettre  dans  laquelle  la  vieille 
dame  lui  recommandait  son  marî,  le  suppliant  de 
lui  faire  passer  un  mot  à  sa  résidence  d'Alben- 
dorff.  Nous  n'aurions  pas  mentionné  ce  fait  par- 
ticulier fort  indifférent  à  l'histoire,  si  nous  n'avions 
trouvé  au  bas  de  la  lettre  même  de  la  marquise 
ces  mots  tracés  de  la  main  de  Vandamme  et  des- 
tinés à  sa  femme  : 

f  Vous  voyez ,  ma  chère  Sophie  que  je  cor- 
M  responds  avec  des  vieilles  marquises ,  émi- 
»  grées  de  France.  Celle-ci  a  soixante  ans  et 
»  écrit  comme  elle  parle,  bien  mais  beaucoup.  » 

En  1793,  Vandamme,  obéissant  aux  ordres  du 
Comité  de  salut  public,  faisait  fusiller  les  émi- 
grés commodes  traîtres,  des  satellites  des  tyrans, 
des  esclaves  ;  en  1807,  il  correspondait  volontiers 
avec  eux  et  plaisantait  sur  leur  titre  d'émigrés? 
Napoléon,  général  en  chef,  Premier  Consul ,  Em- 
pereur, avait  modifié  les  choses  et  changé  les 
hommes. 


—  181  — 

La  prisé  de  Schweidnitz  jeta  le  découragement 
en  Silésie  parmi  les  partisans  de  la  Prusse.  On 
s'était  persuadé  que  cette  place  était  imprenable 
et  que  tous  les  efforts  du  9®  corps  viendraient 
échouer  aux  pieds  de  ces  remparts  rendus  si 
dangereux  par  les  défenses  souterraines.  Les 
Prussiens  se  souvenaient  de  la  belle  résistance 
de  Gribauval,  mais  ils  ne  comptaient  pas  assez 
avec  les  talents  de  Vandamme.  Ce  dernier  déploya 
pour  l'attaque  de  cette  magnifique  forteresse 
toutes  les  ressources  de  son  esprit  audacieux. 
Son  activité,  son  courage  personnel,  le  feu  sacré 
qu'il  possédait  au  plus  haut  degré  et  qu'il  parvint 
à  faire  passer  dans  le  cœur  de  ses  troupes  furent 
la  cause  principale  d'un  résultat  si  brillant.  L'Em- 
pereur, très-satisfait  de  la  prise  de  cette  forte- 
resse, en  parla  au  60®  bulletin  de  la  Grande 
Armée  j  mais  sans  nommer  celui  auquel  on  la 
devait. 

Napoléon  avait  alors  une  raison  politique 
pour  agir  ainsi.  Son  intention,  en  confiant  à  son 
frère  le  commandement  d'un  corps  d'armée  était 
de  mettre  en  relief  le  jeune  homme  qu'il  affec- 
tionnait, et  de  le  forcer,  en  quelque  sorte,  à  pa- 
raître avoir  conquis  un  trône  qu'il  entrevoyait 
pour  lui  dans  un  avenir  prochain,  si  les  choses 
tournaient  selon  ses  désirs.  Le  prince  Jérôme 
par  son  ardeur,  par  son  courage  et  par  sa  bonne 
volonté,  se  prétait  aux  desseins  de  l'Empereur. 
U  eût  donc  été  intempestif  de  laisser  à  un  autre 


qu'à  lui  la  gloire  de  conquêtes  auxquelles  en  réa- 
lilé  il  n'avait  qu'une  part  indirecte. 

Glogau,  Breslau,  Schweidnitz  avaient  été  en- 
levés beaucoup  plus  par  Vandamme  que  par  le 
prince  Jérôme ,  mais  on  voulait  rejeter  sur  le 
jeune  général  en  chef  tout  l'honneur  de  ces  prises 
importantes  à  tous  les  points  de  vue.  Napoléon, 
intérieurement,  n'en  avait  pas  moins  la  plus 
grande  estime  pour  Vandamme  et  savait  bien 
lui  tenir  compte  de  ses  services. 

La  garnison  de  Schweidnitz  avait  à  peine  dé- 
filé devant  les  troupes  françaises  qu'un  ordre  du 
major  général  arrivait  au  quartier  général  du 
prince  Jérôme,  lui  enjoignant  de  faire  immédia- 
tement partir  pour  Varsovie  la  moitié  de  l'infan- 
terie, de  la  cavalerie  et  de  l'artillerie  bavaroise, 
sous  le  commandement  du  général  de  Deroy.  Ce 
petit  corps,  fort  de  10,000  hommes  des  meilleures 
troupes,  devait  être  placé  sous  le  prince  royal  de 
Bavière,  et  entrer  dans  la  composition  de  l'aile 
droite  de  la  grande  armée. 

L'ordre  n'admettait  aucun  tempérament,  il  fal- 
lut obéir.  Le  9®  corps  se  trouva  réduit  de  plus 
du  tiers  de  son  effectif.  Vandamme,  qui  venait 
de  recevoir  des  instructions  pour  une  petite  expé- 
dition et  pour  le  siège  de  Neiss,  dut  se  dégarnir 
de  plusieurs  bataillons  destinés  à  relever  à  Bres- 
lau et  à  Glogau  ceux  de  la  division  bavaroise. 

Les  dispositions  suivantes  furent  prises  : 

Le  général  de  Deroy  détacha  du  siège  de  Kosel 


—  233  — 

une  brigade  sous  le  général  Mezzanelli  et  la 
dirigea  sur  la  Pologne;  un  régiment  bavarois 
qui  se  trouvait  au  corps  d'observation  du  général 
Lefebvre  vint  former  la  garnison  de  Schweidnitz; 
le  reste  du  corps  de  Lefebvre  se  rendit  à  Bres- 
lau,  renforcé  de  24,000  Wurtembergeois  détachés 
de  la  division  sous  Vandamme. 

De  nouvelles  instructions  du  major  général 
ayant  fait  modifier  dès  les  jours  suivants  ces  dis- 
positions, voici  celles  qui  furent  définitivement 
adoptées  : 

La  2'  division  bavaroise,  celle  du  général  de 
Wrède,  commandée  pour  quelques  jours  encore 
par  le  général  Minucci,  se  mit  en  marche  pour 
Varsovie.  Un  régiment  de  la  division  de  Deroy 
fut  retenu  pour  la  garnison  de  Breslau  avec  le 
corps  de  Lefebvre  cantonné  sous  les  murs  de 
cette  place.  Une  partie  des  Wurtembergeois 
furent  renvoyés  à  Vandamme.  Le  général  de 
Deroy  resta  au  siège  de  Kosel. 

Mais  la  diminution  de  l'effectif  des  troupes  de- 
vant les  places  assiégées  fit  craindre  qu'elles 
ne  fussent  plus  en  état  de  tenir  tête  au  prince 
de  Pless.  Pour  combattre  les  projets  que  pour- 
rait concevoir  le  général  prussien  ,  on  imagina 
une  démonstration  capable  de  contenir  l'ennemi 
pendant  quelque  temps ,  de  l'effrayer  même,  et 
ce  fut  encore  Vandamme  que  l'on  chargea  de 
cette  petite  expédition.  Il  reçut  l'ordre  de  partir 
le  18  de  Schweidnitz  avec  la  division  de  Secken- 


dorfî,  de  se  porter  sur  Friedland  en  passant  par 
Waldemburg,  de  se  diriger  ensuite  par  Neurodc 
en  faisant  mine  d'envahir  Gialz ,  de  sommer  le 
gouverneur  de  se  rendre,  et  s'il  refusait  (chose 
probable),  d'opérer  de  la  même  manière  à  Sil- 
berberg.  Cette  seconde  tentative  étant  également 
infructueuse,  le  général  devait  marcher  sur  Neiss 
par  Franckenslein  et  Munsterberg,  se  contentant 
de  bloquer  la  place  jusqu'à  l'arrivée  de  rartillerie 
de  siège. 

Vandamme  exécuta  ces  ordres  avec  son  acti- 
vité habituelle.  Le  19  il  était  devant  Neurode,  le 
20  il  passait  sous  le  canon  de  Glatz  et  de  SU- 
berberg,  sommait  inutilement  les  deux  gouver- 
neurs et  se  rendait  à  Franckenstein.  Le  23,  il 
était  devant  Neiss  qu*il  investissait  aussitôt. 

Neiss  est  située  sur  la  rive  droite  de  la  rivière 
du  même  nom,  affluent  de  gauche  de  l'Oder,  for- 
mant avec  Glatz  et  Silberberg  le  dépôt  des  forces 
prussiennes  en  Silésie.  La  majeure  partie  des 
troupes  du  prince  de  Pless  et  presque  toute  son 
artillerie  de  campagne  y  étaient  renfermées.  Elle 
contenait  des  approvisionnements  considérables. 
En  18Ô7,  Neiss  était  forte  et  en  état  de  faire  une 
longue  résistance.  Sur  la  rive  gauche  de  la  ri- 
vière se  trouvait  une  partie  nouvellement  con- 
struite appelée  Friedrichstadt  et  renfermant  les 
casernes  et  les  établissements  militaires.  La 
place ,  sur  la  rive  gauche,  avait  deux  enceintes 
bastionnées  avec  tous  les  ouvrages  que  comporte 


i. 


i 


de  la  campagne,  plus  des  défenses  accessoires. 
On  pouvait  tendre  une  inondation  tout  autour  de 
Fenceinle  continue  et  même  y  englober  quel(|ues 
ouvrages  avancés.  Sur  son  développement  ré- 
gnaient des  galeries  et  des  contre-mines. 

Vandamme  arriva  devant  le  camp  retranché 
de  Friedrichstadl  le  23  février,  à  dix  heures  du 
malin.  Un  pelit  corps  ennemi  se  replia  dans  la 
place  à  la  vue  de  ses  troupes.  Les  postes  exté- 
rieurs imitèrent  ce  pelit  corps  et  laissèrent  in- 
vestir le  camp  retranché.  Les  Wurtembergeois 
prirent  position  à  portée  do  canon  de  la  place. 
Le  général,  sans  perdre  une  minute,*^en  lit  lui- 
même  la  reconnaissance ,  puis  il  disposa  ses 
troupes  de  la  façon  qui  lui  parut  la  plus  avanta- 
geuse. Le  pays,  sur  la  rive  droite,  était  tellement 
inondé,  à  cause  du  dégel,  qu'il  était  impossible 
de  rien  faire  de  ce  côté.  Vandammj  résolut  d'at- 
taquer et  d'enlever  d'abord  le  camp  retranché, 
ce  qui  le  rapprochait  du  corps  de  place,  puis 
d'entreprendre  ensuite  le  siège.  Il  soumit  ce 
projet  au  prince  Jérôme  et  lui  demanda  pour 
l  exécuter  un  régiment  de  plus.  Le  prince  refusa, 
craignant  qu  on  ne  perdit  trop  de  monde,  et  en 
attendant  l'arrivée  du  parc  de  siège  qui  devait 
être  envoyé  de  Schweidnitz,  le  général  détermina 
un  autre  point  d'attaque. 

Dans  la  nuit  du  i^'  au  2  mars ,  la  tranchée  fut 
ouverte  sur  la  rive  droite  tandis  que  sur  la  rive 


—  836  — 

gauche  on  occupait  lattention  de  Tennemî  par 
une  fusillade  prolongée.  Le  4 ,  lout  était  prêt 
pour  Tarmement  aux  batteries,  lorsque  Van- 
damme  qui  attendait  avec  impatience  ses  bouches 
à  feu,  reçut,  au  lieu  de  cela,  l'ordre  d'envoyer  de 
suite  à  Glogau  un  régiment  de  ligne ,  trois  ba- 
taillons légers  ,  de  convertir  le  siège  de  Neiss  en 
blocus,  de  demeurer  devant  cette  place  avec  le 
reste  de  sa  division  et  de  diriger  son  parc  sur 
Brieg.  On  demandait  au  9®  corps  des  troupes 
pour  la  grande  armée. 

Ces  ordres  exécutés ,  les  Prussiens  étonnés 
de  ne  plus  voir  continuer  les  travaux  du  siège, 
s'enhardirent  le  8  et  firent  une  sortie  qui  fut  vi- 
goureusement repoussée. 

Vandamme  passa  quelques  jours  à  Breslau  au 
quartier  général.  A  son  retour,  le  13,  il  apprit 
que  Tavant-veille  un  parti  de  cavalerie  prus- 
sienne avait  enlevé,  à  Franckenstein,  150  chevaux 
destinés  à  la  remonte  du  9*  corps.  Il  dirigea  aus- 
sitôt une  reconnaissance  de  ce  côté,  mais  on  ne 
put  rencontrer  Tennemi.  Il  s'établit  au  village  de 
Bielau,  et  le  blocus  continua. 

Le  16,  une  sortie  de  la  place  fut  repoussée 
avec  avantage  par  le  1^'  régiment  des  chevau- 
légers  de  Wurtemberg.  Le  prince  Jérôme  en  fé- 
licita Vandamme  dans  une  lettre  écrite  de  Breslau, 
en  le  blâmant  dans  cette  même  lettre  de  s'être 
mis  en  relation  avec  le  gouverneur  prussien  de  la 
Silésie  pour  l'échange  des  prisonniers.  Le  jeune 


général  en  chef  et  recevant  d'ailleurs  lui-même 
quelquefois  des  lettres  de  réprimande  de  TEm- 
pereur ,  parce  qu'il  outrepassait  ses  pouvoirs, 
Q*avait  garde  de  laisser  échapper  loccasion  de 
faire  sentir  qu'il  commandait  le  9®  corps. 

Cependant,  vers  la  fin  de  mars,  les  opérations 
un  instant  ralenties  reprirent  en  Silésie  une  ac- 
tivité nouvelle.  Le  prince  d'Anhalt-PIess  si  mal- 
heureux dans  ses  tentatives,  fut  remplacé  par  le 
comte  de  Gœrzten  un  des  aides"de  camp  du  roi 
de  Prusse,  homme  de  mérite,  plein  d'énergie,  et 
qui  arriva  à  Glatz  en  apportant  de  Vienne  et  de 
Prague  une  somme  assez  considérable  fournie 
par  l'Angleterre.  Avec  celte  ressource,  il  put  im- 
primer une  nouvelle  impulsion  à  la  défense  du 
pays,  précisément  au  moment  où  le  9^  corps  se 
trouvait  diminué  d'un  grand  tiers.  On  ne  tarda 
pas  à  être  informé  que  des  rassemblements  con- 
sidérables avaient  lieu  dans  le  comté  de  Glatz. 
Le  général  Lefebvre  fut  envoyé  de  Breslaa  à 
Strellien,  avec  trois  escadrons  et  deux  bouches 
à  feu,  pour  renforcer  le  corps  d'observation  et  en 
prendre  le  commandement  à  la  place  de  Mont- 
brun,  appelé  à  la  grande  armée.  On  commençait  à 
craindre  pour  la  faible  division  devant  Neiss,  aux 
ordres  de  Vandamme. 

Ce  dernier  reçut  aussi  l'un  des  deux  batail- 
lons légers  qu'il  avait  détachés  à  Glogau ,  et  un 
renfort  de  mille  recrues  de  Wurtemberg.  On  lui 


—  238  — 

demanda  si,  avec  cette  augmentation,  il  pouvait 
reprendre  les  opérations  du  siège  de  Neiss,  que 
l'Empereur  désirait  voir  tomber  entre  ses  mains. 
Vandamme  à  la  nature  du(iucl  un  blocus  était 
antipathique,  qui  ne  doutait  jamais  de  rien,  ré- 
pondit que  si  on  pouvait,  avec  un  corps  d'ob- 
servation, maintenir  Glatz  et  Silbeiberg,  il  se 
chargeait  de  prendre  la  place  de  Neiss.  Il  n'avait 
alors  avec  lui  que  six  bataillons  en  position  sur 
la  rive  droite  de  la  rivière. 

Dans  les  i)remiers  jours  d'avril,  le  siège  fut 
repris  ;  le  général  Lefebvre  eut  ordre  de  quitter 
sa  position  pour  escorter  le  parc  envoyé  de 
Schwei(hiitz.  Le  comte  de  Gœrzten,  informé  de 
cette  circonstance  et  étant  parvenu  à  réunir  18 
à  20,000  hommes  autour  de  Glatz  et  dans  Neiss, 
résolut  d'inaugurer  son  conunandement  par  un 
coup  vigoureux,  en  interceptant  les  convois  d'ar- 
tillerie. 

On  connaissait  au  quartier  général  du  9**  corps 
les  projets  du  nouveau  gouverneur  prussien,  et 
on  agit  en  conséquence.  Tandis  que,  le  8  avril, 
Vandamme  faisait  recommencer  les  travaux  de- 
vant Neiss,  le  corps  d'observation  de  Lefebvre 
était  renforcé  de  deux  bataillons  à  Franckensteiu, 
et  le  général  en  chef  lui-même,  avec  un  régimeut 
d'infanterie  et  un  de  cavalerie  bavaroise,  se  tenait 
prêt  à  se  porter  sur  Munsterberg  au  premier  avis 
de  la  marche  offensive  d'un  corps  ennemi.  En 
effet,  plusieurs  combats  eurent  lieu  de  ce  côté 


—  189  — 

Is  sont  décrits  tout  au  long  dans  le  livre  VIP  de 
ouvrage  intitulé  :  Opérations  du  9^  corps  d'ar-. 
née.  Nous  nous  bornerons  à  parler  de  celles  de 
es  opérations  dans  lesquelles  Vandamme  a  joué 
m  rôle. 

Le  10  avril,  le  parc  de  siège  partit  de  Schweid- 
litz  sous  la  protection  de  la  brigade  Lefebvre.  Il 
îtait  composé  de  20  pièces  et  de  25  mortiers.  Ar- 
rivé le  13  sous  les  murs  de  la  place,  ce  matériel 
ut  mené  aux  batteries  dans  la  nuit  du  14  au  15. 
Six  batteries  furent  armées.  Le  16,  à  9  heures  du 
matin,  tout  était  prêt.  Vandamme  fit  commencer 
le  feu  qui  dura  deux  heures  le  matin  et  deux  heures 
le  soir.  Une  bombe  fit  sauter  un  magasin  à  poudre 
dans  la  place  et  y  occasionna  un  incendie  considé- 
rable, qui  ne  fut  éteint  que  le  18  dans  la  ma- 
tinée. L'ennemi  cependant  continua  sa  défense 
avec  énergie.  Les  21,  22,  23  avril,  malgré  les  en- 
traves mises  à  Tatlaque  par  une  fonte  de  neige  et 
par  une  inondation,  le  feu  continua,  et  deux  autres 
magasins  à  poudre  sautèrent  également.  Un  se- 
cond convoi  de  5  pièces  de  douze  et  d'un  mortier 
arriva  au  corps  du  siège. 

Le  20  avril ,  le  prince  Jérôme  s'était  rendu  de- 
vant Neiss  et  avait  fait  sommer  le  général  Stensel» 
son  gouverneur  ;  sur  son  refus ,  il  était  reparti 
pour  Breslau  laissant  à  Vandamme  le  soin  de  con- 
tinuer les  opérations.  Il  avait  amené  avec  lui  quel- 
ques renforts  qui  permirent  d'établir  des  postes 
sur  la  basse  Neiss  et  de  priver  complètement  la 


—  240  — 

ville  do  communication  avec  rextérieur ,  ce  que 
Ton  n'avait  pu  faire  encore.  Le  22,  l'ennemi  fil 
une  sortie  sur  deux  points  différents,  et  fut  repous- 
sé avec  perle.  Le  23,  on  établit  de  nouvelles  batte- 
ries d'obusicrs.  Le  siège  continua  ainsi  jusqu'au 
29  mai.  Le  canon  des  assiégés  commença  à  di- 
minuer. Le  gouverneur  redoutait  une  attaque  de 
vive  force,  la  garnison  souffrait,  la  ville  était  aux 
deux  tiers  détruite  et  aux  abois.  Toutes  les  ten- 
tatives du  comte  de  Gœrtzen  et  des  troupes  de 
Glatz  et  de  Silberberg  avaient  échoué  devant  le 
corps  d'observation  du  général  Lefebvre,  on  pou- 
vait donc  prévoir  le  moment  où  Neiss  se  rendrait. 
Les  choses  en  étaient  à  ce  point,  lorsque  ce  même 
jour,  29  mai,  une  bombe  tombant  sur  un  magasin 
à  poudre  considérable  détermina  une  explosion 
terrible  qui  causa  beaucoup  de  mal  aux  défen- 
seurs. Cette  circonstance  fut,  à  l'instant  même, 
mise  à  profit  par  Vandamme  qui  envoya  une  nou- 
velle sommation.  Le  gouverneur  répondit  en  de- 
mandant une  entrevue  pour  le  lendemain  30  mai, 
jour  où  il  signa  au  village  de  Heidersdorff  avec 
Vandamme  une  capitulation  où  il  fut  stipulé  que 
Neiss  se  rendrait  le  16  juin,  si  d'ici  là  elle  n'était 
secourue. 

Ainsi  fut  terminé  un  des  plus  rudes  sièges  de 
la  campagne  de  1807.  Pendant  sept  semaines,  le 
général  Slensel  eut  la  gloire  de  lésister  à  un  bom- 
bardement effroyable  ;  il  comptait  sur  Monsieu  de 
Gœrtzen,  mais  toutes  les  tentatives  de  ce  dernier 


i 


ivaient  échoué  devant  la  vigilance  et  la  vigueur 
lu  général  Lefebvre.  Cette  fois,  du  moins,  le 
)rincé  Jérôme  se  montra  juste  envers  Vandamme. 
En  faisant  connaître  la  capitulation  à  l'Empereur, 
1  lui  écrivit  :  «  Je  saisis  cette  occasion  pour  rendre 
îompte  à  Votre  Majesté  qu'il  est  impossible  de 
nettre  plus  de  zèle,  d'ardeur  et  de  dévouement 
lans  le  service  que  n'en  met  le  général  Vandamme. 
fe  suis  extrêmement  satisfait  de  cet  officier  gè- 
lerai.» 

La  place  ne  fut  pas  secourue,  et  le  16  juin,  la 
çarnison,  forte  de  5,500  hommes,  défila  devant  le 
Drince  Jérôme.  On  y  trouva  peu  de  magasins,  mais 
me  nombreuse  artillerie  (328  bouches  à  feu),  et 
plus  de  300  milliers  de  poudre. 

Il  ne  restait  plus  au  roi  de  Prusse,  dans  la  Si- 
iésie  prussienne,  que  Silberberg  et  Glatz,  deux 
petites  places  sous  le  canon  desquelles  on  avait 
construit,  à  la  hâte  mais  avec  beaucoup  d'art,  un 
samp  retranché  défendu  par  une  douzaine  de  mille 
hommes.  Dès  que  Neiss  eut  ouvert  ses  portes,  le 
prince  Jérôme  résolut  de  se  rendre  maître  de  ce 
camp  dont  la  possession  devait  faire  tomber  en 
son  pouvoir  les  deux  villes  voisines. 

Le  17  juin,  Vandamme  qui  avait  sous  ses  ordres 
cinq  mille  hommes  aguerris  ,  reçut  une  lettre 
lui  prescrivant  de  faire  ses  dispositions  pour  que 
son  corps,  renforcé  de  Saxons  et  de  trois  régiments 
de  cavalerie,  fut  réuni  le  18  près  de  Wartha,  sur 
la  rive  droite  de  la  Neiss,  et  en  mesure  de  débou- 
n.  16 


—  Mi  — 

cher  le  19  par  Giersdorf,  Le  19  juin,  tout  fut  pr* 
pour  Tattaque  de  nuit  qui  devait  avoir  lieu  sur  le 
camp  retranché  de  Glatz,  mais  un  violent  orage 
fit  remettre  l'opération.  Le  21,  Vandamme  fraa- 
chit  la  Neiss  à  Giersdorf,  se  lia  à  la  division  de 
Deroy,  et  Glatz  fut  complètement  investie.  Le  comte 
de  Gœrtzen,  coupé  de  Silberberg,  effrayé  de  sa 
position,  essaya  d'entrer  en  pourparlers,  mais  ses 
propositions  n'étaient  pas  acceptables.  Vandammfi 
apprit  alors  par  des  déserteurs  que  les  Prussiens 
avaient  fait  la  faute  de  négliger  un  point  important 
entre  les  deux  ouvrages  du  camp  les  plus  rappro- 
chés de  la  Neiss,  de  telle  sorte  que  la  cavalerii 
même  pouvait  s'introduire  par  cette  ouverture.  I 
alla  reconnaître  ce  point.  Le  22,  à  onze  heures  à\ 
matin ,  une  nouvelle  reconnaissance  du  camp  fu 
faite  par  le  prince  Jérôme  et  par  Vandamme,  e 
les  ordres  pour  l'attaque  dans  la  nuit  sui 
vante  furent  envoyés.  Vandamme  fut  chargé  de 
opérations  à  ckoite,  Lefebvre  des  opérations 
gauche.  A  minuit,  au  signal  d'une  fusée  partie  d 
la  division  wurtembergeoise,  l'attaque  eut  lieu  si 
lencieusement  à  l'arme  blanche  sans  qu'on  tir 
un  coup  de  fusil.  Le  régiment  des  chevau-légei 
de  Wurtemberg  et  trois  escadrons  français  récei 
ment  arrivés  au  9®  corps,  dirigés  par  le  commai 
dant  Vincent,  aide  de  camp  de  Vandamme ,  q 
s'était  approché  de  très-près  du  point  négligé  p 
l'ennemi,  se  glissèrent  dans  l'intervalle  désigné 
pénétrèrent  dans  le  camp,  tandis  que  l'infantei 


-  243  -^ 

es  deux  généraux  chargés  des  attaques  de  front 
ulbutait  à  la  baïonnette  et  massacrait  les  défen- 
eurs. 

Les  trois  escadrons  français  formant  tète  de  co- 
anne  se  précipitèrent  dans  la  trouée,  pénétrèrent 
;ans  rencontrer  d'obstacles  jusqu'à  l'ouvrage  prin- 
cipal servant  de  réduit  et  se  trouvèrent  en  pré- 
lence  d'un  bataillon  de  grenadiers  prussiens  fort 
le  1,200  hommes.  Après  deux  charges  succes- 
ûves,  les  chasseurs  français  parvinrent  à  enfon- 
îer  le  bataillon  formé  en  carré  et  à  le  sabrer.  Ses 
iéfenseurs  furent  passés  au  fil  del'épée.  En  moins 
l'une  heure,  malgré  les  projectiles  lancés  par  la 
forteresse  de  Glatz ,  malgré  la  belle  défense  de 
l'infanterie  prussienne ,  le  camp  était  en  notre 
pouvoir  et  le  combat  terminé. 

Comme  le  camp  se  trouvait  sous  le  feu  de  Glatz, 
Tordre  avait  été  donné  aux  généraux  Vandamme 
elLefebvre  de  se  replier  avant  le  jour.  Le  pre- 
mier repassa  la  Neiss  et  ramena  ses  troupes  sur 
la  rive  gauche,  dans  ses  positions  de  la  veille.  On 
allait  ouvrir  la  tranchée  pour  réduire  l'une  des 
deux  dernières  forteresses  de  la  Silésie,  lorsque 
le  comte  de  Gœrtzen  fit  demander  au  prince  une 
entrevue  qui  eut  lieu  et  dans  laquelle  la  capitula- 
tion fut  signée  à  Wartha,  le  25  juin.  Il  fut  stipulé 
que  Glatz  se  rendrait  le  26  juillet  si  elle  n'était  se- 
courue avant  cette  époque.  Le  traité  de  Tilsitt  mit 
fin  aux  hostihtés. 
Pendant  cette  pénible  campagne,  Vandamme 


—  244  — 

avait  rendu  de  grands  services  ;  nous  avons  dit 
pourquoi  il  ne  reçut  pas  toujours  les  félicitations 
qu'il  était  en  droit  d'attendre  ;  nous  avons  fait  con- 
naître, par  suite,  de  quelle  circonstance  on  crut 
un  instant  qu'il  s'était  attribué  des  objets  dérobés 
à  l'ennemi.  L'Empereur  lui  sut  un  gré  infini  de  sa 
belle  et  vigoureuse  conduite  militaire.  On  recon- 
nut que  sa  conduite  privée  avait  été  calomniée 
indignement.  Le  roi  de  Wurtemberg  lui  écrivit 
plusieurs  lettres  flatteuses  et  lui  accorda  la  grand' 
croix  de  son  ordre.  Le  roi  Louis,  de  Hollande,  le 
nomma  chevalier  grand'croix  du  sien. 

Nous  terminons  le  récit  de  cette  campagne  par 
quelques  lettres  curieuses  adressées  au  général. 

LE  ROI   DE   WURTEMBERG   A   VANDAMME. 

«  Stuttgardt,  21  février  1807. 

«  Monsieur  le  général  de  division  Vandamme. 
Mon  lieutenant  général  baron  de  Seckendorff ,  en 
m'annonçant  la  reddition  de  la  place  de  Schweid- 
nitz ,  m'a  fait  part  en  même  temps  des  soins  que 
vous  avez  pris  de  mon  corps  d'armée  qui  se  trouve 
en  ce  moment  sous  vos  ordres  et  de  la  manière 
dont  vous  avez  amené  les  succès  heureux  dont  il 
jouit...  Je  m'empresse  de  vous  témoigner  ma 
reconnaisance,  et  saisirai  avec  plaisir  les  occasions 
de  vous  la  prouver.  Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  vous 
prenne,  monsieur  le  général  de  division  Van- 
damme, en  sa  sainte  garde.» 


I.R  GRAND  CHANCELIER  DE  L*ORDRE   ROYAL 
DE  HOLLANDE   A  VANDAMME. 

<  La  Haye,  20  mars  1807. 

■  Monsieur,  le  roi,  séant  en  chapitre,  vient  de 
vous  nommer  chevalier  grand'croix  de  Tordre 
royal  de  Hollande. 

■  Il  m'est  singulièrement  agréable  de  faire  part 
à  Votre  Excellence  de  cette  marque  éclatante  de  la 
bienveillance  de  Sa  Majesté  et  de  l'estime  que  vous 
lui  avez  inspirée.  » 

LE  PRINCE   JEROME  A  VANDAMME. 

<  Breslau,  S9  mars  1807. 

«  Monsieur  le  général.  Je  reçois  vos  deux  lettres 
du  28.  Vous  vous  mettez  en  tète  des  choses  qui 
n'existent  point.  Personne  ne  peut  vous  desservir 
auprès  de  moi,  parce  qu'un  officier  général  qui  sert 
avec  le  zèle,  les  talents  et  l'activité  qui  vous  distin- 
guent ne  peut  avoir  aucune  inquiétude  à  cet 
égard. 

«  Je  ne  puis  que  désapprouver  qu  après  avoir 
lu  les  ordres  du  jour  que  j'ai  donnés  à  mon  corps 
d'armée,  un  officier  général  autorise  une  mesure 
qui  est  expressément  défendue.  C'est  par  l'admi- 
nistration que  me  viennent  les  plaintes  à  ce  sujet, 
et  nullement  d'autre  part.  Le  capitaine  Hammerei 
devait  être  mis  à  l'ordre  du  jour,  comme  ayani 


-  246  — 

contrevenu  à  mes  ordres,  mais  d'après  le  bien  que 
vous  m'en  dites,  j'ai  supprimé  cet  ordre  du  jour. 

«  Le  lioutenant  général  De  Wrùdc,  qui  a  passé 
ici  avant-hier,  m'a  demandé  tous  les  officiers  de 
sa  division,  et  même  le  commandant  de  mon 
quartier  général  est  parti  avec  lui.  Vous  verrez 
par  là,  monsieur  le  général,  que  le  départ  du 
capitaine  Hammerer  n'est  qu'une  suite  naturelle 
de  la  permission  que  j'ai  accordée  au  général  de 
Wrède  de  faire  rejoindre  tous  les  officiers  de  sa 
division.  Mais  cet  officier  m'ayant  dit  que,  comme 
dernier  capitaine,  il  serait  obligé  d'aller  au  dépôt 
à  Cronach,  je  vous  le  renvoie  en  vous  engageant 
à  écrire  au  général  de  Wrède  pour  le  prévenir  de 
ce  changement. 

f  J'ai  demandé  à  Sa  Majesté  de  l'avancement 
pour  vos  aides  de  camp.  Je  n'ignore  point  la 
manière  dont  ils  servent,  et  je  conçois  que  vous 
n'ayez  point  assez  d'officiers  auprès  de  vous.  Je 
vous  ai  envoyé  un  officier  du  génie. 

«r  Agréez,  monsieur  le  général,  l'assurance  de 
mes  sentiments.  » 

HKDOTIVILLK    A    VANDAMME. 

•  Dreslau,  30  mars  1807. 

«  Le  capitaine  de  Hammerer  m'a  remis,  mou 
cher  général,  votre  lettre  du  28  relative  à  l'ordre 
que  je  vous  ai  transmis  de  l'envoyer  ici  ;  deux 
raisons  ont   motivé  cet  ordre,  la  première:  la 


I 

\ 

i 


—  Ml  — 

anaiide  que  le  géoéral  de  Wrède  a  faite  que  cet 
tBcier  rejoignit  son  corps  ;  et  la  deuxième  :  plu- 
leurs  réquisitions  contraires  aux  ordres  du  jour, 
a'ila  signées  et  pour  lesquelles  Son  Altesse  Impé- 
iile  m'avait  ordonné  de  le  Caire  traduire  à  une  com- 
lissionmiiitaire.  Je  ne  connaissais  pas  encore  les 
lotifis  de  ce  dernier  ordre,  toutes  les  réquisitions 
légales  parvenant  directement  par  Tadministra- 
on  à  Son  Altesse  Impériale. 

«  D  n*y  a  donc  dans  cette  affaire  rien  qui  vous 
oit  (personnel,  à  moins  que  le  capitaine  Hanime- 
ern*ait  agi  diaprés  vos  ordres,  et  alors  Son  Altesse 
mpériale  en  serait  d'autant  plus  peinée  qu'elle  a 
évèrement  réprimandé   les  autres  généraux  de 
ivision  qui   s'étaient  permis  de  faire  des  réqui- 
itions  illégales,  et  qui  ne  manqueraient  pas  de 
'autoriser  de  votre  exemple  pour  les  continuer, 
e  qui  nuirait  à  la  rentrée  des  contributions  et  des 
bjets  requis  par  ordre  de  l'Empereur. 
€  Comment  pouvez-vous  imaginer  qu'on  prend 
tâche  d'éloigner  de  vous  les  personnes  que  vous 
[ffectionnez  et  qui  vous  sont  utiles  ?  Son  Altesse 
mpériale,  persuadée  que  vous  n*avez  pas  assez 
fofficiers  avec  vous,  n'a  rien  négligé  pour  que 
^ons  conserviez  Fadjudant  commandant  Duveyrier 
A  le  général  commandant  le  6^  corps  d'armée  a 
sûrement  seul  contribué  aux  ordres  réitérés  que 
TOUS  avez  reçus  à  cet  égard.  Vous  savez  bien,  au 
surplus,  que  Son  Altesse  Impériale  n'est  suscep- 
tible d^ancone  impression  étrangère,  et  j^ose  vous 


—  848  — 

assurer  que  qui  voudrait  tenter  de  vous  faire  per- 
dre dans  son  esprit  l'opinion  avantageuse  qu  elle 
a  de  vos  services,  n'obtiendrait  que  son  mépris. 

«  Son  Altesse  Impériale  sait  aussi  combien 
vous  avez  à  cœur  le  bien-être  des  troupes  sous  vos 
ordres  ;  mais  nul  ne  peut,  même  avec  ce  but, 
s'écarter  des  ordres  généraux  sans  y  avoir  été 
autorisé. 

«  Vous  ne  pouvez  donc  attribuer  ce  qui  s'est 
passé  dans  cette  affaire  qu'aux  réquisitions  illé- 
gales du  capitaine  de  Hammerer  (1). 

«  C'est  en  m'expliquant  avec  cette  franchise  que 
je  crois,  mon  cher  général,  vous  donner  une  preuve 
de  mon  sincère  attachement  et  de  ma  parfaite 
considération.» 

LE  GÉNÉRAL  DE  STEEiNSEN,    GOUVERNEUR  DE   NEISS, 

A  VANDAMME. 

r  2  mai  1807. 

«  Votre  Excellence  a  bien  voulu  me  témoigner 
dans  la  lettre  dont  elle  m'honore  tant  de  bontés,  d'af- 
fection et  de  bienveillance  autant  pour  moi  que  pour 
le  corps  entier  des  officiers  de  la  garnison  de  Neiss 
que  pour  les  pauvres  habitants  de  cette  malheu- 
reuse ville,  que  tous  tant  que  nous  sommes,  cjia- 
cun  en  son  particulier  que  par  les  voix  unanimes, 


(1)  C'était  bien,  en   effet,  le  capitaine  de   Hammerer  qw 
avait  fait  les  réquisitions  et  sans  ordre.  Vandamme  rignorait 


—  849  — 

nous  nous  sentons  pénétrés  jusqu*au  fond  de  nos 
cœurs  de  la  plus  vive  reconnaissance,  précédée  de 
Tadmiration  la  plus  complète  pour  la  générosité 
ie  cette  grande  âme  qui  a  dicté  cette  adorable 
lettre  et  pour  les  éclatantes  vertus  militaires  de 
^otre  Excellence  :  ce  sont  les  justes  sentiments 
le  la  mienne,  qui  regrette  ne  pouvoir  mieux  s'ex- 
primer, mais  qui,  au  défaut  des  expressions,  se 
loit  contenter  d^apprécier  dans  le  silence  une  si 
nsigne  faveur  de  Votre  Excellence. 

«  L*âge  de  74  ans  vient  de  me  procurer  le  plus 
)eau  jour  de  ma  vie  dont  le  précieux  souvenir  ne 
^effacera  qu^avec  ma  mort.  Que  mon  bonheur 
serait  suprême  si  la  destinée  réalise  des  vœux  que 
mon  cœur  lui  adressera  jusqu  a  jamais  pour  la 
gloire  et  pour  le  bonheur  de  Votre  Excellence  !  Je 
lois  encore  réclamer  son  indulgence  pour  le 
nanque  de  mes  expressions  :  quand  on  sent  trop 
es  mots  ne  se  trouvent  point  ;  mais  jamais  les 
sentiments  d*admiration  et  de  la  plus  haute  estime 
le  manqueront  à  celui  qui  a  l'honneur  de  saluer 
Votre  Excellence  avec  la  plus  parfaite  considé- 
ration.» 

LE  PRINCE  JÉRÔME  A  VANDAMME. 

c  Franckenstein,  16  mai  1807. 

«  Monsieur  le  général.  Sitôt  que  vous  recevrez 
tûa  lettre,  envoyez-moi  tout  le  régiment  des  chas- 
seurs à  cheval  de  Wurtemberg.  11  faut  que  je  leur 


fasse  donner  quelques  coups  de  sabre.  Je  vous 
les  renverrai  le  quatrième  jour. 

«  Le  général  Hédouville,  que  j'ai  envoyé  à  War- 
tha  ce  matin  à  trois  heures  et  qui  était  escorté  par 
vingt-cinq  chevau-légers  du  roi,  a  été  rencontré 
à  Riegersdorf  par  un  escadron  de  hussards  prus- 
siens sortis  de  Glatz.  Les  chevau-légers  les  ont 
chargés  et,  malgré  qu'ils  eussent  affaire  à  un 
ennemi  quatre  fois  plus  fort,  ils  l'ont  ramené  jus- 
que sous  les  murs  de  la  forteresse. 

«  Le  capitaine  prussien  a  été  tué,  mais  rofficier 
bavarois,  qui  commandait  le  piquet,  a  reçu  deux 
balles,  et  un  chevau-léger  a  été  tué.  Le  général 
Hédouville  a  oublié  qu'il  était  général  de  division, 
et  a  fait  le  sous-lieutenant. 

«  Ce  matin,  à  trois  heures,  ayant  entendu  une 
forte  fusillade  du  côté  où  j'ai  dirigé  la  colonne 
partie  hier  soir  sous  les  ordres  du  lieutenant-colo- 
nel Ducoudras,  mon  aide  de  camp,  j'y  ai  envoyé 
trois  cents  chasseurs  de  Scharffenstein  et  soixante 
dragons  de  Minucci. 

«  J'attends  les  nouvelles. 

a  Agréez,  monsieur  le  général,  l'assurance  de 
mes  sentiments.» 

LE    ROI  DE  WURTEMBERG    A  VANDAMME. 

c  Louisbourg,  20  mai  ISO"?. 

«  Monsieur  le  général  de  division  Vandamme. 
T>«s  heureux  succès   qu'ont   eus   mes  troupes 


-  251  - 

nfiées  à  votre  commandement  par  la  prise  de 
ûss,  ainsi  que  les  soins  que  vous  leur  avez 
nné  dans  différentes  autres  occasions,  sont  un 
)lif  pour  moi  de  vous  conférer,  ci -jointe  comme 
e  preuve  de  ma  satisfaction,  la  grand 'croix  de 
m  ordre  du  Mérite  militaire.  Recevez  cette 
irque  de  mon  estime  et  de  ma  bienveillance.  Sur 
je  prie  Dieu  qu'il  vousprenne,  monsieur  le  gé- 
rai de  division  Vandamme,  en  sa  sainte  garde.  » 
Voici  maintenant  quelques  lettres  du  marquis 
Bombelles,  alors  curé  d'Oppersdorf,  plus  tard 
êque  d'Amiens  et  aumônier  de  la  duchesse  de 
trry,  émigré  en  Silésie,  et  qui,  s'étant  trouvé  en 
ation  avec  Vandamme,  avait  conçu  la  plus  vive 
ection  pour  le  général.  Elles  sont  adressées  à 
n  des  aides  de  camp  de  ce  dernier. 

«  Oppersdorf,  le  22  avril  1807. 

«  Monsieur  le  baron,  une  sœur  du  chevalier 
Boufflers,  faisant  la  malade,  se  plaignant  de 
poitrine,  demanda  à  son  frère  un  couplet  im- 
omptu;  la  verve  du  chevalier  n'était  aimable  que 
and  les  femmes  étaient  jolies,  et  sa  sœur  n'était 
johe,  ni  aimable  ;  il  lui  chanta  donc  ceci  : 

Du  poumon  vous  ne  souffrez  pas, 
Ali  moins  je  le  présume, 
Mais  vous  vous  croyez  mille  appas, 
C'est  ce  qui  vous  enrhume. 

n'est  pas  manque  de  grâces  dans  ses  procédés, 
e  le  général  est  enrhumé 


En  TaÎA  sa  lêle  oa  sa  poitrine 
Lui  font-elles  quelque  douleur. 
Sens  cesse  il  ordonne  et  derine 
Ce  qui  pUit  le  plus  à  mon  cœur. 

«  M.  le  comte  de  Larisch  ne  me  parlant  plus  de 

rindisposition  de  Son  Excellence  (en  me  faisant 

passer  une  nouvelle  preuve  de  sa  bonté  pour  moi) 

j'espère  qu'elle  est  entièrement  rétablie  ;  ce  malin 

j*ai  prêché  sur  la  nécessité  de  faire  pénitence  un 

jour  de  betbûnd  buss  tag^  ce  ne  serait  pas  être 

conséquent  que  de  me  donner,  le  même  jour,  le 

plaisir  d*aller  à  Bielau,  mais  dimanche  prochain, 

après  l'office,  je  serai  libre,  et  je  désire  profiler 

de  cette  liberté  pour  aller  rendre  mes  devoirs  à 

votre  très-aimable  général.  Ayez  la  bonté  do  me 

faire  savoir  si  ce  jour-là,  il  sera  à  Bielau,  sans 

grande  visite,  c'est  lui  seul  et  son  entour  que  je 

veux  voir  ;  il  fallait  tous  ses  procédés  pour  me 

tirer  de  mon  humble  presbytère,  et  je  ne  désire  en 

sortir  de  nouveau  que  pour  aller  lui  parler  à  lui, 

à  lui  seul,  de  ma  reconnaissance  ;  il  comprendra 

fort  bien  tout  ceci,  si  vous  voulez  bien  le  lui  donner 

à  lire.  » 

<  Oppersdorf,  le  5  mai  1807. 

a  Monsieur  le  baron ,  arrivant  à  mon  village  de 
Rillerswald,  dans  le  brillant  équipage  de  votre 
aimable  chef,  j'ai  été  entouré  des  bénédictions  que 
nous  lui  donnons  et  des  prières  que  l'on  voudrait 
que  je  vous  adressasse,  les  deux  en  langue  alle- 
mande peuvent  souffrir  des  difficultés,  et  si  vous 


—  253^ 

voyez  le  moindre  inconvénient  à  les  accorder,  je 
ne  verrai  que  de  la  justice  dans  des  refus  que  les 
circonstances  peuvent  rendre  nécessaires ,  il  n'en 
n'est  pas  de  même  de  la  supplique  qui  vous  sera 
remise  par  une  pauvre  créature  qui  me  paraît  pé- 
nétrée de  sa  tendresse  filiale. 

Gentille  fille  de  vingt  ans» 
Enfant  d'un  père  octogénaire, 
En  vous  portant  mes  compliments. 
Vous  adressera  la  prière 
De  rendre  Tauteur  de  ses  jours 
Aux  vœux  d'un  malheureux  ménage. 
Accablé  sous  le  poids  de  TAge, 
Ce  vieillard  n'est  d'aucun  secoui*s  ; 
Le  général,  bon  fils,  bon  père, 
Accueillera  de  tels  soupirs, 
Je  sais  et  suis  loin  de  le  taire, 
Qu'au  premier  rang  do  ses  plaisirs 
Est  celui  du  bien  qu'il  peut  faire. 

«  Vous  m'avez  prouvé  aussi,  monsieur  le  baron, 
avec  quelle  satisfaction  vous  étiez  l'organe  de  la 
bienfaisance  de  Son  Excellence,  agréez  donc  l'as- 
surance de  ma  reconnaissance  et  de  la  consi- 
dération distinguée  avec  laquelle  j'ai  l'honneur 
d'être, 

a  Monsieur  le  baron, 
a  Votre  humble  et  très-obéissant  semleur, 

a  L.-M.  De  Bombelles.  » 

Cette  lettre  est  annotée  par  Vandamme. 

Première  annotation  :  je  l'ai  renvoyé  chez  lui 
(le  marquis  de  Bombelles),  avec  ma  calèche  à  six 
chevaux. 


—  »4- 

Seconde  annotation  :  Ce  vieillard  (celui  dont 
parlent  les  vers  du  marquis)  était  employé  aux 
travaux.  Je  l'ai  renvoyé, 

«  Oppcrsdorf,  lo  1*^  juillet  1807. 

Humain  en  guerre,  aimable  en  paix. 

Dans  tous  les  moments  de  la  vie, 

Avoir  la  noble  et  douce  envie 

De  se  signaler  en  bienfaits. 

Joindre  le  bonheur  au  courage 

Kt  les  talents  à  la  vigueur, 

Voici  ce  que  dicte  l'hommage 

Que  Ton  rend  même  à  son  vainqueur. 

a  Voici  cç  que  ma  fait  voir,  cher  comte,  votre 
général  dans  tous  ses  procédés  envers  moi  et  mes 
villageois  ;  il  met  lo  comble  à  son  honnêteté  eu  me 
procurant,  par  vous,  et  si  promptement,  la  nou- 
velle de  la  paix.  Si  mon  zèle  pour  des  devoirs  dont 
l'accomplissement  m'ont  valu  son  estime  ne  me 
retenait  ici,  j'irais  ce  soir  encore  le  remercier  de 
celte  nouvelle  attention,  soyez  l'interprète  de  ma 
reconnaissance  et  informez-moi  de  sa  marche  en 
l'assurant  que  je  désire  vivement  lui  aller  rendre 
tout  ce  que  je  lui  dois  avant  que  ses  grandes  desti- 
nées ne  l'éloignent  tout  à  fait  du  presbytère  du 
curé  d'Oppersdorf.  Lui  et  Victor  vous  embras- 
sent mille  fois.  » 

LE  MARQUIS  DE  BOMBELLES  A   VANDAMME. 

«  Oppersdorf,  le  10  août  1807. 

a  Mon  général,  la  comtesse  de  Burghausen,  qui 


-*  »5  — 

*e  d'être  rappelée  au  souvenir  de  Votre  Excel- 
3,  lacomlessede  Burghausen  qui  n'oubliera  ja- 
j  combien  vous  avez  été  aimable  pour  elle,s'é- 
îhargée  d'une  lettre  que  j'eus  l'honneur  de  vous 
•e  à  Breslau,  Dès  que  je  connus  votre  départ 
'  Brunswick,  je  vous  y  adressai  mes  hom- 
es  par  M.  le  général  Raynwald,  qui  me  pro- 
qu'il  vous  les  ferait  parvenir.  Le  lieutenant- 
nel  Marion  vient  de  me  dire  qu'au  lieu  de 
idre  possession  de  ce  pays-là,  vous  étiez  allé 
5  remettre  en  possession  d'une  femme  char- 
te, et  dont  tout  ce  que  j'ai  entendu  m'a  charmé 
'  vous.  Ce  n'est  point  séparer  ce  que  Dieu  a 
que  de  demander  que  cette  pauvre  petite  lettre 
ne  une  petite  place  entre  vous  deux;  il  m'a 
[,  et  je  m'y  suis  résigné  de  tout  mon  cœur, 
ma  reconnaissance  allât  vous  chercher  au  mi- 
du  vacarme  d'un  siège  ;  il  est  plus  simple,  il 
plus  doux  qu'elle  aille  vous  trouver  aux  pieds 
16  compagne  chérie  et  digne  de  l'être.  Votre 
ellence  ne  se  choquera  pas  de  ce  que  je  vous 
rcmple  dans  cette  posture  ;  elle  valut,  dit-on, 
;  d'une  victoire,  et  qui  mieux  que  vous  sait 
Ire  tout  à  profit  pour  triompher  de  tout!  » 

DU   MÊME   AU   MÊME. 

«  Friediand,  19  octobre  1801. 

C'est  d'un  salon,  où,  malgré  que  la  guerre 
Est  un  fléau,  le  plus  grand  sur  la  terre  ! 


—  Î56  — 

On  eût  voula  souvent  vous  posséder, 
Peut-être  même  à  la  fin  vous  garder. 
Que  j'adresse  à  Votre  Excellence 
L*hommage  vrai  de  ma  reconnaissance. 

4c  Monsieur  le  général,  votre  lettre  qui,  heureu- 
sement, ne  vient  pas  de  l'empire  des  morts,  où 
Ton  vous  disait  descendu,  a  fait  un  grand  plaisir 
à  Oppersdorf,  et  celle  que  j*ai  fait  soigneusement 
parvenir  ici,  n'y  a  pas  causé  moins  de  joie.  Je  crois 
que  vous  en  jugerez,  général,  par  la  réponse  que 
je  suis  chargé  de  joindre  à  ma  lettre. 

Billet  charmant  de  femme  aimable  et  belle 
Fera  pâlir  et  ma  prose  et  mes  vers. 
Mais  en  songeant  que  dans  tout  Tunivers 
Mon  amitié  vous  est  la  plus  fidèle. 
Vous  me  lirez,  vous  serez  indulgent. 
Et  le  tout,  en  vous  souvenant. 
Que  je  touche  de  près  à  l'âge 
^  Où  Tesprit  tombe  en  radotage. 

«  Toutefois,  avant  de  radoter  ou  rabâcher,  et 
j*éprouve  qu*en  rabâchant  sans  cesse  sur  tout  c^ 
que  Votre  Excellence  a  fait  pour  moi  durant  son 
séjour  à  Bielau  je  n'ai  encore  ennuyé  personne , 
le  petit  vieillard  éleclrisé  par  le  plus  touchant 
comme  le  plus  rare  des  sentiments,  celui  de  la 
reconnaissance,  l'exprime  avec  tant  de  chaleur 
qu'il  ne  laisse  personne  à  froid  autour  de  lui  : 
«  Je  me  croirais  bai  d'être  aimé  faiblement  »,a 
dit  un  de  nos  auteurs,  soyez  sûr  que  vous  ne  vous 
croirezjamais  haï  par  moi,  car  je  ne  me  rappellerai 
jamais  faiblement  les  procédés  qui  ont  violé  mon 
cœur,  et  vous  l'ont  fait  avoir.  Ce  cœur  s'intéresse 


—  257  — 

surtout  au  repos  dont  vous  jouissez;  il  s'intéresse 
vivement  à  votre  enfant,  et  présente  ses  tendres 
respects  à  sa  mère.  » 

Le  13  juillet  1807,  Vandamme  reçut  du  prince 
Jérôme  la  nouvelle  de  la  signature  de  la  paix  et 
l'ordre  de  partir  pour  Breslau,  afin  de  se  rendre 
de  là  à  Dresde  où  il  devait  trouver  des  instructions. 
11  remit  le  commandement  de  ses  troupes  au  gé- 
néral de  Camrer  et  quitta  l'armée.  Il  fut  autorisé 
par  le  m^yor  général  à  se  rendre  chez  lui,  à  Cassel, 
où  il  reçut,  à  la  fin  de  novembre,  des  lettres  de 
service  pour  prendre  une  seconde  fois  le  com- 
mandement de  la  16*  division  militaire,  à  Lille. 
C'était  ce  que  Ton  pouvait  faire  de  plus  agréable 
pour  lui. 

11  exerça  ce  commandement  territorial  jusqu'au 
moment  où  la  campagne  de  1809,  contre  TAu- 
triche,  fut  résolue. 

Le  19  mars  1808,  il  fut  nommé  comte  de  l'em- 
pire. Une  lettre  de  l'archi-chancelier  Cambacérès, 
en  date  du  22  du  même  mois,  lui  fit  connaître 
cette  nouvelle  faveur  de  Napoléon. 

A  cette  occasion,  les  rois  de  Hollande,  deWest- 
phalie,  de  Wurtemberg,  lui  écrivirent  des  lettres 
de  félicitation. 

Au  mois  d'août  1808,  il  reçut  Tordre  du  ministre 
de  la  guerre  de  joindre  à  son  commandement  ter- 
litorial  de  la  16®  division  militaire,  celui  du  camp 
de  Boulogne. 

Quelques  mois  auparavant,  le  général  avait  eu 

II.  17 


la  douleur  de  perdre  son  beau-frère.  Un  mot  en 
terminant  ce  livre  sur  la  famille  du  général. 

Vandamme  avait  épousé,  le  20  thermidor  an  vni 
(4  août  1800)t  mademoiselle  Sophie-Marie  Kinis 
fille  d*un  propriétaire  de  Gand.  Le  général  aN^it 
une  sœur  qui,  deux  ans  auparavant,  le  il  pluviôse 
an  VI  (9  février  1798),  s  était  mariée  à  M.  Charles- 
Lfiuis-AIexandre  Deswarte,  fils  d'un  avocat  au 
imrlement  de  Flandre. 

Le  12  pluviôse  an  x  (le  !•'  février  1803),  le  gé- 
néral prit  pour  aide  de  camp,  auprès  de  sa  per- 
sonne, son  propre  beau-frère,  alors  âgé  de  29  ans, 
qui,  avec  lui  au  camp  de  Boulogne,  fit  la  cam- 
pagne d'Ulm  et  d'Austerlilz  en  1805,  et  mourut  eu 
1807  des  suites  d'une  opération  chirurgicale. 

Vandammc  eut  deux  enfants  de  son  mariage  :  un 
lils,  Diomèdc,  mort  en  1836,  à  Gand  (15  juin),  et 
iitic  fill(3,  née  à  Lille,  pendant  qu'il  commandait 
la  IG''  division  militaire.  Celte  fille  est  morte 
en  bas  âge.  Elle  avait  été  tenue  sur  les  fonds 
baptismaux  par  l'empereur  et  par  l'impératrice. 

Mademoiselle  Vandamme  eut  de  son  mari 
iJcswartc  un  fils,  qui  vit  à  Cassel,  auquel  soûl 
revenus  les  papiers  du  général  et  r^ont  le  lils, 
oflicicr  dans  Tarmée  française,  a  été  autorise  à 
prendre  le  nom  de  Vandamme. 


^259- 


LIVRE   X 


De  mars  1800  à  août  1811 


Vaudamine  est  nommé  commandaul  eu  chef  du  contingent 
wurtcinbcrgcois,  formant  le  8»  coi-ps  de  la  grande  armée 
(mai*s  1809).  —  Il  se  rend  à  Stutlgard.  —  Composition  du 
coips  de  Wurtemberg.  —  Position  des  armées  françaises 
et  aulrifhieuuos  à  l'ouvcrlure  de  la  campagne  de  1809,  en 
Allemagne.  —  Marche  du  8«  corps  sur  Donawerth  (avril) i 

—  Proclamation  de  TEmpcreur  (17  avril). — Ordre  de  Van- 
damme  (18  avril).  —  Affaires  des  19  et  20  à  Abensberg.— 
Combat  et  bataille  d'Eckmuhl  (21  et  22  avril).  —  Rôle  de 
Vandamme  et  de  ses  troupes.  —  Le  général  est  blessé;  — 
Nouvelle  organisation  donnée  par  Vandamme  au  8*  corps. 

—  Mécontentement  du  roi  do  Wurtemberg.  —  Marche  sur 
Hraunau,  sur  Allheim,  sur  Lintz.  —  Vandamme  chargé  de 
la  défense  du  pont  do  Lintz.  —  Arrivée  du  duc  d'Auers- 
tacdt  à  Lintz  (6  mai).  —  Lettres  de  Davout.  —  Arrivée 
du  prince  do  Ponte-Corvo.  —  Correspondance  entre  Herna- 
dotlc,  Bcrthier  et  Vandamme.  —  Ce  dernier  a  ordre  de 
balayer  les  rives  du  Danube  vers  Sleyer.  —  Attaque  du 
pont  de  Lintz  (17  mai).  —  Vigoureuse  conduite  de  Van- 
damme. —  H  repousse  les  Autrichiens.  —  Rapport  de  Ber- 
nadotte  à  l'Empereur.  — Vandamme  s'établit  à  Eus  (^mai). 

—  Regrets  de  Rcrnadolte  de  voir  Vandamme  le  quitter.  — 
Conduite  rcpréhensible  des  Wurtembergeois  dans  les  pays 
occupes.  —  Mauièro  d'agir  de  Vandamme  à  leur  égard.  *— 
Le  8*^  corps  chargé  de  couvrir  Vienne ,  de  fortifier  et 
de  défendre  Tabbaye  de  Molke.  —  Lettre  de  l'Empereur 
(  10  juin).  —  Affaire  du  31  mai.  —  Expédition  du  24  juin 
en  avant  de  l'Abbaye.  —  Le  soir  de  la  bataille  de  Wagram 
y  6  juillet)  ,  Vandamme  reçoit  Tordre  de  couvrir  le  pont 
d'Ébersdorf.  —  11  est  dirigé ,  avec  son  corps  d*année,  sur 


—  Î60  — 

Gratz,  pour  exiger  de  Giulay  Texécution  de  la  convention 
de  Znaim  (i3  juillet).  —  Plaintes  contre  les  Wurtemher- 
geois. —  Affaire  des  généraux  Hugel  et  de  Woollwarth.— 
Lettres  de  Vandamme.  —  Il  quitte  le  commandement  da 
8«  corps,  a  Lintz,  le  19  novembre.  —  Il  obtient  un  congé 
de  deux'  mois.  —  Reçoit  Tordre,  le  9  février  1810,  d'aller 
prendre  le  commandement  du  camp  de  Boulogne. —  Affaires 
Lamervillc  et  Sarrazin  (mars  et  juin  181 0). 

L'Empereur  avait  été  fort  satisfait  de  la  façon 
brillante,  intelligente  et  ferme  avec  laquelle  Van- 
damme avait  conduit  les  troupes  wurtember- 
geoises  pendant  la  campagne  de  Prusse  et  de 
Pologne.  Le  fait  est  que  le  général  avait  obtenu 
avec  cette  division,  composée  d'éléments  encore 
assez  médiocres,  de  bons  services.  Nul  autre  que 
lui  n'aurait  pu  sans  doute  en  tirer  un  tel  parti. 

Aussi,  l'Empereur,  qui  savait  utiliser  les  hommes 
en  raison  de  leurs  talents,  de  leur  spécialité,  vou- 
lut-il que  Vandamme  eut  encore  le  commandement 
en  chef  des  W^urtembergeois  pendant  la  campagne 
qui  allait  s'ouvrir  contre  l'Autriche  sur  les  bords 
du  Danube. 

Le  13  mars,  le  ministre  de  la  guerre,  Glarke, 
comte  d'Hunebourg,  prévint  Vandamme  qu'il  eût 
à  laisser  le  camp  de  Boulogne  au  général  Ram- 
pon  et  à  partir  lui-même,  de  façon  à  se  trouver 
le  20  à  Stuttgard,  pour  se  mettre  à  la  tète  du  con- 
tingent de  W^urtemberg  (1). 

(1)  Par  une  autre  Ietti*o,  le  ministre  de  la  guerre  prévenait 
Vandamme  que  M.  de  Chautelou,  ancien  colonel  du  régiment 
do  Condé,  que  le  général  lui  avait  fortement  recommandé. 


—  261  — 

Le  20  mars,  Vandamme,  qui  avait  obtenu  quel- 
ques jours  de  sursis ,  reçut  du  major  général  le 
nouvel  ordre  ci-dessous  : 

c  L'Empereur  ordonne ,  Monsieur  le  général 
Vandamme,  que  vous  partiez  en  poste,  de  manière 
à  être  rendu  le  27  de  ce  mois  à  Stuttgard,  et  de  là 
à  Heidenheim  pour  prendre  le  commandement  du 
contingent  de  troupes  de  S.  M.  le  roi  de  Wurtem- 
berg qui  se  compose  d'une  division  forte  d'environ 
douze  mille  hommes  qui  a  eu  l'ordre  d'être  réunie 
au  20  mars  à  Heidenhein ,  Aalen  et  Elwangen. 
Le  ministre  de  France  à  Stuttgard  vous  fera  con- 
naître les  détails  de  la  composition  de  cette  di- 
vision, il  a  été  chargé  d'informer  le  roi  de  Wur- 
temberg de  votre  destination ,  afin  qu'à  votre 
arrivée  ces  troupes  soient  mises  sous  votre  com- 
mandement. Adressez-m'en  la  situation  exacte  et 
détaillée  le  plus  tôt  possible.  • 

Vandamme  n'arriva  à  Stuttgard  que  le  31  mars 
1809,  un  accident  survenu  à  sa  voiture  l'ayant  re- 
lardé de  quelques  heures.  Il  avait  expédié  avant 
lui  son  aide  de  camp,  le  chef  d'escadron  Vincent, 
au  roi  de  Wurtemberg,  et  n'avait  pas  tardé  à  ap- 
prendre que  ce  prince  s'était  absenté  pour  aller 
passer  la  revue  de  ses  troupes.  Cette  circonstance 


9yattt  émigré,  en  mai  1792,  après  avoir  abandonné  son  em- 
ploi, ne  pouvait  prétendre  à  rien  pour  ses  services  militaires, 
mais  que  pour  reconnaître  Tintérôt  que  lui,  Vandamme,  por- 
tait à  cet  ancien  officier,  il  avait  fait  payer,  à  titre  de  secours, 
une  somme  de  deux  cents  francs  à  M.  de  Chantelou. 


Tavàit  enfrapr^i  à  no  pas  accélérer  sa  marche.  En 
arrivant,  le  général  s'était  rendu  chez  le  ministre 
(le  Franco  i)our  y  recueillir  tous  les  renseigne- 
ments pouvant  l'intéresser.  Il  avait  alors  acquis 
la  certitude  que  le  roi  de  Wurtemberg,  maigre 
toutes  les  lettres  flatteuses  qu'il  lui  avait  adressées 
pendant  et  après  la  campagne  de  Silésîe,  était 
fort  contrarié  de  le  voir  de  nouveau  à  la  tête  de 
ses  troupes;  mais  qu'il  s'était  résigné  et  paraissait 
disposé  à  concourir  de  son  mieux  à  l'exécution 
dos  vues  de  l'Empereur. 

Il  apprit  aussi  que,  sous  prétexte  de  la  semaine 
sainte,  le  Roi  ne  voulait  lui  donner  le  commande- 
ment de  ses  troupes  que  le  lundi  suivant.  De  fait, 
ce  prince  cherchait  à  gagner  quelques  jours  pour 
avoir  le  temps  de  recevoir  la  réponse  de  l'Empe- 
reur à  ses  observations  concernant  Vandamme. 

Le  général,  présenté  au  Roi  le  1^"^  avril  1809, 
rendit  compte  au  major  général  de  son  entrevue, 
par  la  lettre  suivante  du  même  jour  : 

«  Ce  matin  ,  le  ministre  des  relations  exté- 
rieures est  venu  me  chercher  et  m'a  présenté  au 
roi  de  Wurtemberg.  Sa  Majesté  m'a  fait  l'accueil 
le  plus  gracieux  et  m'a  témoigné  combien  elle  dé- 
sirait que  ses  troupes  servissent  utilement  l'em- 
pereur Napoléon.  Le  commandement  m'a  été  remis 
sans  la  moindre  difficulté,  et  sous  tous  les  rap- 
ports, je  n'ai  qu'à  me  vivement  féliciter  des  atten- 
tions bienveillantes  que  Sa  Majesté  a  eues  pour 
moi.  La  seule  contrariété  que  mon  arrivée  paraît 


-  Î63- 

ui  avoir  fait  éprouver  était  que  je  prisse  le  com- 
nandement  de  troupes  confiées  à  un  feld-meister 
iont  le  grade  est  supérieur  au  mien.  J'ai  cru  de- 
voir m'abstenir  de  toute  observation  à  cet  égard. 
Au  surplus,  Sa  Majesté  a  rappelé  son  feld-meis- 
ter,  M.  le  baron  de  Camrer,  homme  très-dis- 
tingué sous  tous  les  rapports.  L'infanterie  est 
commandée  par  M.  Neubronn.  La  cavalerie  est 
confiée  à  M.  le  général  Wollwarth.  Sa  Majesté  le 
roi  de  Wurtemberg ,  dans  Taudience  qu'elle  a  eu 
la  bonté  de  m'accorder,  m'a  paru  fortement  indis- 
posée contre  l'Autriche,  et  autant  animée  à  com- 
battre cette  puissance  qu'à  donner  des  preuves  de 
son  dévouement  et  de  son  attachement  sincère  à 
•a  personne  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale. 

«  Mes  aides  de  camp  vont  partir  ce  soir  pour 
se  rendre  à  Heidenheim.  Je  les  suivrai  de  très- 
près,  et  je  ne  tarderai  pas  alors  à  adresser  à  Votre 
Altesse  les  états  de  situation  qu'elle  m'a  fait  l'hon- 
neur de  me  demander.  » 

Vandamme  adressa  en  effet,  le  soir  même, 
'état  de  situation  des  troupes  sous  ses  ordres . 

Le  corps  d'armée  était  formé  de  la  manière  sui- 
vante : 

Cavalerie  :  régiment  des  chevau-légers  du  Roi, 
inq  cent  cinquante  présents  ;  chasseurs  à  cheval 
lu  Roi,  cinq  cent  soixante  ;  chevau-légers  du  duc 
ïenri ,  cinq  cent  cinquante  ;  chasseurs  à  che- 
al  du  duc  Louis,  cinq  cent  soixante.  —  Total, 
in  peu  plus  de  deux  mille  deux  cents  cavaliers, 


officiers  compris-  —  Infanlerie  :  régimenl  du  duc 
Guillaume,  mille  trois  cent  soixante  hommes  pré- 
sents ;  (lu  prince  royal,  mille  trois  cent  cinquante; 
i'"  bataillon  de  fusiliers ,  neuf  cents  hommes  ;  ré- 
giment de  Phull,  mille  trois  cent  soixante;  de 
Camrer,  mille  trois  cent  soixante-dix;  — 2* ba- 
taillon de  fusiliers ,  sept  cents  ;  4^'  bataillon  de 
chasseurs  du  Roi,  sept  cents;  2«  de  chasseurs, 
sept  cents  ;  1"  baUiillon  d'infanterie  légère,  sept 
cents  ;  2^  d'infanterie  légère,  sept  cents.  —  Total, 
environ  neuf  mille  cent  cinquante  combattants. 
~  Artillerie,  quatre  cent  cinquante  hommes. 

Ce  ([ui  constituait  une  force  générale  de  douze 
mille  cinq  cents  hommes  présents  sous  les  armes. 

Outre  ses  aides  de  camp,  Vandamme  eut  à  son 
état-major  général  un  capitaine  du  19*  de  ligne, 
Marrens;  un  capitaine  adjoint  à  Tétat-major,  De- 
leau  ;  un  Heutenant  du  12®  de  cuirassiers,  Dreu; 
un  lieutenant  du  25®  de  ligne,  Hayaerl  ;  un  sous- 
lieutenant  au  iT  de  dragons,  Lussan-Desparbère. 
Le  chef  d'état-major  était  le  colonel  wurtember- 
geois  Kcrner. 

Vandamme  ne  voulut  pas  se  rendre  au  milieu 
des  troupes  de  son  corps  d'armée,  avant  que  le 
feld-meister  ne  fut  revenu.  Il  attendit  à  Stuttgard 
jusqu'au  ii  avril,  et  reçut  ce  jour-là  une  invitation 
à  dîner  du  Roi  qui  lui  fit  l'accueil  le  plus  gra- 
cieux.  Ce  prince  protestait  sans  cesse  de  son  dé- 
vouement, de  sou  amour  pour  l'Empereur.  Il  fut 
le  premier  à  se  détacher  de  notre  alliance  lors  de 


nos  malheurs,  et  son  fils  ,  le  prince  royal ,  comblé 
par  Napoléon,  fut  un  de  ceux  qui,  en  1814  et  après, 
se  montrèrent  le  plus  odieusement  hostiles  à  la 
famille  impériale,  sans  en  excepter  même  sa  noble 
et  vertueuse  sœur,  la  reine  de  Westphalie. 

Le  4  avril,  Vandamme  fut  à  Heidenliem.  Le 
jour  suivant,  il  reçut  les  officiers  et  vit  les  troupes 
les  plus  rapprochées  de  son  qujartier  général.  Cette 
première  et  rapide  inspection  produisit  sur  lui 
une  impression  favorable.  Au  fur  et  à  mesure  qu'il 
passait  en  revue  chaque  brigade,  il  lui  laissait  un 
témoignage  de  satisfaction.  Dès  le  5  avril,  il  avait 
fait  connaître  son  arrivée  par  un  ordre  du  jour, 
dans  lequel  il  rappelait  aux  Wurtembergeois  leurs 
faits  d'armes  de  Silésie,  et  leur  disait  combien  le 
commandement  qui  lui  était  confié  une  seconde 
fois  était  flatteur  pour  lui.  Il  terminait  ainsi  son 
ordre  : 

ce  Je  mô  plais  à  penser  que  les  anciens  soldats 
de  la  Silésie  traceront  le  chemin  de  la  gloire  aux 
jeunes  compagnons  de  leurs  travaux,  et  leur  ap- 
prendront combien  il  est  facile  de  vaincre  sous 
les  étendards  du  plus  juste  et  du  plus  grand  des 
héros.  » 

Voici  quelle  était,  à  l'ouverture  de  la  campagne 
de  1809,  la  position  des  armées.  La  guerre  d'Es- 
pagne avait  forcé  Napoléon  à  dégarnir  le  Nord  de 
l'Europe.  Il  ne  restait  en  Allemagne  que  quatre- 
vingt  mille  Français.  Davout,  avec  quarante 
mille,  occupait  les  places  de  l'Oder,  Magdebourg, 


—  266  — 

Bayreuth  et  le  Hanovre.  Douze  mille  hommes  gar- 
daient les  villes  anséatiques.  Oudinot  était  à  Franc- 
fort avec  vingt-quatre  mille  hommes.  Les  royau- 
mes créés  en  vertu  du  traité  de  Tilsitt,  la  Saxe, 
le  Wurtemberg,  la  Bavière,  la  Westphalie,  avaient 
mis  sur  pied  une  centaine  de  mille  honunes.  Il  ré- 
sultait de  ces  dispositions  que  l'Empereur  se  trou- 
vait avoir  cent  quatre-vingt  mille  combattants 
répartis  entre  la  Baltique,  l'Océan,  le  Rhin,  la 
Vistule  et  les  frontières  de  l'Autriche.  Quinze 
mille  hommes  sous  Marmont  occupaient  la  Dal- 
matie  ;  soixante  mille  étaient  en  Italie,  aux  ordres 
du  vice-roi.  Mais  TEspagne  retenait  les  meil- 
leures troupes  de  la  grande  armée.  C*était  sur  la 
puissante  diversion  opérée  par  la  Péninsule  que 
comptait  TAutriche.  Elle  forma  neuf  corps  d'ar- 
mée de  vingt  à  trente  mille  hommes  chacun  : 
l**"^  Beilegarde,  2®  KoUowrath,  3*^  Hohenzollem, 
4®  Rosemberg,  5®  archiduc  Louis,  6*  Hiller,  T  ar- 
chiduc Ferdinand,  8®  Ghasteler,  9*  Giulay,  plus 
deux  corps  de  réserve  commandés  par  Kienmayer 
et  le  prince  de  Lichtenstein. 

Le  T  corps  devait  opérer  sur  la  Vistule.  Le 
8®  et  le  9®  sous  l'archiduc  Jean  formèrent  l'armée 
d'Italie.  Les  six  premiers  et  la  réser\'e  sous  l'ar- 
chiduc Charles,  généralissime,  furent  échelonnés 
sur  le  Danube  pour  déboucher  de  la  Bohème,  en- 
vahir le  pays  de  Bayreuth,  déborder  Davout  et 
porter  la  guerre  sur  le  bas  Rhin. 

Ce  plan  de  l'archiduc  Charles  était  habilement 


j 


—  267  — 

ïo  ;  maïs  l*Empereur,  par  ses  dispositions  ra- 
s,  le  déjoua.  Aux  premières  nouvelles  des  in- 
ions hostiles  de  l'Autriche,  il  revint  d'Espa- 
à  Paris,  renforça  Oudinot  et  le  dirigea  sur 
a^werth.  De  l'intérieur  il  envova  sur  le  Lech 
séna,  avec  trente  mille  hommes,  et  fit  partir 
arde  et  les  réserves  de  cavalerie  pour  la  vallée 
Danube. 

out  cela  indiquait  assez  Thitention  de  menacer 
ctement  Vienne  et  de  prendre  cette  ville  pour 
it  objectif  des  opérations.  L'archiduc  ne  s'y 
npa  pas.  Il  franchit  le  fleuve  à  Lintz  ,  ne  lais- 
t  sur  la  rive  gauche  que  les  soixante  mille 
imes  des  deux  premiers  corps  pour  les  opposer 
avout  qui  se  rapprochait  d'Ingolstadt,  et  avec 
autres  il  espéra  pousser  les  Français  sur  le 
a  avant  l'arrivée  de  Napoléon.  Dans  les  pre- 
rs  jours  d'avril,  l'armée  autrichienne  déboucha, 
roi  te  de  la  Bohème  par  Pilsen  sur  Ratisbonne, 
entre  sur  Shœrding,  la  gauche  sur  Lanshutt, 
ichich,  avec  ses  Croates,  eut  ordre  de  côtoyer 
Alpes  tyroUennes  et  de  pointer  sur  Munich, 
es  premiers  pas  des  Autrichiens  furent  heu- 
c  pour  Farchiduc,  dont  les  troupes  n'éprou- 
mt  qu*une  faible  résistance  à  leur  gauche ,  de 
art  des  Bavarois  ;  mais  son  année  ayant  mis 
8  ses  mouvements  sa  lenteur  accoutumée,  Na- 
éon  eut  le  temps  d'arriver  au  quartier  général 
Donawertb,  pendant  que  les  corps  ennemis 
déployaient  encore  sur  Iser.   Cette  faute,  les 


—  268  — 

Autrichiens  la  commetlent  sans  cesse.  C'est  ainsi 
qu'il»  ont  fait  encore  en  1859. 

Le  prince  de  Neuchàtel,  excellent  chef  dël 
rnsgor  et  fort  médiocre  général  en  chef,  ayant 
commandement  en  attendant  l'arrivée  de  l'Em; 
reur,  avait  commis  plusieurs  fautes  et  dissémi 
assez  intempestivement  les  troupes  françaises 
alliées.  Napoléon  s'empressa  de  remédier  aux 
ladresses  de  son  lieutenant.  Les  Bavarois,  sous 
duc  de  Dantzig,  prirent  position  à  Neustadt;  V 
damme  avec  les  Wurtembergeois,  Bessières  avec 
cavalerie  de  réserve  s'échelonnèrent  sur  le 
nube  d'Ingolstadt  à  Donawerth  ;  Oudinot  et 
séna  couvrirent  les  rives  du  Lech  ,  depuis 
confluent  avec  le  Danube. 

Du  5  au  10  avril  1809,  Vandamme  s'occupa 
voir  les  troupes  de  Wurtemberg.  Le  11,  ayant 
informé  par  une  dépêche  de  Masséna  que  les 
trichiens  avaient  déclaré  la  guerre  et  passé  TIdd 
Braunau ,  il  crut  prudent  de  se  mettre  en  me 
de  soutenir  Oudinot  en  appuyant  sur  sa  ga 
à  Donawerth.  Il  se  porta  donc  en  toute  hâte 
Dillingen  pour  marcher  ensuite  sur  le  Lech.  Il 
forma  le  même  jour  le  major  général  de  sa  dé 
mination,  ainsi  que  le  maréchal  Oudinot,  c 
de  la  défense  du  Lech. 

Les  Wurtembergeois  firent  huit  lieues,  le  i 
et  le  soir,  occupèrent  les  positions  prescrites 
Vandamme.  De  Dillingen,  le  général  écri\-il 
Roi  une  lettre  élogieuse  sur  ses  troupes.  C'étf 


—  369  — 

binent  où  Tarmée  bavaroise  battait  en  retraite 
ordre  devant  le  corps  de  Jellachich  en  pleine 
he  à  l'extrême  gauche  de  l'armée  autrichienne 
jBndshut  et  Munich.  Le  roi  de  Bavière  était 
lingen  au  milieu  du  corps  de  Vandamme.  Le 
es  Wurtembergeois  occupèrent  Donawerth. 
bavarois  de  de  Wrède  étaient  à  Ingolstadt,  et 
not  à  Friedberg.  Vandamme  fit  fortifier  la  tête 
ont  de  Rliain  sur  le  Lech.  Depuis  le  11,  le 
ngent  de  Wurtemberg  se  trouvait  former  le 
rps  avec  la  division  Dupas,  le  tout  aux  ordres 
ic  de  Gastiglione  qui  n'était  pas  encore  arrivé 
li  ne  vint  pas.  Le  17,  le  commandement  de 
iamme  fut  renforcé  de  la  division  Rouyer, 
l  sous  ses  ordres  les  troupes  des  petits 
'.es  allemands.  Il  fut  mis  momentanément  lui* 
e  sous  le  duc  de  Dantzig. 
!  jour-là,  l'Empereur,  arrivé  à  Donawerth, 
3n  personne  le  commandement  de  l'armée  et 
rection  des  opérations.  Un  régiment  de  cava- 
wurtembergeoise  fut  détaché  du  corps  de 
iamme  pour  lui  semr  d'escorte, 
ipoléon  mit  à  l'ordre  de  l'armée  la  procla- 
)n  suivante  : 

Soldats,  le  territoire  de  la  Confédération  a  été 
.  Le  général  autrichien  veut  que  nous  fuyions 
$pect  de  ses  armes  et  que  nous  lui  abandon- 
j  nos  alliés.  J'arrive  avec  la  rapidité  de 
e. 
Soldats,  j'étais  entouré  de  vous,  lorsque  le 


—  Î70  — 

souverain  d'Autriche  vint  à  mou  bivouac  de 
ravie  ;  vous  l'avez  entendu  implorer  ma  clém 
et  me  jurer  une  amitié  éternelle.  Vainqueurs  dari 
trois  guerres,  T Autriche  a  dû  tout  à  notre  génért 
site,  trois  fois  elle  a  été  parjure!!!  Nos  sucoèi 
passés  nous  sont  un  sur  garant  de  la  victoire  qi 
nous  attend.  Marchons  donc,  et  qu'à  notre  tf> 
jwcl  r ennemi  reconnaisse  ses  vainqueurs!  * 

Le  lendemain,  Vandamme  mit  de  son  colé  i 
Tordre  de  son  corps  d'armée  : 

•  Braves  troupes  de  Wurtemberg,  vous  aile 
combattre  sous  les  yeux  du  grand  Napoléon.  Vou 
allez  jouir  du  suprême  honneur  de  servir  de  gard 
au  plus  illustre  souverain.  Je  lui  ai  juré  sur  voir 
nom  que  vous  formeriez  autour  de  lui  un  bouclie 
impénétrable;  que  vous  verseriez  plutôt  tout  voli 
sang  que  de  permettre  à  aucun  ennemi  d'arrivc 
jus(|u'à  lui.  Vous  répondrez  à  mon  attente  et  vou 
saisirez  toutes  les  occasions  de  vous  illustrer  dar 
cette  immortelle  campagne  qui  commence  d'ai 
jourd'hui.  Les  corps  les  plus  distingués  de  ceB 
célèbre  armée  française  envient  votre  sort.  Voi 
prouverez  à  votre  roi,  qui  apprendra  avec  orgue 
le  beau  rôle  que  vous  avez  à  jouer,  que  vot 
êtes  dignes  de  la  confiance  de  Napoléon.  De  bri 
lantes  récompenses  attendent  tous  ceux  qui,  pi 
des  actions  d'éclat,  sauront  mériter  cette  disliu 
tion  honorable.  • 

Cette  harangue,  un  peu  emphatique  et  prétci 


—  271  - 

lieuse,  était  dans  le  goût  de  Tépoque.  Vandamme 

faisait  mieux  la  guerre  qu'il  n'écrivait. 

Les  Wurtembergeois  prirent  la  tète  de  la  grande 

^  armée  et  débouchèrent  sur  Rhain,  dont  le  pont 

^  très-important  sur  le  Lech  fut  confié  au  général 

^  Rouyer,  mis  momentanément  sous  les  ordres  de 

Vandamme.  Ce  dernier  écrivit  au  maréchal  Le- 

febvre  qu'il  avait  pour  mission  de  couvrir  sa  droite. 

11  se  dirigea  sur  Neubourg ,  laissant  un  bataillon 

pour  attendre  la  division  Rouyer,  et  un  régiment 

•  de  cavalerie  avec  trois  pièces  légères,  pour  former 

la  garde  de  l'Empereur. 

Napoléon  avait  fait  choix  de  Vandamme  pour 
marcher  à  l'avant-garde,  parce  qu'il  connaissait 
son  zèle  et  son  infatigable  activité.  Il  était  sûr, 
avec  un  pareil  homme,  d'être  toujours  prévenu  à 
temps  de  tout  ce  que  tenterait  Tennemi. 

La  grande  armée  française,  en  Allemagne,  était 
alors  formée  de  la  garde,  sous  Lannes  (12,000 
hommes)  ;  des  réserves  de  cavalerie ,  sous  Bes- 
sières  (12,000);  du  2«  corps.  Oudinot  (23,000);  du 
3%  Davout  (35,000);  du  5^  Masséna  (30,000);  du 
1%  Lefebvre  (30,000);  du  8^  Vandamme  (12,000); 
du  9%  Bernadolte  (16,000). 

A  la  nouvelle  de  l'arrivée  de  l'Empereur  à  la 
léle  de  ses  troupes,  l'archiduc  Charles  suspendit 
sa  marche  offensive,  et  au  lieu  de  saisir  le  pont  de 
Kelheim,  il  changea  de  direction  pour  gagner  Ra- 
tisboane,  défendre  la  vallée  du  Danube,  couvrir 
Vienne  et  s'assurer  une  communication  sûre  avec 


—  Î72  — 

les  corps  de  Bellegarde  et  de  Kollowrath,  opérant 
sur  la  rive  gauche  du  fleuve. 

Dès  que  l'Empereur  s'aperçut  de  ce  mouve- 
ment ,  il  donna  Tordre  au  duc  de  Dantzig  de 
s  étendre  par  sa  gauche,  à  Davout  de  laisser  un 
seul  régiment  à  Ratisbonne,  de  faire  sa  jonction 
avec  Lefebvre,  pour  contenir  les  corps  autrichiens 
et  barrer  la  route  ;  à  Bessières  et  à  Vandamme  de 
marcher  sur  Neusladt  pour  renforcer  le  centre,  et 
à  Masséna  et  Oudinot  de  déboucher  du  Lech  pour 
séparer  les  corps  de  Jellachich  et  de  Hiller,  en 
débordant  ce  dernier.  Les  premières  rencontres 
eurent  lieu  le  19  avril,  à  Than  et  à  Pfaffenhosen, 
le  20  à  Abensberg,  le  21  à  Landshutt.  Le  22  fut 
donnée  la  bataille  d'Eckmuhl. 

Le  corps  de  Vandamme  prit  la  part  la  plus 
glorieuse  à  ces  différentes  affaires. 

Le  20  avril  au  malin,  le  général  reçut,  deWoh- 
burg,  la  lettre  ci-dessous  de  TEmpereur  : 

«  Vous  êtes  à  Neustadt  ;  vous  avez  des  troupes 
à  Mulhausen  et  près  de  Siegenburg;  portez-vous 
sur  Siegenburg  avec  toutes  vos  forces;  prenez 
sous  vos  ordres  tous  les  Wurtembergeois  ;  roffi- 
cier  wurtembergeois  de  votre  état-major  donne 
Tordre,  en  passant,  au  général  de  brigade  qui  est 
en  réserve  de  se  porter  également  sur  Siegenburg. 
Je  me  rends  moi-même  aux  avant-postes;  je 
dirigerai  les  mouvements;  vous  déboucherez  par 
Siegenburg  avec  tous  les  Wurtembergeois.  Vous 
ferez  la  droite  des  Bavarois.  Ayez  soin,  quand 


vous  serez  à  Siegenburg,  de  pousser  des  partis 
sur  votre  droite.  » 

La  bataille  d'Abensberg  affaiblit  les  Autrichiens 
de  16,000  hommes,  compléta  la  séparation  entre 
le  centre  et  la  gauche.  Napoléon,  assuré  de  la  re- 
traite de  Hiller,  fît  volte-face  pour  se  rabattre  sur 
Ratisbonne  et  acculer  Tarchiduc  sur  cette  ville  ; 
mais  Tunique  régiment,  laissé  dans  la  place, 
n'avait  pu  Tempécher  de  tomber  au  pouvoir  du 
généralissime  autrichien,  qui  avait  appelé  à  lui  le 
corps  de  KoUowrach,  pour  refouler  les  Français 
et  rétablir  sa  communication  avec  sa  gauche. 
L'archiduc  se  trouvait  donc  à  Ratisbonne  avec 
iOO,000  hommes.  Le  22  avril,  ayant  reconnu  les 
troupes  en  position  devant  lui,  et  voyant  qu'il 
n'avait  à  faire  qu'aux  deux  corps  de  Lefebvre  et 
de  Davout,  il  les  attaqua  vigoureusement.  Les 
troupes  de  Rosenberg  occupèrent  le  village  et  le 
château  d'Eckmulh,  celles  de  HohenzoUern,  avec 
les  réserves,  se  mirent  en  bataille  près  de  la 
Laber.  Au  moment  où  le  combat  s'engageait, 
l'Empereur,  arrivant  avec  Lannes,  Vandamme  et 
la  cavalerie,  reconnut  les  masses  ennemies,  com- 
prit le  projet  de  son  adversaire  et,  immédiatement, 
prit  ses  dispositions. 

Pendant  la  nuit,  Vandamme  avait  reçu  du  ma- 
jor général  la  lettre  ci-dessous,  datée  de  Lands- 
hutt,  22  avril,  deux  heures  du  matin  : 

«  L'Empereur,  Monsieur  le  général  Vandamme, 
ordonne  que  vous  partiez,  de  votre  personne, 
n  18 


-  274- 

avant  le  jour,  pour  être  rendu  à  cinq  heures  du 
matin  au  quartier  général  du  général  Saint-Sul- 
pice,  à  Essepach,  sur  la  route  de  Ralisbonne. 
Vous  vous  mettrez  en  marche,  aussitôt  votre  a^ 
rivée,  avec  la  brigade  d'infanterie  légère  wurlem- 
bergeoise,  qui  s'y  est  rendue  hier  au  soir,  et  vous 
pousserez  vivement  l'ennemi  sur  Ehrlspach,  où  il 
faut  être  de  bonne  heure.  Faites  monter  à  cheval 
les  trois  autres  régiments  de  cavalerie  légère. 
Vous  leur  donnerez  Tordre  de  vous  suivre  et  de 
vous  rejoindre  :  c'est-à-dire,  deux  régiments  join- 
dront votre  avant-garde  et  le  troisième  se  rendra 
à  Essepach,  et  y  restera,  pour  pousser  de  fortes 
reconnaissances  jusqu'à  cinq  à  six  lieues  sur  la 
route  de  Straubing,  et  vous  faire  prévenir  de  ce 
qu'il  y  aurait  de  nouveau  de  ce  côté.  L'intention 
de  l'Empereur,  général,  est  de  marcher  avec  toute 
l'armée,  dont  vous  allez  faire  l'avant-garde.  Quand 
l'armée  se  mettra  en  mouvement,  la  division 
Saint-Sulpicc  montera  à  cheval  pour  vous  soute- 
nir. Le  reste  de  la  brigade  wurtembergeoise  res- 
tera ici,  pour  fournir  à  la  garnison  et  veiller  aux 
prisonniers.  Envoyez-moi  l'état  qui  indique  où 
se  trouvent  en  ce  moment  tous  les  corps  de  ^a^ 
mée  wurtembergeoise.  Si,  dans  les  troupes  de 
Wurtemberg,  il  y  a  un  bataillon  de  grenadiers, vous 
pouvez  le  faire  marcher  avec  votre  avant-garde. 
•  Si  vous  entendiez  la  canonnade  et  que  vous 
apprissiez  quelque  chose  de  nouveau,  faites  pré- 
venir fréquemment  l'Empereur.  » 


—  278  - 

Ainsi  qu'on  le  voit ,  TEmpereur  s'attendait  à 
ne  affaire  sérieuse  du  côté  de  Ratisbonne. 
Davout  et  Lefebvre  furent  chargés  d'aborder  la 
iroite  et  Iç  centre  de  l'ennemi  ;  Lannes,  Vandamme 
it  la  cavalerie  furent  opposés  à  Rosenberg. 

Vandamme,  avec  son  intrépidité  ordinaire,  sa 
faria  francese,  attaqua  de  front  la  position  d'Eck- 
muhl,  tandis  que  Lannes  et  la  cavalerie,  passant 
la  Laber,  au-dessous  du  village,  manœuvraient 
pour  tourner  et  déborder  la  gauche  du  général  au* 
trichien.  Une  charge  brillante  de  la  cavalerie,  faite 
au  moment  où  Vandamme  enlevait  à  la  baïonnette 
le  village  et  le  château  d'Eckmuhl,  au  moment 
où  Davout  enfonçait  le  centre  des  Autrichiens, 
détermina  la  victoire.  L' archiduc  se  replia  sous  le 
canon  de  Ratisbonne. 

Non-seulement  Vandamme  avait  pris  une  part 
des  plus  active  à  cette  glorieuse  journée,  mais  il 
y  avait  reçu  une  blessure  en  conduisant  lui-même 
les  Wurtembergeois  à  l'attaque  d'Eckmuhl,  clef 
de  la  position,  et  qui  donna  son  nom  à  la  bataille. 
D  n'en  continua  pas  moins  à  commander  ses 
troupes.  Le  roi  de  Wurtemberg,  auquel  il  rendit 
compte  de  la  belle  conduite  de  son  contingent,  lui 
répondit,  le  26  avril,  de  Louisbourg  :   r 

«  Monsieur  le  général  de  division,  comte  de 
Vandamme,  vous  ne  doutez  pas  du  vif  intérêt  que 
m'ont  inspiré  les  relations  des  glorieuses  jour* 
nées  des  22  et  23,  mais  surtout  de  la  peine  que 
j'ai  ressentie  de  vous  savoir  blessé,  J'aime  à  me 


—  276- 

persuader  que  cela  ne  vous  a  pas  empêché  de 
continuer  le  commandement,  les  suites  n'en  se- 
ront pas  fâcheuses,  etc.  > 

Cette  lettre,  du  roi  de  Wurtemberg,  fut  bientôt 
suivie  d'une  autre  du  même  souverain»  beaucoup 
moins  aimable  pour  Vandamme.  Voici  à  quelle 
occasion. 

Le  24  avril,  lendemain  de  l'affaire  de  Ratis- 
bonne,  le  général,  soit  qu'il  se  fût  aperçu  de  Tin- 
convénient  qu'il  y  avait  à  conserver  l'organisalion 
du  8®  corps  telle  qu'elle  était,  parce  que  les  géné- 
raux de  division  paraissaient  se  croire  trop  indé- 
pendants de  lui  ;  soit  qu'il  en  eut  reçu  l'ordre  du 
major  général  (ce  dont  nous  n'avons  pu  nous  as- 
surer,   n'ayant    trouvé  aucun    document   à  cet 
égard),  Vandamme,  disons-nous,  pour  un  motif 
ou  pour  un  autre,  peut-être  aussi   pour  enlever 
au  général  Neubronn  son  infanterie  légère,  des- 
tinée à  faire  l'avant-garde,  et  pour  la  mettre  plus 
spécialement  dans  sa  main,  adressa  au  comman- 
dant de  Tinfanterie  une  lettre,   par  laquelle  il 
l'informait  qu'à  l'avenir,  lui,  général  Neubronn, 
commanderait  les  deux  brigades  d'infanterie  de 
ligne;  que  la  brigade   légère  du  général  Hugel 
serait  sous  ses  ordres  directs  à  lui  Vandamme; 
que  la  cavalerie  serait  sous  le  général  de  WoU- 
warth,  Tartillerie  sous  le  colonel  Schuadow. 

«  Ordonnez  à  l'instant,  écrivait-il,  que  le  chef 
d'état-major  Kerner  et  les  officiers  qui  lui  appar- 
tiennent, ainsi  que  tout  le  commissariat,  se  rendent 


—  277  — 

auprès  de  moi  pour  recevoir  mes  ordres  directs. 
Prévenez  tout  le  monde,  et  soyez  prévenu  vous- 
même,  Monsieur  le  général,  que  je  commande  en 
chef  et  que  je  veux  que  chacun  fasse  son  devoir; 
que  je  ne  serai  injuste  envers  personne,  mais 
que  je  serai  forcé  d'user  de  toute  l'autorité  quHl 
est  nécessaire  que  j'obtienne  pour  remplir  les  in- 
tentions de  S.  M.  l'Empereur,  et  les  intérêts  de 
votre  roi  y  seront  ménagés.  Si  nous  avons  obtenu 
des  succès,  on  sait  à  qui  on  les  doit.  J'ai  caché 
des  torts  d'individus  et  des  corps.  J'ai  proclamé 
tout  haut  les  éloges  pour  ceux  qui  se  sont  bien 
conduits  et  qui  ont  montré  de  la  bravoure.  Per- 
sonne  ne  peut  travailler  à  ma  réputation. 
Depuis  longtemps  elle  est  faite.  Tous  les  ordres 
que  je  vous  ai  donnés  ce  matin,  qu'ils  soient  con- 
formes ou  contraires  à  vos  règlements,  doivent 
être  exécutés  à  l'instant.  Faites-moi  connaître 
quelle  est  la  mission  et  quels  sont  les  ordres  don- 
nés au  général  Théobald,  etc.  » 

Ce  général  Théobald ,  parent  du  général  Neu- 
bronn,  avait  été  envoyé  pour  correspondre  direc- 
tement avec  le  souverain.  Ces  dispositions  furent 
mises  à  l'ordre  du  8®  corps  et  exécutées,  mais  le 
roi  de  Wurtemberg  se  montra  très-choqué  de  ce 
qu'avait  fait  Vandamme.  Il  lui  écrivit  le  5  mai  : 

«  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  adressée 
en  date  du  24  avril,  et  ne  puis  vous  dissimuler 
qu'il  m'a  paru  étrange  qu'au  moment  même  où 
l'Empereur,  tous  les  généraux  de  l'armée  et  vous- 


—  ÎT8- 

méme,  avez  donné  les  éloges  les  plus  mérités  à 
mon  corps  d  armée,  aux  généraux  qui  le  comman- 
dent, vous  ayez  été  trouver  dans  son  organisation 
des  raisons  pour  en  témoigner  votre  mécontente- 
ment, et  vous  obliger  à  y  porter  des  changements. 
Il  peut  m*étre  très-égal  par  qui  et  à  qui  vous  faites 
paiTcnir  vos  ordres  pour  les  opérations  militaires, 
mais  quant  au  commandement  de  Tintérieur,  à  la 
manière  dont  on  me  fait  les  rapports  et  dont  je 
transmets  mes  ordres  de  discipline,  rien  ne  peut 
ni  ne  doit  y  être  changé,  et  le  lieutenant  générai 
de  Neubronn  qui,  pour  cette  partie,  a  reçu  mes 
ordres,  m'en  reste  seul  responsable.  » 

Malgré  celte  lettre,  les  choses  n'en  demeurèrent 
pas  moins  telles  que  Vandamme  les  avait  réglées. 

Le  2;i  avril,  après  la  prise  de  Ratisbonne,  en- 
levée par  escalade,  Tarchiduc  Charles  se  replia 
sur  la  Bohème,  poursuivi  par  Davout.  Hiller,  qui 
avait  reçu  des  reuforls,  était  revenu  sur  ses  pas 
pour  nUahlir  la  communication  avec  le  généralis- 
sime. Vandamme  reçut  Tordre  de  revenir  égale- 
ment sur  Eckmuhl  avec  ses  Wurtembergeois,  de 
façon  à  ijouvoir,  au  besoin,  être  rendu  le  25  à 
Landshull.  Un  de  ses  régiments,  le  2*^  de  ligne, 
resta  en  garnison  à  Ratisbonne.  Le  26,  le  général 
vint  à  Landshutt.  et  détacha  un  régiment  de  ca- 
valerie a  Slraubin}^,  à  la  disposition  du  général 
Boudet.  Le  27,  il  laissa  encore  un  régiment  à 
Landshutt,  et  continua  sa  marche  avec  le  reste 
de    ses   troupes   sur  Vilsbibourg,  lo    28,   sur 


^euaetting.  Le  30,  tout  le  corps  d'armée  fut  réuni  à 
dûhldorf,  pour  se  porter  sur  Brannau.  La  marche 
le  Vandamme  sur  celte  dernière  ville  fut  retardée 
le  quelques  heures,  parce  que,  forcé  depuis  Eck- 
nuhl  de  voyager  dans  sa  voilure ,  à  cause  de  la 
)lessure  qu'il  avait  reçue  à  l'affaire  du  22,  il  versa 
m  route,  ce  qui  fit  rouvrir  la  plaie,  mal  fermée 
mcore. 

Arrivés  à  Braunau,  les  Wurtembergeois  furent 
'.ampés  en  avant  de  la  place  et  occupés  immédia- 
ement  à  réparer  le  pont  sur  Tlnn. 

De  Braunau,  le  8®  corps  remonta  sur  Altheim 
e  2  mai,  sur  Riedau  le  3,  où  il  se  mit  en  com- 
nunication  avec  les  troupes  de  Masséna  et  de 
Lannes,  ayant  mission  de  relier  les  corps  ci-des- 
ms  et  d'éclairer  la  route  de  Wels  sur  Lintz. 

Davout,  soutenu  des  saxons  aux  ordres  de 
Bernadette  ,  avait  abandonné  la  poursuite  de 
.'archiduc,  pour  se  repher  sur  cette  ville  de  Lintz, 
)ii  était  un  des  ponts  du  Danube^  et  sur  laquelle 
Vandamme  avait  été  dirigé  par  le  sud,  ainsi  qu'on 
orient  de  le  voir. 

Lintz,  Mauthausen,  Mautera  où  aboutissent  les 
débouchés  de  la  Bohème  et  où  l'on  trouve  des 
ponts,  avaient  une  importance  majeure.  Il  était 
urgent  d'y  prévenir  l'ennemi  ;  c'est  ce  qui  fut  fait. 
Voulant  avoir  un  homme  sûr  et  vigoureux  pour 
la  défense  de  ces  points,  les  seuls  par  lesquels  la 
grande  armée  pût  être  tournée  pendant  son  opé- 
ration contre  la  capitale  de  l'Autriche,  Napoléon 


-  280  — 

chargea  de  leur  défense  le  général  Vandamme, 
qui  fut  pendant  quelques  jours  sous  les  ordres  de 
Davout. 

Le  4  mai,  à  dix  heures  du  matin,  Berlhier  écri- 
vit d'Ens,  au  commandant  du  8^  corps,  pour  lui 
prescrire,  de  la  part  de  l'Empereur,  de  se  rendre 
le  plus  promptement  possible  à  Lintz,  de  prendre 
tous  les  moyens  pour  rétablir  immédiatement  le 
pont,  de  faire  réunir  sur  la  rive  droite  du  fleuve 
tous  les  bateaux  et  organiser  des  magasins.  Le 
général  devait  avoir  le  commandement  de  la  ville, 
de  la  province  et  veiller  à  ce  qu'aucun  prisonnier 
ne  pût  s'échapper. 

Vandamme,  arrivé  le  5  au  malin,  s'occupa  sans 
délai  de  l'exécution  des  ordres  ci-dessus.  Il  écrivit 
au  président  des  Etats  du  Cercle  pour  lui  dire 
qu'il  le  rendait  personnellement  responsable  si 
les  mesures  les  plus  actives  n'étaient  prises  à 
l'instant  pour  le  rétabhssement  du  pont.  Il  le 
prévint  qu'on  devait  engager  les  habitants,  qui 
avaient  abandonné  leurs  propriétés,  à  y  rentrer, 
et  qu'on  eut  à  veiller  à  ce  que  les  blessés  fussent 
bien  traités. 

«  Ordonnez,  Monsieur  le  président,  lui  disait- 
il,  que  toutes  les  armes,  munitions,  équipages, 
chevaux,  effets  et  magasins,  et  tout  enfin  ce  que 
les  Autrichiens  ont  été  forcés  d'abandonner,  soit 
tenu  à  la  disposition  des  commandants  fran- 
çais, etc.  » 

Ayant  en  même  temps  donné  les  ordres  les 


plus  précis  et  les  plus  détaillés  à  son  chef  d'état- 
major,  il  écrivit  à  l'Empereur  le  même  jour, 
5  mai  1809  : 

«  J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Ma- 
jesté, que,  conformément  à  ses  ordres,  je  me  suis 
rendu  ici  cette  nuit  avec  8  bataillons,  2  régiments 
de  chasseurs  à  cheval  et  l'artillerie  wurtember- 
geoise.  J'arrivais  de  Wels  à  Ebersberg,  à  trois 
heures  après  midi,  lorsque  je  reçus  les  ordres 
de  Votre  Majesté.  Avant  la  nuit,  je  fis  sommer  le 
commandant  des  postes  autrichiens  de  me  re- 
mettre tous  les  bateaux  qui  étaient  sur  la  rive 
gauche,  menaçant,  au  cas  de  refus,  de  brûler  le 
faubourg.  L'on  me  répondit  que  l'on  ne  pouvait 
accéder  à  ma  sommation  et  que  l'on  opposerait 
la  force  à  la  force.  Ce  matin,  à  la  pointe  du 
jour,  je  fis  mettre  mon  artillerie  en  position  ;  je 
fis  voir  mes  troupes  et  je  sommai  le  commandant 
et  les  magistrats  de  céder  les  bateaux.  Nouveaux 
refus  accompagnés  d'impertinences.  Le  général 
major  de  Rechter  venait  d'y  arriver  avec  15,000 
hommes,  que  je  crois  des  Landwehr,  et  un  pe- 
loton de  cavalerie.  Ces  troupes  voulurent  détruire 
les  barques.  Je  fis  tirer  des  obus  sur  le  faubourg 
qui  fut,  en  peu  d'instants,  en  feu.  Je  fis  fusiller 
et  mitrailler  la  troupe,  en  même  temps  que  je 
fis  passer  quelques  centaines  de  chasseurs  sur 
deux  bateaux  que  j'avais  ici.  En  une  bonne  heure, 
nous  fûmes  maîtres  de  la  rive  gauche  et  une 
grande  partie  des  ennemis  furent  pris.  Dans  une 


heure  les  quatre  bataillons  d'infanterie  légère  et  un 
régiment  de  chasseurs  à  cheval  seront  sur  Tautre 
rive ,  courront  le  pays  et  couvriront  la  tète  du 
pont.  Les  blessés,  les  prisonniers,  les  magasins 
sont  soignés  conformément  aux  ordi*es  de  Votre 
Majesté.  On  travaille  à  force  pour  réparer  ce  qui 
a  été  brûlé  du  pont,  et  dans  le  jour  je  ferai  com- 
mencer la  tète  du  pont,  etc.  > 

L'action  avait  été  courte,  mais  assez  vive.  Qua- 
rante maisons  du  faubourg  de  Lintz  avaient  été 
réduites  en  cendres.  Le  général  autrichien  de 
Rechter,  qui  avait  essayé  de  se  défendre,  avait 
été  fait  prisonnier  lui-même,  ainsi  qu'un  colonel 
et  douze  officiers. 

Vandamme,  satisfait  de  la  vigueur  déployée  par 
la  brigade  légère  du  général  Hugel,  témoigna  sa 
vive  satisfaction  au  général  et  à  ses  troupes, 
dans  un  ordre  du  jour  élogieux,  où  plusieurs 
officiers  wurtembergeois  sont  cités  nominative- 
ment. Cet  ordre  se  terminait  ainsi  : 

«  Le  général  en  chef  espère  que  de  si  nobles 
efforts  se  soutiendront  dans  cette  campagne ,  et 
que  nos  premiers  succès  seront  couronnés  par 
des  succès  plus  éclatants  et  plus  brillants  encore; 
que  personne  ne  négligera  l'occasion  de  donner 
des  preuves  de  l'attachement  inviolable  que  nous 
portons  à  l'auguste  souverain,  sous  les  étendards 
duquel  nous  avons  l'honneur  de  servir,  » 

Le  lendemain,  6  mai,  Vandamme  éprouva  une 
vive  contrariété.  Ne  sachant  pas  encore  qu'il  ve- 


-«88  - 

uait  d*être  mis  sous  les  ordres  de  Davout  et  que 
ce  maréchal  devait  occuper  Lintz  pendant  quelques 
jours,  il  s'était  borné  à  donner  des  instructions 
pour  que  les  honneurs  militaires  lui  fussent  ren- 
dus à  son  passage.  Lui-même,  fort  souffrant  de 
sa  blessure,  n'avait  pu  se  porter  au-devant  du  duc 
d'Auerstaedt  et  avait  envoyé  son  premier  aide  de 
camp,  le  commandant  Vincent,  qui  fut  fort  mal 
accueilli,  et  vint  rendre  compte  à  son  général. 
Vandamme  écrivit  immédiatement  à  Davout  : 
«  Informé  hier  de  l'arrivée  de  Votre  Excellence 
en  cette  ville,  je  m'étais  empressé  de  donner  les 
ordres  nécessaires  pour  que  les  honneurs  dus  à 
son  rang  lui  fussent  rendus.  Je  m'étais  préparé 
moi- même  à  lui  présenter  mon  hommage.  Des 
mesures  ont  été  prises  pour  fournir  aux  divisions 
des  généraux  Morand  et  Friand  tout  ce  dont  il 
était  possible  de  disposer,  tant  dans  les  magasins 
qu'en  ville.  Les  généraux  et  les  officiers  ont  été 
logés  vers  la  brune,  beaucoup  de  soldats  s'étaient 
répandus  dans  différents  quartiers,  et  commettaient 
le  plus  grand  désordre.  J'ai  été  obligé  de  faire 
battre  la  générale.  On  s'était  porté  en  foule  aux 
magasins  où  on  se  livrait  à  toute  sorte  d'excès. 
Chargé  par  S.  M.  l'Empereur  du  commandement 
de  la  province  de  Lintz,  d'en  ménager  les  res- 
sources pour  l'armée.  Sa  Majesté  m'ayant  aussi 
prescrit  de  rétabUr  le  pont  sur  le  Danube  et  de 
fortifier  l'autre  rive,  à  minuit  j'étais  encore  occupé 
à  presser  les  travaux.  Votre  Excellence  n'était  pas 


—  284- 

encore  arrivée.  Je  suis  rentré  chez  moi  accablé  de 
fatigue  et  souffrant  beaucoup  de  ma  blessure.  La 
fièvre  m'a  pris  cette  nuit,  et,  retenu  en  ce  moment 
par  une  forte  transpiration,  je  n'ai  pu  me  rendre 
auprès  de  vous,  Monsieur  le  maréchal.  Je  vous  ai 
envoyé  mon   premier  aide  de  camp,  pour  vous 
rendre  compte  de  ce  qui  pouvait  vous  intéresser  et 
prendre  vos  ordres.  J'apprends  avec  surprise  et 
avec  infiniment  de  peine  la  manière  dont  cet  offi- 
cier a  été  accueilli.  Je  ne  savais  pas,  Monsieur  le 
maréchal,  que  vous  jugiez  les  généraux  comme 
moi  aussi  défavorablement,  et  que  gratuitement 
vous  me  supposiez  ici,  établi  sans  instructions 
positives,  volant  les  caisses  publiques  et  faisant 
des  affaires  honteuses.  Je  commande  ici  au  nom 
et  par  ordre  de  l'Empereur.  Si  j'avais  pu  quitter 
le  lit,  je  serais  allé  voir  Votre  Altesse,  afin  d'ap- 
prendre d'EUe  qui  a  pu  lui  donner  une  opinion  si 
désavantageuse  sur  mon  compte,  tandis  que  je 
me  croyais  beaucoup  mieux  connu  d'elle.  • 

Après  avoir  envoyé  cette  lettre  à  la  fois  pleine 
de  dignité,  de  fermeté  et  très-vraie,  Vandamme, 
le  cœur  ulcéré,  en  écrivit  une  autre  à  l'Empereur  : 

«  Sire,  il  est  de  mon  devoir,  quoiqu'il  me  soit 
pénible,  de  rendre  compte  à  Votre  Mcgesté  des 
désagréments  que  je  viens  de  recevoir  de  la  part 
de  M.  le  maréchal  duc  d'Auerstaedt.  J'ai  l'hon- 
neur d'adresser  à  Votre  Majesté  copie  de  la 
lettre  que  je  viens  d'écrire  à  Son  Excellence.  C'est 
au  moment  que  je  fais  tous  les  efforts  possibles 


-  Î88- 

pour  donner  des  preuves  de  mon  attachement  à 
Votre  Majesté,  que  j'éprouve  les  procédés  les  plus 
durs  de  la  part  de  personnes  qui  n'ont  jamais 
pris  la  peine  de  beaucoup  me  ménager.  Ce  n'est 
5ue  longtemps  après  l'arrivée  du  duc  ici,  que  j'ai 
su,  par  la  lettre  de  S.  A.  le  prince  deNeuchâtel, 
que  le  duc  prenait  le  commandement  de  Lintz  et 
que  je  me  trouvais  sous  ses  ordres.  Certes,  si 
j'eusse  su  à  l'avance  que  telles  étaient  les  inten- 
tions de  Votre  Majesté,  je  lui  eusse  fait  préparer 
son  logement  et  même  je  ne  lui  aurais  pas  laissé 
le  temps  de  me  mettre  hors  du  mien.  Dans  cette 
campagne,  comme  dans  toutes  celles  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  faire,  on  essaye  sans  doute  de  me 
faire  passer  pour  riche  et  bien  avide,  puisque 
Ton  a  osé  plus  d'une  fois  chercher  à  en  imposer 
à  Votre  Majesté  sur  ce  point.  Ayant  le  cœur  na- 
vré. Sire,  je  suis  forcé  de  profiter  de  cette  occasion 
pour  dire  à  Votre  Majesté  une  vérité  que  j'affirme 
sur  ma  tête.  Une  coupable  jalousie  a  pu  seule 
déterminer  quelques  vils  calomniateurs  à  me  faire 
une  mauvaise  réputation  près  de  Votre  Mfiyesté. 
Je   saurai  toujours  mériter  les  bontés  dont  elle 
m'honore,  et  je  prouverai  sur  le  champ  de  ba- 
taille^ dans  les  périls  les  plus  imminents,  que  per- 
sonne ne  lui  est  plus  entièrement  dévoué.  Quoi- 
qu'il en  soit,    Sire,  je  concourrai  de  tout  mon 
pouvoir  à  l'exécution  des  ordres  que  Votre  Mfiyesté 
a  donnés  au  duc  d'Auerstaedt,  et  le  service  n'en 
souffrira  en  rien.  Je  tiens  trop  à  la  gloire  des 


armes  de  Votre  Mqjesté  pour  en  agir  autrement.- 
En  effet,  le  6  seulement  dans  la  journée,  Van- 
damme  avait  appris  par  une  lettre  du  5  mai,  dix 
heures  du  matin,  de  Berthier,  qu'il  était  sous  les 
ordres  de  Davout.  Il  rendit  compte  immédiatement 
au  maréchal  de  la  position  des  troupes  et  de 
l'ordre  qu'il  venait  de  recevoir.  Cela  n'eut  pas 
d'autre  suite. 

Vandamme,  depuis  l'affaire  du  fourgon  et  de- 
puis les  soupçons  dont  il  avait  été  Tohjet,  était 
resté  d'une  grande  susceptibilité.  Il  craignait  sans 
cesse  qu'on  ne  prévînt  l'Empereur  contre  lui.  11 
en  était  arrivé  à  croire  plusieurs  de  ses  anciens 
camarades,  jadis  sous  ses  ordres  et  devenus  ses 
supérieurs,  disposés  à  le  noircir  auprès  de  Na- 

0 

poléon. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  meilleures  relations  s'éta- 
blirent promptement  entre  lui  et  le  duc  d'Auers- 
taedt,  puisque  ce  dernier  lui  adressa  plusieurs 
lettres  des  plus  flatteuses,  pendant  les  six  jours 
qu'il  resta  encore  à  Lintz,  et  qu'à  la  fin  de  la 
campagne,  le  29  juillet  1809,  il  lui  écrivit  : 

«  Je  n'ai  reçu  que  le  28,  mon  cher  général, 
votre  lettre  du  15  juillet. 

«  Vos  services  sont  d'une  telle  nature  qu'ils 
parlent  d'eux-mêmes.  Je  me  rappellerai  toigours 
avec  plaisir  que  nous  avons  renouvelé  connais- 
sance à  Lintz,  et,  dans  toutes  les  occasions,  je 
me  ferai  un  devoir  d'exprimer  à  notre  souverain 
mon  opinion  sur  le  compte  d'un  de  ses  généraux 


—  287  — 

les  plus  dévoués  et  les  plus  vigoureux  à  la  guerre. 

«  Je  vous  recommande  les  intérêts  du  général 
Leclerc,  mon  beau-frère  :  il  a  été  blessé  à  la  ba- 
taille du  6,  mais  il  sera  rétabli  dans  une  quinzaine. 

«  Recevez,  mon  cher  général,  Tassurance  de 
toute  mon  estime  et  de  ma  considération.  > 

Le  duc  d'Auerstaedt  ne  resta  que  peu  de  jours  à 
Lintz,  il  suivit  le  mouvement  général  sur  Vienne, 
Vandamme  se  tint  prêt  à  défendre  les  ponts,  tout 
en  éclairant  les  routes  de  Bohème.  Le  général 
Puthod  fut  envoyé  comme  commandant  de  la 
place  et  de  la  province,  mais  sous  ses  ordres. 
Bernadette  avec  les  Saxons  se  dirigea  également 
vers  Lintz,  s*échelonnant,  ainsi  que  les  autres 
corps  de  la  grande  armée,  le  long  du  Danube, 
tandis  que  l'Empereur  était  en  pleine  marche  sur 
la  capitale  de  l'Autriche. 

Une  fois  maître  de  Vienne,  Napoléon,  séparé 
de  Tarchiduc  Charles  par  le  fleuve,  chercha  à 
forcer  le  passage  et  à  déboucher  sur  la  rive  gau- 
che tout  en  défendant  la  rive  droite.  Son  habile 
adversaire,  de  son  côté,  voulut  se  poser  sur  la  rive 
droite  et  défendre  la  rive  gauche.  Tous  deux  avaient 
donc  un  but  semblable  et  manœuvraient  pour  l'at- 
teindre. 

Napoléon  prépara  son  mouvement  offensif  au* 
près  de  Vienne,  centre  de  ses  approvisionnement». 
L*archiduc  tenta  d'enlever  le  pont  de  Lintz.  Les 
deux  attaques  en  sens  inverse  eurent  lieu  le  même 
Jour,  le  17  mai. 


—  288  — 

Le  mouvement  offensif  de  l'Empereur  amena  le 
combat  et  la  bataille  d*Essling,  les  21  et  22  mai. 
Nous  n'avons  pas  à  la  décrire,  Vandamme  ne  s  y 
trouvant  pas,  mais  nous  avons  à  parler  de  Taf- 
faire  de  Lintz,  dont  il  eut  tous  les  honneurs. 

Le  10  mai,  en  quittant  cette  ville  pour  gagner 
Molke,  où  il  se  rendait  sur  Tordre  de  Napoléon, 
le  maréchal  Davout  avait  envoyé  une  instruction 
détaillée  à  Vandamme,  qui  restait  chargé  de  la 
défense  de  la  tête  du  pont.  Il  lui  disait,  entre  autres 
choses  : 

«  L'Empereur  veut  que,  dans  le  cas  où  l'ennemi 
attaquerait  avec  des  forces  supérieures  et  que  Ion 
ne  put  conserver  des  troupes  sur  la  rive  gauche, 
qu'on  brûle  le  pont  et  que  l'on  fasse  les  prépara- 
tifs nécessaires.  —  Je  vous  recommande,  mon 
cher  général,  de  tenir  la  main  à  ce  qu'il  n'y  ail 
aucune  embarcation  quelconque  sur  la  rive  gau- 
che et  de  pousser  la  précaution  jusqu'à  faire  en- 
lever toutes  les  perches,  rames,  gaffes  nécessaires 
pour  naviguer,  etc.  » 

Dans  une  autre  lettre  du  mômejour(10mai  1809), 
le  maréchal  disait  à  Vandamme  : 

«  L'Empereur  désire,  mon  cher  général,  que 
vous  vous  mettiez  en  communication  avec  le 
prince  de  Ponte-Gorvo.  Par  des  nouvelles  indi- 
rectes, mais  certaines,  le  prince  doit  être  à  Stau- 
bing,  et  probablement  en  marche  de  cet  endi^oil 
sur  Passau.  L'Empereur,  qui  a  son  quartier  gé- 
néral à  Saint-Polten,  me  mande,  en  date  du  9,  que 


-  289  — 

\ous  devez  surveiller  les  ponts  de  Linlz  et  de  Mau- 
thausen  et  envoyer  des  partis  à  Steyer  pour  y 
observer  les  routes  qui  y  aboutissent,  celles  entre 
autres  venant  de  Weyer,  deWainhofen,  deHaim- 
bach  et  de  Lambach.  Toutes  les  nouvelles  an- 
noncent le  départ  de  Tarchiduc  Charles  pour  se 
rapprocher  du  Danulje,  etc.  » 

Le  12,  le  duc  d'Auerstaedt  écrivit  de  Saint-Pol- 
len à  Vandamme  trois  lettres.  Dans  la  première,  da- 
tée du  matin,  il  le  prévenait  que  l'Empereur  occupa  i 
les  faubourgs  dé  Vienne  et  qu'il  lui  donnerait  des 
nouvelles  dès  qu'il  les  connaîtrait.  Dans  la  se- 
conde, de  huit  heures  du  soir,  il  lui  accusait  ré- 
ception de  son  rapport  du  11,  qu'il  avait  transmis 
ie  suite  à  l'Empereur  ;  ajoutait  qu'on  occupait 
toujours  les  faubourgs  de  Vienne,  et  qu'avant 
de  détruire  l'armée  du  prince  Charles,  on  détrui- 
rait probablement  celle  d'Italie,  qui  se  repliait  en 
désordre.  —  «  Cette  dernière  réflexion,  ajoutait  le 
maréchal  en  post-scriptum ,  est  de  mon  crû  ;  je 
n'ai  aucune  donnée  pour  la  faire.  »  Enfin  dans 
la  troisième  lettre,  de  minuit,  Davout  donnait  à 
Vandamme  la  nouvelle  officielle  de  la  prise  de 
Vienne,  disant  que  l'ennemi  avait  montré  des  trou- 
pes vis-à-vis  Molke  et  Krems.  Il  recommandait 
au  général  d'envoyer  le  plus  de  subsistances  qu'il 
pourrait  sur  Molke.  Il  terminait  ses  trois  lettres 

par  le  mot  :  Amitié. 

Étant  à  Saint-Polten,    Davout  crut  utile   de 
pousser  des  reconnaissances  sur  la  rive  gauche  du 
u  19 


—  290  — 

Danube,  dans  le  but  d'interroger  des  habitants  et 
d'avoir  des  nouvelles  de  l'ennemi.  Ces  reconnais- 
sances, dont  le  maréchal  rendit  compte  à  TEm- 
pcreur,  ainsi  que  du  désir  de  Vandamme  de  se 
porter  sur  Krems,  contrariaient  les  projets  de 
Napoléon,  ainsi  qu'on  peut  s'en  rendre  compte 
l)ar  les  lettres  qui  suivent  : 

HKHTIIIEH   A   DAVOUT. 

u  SohonbruuUy  Id  mai  (10  h.  ilu  m.*. 

«  L'Empereur,  Monsieur  le  duc,  me  charge  de 
vous  réexpédier  votre  aide  de  camp  pour  vous 
faire  connaître  qu'il  a  vu  avec  peine  les  mouve- 
ments que  vous  avez  faits  sur  la  rive  gaucho  du 
Danube  ;  que  ces  dispositions  réussissent  ou  no 
réussissent  pas,  c'est  toujours  une  mauvaise 
opération.  La  guerre,  Monsieur  le  duc,  a  des 
principes,  et  on  ne  compromet  pas  do  braves  sol- 
dats, lorsque,  par  les  règles  de  l'art,  leur  retraite 
n'est  pas  assurée.  La  coloiuio  de  S  à  400  hommes 
qui  longe  la  rive  gauche  du  Danube  peut  à  chaque 
instant  être  compromise  ;  ces  petits  mouvemenls 
n'ont  auc m  résultat  important  pour  l'armée  et  ils 
donnent  des  cliances  pour  enhardir  l'ennemi  par 
(le  légers  succès  aux(iucls  ils  donnent  de  la  con- 
fiance ;  Sa  Majesté  trouve  convenable  qu'on  ait  en- 
voyé de  Liutz  des  postes  de  l'autre  côté  du  Danube 
pour  avoir  des  nouvelles  do  la  retraite  de  IVn- 
nemi,  en  ne  s'éloignant  qu'à  la  distance  néces- 


—  291  — 

saire  pour  laisser  la  retraite  assurée.  Également, 
il  n'y  a  point  d'inconvénient  à  envoyer  de  la  rive 
Iroite  à  la  rive  gauche  du  Danube  quelques 
lommes  en  bateau  pour  avoir  des  nouvelles,  avec 
'ordre  de  rentrer  sur-le-champ  ;  mais  TEmpe- 
•eur,  Monsieur  le  duc,  trouve  que  les  directions 
jue  lo  général  Vaudamme  a  données  à  ses  recon- 
laissances  cl  celles  que  vous  avez  données  vous- 
néme  à  des  i)alrouilles  de  ^  à  400  hommes  sur 
a  rive  gauche,  sont  contre  toutes  les  règles  de  la 


juerrc   » 


Davout  a  Vandamme. 

((  Saint-Polten,  13  mai  1809  (minuit). 

•  Je  VOUS  ai  fait  connaître  de  Molke,  mon  cher 
;énéral,  en  vous  faisant  écrire  par  mon  chef 
'état-major,  les  inquiétudes  que  j'avais  sur  le 
lajor  Ameil  ;  c'est  cette  marche  qui  ma  déter- 
liné  à  faire  jeter  des  troupes  sur  la  rive  gauche 
u  Danube,  vis-à-vis  Molke.  J'espère  que  cela  aura 
égagé  son  détachement.  Je  ne  doute  pas  que, 
'il  a  éprouvé  de  la  résistance,  il  ne  se  soit  replié 
ur  Maulhausen.  Dans  ce  cas,  il  ne  faut  plus  per- 
isler  à  lui  faire  descendre  le  Danube  par  la  rive 
auche  ;  c'est  exposer  ce  détachement  à  être  coupé 
t  enlevé.  Il  faut  éviter  de  donner  à  l'ennemi  Toc- 
asion  de  remonter  son  moral  par  le  plus  petit 
accès. 

«  L'Empereur  me  mande  aujourd'hui   qu'un 


mouvemeni  cjue  vi^us  feriez  sur  Krems  serait  une 
Irès-frrande  faute  militaire  ;  qu'étant  à  Freystadt, 
c'est  la  route  de  Budweis  que  vous  devez  conlinuer 
à  éclairer  ;  que  vous  devez  continuer  à  garder 
Lintz  et  éclairer  toute  celle  partie  ;  qu'enfin,  si 
vous  pouviez  pousser  jusqu'à  Budweis,  cela  ne 
pourrait  qu'être  utile. 

•  Je  vous  répèle,  mon  cher  général,  qu'il  est 
aussi  très-important  d'éclairer  le  point  de  Mau- 
thausen. 

«  J'ai  beaucoup  questionné  aujourd'hui  des  ha- 
bitants de  la  rive  gauche  et  des  prisonniers,  el  il 
ne  m'est  nullement  démontré  que  Tarchiduc 
Charles  ail  quitté  Budweis. 

•  Sur  toute  la  ligne,  depuis  Lintz  jusqu'à  Krems, 
il  n\  a  encore  que  des  troupes  qui  ont  été  pour- 
suivies depuis  l'Inn,  el  on  n'a  encore  aucune  nou- 
velle du  corps  qui  a  été  réuni  à  Cham . 

•  On  a  fait  quelques  milliers  de  prisonniers  de 
toute  arme  à  Vienne. 

•  Je  vous  ai  mandé  le  sens  de  ce  que  Sa  Mî\jeslé 
m'a  écrit.  Je  joins  ici  copie  d'une  lettre  que  je  reçois 
du  major  général  :  nous  pouvons  nous  appliquer 
l'un  el  l'autre  ce  qu'elle  contient. 

.  J'ai  fait  retirer  de  Mauthausen  tous  les  bateaux. 
Ils  sont  sur  la  rive  droite.  Il  faut  les  faire  garder, 
et,  dans  le  cas  où  l'ennemi  se  présenterait  en 
force,  le  premier  ordre  que  vous  auriez  à  donner 
serait  celui  de  les  détruire. 

«  Je  vous  recommande  beaucoup  le  point  de 


—  293  « 

Mauthausen.  La  conversation  de  ce  général  autri- 
chien qui,  hier,  annonçait  que  dans  quelques  jours 
le  prince  Charles  se  porterait  sur  Mathausen, 
peut  n'être  pas  dénuée  de  fondement. 

Amitié.  • 

COMPANS,   CHEF   d'ÉTAT -MAJOR   DE  DAVOUT,    A 

VANDAMME. 

«  14  mai  1809. 

«  M.  le  maréchal  duc  d'Auerstaedt,  comman- 
dant en  chef,  me  charge  de  vous  annoncer  qu'il 
est  probable  que  le  prince  de  Ponte-Corvo  arri- 
vera à  Lintz  le  16  de  ce  mois,  et  qu'à  l'arrivée  de 
Son  Altesse,  vous  passerez  sous  ses  ordres. 

«  Son  Excellence  me  charge  aussi  de  vous  faire 
connaître  que  l'Empereur  a  improuvé  tous  les  mou- 
vements de  troupes  qui  ont  été  faits  sur  la  rive 
gauche  du  Danube  et  particulièrement  celui  du 
major  Ameil.  Son  Excellence  l'ayant  ordonné,  elle 
regarde  cette  improbation  comme  lui  étant  person- 
nelle ;  elle  va  faire  rentrer  cette  nuit  les  troupes 
qu'elle  avait  jetées  sur  la  rive  gauche  du  Danube, 
devant  Molke;  elle  vous  engage  à  vous  en  tenir  de 
votre  côté  à  ce  qui  concerne  la  défense  et  la  garde 
de  la  tête  du  pont  de  Lintz,  et  à  des  reconnais- 
sances qui  rentrent  dans  le  jour  toutes  les  fois  que 
vous  croirez  nécessaire  d'en  pousser. 

«  Son  Altesse  le  prince  vice-connétable  major 
général  a  fait  connaître  à  Son  Excellence  que  l'Em- 


-294- 

pereur  ne  manœuvre  que  sur  une  seule  rive  du 
Danube  el  qui!  faut  que  tout  rentre  danç  ce  prin- 
cipe :  elle  vous  engage  à  vous  y  conformer  en  ce 
qui  peut  vous  concerner, 

«  Les  expressions  de  cette  lettre  sont,  mon 
cher  général,  celles  de  Son  Altesse  le  prince  vice- 
connétable  major  général,  que  Son  Excellence 
vous  aurait  communiquées  elle-même,  si  elle  n  eût 
été  extrêmement  occupée  ;  elle  m'a  chargé  de  le 
faire  pour  elle.   • 

DAVOUT   A    VANDAMME. 

«  15  mai  1809. 

«  L'Empereur,  mon  cher  général,  en  me  con- 
lirmant  que  le  prince  de  Ponte-Gorvo  doit  aiTiviM' 
le  16  à  Linlz,  m'annonce  qu'il  a  joint  à  son  com- 
mandement la  division  Dupas  et  qu'il  lui  donne 
l'ordre  de  faire  de  fortes  reconnaissances  en  Bo- 
hême. 

«  Sa  Majesté  me  prescrit  en  même  temps  de 
réunir  tout  mon  corps  d'armée  à  Saint-Polten  et 
Molke  et  de  rappeler  tous  mes  détachements,  par- 
ticulièrement le  bataillon  du  17®  régiment  détaché 
sous  vos  ordres  à  Ens  et  Steyer  ;  veuillez  donc 
bien,  mon  cher  général,  réunir  ce  bataillon  le  plus 
promptement  possible  et  le  diriger  sur  Molke,  où 
il  rejoindra  son  corps. 

«  Je  vous  ai  déjà  annoncé  que  l'Empereur  avait 
improuvé   tous  les  mouvements  qui  avaient  été 


—  295  - 

lits  sur  la  rive  gauche  du  Danube  :  Sa  Majesté 
le  prescrit  de  nouveau  d'en  retirer  toutes  les 
•oupes  que  je  pourrais  y  avoir  ;  elle  n'en  veut 
ullo  part  qu'à  Lintz,  à  droite  et  à  gauche  des  rou- 
3s,  pour  former  un  système  ;  elle  me  dit  expres- 
ément  qu'il  ne  doit  point  y  avoir  de  troupes  à 
lauthausen,  mais  qu'il  convient  d'établir  un  fort 
élachementsurla  rive  droite,  vis-à-vis  ce  point.  » 

Vandamme,  d'après  les  nouvelles  qu'il  recevait 
e  toutes  parts,  était  sur  ses  gardes  et  veillait  à 
il  conservation  des  ponts  du  Danube.  La  mission 
ui  lui  était  confiée  était  en  ce  moment  d'une  im- 
portance majeure  pour  les  opérations  de  Tarraée. 
l  le  comprenait  mieux  que  personne,  aussi  fut-il 
^ès-heureux  d'apprendre  que  le  corps  du  prince 
e  Ponte-Corvo,  un  de  ses  anciens  et  meilleurs 
mis,  était  à  Passau  et  approchait  de  Lintz.  Il  lui 
crivit  qu'il  avait  su  par  le  maréchal  Davout  sa 
larche  dans  la  vallée  du  Danube. 

Bernadette  lui  répondit  le  13  de  Passau,  et 
3 14  d'Efferding  : 

•  J'ai  reçu,  mon  cher  général,  la  lettre  aimable 
ue  vous  avez  bien  voulu  m'adresser  ;  je  suis  on 
e  peut  plus  sensible  aux  assurances  de  votre 
acienne  amitié,  et  je  me  félicite  d'avance  de  pou- 
Dir  vous  renouveler  de  vive  voix  l'expression  de 
ion  vif  attachement.  Je  serai  après-demain  à 
intz. 

t  Les  Autrichiens  n'ont  plus  aucunes  forces 


—  296  — 

devant  Passau  ;  je  partage  entièrement  votre  opi- 
nion. Tout  a  dû  se  retirer  en  Moravie  pour  y  ten- 
ter le  sort  d'nnc  dernière  bataille.  » 

•  Je  vous  préviens,  mon  cher  général,  que  SaMa- 
jesté  l'Empereur  m'ayant  accordé  quelques  jours 
de  repos,  j'ai  arrêté  Tarmée  saxonne  à  Efferdinget 
environs.  Notre  entrée  en  Bohême  sera,  je  crois, 
n^tardée  jusqu'à  ce  f{u'on  ait  eu  des  nouvelles  des 
opérations   du   maréchal  duc  de  Dantzig. 

•  Les  avis  que  j'ai  nrannonccnt  que  l'ennemi, 
qui  avait  un  petit  camp  de  5  à  6,000  hommes  dans 
les  environs  de  Klaltau,  Ta  levé  et  s'est  dirigé  sur 
Budweis.  Comme  il  avait  dans  cette  partie  7  à 
oOO  hommes  de  cavalerie,  il  serait  possible  qu'il 
poussât  quelques  re(*oiuiaissances  sur  votre  front. 
Jo  me  hàtc  de  vous  en  informer  pour  que  vos 
détachements,  qui  courent  la  campagne,  puissent 
éviter  toute  surprise. 

•  Agréez,    mon  cher  général,    Tassurance  de 
mon  attachement  et  de  mon  inviolable  amitié. 

«  Je  vous  embrasse.  • 
L'Empereur,  suivant  son  système  d'échelonnoi 
ses  corps  le  long  du  Danube,  donna  Toi'dre  ai 
major  général,  le  IG  mai,  de  faire  descendre  lei 
Saxons  de  Bernadotte  sur  Lintz  et  de  prescrire  i 
Vandamme  de  profiter  de  la  présence  du  9^  corpi 
pour  prendre  avec  lui  six  à  sept  mille  de  se 
Wurtembergeois  ,  six  pièces  de  canon  et  des 
cendre  sur  Stevcr,  afin  de  lialaver  des  rassemble 
inenls  qui  se  formaient  de  ce  côté.   Vandamm 


devait  faire  ensuite  la  même  opération  sur  un 
aulre  point.  Il  se  disposait,  le  47,  à  exécuter  ce 
mouvement,  et  tontes  ses  instructions  étaient  en- 
voyées aux  divers  corps  wnrtembergeois  qui  de- 
vaient faire  partie  de  sa  colonne  mobile ,  lorsqu'il 
fut  informé  tout  à  coup  do  la  marche  de  plusieurs 
colonnes  autrichiennes  venant  de  divers  colés  et 
convergeant  sur  Lintz  pour  s'emparer  du  pont. 
C'était  le  mouvement  du  prince  Charles  qui  se 
dessinait.  Bientôt  30,0()0  hommes  commencèrent 
Vatlaque  sur  ces  positions.  Us  élaient  commandés 
en  chef  par  Kollowrath  et  formaient  trois  colonnes. 
En  outre,  il  y  avait  à  Mauthausen,'eiï  face  du  con- 
fluent de  TEns,  un  corps  d'observation. 

Le  combat  s'engagea  très -vigoureusement, 
mais  Vandamme  ,  avec  son  énergie  habituelle  , 
repoussa  toutes  les  tentatives  et  se  maintint  jusqu'à 
l'arrivée  de  Bernadotte,  qui  aecoiu'ait  avec  les 
Saxons,  et  qui  prit  la  direction  générale. 

L'ennemi  contenu  d'abord,  rejeté  ensuite,  laissa 
aux  mains  de  Vandamme  G  pièces  de  canons  en- 
levées par  la  brigade  de  cavalerie  wurtember- 
geoise,  1,500  prisonniers  dont  iiO  officiers  et 
2  colonels. 

Le  lendemain,  Bernadotte  envoya  à  l'Empereur, 
sur  cette  brillante  affaire,  le  rapport  ci-dessous  : 

«  J'ai  riionneur  de  rendre  compte  à  Votre  Majesté 
que  les  avant-postes  du  général  Vandamme  on 
été  attaqués  hier,   17,  vers  deux  heures  après- 
midi,  par  deux  colonnes  autrichiennes  qui  ont  dé- 


bouché  par  deux  routes  avec  l'intention  de  s'em- 
parer de  la  tête  du  pont. 

«  J'étais  arrivé  vers  sept  à  huit  heures  du  ma- 
tin avec  la  brigade  de  cavalerie  saxonne,  et  la 
première  brigade  d'infanterie  arriva  peu  de  temps 
avant  l'attaque.  Je  fis  relever  les  troupes  wurtem- 
bergeoises  dans  les  ouvrages,  et,  de  cette  manière, 
le  général  Vandamme  pouvant  disposer  d'une  par- 
tie de  son  corps,  repoussa  vigoureusement  les 
deux  colonnes  ennemies,  les  chassa  de  la  position 
qu'elles  avaient  prise,  leur  enleva  six  pièces  de 
canon  et  quatre  cents  hommes,  dont  trois  officiers 
supérieurs. 

«  J'avais  ordonné  au  général  Gottschmidt  de 
se  porter  en  avant  avec  quatre  escadrons  de  hus- 
sards et  de  dragons  saxons  pour  soutenir  l'infan- 
terie wurtembergeoise  et  être  à  la  disposition  du 
général  Vandamme.  C'est  dans  une  charge  aussi 
heureuse  que  hardie,  exécutée  par  ordre  du  géné- 
ral Vandamme,  que  les  canons  ennemis  sont  tom- 
bés en  notre  pouvoir. 

«  Les  rapports  des  prisonniers  m'annonçaient 
trois  colonnes  d'attaque,  commandées  par  les  gé- 
néraux Grainville,  Bucalowilz  et  Sommariva,  et 
soutenues  par  une  réserve  aux  ordres  du  général 
Kollowralh,  commandant  en  chef.  Cependant  rien 
ne  paraissait  encore  sur  ma  gauche,  et  l'ennemi, 
battu  par  le  général  Vandamme,  fuyait  en  pleine 
déroute  sur  ma  droite.  Je  n'en  crus  pas  moins  né- 
cessaire de  mettre  en  sûreté  tous  les  points  de  la 


ligne,  et  je    plaçai   les  régiments   d  infanterie 
saxonne  au  fur  et  à  mesure  de  leur  arrivée.  Vers  sept 
heures  du  soir,  la  troisième  colonne  ennemie  parut 
sur  les  hauteurs  du  Boslingberg  :  son  infanterie 
couronna  dans  un  instant  les  crêtes  dos  montagnes 
Voisines,  et  ses  tirailleurs  s'avancèrent  jusqu'à 
Scheindenhoff  :  je  les  fis  attaquer  ensuite  par  un 
bataillon  saxon  ;  ce  bataillon,  opposé  à  une  force 
supérieure  et  foudroyé  par  Tartilleric  ennemie, 
éprouva  d'abord  quelque  fluctuation.  Je  m'y  por- 
tai sur-le-champ  avec  mes  officiers  et  ceux  de 
Vétat-major  saxon,  en  même  temps  que  je  faisais 
avancer  trois  autres  bataillons  et  quatre  pièces 
d'artillerie  pour   soutenir  l'attaque.  L'infanterie 
saxonne  aborda  l'ennemi    avec   impétuosité,   le 
chassa  de  toutes  ses  positions  ;  et  un  bataillon, 
parvenu  rapidement  sur  le   sommet  escarpé  du 
Boslingberg,  y  prit  300  hommes  et  plusieurs  cais- 
sons,   conjointement    avec   un   détachement  de 
troupes  wurtembergeoises. 

«  Ainsi  s'est  terminée,  à  neuf  heures  du  soir, 
cettejournée  où  l'ennemi  a  vu  échouer  l'espérance 
qu'il  avait  conçue  de  passer  le  pont  de  Lintz  pres- 
que sans  coup  férir. 

'  •  La  conduite  du  général  Vandamme  est  au- 
dessus  de  tous  les  éloges  que  je  pourrais  en  faire, 
surtout  à  Votre  Majesté,  qui  connaît  elle-même 
rintrépidité  et  toutes  les  quahtés  éminentes  qui 
caractérisent  cet  excellent  général. 

«  J'évalue  les  forces  que  l'ennemi  avait  sur  ce 


wvrv 


point  au  moins  à  25,000  hommçs.  Sa  perle,  en 
tués,  blessés  et  prisonniers,  se  monte  à  plus  de 
2,000  hommes  ;  la  nôtre  ne  va  pas  au  delà  de  4  à 
500  hommes  tués  ou  blessés. 

«  L'ennemi  s'est  retiré  sur  Freystadt  et  Hel- 
mansed  et  une  partie  sur  Harlach.  La  cavalerie 
qui  Ta  suivi  ramène  à  chaque  instant  quelques 
nouveaux  prisonniers. 

«  Les  rapports  d'un  colonel  et  d'un  major  faits 
prisonniers  disent  que  l'archiduc  Charles  devait, 
dans  le  cas  où  l'attaque  sur  Lintz  n'aurait  pas 
une  pleine  réussite,  se  porter  entre  Znaym  et  Ni- 
cholsbourg,  et  de  là  marcher  contre  Votre  Ma- 
jesté pour  donner  ou  accepter  une  bataille.  Si, 
au  contraire,  cette  attaque  avait  réussi,  l'archiduc 
aurait  fait  déboucher  toute  son  armée  par  Lintz. 
D'autres  rapports  disent  que  l'empereur  d'Au- 
triche est  à  Prague  où  il  cherche  à  réunir  ses  der- 
nières ressources  et  qu'il  fait  approvisionner  Ko- 
nigsgratz,  Josephstadt  et  Thérésienstadt.  » 

Après  l'affaire  du  17,  Vandamme  s'empressa 
d'écrire  au  roi  de  Wurtemberg  pour  lui  faire  con- 
naître la  brillante  conduite  de  ses  troupes,  re- 
commandant principalement  à  toute  sa  bienveil- 
lance la  famille  d'un  capitaine,  nommé  Bauer^ 
mort  glorieusement  de  ses  blessures.  II  fît  ensuite 
un  ordre,  dans  le  style  pompeux  qui  prévala|| 
alors,  pour  témoigner  sa  satisfaction  à  son  corps 
d'armée. 

On  se  souvient  que,  le  jour  de  l'attaque  des  Au- 


—  301  — 

îchiens  sur  Lintz,  Vandamme  avait  reçu  du 
lajor  général  et  de  l'Empereur  Tordre  de  se  porter 
vec  une  partie  de  ses  forces  sur  Steycr,  et  que 
I  présence  des  colonnes  ennemies  l'avait  con- 
raint  à  différer  l'exécution  de  cette  disposition. 

Dès  le  19,  Bernadette  l'engagea  à  la  reprendre. 
l  lui  écrivit  : 

«  Mon  cher  général,  vous  trouverez  ci-joint  la 
opie  d'un  rapport  que  vient  de  me  transmettre 
I.  le  maréchal  duc  d'Auerstaedt.  Lorsque  l'ennemi 
montré  le  projet  d'attaquer  le  point  de  Lintz, 
ai  cru  nécessaire  que  vous  restassiez  ici,  afin 
ue  toutes  nos  forces  fussent  réunies  pour  le 
ombattre  ;  mais  aujourd'hui  que  ses  projets  cou- 
re Lintz  ont  échoué,  et  qu'il  est  probable  qu'il  ne 
enouvellera  plus  sa  tentative  infructueuse,  je 
icnse  qu'il  serait  à  propos  de  vous  rendre  à 
îleyer,  avec  4  ou  5,000  hommes  de  votre  division, 
)Our  de  là  attaquer  et  balayer  ce  qui  pourrait  en- 
core se  trouver  d'ennemis  vers  la  frontière  de 
Stvrie. 

«  Cette  expédition  me  paraît  d'autant  plus  né- 
cessaire, qu'étant  vraisemblablement  destinés  à 
mtrer  sous  peu  en  Bohème,  nous  devons,  avant 
iout,  être  certains  qu'il  n'y  a  plus  d'ennemis  der- 
rière nous  sur  la  rive  droite  du  Danube. 

«  Au  reste,  en  vous  rendant  de  votre  personne 
î  Steyer,  vous  pourrez  y  voir  de  suite  le  nombre 
le  troupes  qu'il  sera  nécessaire  d'appeler  à  vous, 
3l  vous  m'en  préviendriez  en  m'envoyant  l'état  et 


—  30â  — 

remplacement  do  celles  que  vous  laisseriez  sur  le 
Danube. 

«  Peut-être  mémo  jugerez-vous  qu'un  si  grand 
renfort  n'est  pas  nécessaire,  mais,  dans  tous  les 
cas,  votre  présence  y  sera  fort  utile.  Vous  rani- 
merez le  zèle  du  général  qui  s'y  trouve  déjà  éta- 
bli, et  vous  puiserez,  j'en  suis  certain,  dans  votre 
activité  et  votre  énergie,  les  moyens  de  déconcerter 
promptement  toutes  les  espérances  ([ue  reniicmi 
pourrait  encore  conserver  du  coté  de  la  Styrie. 

-  J'espère,  mon  clier  général,  que  vous  nous 
rejoindrez  bientôt  et  que  nous  pourrons  poursuivre 
ensemble  les  opérations  de  la  campagne.  » 

Vandamme  se  mit  en  mouvement  le  20  mai.  Il 
reçut,  le  matin  même,  un  nouvel  ordre  de  Ber- 
thier,  daté  du  19,  à  sept  heures  du  soir,  lui  pres- 
crivant :  d'établir  son  quartier  général  à  Ens, 
de  laisser  2,0(X)  hommes  pour  tenir  la  tête 
du  pont  de  Lintz,  de  faire  occuper  Steyer  pour 
contenir  le  rassemblement  qui  défendait  quelques 
ouvrages  de  campagne,  construits  à  Altenmark,  en 
face  de  ce  point. 

«  De  votre  position  d'Ems,  disait  la  dépêche, 
vous  observerez  les  débouchés  de  Mulhansen, 
vous  ferez  occuper  Walsée  et  Ips,  et  vous  renver- 
rez à  Vienne  les  troupes  qui  peuvent  se  trouver 
dans  ces  deux  dernières  villes.  Vous  devez  vous 
tenir  prêt  à  vous  porter,  avec  la  masse  de  vos 
forces,  sur  Lintz  ou  sur  Steyer,  suivant  les  événe- 
ments. Le  prince  de  Ponte-Corvo  reçoit  Tordre 


-  303  — 

entrer  en  Bohême,  ainsi  tout  son  corps  doit 
ster  disponible.  Gomme  je  vous  Tai  dit,  vous 
rez  garder  la  tête  du  pont  par  2,000  hommes, 
'intention  de  l'Empereur  est  que  vous  fassiez 
irtir  après-demain,  21,  un  bataillon  d'infanterie 
urtembergeoise  de  600  hommes,  que  vous  diri- 
îrez  sur  le  quartier  impérial,  et  qui  servira  avec 
î  régiment  de  cavalerie  qui  y  est  déjà.  » 

L'Empereur  se  portait  sur  la  rive  gauche  du 
îuve,  il  allait  livrer  la  bataille  défensive  d'Ess- 
ig  et  songeait  à  réunir  le  plus  de  forces  possible 
3ur  la  grande  lutte  qui  aurait  eu  lieu  à  cette 
)oque  sans  la  rupture  des  ponts.  L'armée 
Italie  approchait  de  Léoben,  rejetant  les  corps 
itrichiens  qui  lui  étaient  opposés,  et  marchant 
3ur  se  réunir  à  TEmpcreur. 

Bernadotte  fut  très-peiné  de  se  séparer  de  Van- 
imme,  il  écrivit  à  Napoléon  le  21  mai  : 

«  Le  général  Vandammc  étant  parti  pour  Steyer 
,  Altenmark,  je  lui  transmets  les  ordres  du 
lajor  général,  afin  qu'il  exécute  sans  délai  ceux 
3  Votre  Majesté  ;  je  ne  saurais  dissimuler  à  Votre 
[ajesté  que  je  vais  me  séparer  avec  regret  du  gé- 
éral  Vandamme  ;  les  talents  et  l'énergie  de  cet 
fficier  général  m'eussent  bien  secondé,  s'il  eut 
té  dans  les  vues  de  Votre  Majesté  qu'il  entrât  en 
gnc  avec  moi  pour  manœuvrer  de  concert.  C'était 
'ailleurs  le  seul  officier  général  capable  de  me 
împlacer  dans  le  cas  où  je  serais  tué  ou  blessé.  » 

Ce  témoignage  de  Bernadette  est  un  des  plus 


flatteurs  qu'un  général  ait  jamais  pu  mériter 

Tandis  que  Vandamme  exécutait  les  ordres  qu  i 
avait  reçus  et  chargeait  la  brigade  légère  du  gé 
néralHugel  de  réduire  les  partisans  réunis  à  Alten 
marck,  les  corps  de  la  grande  armée  passaient  su 
la  rive  gauche  du  Danube  le  21.  Une  partie  deceu: 
de  Masséna  el  de  Lannes  (25,000  hommes  envi- 
ron), avaient  à  peine  franchi  le  fleuve,  qu'un  acci 
dent  emporta  les  ponts.  Pendant  deux  jours  cei 
braves  troupes  luttèrent  sans  désavantage  contn 
60,000  hommes,  conduits  par  rarchiduc  en  per- 
sonne, et  firent  la  plus  belle  retraite,  le  22  à  mi- 
nuit, pour  occuper  Tile  Lobau,  où  Napoléor 
résolut  de  se  fortifier,  afin  d'attendre  l'entrée  er 
ligne  de  l'armée  d'Italie. 

Le  brave  maréchal  Lannes  et  le  général  de 
Saint-Hilaire  avaient  été  tués  à  Essling. 

Le  récit  de  ces  deux  journées  fut  fait  à  Van- 
dammepar  Davout,  qui  lui  donna  à  cet  égard  des 
détails  circonstanciés,  dans  une  lettre  datée 
d'Ébersdorf,  24  mai. 

Quant  à  Bernadette,  après  la  bataille  d'Essling, 
comme  sa  marche  sur  la  Bohème  par  la  rive 
gauche  du  Danube  eût  été  dangereuse  en  Tisolanl 
complètement,  puisque  la  concentration  de  la 
grande  armée  sur  cette  rive  était  remise,  il  reçut 
de  l'Empereur  l'ordre  de  rester  à  Lintz. 

Les  affaires  du  21  et  du  22  modifiaient  complè- 
tement le  plan  offensif  de  Napoléon.  Aussi,  en  ar- 
rêtant Bernadotte  sur  Lintz,  l'Empereur  fit  près- 


-lire  au  contraire  à  Vandamme,  devenu  inutile 
îur  ce  point,  de  réunir  tout  le  8®  corps  et  de  se 
>orler  à  Saint-PoUen,  pour  y  relever  les  troupes 
lu  3*  corps  (Davout),  qui,  elles,  devaient  gagner 
tienne.  Le  général  eut,  en  outre,  la  mission  de 
aire  occuper  les  positions  de  Molke  et  de  Mautem 
;ur  le  Danube,  pour  contenir  le  corps  ennemi, 
>lacé  à  Krems ,  de  tenir  un  poste  à  Mariazelle  et  à 
!Jlienfeld  et  de  rappeler  à  lui  tous  les  postes  qu'il 
)ouvait  avoir  encore  à  Lintz,  Steyer  et  Eus, 
)lâces  qui  devaient  être  occupées  par  le  corps 
»axon  de  Bernadette. 

Le  28,  il  lui  fut  enjoint  de  retirer  ses  troupes 
ie  Lilienfeld  et  de  Mariazelle,  l'armée  d'Italie  ayant 
Dattu  les  Autrichiens  à  Saint-Michel,  et  nulle 
îrainte  ne  pouvant  plus  exister  de  ce  côté. 

Les  Wurtembergeois,  principalement  la  brigade 
légère  du  général  Hugel,  souvent  détachés  en 
ivant,  se  livraient  assez  habituellement  à  des 
lésordres  graves  :  non-seulement  ils  molestaient 
es  habitants,  mais  les  officiers  levaient  des  contri- 
butions. On  alla  jusqu'à  mettre  en  jeu  le  nom  du 
général  en  chef.  Voici  à  ce  sujet  une  lettre  écrite 
par  Vandamme  à  l'intendant  de  la  province  de 
Lintz,  le  29  mai,  de  Saint-Polten  : 

•  Vous  m'avez  parlé  d'une  contribution  que  l'on 
avait  levée  en  mon  nom  à  Frevstadt,  de  vexations 
exercées  envers  plusieurs  habitants.  Je  vous  ai 
répondu  verbalement  combien  je  croyais  peu  fon- 
dées les  plaintes  qu'on  vous  avait  adressées.  La 

II  SO 


—  ÎW6  — 

preuve,  c'est  que  Ton  dit  que  j'avais  fait  parallre 
les  magistrats  devant  moi  à  Freystadt,  et  je  n'ai 
jamais  été  à  quatre  lieues  de  ce  bourg.  M.  le  gé- 
néral Puthod  m'a  adressé  ces  plaintes  écrites, 
comme  je  l'en  avais  prié.  J'ai  fait  prendre  des 
renseignements  par  le  lieutenant  général  Wooll- 
warth.  Je  joins  ici  la  réponse,  et  tout  me  prouve 
la  mauvaise  foi  de  ces  gens.  » 

Il  y  avait  beaucoup  de  vrai  dans  les  plaintes 
portées  contre  les  troupes  du  général Hugel.Van- 
damme  ne  l'ignorait  pas,  mais  il  cherchait  à  pal- 
lier les  fautes  de  ses  subordonnés,  tout  en  don- 
nant les  ordres  les  plus  sévères  pour  la  répression 
de  ces  désordres.  Il  aimait  beaucoup  le  général 
Hugel  à  cause  de  sa  bravoure  ;  cependant,  dans 
une  circonstance,  mécontent  de  sa  négligence,  il 
lui  infligea  des  arrêts.  Cela  donna  lieu,  à  la  fin  de 
la  campagne,  à  une  lettre  du  général  WooUwarlh, 
commandant  la  cavalerie  et  commandant  en  second 
le  corps  d*arméc.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur 
cette  affaire,  et  nous  montrerons  les  troupes  du 
8®  corps  sous  leur  aspect  véritable.  Reprenons  le 
récit  des  événements. 

Dans  les  derniers  jours  de  mai,  Vandamme  el 
les  Wurtembergeois  s'étaient  ra;î;)rcchés  de 
Vienne  et  couvraient  les  passages  d.i  fleuve,  de- 
puis Mautem  jusqu'à  la  capitale  de  l'Autriche.  Le 
âl,  l'ennemi  tenta  de  franchir  le  fleuve,  entre 
Krems  et  Ollenburg.  1,200  Autrichiens  par- 
vinrent  à  surprendre  les  avant-poste  de  la  bri- 


—  307  — 

•  •  .     •  ■  * 

gade  Hugel  et  à  se  porter  sur  la  rivo  droite  du 
Danube. 

Aux  premiers  coups  do  feu,  le  général  en  chef, 
avec  son  activité  ordinaire,  était  sur  pied.  Il  réuniâ- 
sait  à  Gottweg,  près  de  Krems,  Tinfanterie  légère, 
faisait  monter  à  cheval  la  cavalerie,  la  portait  en 
avant  d'Herzogenburg  et  marchait  lui-même  à  Ten- 
nemi,  avec  les  trois  régiments  de  ligne  et  douze 
pièces,  tirées  de  Saint-Polten.   A  rapproche  de 
Vandamme  et  des  réserves,  les  Autrichiens  pas- 
sèrent immédiatement  sur  la  rive  gauche.  Le  gé- 
néral   fil    sommer    le  commandant    autrichien, 
placé  en  face  de  lui,  de  couler  immédiatement  ses 
barques,  s'il  ne  voulait  pas  voir  Krems  et  Steyer 
réduits  en  cendres  par  ses  obus. 

Cette  affaire  fut  prise  très  au  sérieux  à  Tétat- 
roajor  de  l'Empereur.  Berthier  écrivit  le  même 
jour,  81  mai,  à  six  heures  du  soir,  d*Ebersdorf,  à 
Vandamme  : 

«  Il  est  six  heures  du  soir,  général,  et  nous 
recevons  votre  lettre  de  ce  matin,  sept  heures, 
par  laquelle  vous  annoncez  que  l'ennemi  tente  un 
passage  entre  Krems  et  Ollenburg  et  que  vous 
inarchez  à  lui  ;  l'Empereur  attend  avec  impatience 
les  détails  de  ce  qui  se  sera  passé  cette  après-midi. 
Le  général  Pajol,  avec  un  régiment  de  cavalerie, 
se  porte  de  Gloster-Neuburg  pour  vous  rejoindre, 
Songeant  la  rive  droite  du  Danube.  Vous  aurez 
sans  doute  prévenu  le  prince  de  Ponte-Gorvo  et 
le  duc  de  Dantzig;  le  premier  est  à  lintz  et  le 


—  808- 

deuxième  doit  être  à  Steyer  ou  à  Lambach.  L*en- 
nemi  ne  peut  pas  effectuer  un  passage  considé- 
rable sans  avoir  un  pont,  et  vous  devez  facilement 
rompre  son  pont  en  détachant  tous  les  moulins  et 
les  gros  bateaux  et  les  lançant  au  cours  du  fleuve; 
ce  moyen ,  qui  a  réussi  contre  nous  sur  notre 
pont  d'Ebersdorf,  doit  avoir  le  même  résultat 
contre  le  pont  que  Tennemi  aurait  jeté.  Le  corps 
du  duc  d*Auerstaedt  se  rassemble,,  et,  selon  les 
nouvelles  que  nous  ne  tarderons  pas  à  avoir  de 
vous,  il  se  mettra  en  mouvement  cette  nuit.  Si 
vous  n'étiez  pas  parvenu  à  jeter  aiyourd'hui  l'en- 
nemi à  la  rivière  et  que  ses  démonstrations  soient 
sérieuses,  tout  ce  qui  est  en  ligne,  de  Molke,  se 
reploierail  derrière  TEns  et  couvrirait  le  prince 
de  Ponte-Gorvo  et  le  duc  de  Dantzig  ;  tout  ce  qui 
serait  à  Saint-Polten  se  reploierait  sur  Vienne. 
L'armée  d'Italie,  comme  vous  le  savez,  est  arri- 
vée à  Neustadt.  • 

De  son  côté,  Bernadotle  s'était  mis  en  marche 
d'Amstetten,  oii  il  venait  d'arriver,  pour  porter 
secours  à  Vandamme,  dès  qu'il  avait  appris  Tat- 
taque  des  Autrichiens;  mais  il  s'était  arrêté  bientôt, 
parce  qu'on  était  venu  l'assurer  que  l'ennemi  avait 
été  rejeté  sur  la  rive  gauche. 

Cette  échauffourée,  qui  aurait  pu  avoir  de  graves 
conséquences,  si  elle  n'avait  été  déjouée  par  l'acti- 
vité de  Vandamme,  donna  l'idée  à  l'Empereur 
d'avoir  près  de  Krems  un  poste  fortifié,  capable 
de  résistance,  et  qui  pourrait  servir  aussi  d'hôpi- 


—  309-— 

tal.  Il  jeta  les  yeux  sûr  la  vaste  abbaye  de  Molke, 
parfaitement  située  pour  cet  objet,  et  écrivit  à 
Vandamme,  le  5  juin  1809  : 

*  Mon  intention  est  de  mettre  Tabbaye  de  Molke 
à  l'abri  d*un  coup  de  main,  de  manière  que  5  à 
600  hommes  et  5  ou  6  pièces  de  canon  puissent 
défendre  longtemps  ce  poste  important.  Je  désire 
que  vous  fassiez  cette  reconnaissance  et  que  Vous 
me  mandiez  vos  idées  là-dessus.  Faites-en  faire 
un  plan  par  un  officier  du  génie,  si  vous  en  avez 
un  dans  votre  corps.  Vous  devez  continuer  à  être 
chargé  de  toute  la  défense  du  Danube,  depuis 
Molke  jusqu'auprès  de  Vienne,  et  vous  devez 
porter  votre  quartier  général  à  Saint-Polten  ou  à 
Sigartzkirchen,  selon  les  circonstances  et  les 
mouvements  de  l'ennemi.  * 

Vandamme  s'occupa  immédiatement  de  la  mis- 
sion qui  lui  était  confiée,  il  reconnut  lui-même 
Tabbaye,  envoya  un  croquis  et  fit  travailler  aux 
ouvrages  qui  en  assuraient  la  défense. 

L'Empereur  lui  répondit  le  10  juin  : 

•  Monsieur  le  général  Vandamme,  j'ai  reçu  le 
croquis  que  vous  m'avez  envoyé  sur  l'abbaye  de 
Molke,  mais  comme  il  n'y  avait  pas  d'échelle/ je 
désire  que  vous  m'en  fassiez  faire  un  plus  étendu 
et  qui  ail  une  échelle,  afin  que  je  puisse  voir  les 
distances.  La  partie  qui  regarde  le  Danube  parait 
n'avoir  besoin  que  d'être  escarpée  et  que  de  quel- 
ques créneaux  dans  les  flancs.  La  partie  qui  re- 
garde le  village  n'a,  je  crois,  besoin  de  rien.  Je 


•«MO  — 

ne  Mift  R*il  y  &  moyen  de  la  flanquer  de  manière 
quon  en  voie  le  pied.  Le  vrai  point  d*attaqiie 
parait  être  le  long  du  mnr  da  jardin,  da  côté  ie 
l'entrée;  c'est  donc  là  où  il  faut  établir  un  on\Tagc 
solide.  Je  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  pins  de  150  toises 
d'étendue.  Il  faudrait  donc  tracer  là  un  beau  front 
qu'on  revêtirait  en  bois,  en  considérant  le  mur 
actuel  comme  un  second  obstacle  ;  on  porterait  le 
tracé  à  quelques  toises  en  avant.  Alors,  il  me 
semble  que  Tabbaye  de  Molke  serait  un  poste  im- 
portant. Quant  aux  pièces  de  canon,  il  en  faut  au 
moins  8  pour  défendre  le  front  d'attaque,  â  ou  â 
pour  le  côté  du  Danube  et  4  ou  5  petites  pièces 
pour  les  autres  points  de  l'enceinte.  Comme  il  y 
a  ici,  à  Vienne,  beaucoup  d'artillerie  de  fer,  on 
enverra  toute  celle  qui  sera  nécessaire.  Ayez  soin 
que  l'hôpital,  les  magasins  d'artillerie  et  de  vivTcs 
'  soient  placés  dans  l'abbaye.  Faites  fbire  une  re- 
.  connaissance  de  l'abbaye  de  Cottweig,  car  8'it 
était  aussi  facile  de  la  fortifier  que  Molke,  ce  pour- 
rait être  très-avantageux.  Le  msgor  général  vous 
i  enverra  les  ordres  que  je  viens  de  donner  pour  que 
.'  cette  abbaye  soit  mise  à  l'abri  d'un  coup  de  main 
î  çt  pour  que  les  murs  de  Mautern  soient  démolis. 
•  Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte 
garde. 

«  Dans  l'abbaye  de  Cottweig,  il  y  a  le  plan,  en- 
voyez-le-moi. • 
Vers  la  même  époque,  onze  chasseurs  de  Wur- 
:  temberg  furent  assassinés  dans  un  village  près 


—  3i4  - 

de  Molke;  le  migor  général  prescrivit  à  Van- 
damme  d'enlever  des  otages,  de  rechercher  leç 
coupables  et  de  les  faire  fusiller.  Un  aubergiste 
et  un  autre  individu,  convaincus  du  crime,  furent 
en  effet  exécutés,  et  une  forte  contribution  frappée 
et  versée  dans  les  caisses  de  Tarmée. 

Bernadette  s'était  porté  avec  le  9®  corps  à  Saint- 
Polten  où  l'Empereur  avait  voulu  que  les  Saxons 
prissent  quelques  jours  de  repos  pour  se  préparer 
à  la  grande  bataille  prochaine.  Le  prince  de  Ponte- 
Gorvo  avait  été  appelé  à  Vienne,  près  de  Napo- 
léon.  Il  écrivit  de  là,  le  9,  à  Vandamme  : 

•  Je  présume,  mon  cher  général,  pouvoir  partir 
demain.  Du  reste,  il  n'y  a  rien  de  nouveau.  L'on 
continue  toujours  à  fortifier  File  Lobau  et  l'on  fait 
un  pont  sur  pilotis,  mais  qui  ne  pourra  servir  qu'à 
passer  l'infanterie.  J'ai  eu  occasion  de  parler  de 
vous,  comme  nous  en  étions  convenus,  et  je  vous 
annonce  avec  un  bien  grand  plaisir  qu'on  était 
très-bien  disposé.  —  Je  vous  embrasse.  * 

Une  autre  abbaye,  celle  de  Gottweg,  située  près 
de  Mautern  fut  aussi  fortifiée,  et  les  murs  de  la 
ville  démolis  par  ordre  de  l'Empereur. 

Cependant,  il  ne  se  passait  guère  de  jour  que 
des  plaintes  n'arrivassent  de  tout  côté  sur  les 
exactions  que  les  troupes  alliées  faisaient  subir  au 
pays  occupé  par  elles.  Les  Wurtembergeois  re- 
jetaient tout  sur  les  Saxons,  les  Saxons  attri- 
buaient le  mal  aux  Wurtembergeois.  Vandamme 
palliait  de  son  mieux  les  fautefs  de  ses  troupes,  et 


-  842  — 

faisait  son  possible  pour  empêcher  les  dilapida- 
tions, tout  en  ne  laissant  rien  parvenir  aux  oreilles 
de  TEmpereur.  Il  saisissait  toutes  les  occasions 
de  vanter  la  bravoure  des  soldats  du  roi  Frédéric; 
mais  en  agissant  ainsi,  il  se  faisait  à  lui-même  un 
tort  réel  vis-à-vis  de  Napoléon  et  du  major  géné- 
ral qui  n'ignoraient  pas  la  vérité.  On  verra  bientôt 
qu'à  bout  de  patience,  il  éclata  à  son  tour  et  fil 
connaître  ce  qui  en  était. 

Jusqu'au  24  juin,  rien  de  nouveau  n*eut  lieu  sur 
la  ligne  du  Danube.  Il  existait,  non  loin  de  l'abbaye 
de  Molke  et  en  fac3  d'elle,  un  petit  camp  autri- 
chien de  trois  à  quatre  cents  hommes  qui  gênait 
beaucoup  les  tirailleurs.  Vandamme  résolut  de 
l'enlever  de  vive  force.  Il  demanda  l'autorisation 
au  major  général.  Ce  dernier,  ayant  pris  les  or- 
dres de  l'Empereur,  consentit  à  l'expédition  qui 
réussit  parfaitement.  Elle  fut  conduite  par  le  pre- 
mier aide  de  camp  du  général ,  le  commandant 
Vincent. 

Le  1*'  juillet,  toutes  les  troupes  qui  devaient 
être  engagées  à  la  bataille  de  Wagram ,  resser- 
rant de  plus  en  plus  leurs  positions,  le  8®  corps 
eut  ordre  de  se  rapprocher  de  Vienne,  d'occuper 
la  promenade  du  Prater  et  d'organiser  la  défense 
de  la  ville.  Une  réserve  de  deux  mille  hommes 

a 

avec  douze  pièces  bivouaqua  entre    Vienne  et 
Schœnbrunn. 

Vandamme  profita  de  sa  position  pour  gravir 
une  colline  assez  élevée,  d'où  l'on  découvrait  par- 


faftement  Tannée  autrichienne  de  Tairtre  côté  dé 
Tile  Lobau.  Il  écrivît  ensuite  au  major  général  : 

«  Je  descends  à  l'instant  du  mont  Léopold.  De 
ce  point,  j'ai  vu  très-distinctement  l'armée  autri- 
chienne ;  sa  force  ne  m'a  pas  paru  dépasser 
soixante  mille  hommes,  dont  la  plupart  sont  main- 
tenant couchés  et  éloignés  des  camps.  Douze  mille 
environ,  regardant  le  point  de  notre  passage,  sont 
en  échiquier,  leur  droite  appuyée  sur  Aspern  et 
leur  gauche  sur  Essling.  Les  parcs  et  convois  sont 
encore  attelés.  Je  crois  devoir  faire  part  à  Votre 
Altesse  que  je  pense  qu'il  est  impossible  ailleurs 
de  découvrir  le  pays  aussi  parfaitement  qu'au 
mont  de  Léopold,  et  qu'il  serait  essentiel  d'y 
placer  un  officier  intelligent  qui  pût  y  observer 
'Continuellement  les  mouvements  de  l'ennemi.  On 
tirerait  de  cette  mesure  les  renseignements  les 
plus  satisfaisants.  Pour  moi,  Monseigneur,  autant 
par  utilité  que  pour  mon  instruction,  je  m'y  trou- 
verai fréquemment,  et  si  je  puis  faire  quelques 
remarques  qui  méritent  attention,  je  m'empresserai 
de  les  transmettre  à  Votre  Altesse,  etc.  » 

Ce  fut  de  ce  point,  en  effet,  que  l'Empereur  ob- 
serva l'armée  de  l'archiduc  Charles,  et  ce  fut  là 
que.Vandamme  se  plaça  pendant  la  journée  dé- 
cisive pour  observer  la  bataille  à  laquelle  il  eut  la 
douleur  de  ne  pouvoir  prendre  part. 

Le  6  juillet,  à  sept  heures  et  demie  du  soir, 
lorsque  le  sort  de  l'Autriche  eut  été  en  quelque 
sorte  fixé  par  la  victoire  de  Wagram,  le  général 


-814- 

reçut  du  major  général  Tordre  de  couvrir  les 
ponts  d'Ebersdorf  sur  la  rive  droite ,  contre  les 
partis  ennemis  qui  pourraient  vouloir  8'en  em- 
parer, de  faire  battre  la  plaine  d'Oldenburg ,  et  de 
se  mettre  en  communication  avec  le  général  Ba- 
raguey-d*Hilliers  sur  Presbourg.  Le  commandant 
du  8^  corps  dirigea  immédiatement  une  de  ses 
brigades  sur  la  tête  du  pont  d*EIbesrdorf. 

Deux  jours  après ,  les  Wurtembergeois  furent 
mis  sous  le  commandement  du  vice-roi  d*Italie  et 
entrèrent  momentanément  dans  la  composition  de 
son  armée.  Vandamme  se  rendit  auprès  du  prince 
Eugène  le  9  juillet;  le  lendemain  10,  il  lui  donna 
par  écrit  tous  les  renseignements  sur  les  mouve- 
ments de  retraite  des  Autrichiens. 

Le  12  juillet,  Tarmistice  de  Znaïm  fut  signé. 
Vandamme  en  fut  prévenu  par  le  général  Guille- 
minot,  chef  d'état  major  de  Tarmée  dltalie.  L'ar- 
ticle 3  de  la  convention  stipulait  Tévacuation,  par 
l'ennemi,  des  forteresses  de  Brunn  et  de  Gratï. 
Vandamme  fut  chargé  de  réunir  tout  son  corps  le 
13,  à  Neustadt,  de  marcher  sur  le  Simmering,  el 
de  faire  exécuter  les  dispositions  de  cet  article  3. 
Le  14,  Berthier  lui  envoya  une  lettre  ouverte  pour 
le  général  autrichien  Giulay  qui  commandait  du 
côté  de  Gratz.  Le  lendemain,  deux  autres  lettres, 
l'une  d'un  des  commissaires  autrichiens,  adres- 
sées à  Giulay,  et  au  commandant  de  la  forteresse, 
lui  furent  également  remises. 

Muni  de  ces  dépêches  et  des  instructions  de 


TEmpereur,  Vandamme  se  mit  à  la  tête  du  8^  corps 
et  s  avança  en  Styrie.  Le  général  Giulay  n'avait 
encore  reçu  aucune  communication  de  son  gou- 
vernement. Arrivé  à  Kindberg,  en  face  des  avant- 
postes  autrichiens,  Vandamme  fit  connaître  à  Tof- 
licier  qui  commandait  sur  ce  point  qu'il  se  rendait 
à  Gratz,  chargé  de  faire  exécuter  l'armistice,  mais 
qu'arrêté  à  ses  avant-postes,  il  lui  donnait  con- 
naissance de  la  convention.  Que  s'il  refusait  d'y 
faire  droit,  il  serait  forcé  d'agir  d'après  ses  ordres. 
Le  général  Zach,  chef  d'état-major  de  Giulay,  se 
rendit  alors  auprès  du  commandant  du  8®  corps , 
et  l'on  fit  passer  les  dépêches  au  général  en  chef 
autrichien*  Ce  dernier  arriva  au  bout  de  quelques 
heures,. assura  qu*il  ne  connaissait  pas  l'armistice 
et  demanda  quelque  répit,  pour  avoir  le  temps  de 
recevoir  des  instructions.  On  convint  d'une  ligne 
de  démarcation  pour  les.  troupes.  Le  17,  à  onze 
heures  du  matin,  rien  n'étant  encore  arrivé,  Van- 
damme écrivit  au  général  Giulay,  qu'ayant  ordre 
d'occuper  Gratz ,  il  allait  se  trouver  obligé  de 
commencer  les  hostilités. 

Pn  même  temps,  il  recevait  de  Berthier  la  nou- 
velle que  le  maréchal  Macdonald,  sous  les  ordres 
duquel  il  passait  momentanément,  était  en  marche 
pour  la  joindre.  Macdonald  écrivait  lui-même  qu'il 
arrivait  avec  ordre  de  s'emparer  de  Gratz  de  gré 
ou  de  force.  Cette  place  fut  alors  rendue,  et  le  co- 
lonel Kemer^  chef  d'état-mcgor  du  8^  corps,  en 
prit  possession  au  nom  de  l'Empereur.. 


Tout  étant  terminé  sur  ce  poinl,  el  le  corps 
d^armée  éprom'ant  de  la  difficulté  à  se  procurer 
des  subsistances ,  Vandamme  eut  ordre  de  ^ 
porter  de  nouveau  sur  le  Danube.  Ses  troupes  se 
mirent  en  route  le  8  août  pour  Neustadt.  Lui- 
même  se  rendit  directement  à  Vienne.  Il  eut  alors 
la  satisfaction  d  apprendre  que  TElmpereur  avait 
nommé  colonel  le  chef  d'escadron  Vincent,  son 
premier  aide  de  camp  ;  le  capitaine  adjoint  De- 
leau,  chef  de  bataillon;  le  lieutenant  Hayaert,  ca- 
pitaine; et  le  sous-lieutenant  Lussan  Desparbès, 
lieutenant.  En  outre,  plus  de  cinquante  décorations 
étaient  accordées  au  8^  corps. 

LesWurtembergeois,  qui  se  livraient  de  plus  en 
plus  au  pillage,  firent  séjour  à  Neustadt  les  9  et 
40  août  ;  puis  ils  vinrent  à  Vienne  même,  oii  FEm- 
pereur  les  fit  camper  au  pied  des  collines  de 
Nusdorff ,  près  du  pont.  Ils  s'y  installèrent  le  12 
et  le  13. 

Malgré  les  ordres  donnés  et  souvent  réitérés 
de  Vandamme  aux  généraux  et  aux  officiers  dn 
8*  corps,  les  désordres,  les  pillages,  les  exactions 
ne  s'arrêtèrent  pas.  Berthier  en  fut  instruit,  et 
écrivit  à  ce  sujet,  le  24,  de  Schœnbrunn,  au  gé- 
néral : 

*  Je  suis  informé  que  les  communes  voisines 
du  camp  qu'occupent  vos  troupes  se  plaignent  de 
la  conduite  des  Wurlembergeois  qui  se  portent 
fréquemment  el  en  grand  nombre  sur  Tune  ou 
l'autre  de  ces  communes  et  y  font  beaucoup  de 


— ^  317;  — 

;àts.  Les  gendannes  envoyés  pour  arrêter  ces 
^ordres  ont  été  mal  reçus  par  les  officiers, 
nnez  des  ordres  pour  faire  cesser  une  conduite 
;si  répréhénsible.   » 

L'adjudant  commandant  Revest  vint  remplacer 
colonel  Kerner,  comme  chef  d'état-major  au 
corps,  au  commencement  de  septembre,  et  Van- 
name  reçut  Tordre  d'envoyer  chaque  jour  un  de 
i  régiments  à  la  parade  de  TEmpereur.  Il  lui 
tlait  à  lui-même  de  quitter  le  commandement  de 
lupes  dont  il  avait  trop  souvent  à  se  plaindre , 
ilgré  tout  ce  qu'il  avait  fait  pour  elles. 
Une  nouvelle  lettre  de  Berthier  fit  voir  à  Van- 
mme  que,  malgré  tous  ses  efforts  pour  empêcher 

conduite    des   Wurtembergeois   de  parvenir 
a  connaissance  de  l'Empereur,  il  n'avait  pas 
iissi. 
Voici  cette  lettre,  datée  de  Schœnbruun  ,  le 

septembre  : 

«  Il  a  été  rendu  compte  à  l'Empereur,  Monsieur 
général  Vandamme,  des  plaintes  formées  par 
gouvernement  de  la  Styrie,  relativement  à  des 
quisitions  illégales  qui  ont  été  frappées  par  des 
ilitaires  wurtembergeois  pendant  le  séjour  que 
s  troupes  ont  fait  dans  celte  province.  Il  est 
nstaté  par  les  pièces  originales  jointes  au  rap« 
rt-fait  à  Sa  Majesté  : 

«.  1®  Que  l'officier  wurtembergeois  qui  comman- 
it  à  Gleisdorff  a  frappé  sur  la  commune  de  Pis- 
Isdorff  une  réquisition  de  700  paires  de  souliers^ 


—  31ft  — 

30  peaux  de  bœuf  et  600  aunes  de  toile,  ou  tten 
7,200  florins  en  argent,  si  les  objets  à  foornir 
n'existaient  pas.  On  assure  que  la  crainte  d*étre 
maltraités  détermina  les  habitants  à  payer 
8,125  florins; 

«  2^  Que  des  chasseurs  wurtembergébis  exi- 
gèrent à  Feldbach,  outre  12  bœufs,  400  peaux  de 
veaux,  ou  leur  prix  en  argent.  Ils  en  obtinrent  à 
peu  près  le  quart  ; 

•  S""  Que  M.  le  général  de  Hugel  a  frappé  8ur 
Tarrondissement  d'Hcrberstein  une  réquisition  de 
A\)G  paires  de  souliers,  que  le  gouvernement  de 
Styrie  annonce  lui  avoir  été  payés,  moyennant  une 
somme  de  3,472  florins,  et  qu'il  a  été  frappé  en 
outre  une  autre  contribution  de  1,800  florins  sur 
la  commune  de  Feldbach . 

•  L'Empereur  est  très-mécontent  que  des  offi- 
ciers wurtembergeois  aient  exercé  des  actes  de 
celte  nature,  qui  tendent  naturellement  à  ôter  aux 
habitants  des  pays  conquis  les  moyens  de  remplir 
les  réquisitions  légales  qui  leur  sont  faites  et 
d'acquitter  le  montant  des  contributions  auxquelles 
ils  sont  imposés.  Sa  Majesté  ordonne,  en  consé- 
quence, que  vous  fassiez  punir  les  coupables  et 
que  vous  preniez  des  mesures  pour  réprimer  sé- 
vèrement de  semblables  abus, 

«  Faites-moi  connaître,  général,  les  dispositions 
que  vous  aurez  prescrites  pour  remplir  à  cet  égard 
les  intentions  de  Sa  Majesté.  » 

Vandamme  essaya  encore  de  pallier  Taffaire  en 


-319  — 

répondant  au  msgor  général  qu*il  avait  la  certitude 
que  toutes  les  réquisitions  avaient  été  employées 
au  bien-être  des  troupes,  qu'il  espérait  que  TEm- 
pereur  serait  moins  irrité  en  apprenant  que  le 
soldat  avait  seul  recueilli  les  avantages  des  réqui- 
sitions illégales. 

Toutes  ces  affaires  désagréables  avaient  forte- 
ment impressionné  le  général,  qui  ne  cessait  de 
solliciter  un  autre  commandement  ;  aussi  apprit- 
il  avec  grand  plaisir,  le  14  octobre,  que  le  8*  corps 
devait  se  mettre  en  route  le  lendemain  pour  ren- 
trer dans  les  Étals  de  Wurtemberg,  et  que  lui- 
même  allait  avoir  une  nouvelle  destination. 

Les  Wurtembergeois  partirent  le  15,  en  effet, 

passèrent  le  pont  de  Vienne  et  vinrent  à  Krems  ; 

mais,  dès  le  19,  leur  général  en  chef  reçut  de 

nouvelles  plaintes  contre  les  troupes  d*avant-garde 

du  général  Hugel. 

Le  chef  d*étal-major  écrivit  de  Ki^ems  au  géné- 
ral de  WooUwarth,  au  nom  de  Vandamme,  une 
lettre  trés-sévère,  et  mit  à  Tordre  qu'un  officier, 
c[ui  s'était  permis  d'exiger  1,000  florins  d'une 
commune,  avait  été  incarcéré  et  allait  être  jugé 
par  un  conseil  de  guerre  ;  que  pareils  faits  dés- 
honoraient le  corps,  et  que  le  général  en  chef  ren- 
dait les  colonels  responsables  de  pareils  délits. 
Vandamme,  resté  à  Vienne,  avait  sollicité  à 
plusieurs  reprises  une  audience  de  l'Empereur 
sans  pouvoir  Tobtenir.  Le  16  octobre,  il  adressa 
la  lettre  ci-dessous  à  Napoléon  : 


—  8S0- 

«  Sire,  depuit»  mon  retour  de  Styrie,  j'ai  soUi-  1 
cité  à  plusieurs  reprises  une  audience  particulière 
de  Votre  Majesté  ;  mais  n'ayant  pu  obtenir  cette 
faveur,  j'ai  l'honneur  de  la  prier  de  daigner  me 
permettre  de  réclamer  quelques-uns  de  ses  ins- 
tants. 

•  Je  ne  dissimulerai  point,  Sire,  que  depuis 
longtemps  j'ai  le  cœur  navré.  J'ai  tu,  je  puis  dire 
ma  douleur,  tant  que  la  reprise  des  hostilités  est 
restée  incertaine  ;  mais  aujourd'hui  que  Votre  Ma- 
jesté vient  de  nouveau  de  donner  la  paix  à  la 
France,  je  crois  pouvoir  lui  exposer  mes  chagrins. 
Il  m'est  sans  doute  bien  pénible.  Sire,  de  demeurer 
dans  le  profond  oubli  qui  m'accable,  tandis  que  je 
vois  toute  l'armée  française  comblée  de  bienfaits, 
de  faveurs,  et  que,  sous  mes  yeux,  mes  égaux  sont 
gratifiés  de  rangs,  de  dignités  et  de  fortunes  im- 
menses. Je  sais  qu'on  cherche  à  faire  croire  que, 
moi  aussi,  je  possède  de  grands  biens  ;  mais,  s'il 
s'agissait  de  les  dénombrer,  ils  paraîtraient  bien- 
tôt faiblement  réduits,  et  je  n'en  citerai  ici  qu'un 
exemple  :  ma  dotation  en  Weslphalie,  qui  m'est 
comptée  pour  30,000  francs  net,  lorsqu'au  moyen 
des  retenues  que  j'éprouve,  ces  revenus  s'élèvent 
à  moins  de  20,000  francs. 

«  Que  dois-je  penser  maintenant.  Sire  ?  que 
penseront  ma  famille  et  tous  ceux  qui  me  connais- 
sent ?  Suis-je  frappé  de  disgrâce  ou  m'est-il  encore 
permis  de  compter  que  je  conserve  les  bontés  de 
Votre  Majesté  ?  Sans  doute,  si  l'on  jette  un  regard 


—  3il  — 

sur  ma  conduite,  Ton  doit  me  croire  plutôt  envi- 
ronné de  la  bienveillance  de  Votre  Majesté  que 
supportant  Tamertume  d'une  défaveur.  Qu'il  me 
soit  permis  de  rappeler  ici  à  mon  souverain  rat- 
tachement inviolable  qu'à  toutes  les  époques  je 
n'ai  cessé  de  porter  à  lui  et  à  sa  famille,  ce  que 
j'ai  fait  sous  ses  yeux,  et  de  fixer  son  souvenir  sur 
des  événements  plus  récents.  Donawerth,  Abens- 
berg,  Ralisbonne  et  Eckmulh.  Votre  Majesté  alors 
daigna  me  faire  des  promesses,  et  il  m'est  doulou- 
reux de  n'en  voir  réaliser  aucune.  Si  je  n'ai  pas  eu 
le  bonheur  d'assister  à  Wagram,  chacun  sait  que 
j'ai  presque  gémi  de  ce  que  Votre  Majesté  m'avait 
jugé  utile  à  un  autre  poste,  et  que  je  me  suis  dé- 
sespéré de  ne  point  aller  partager  les  dangers  de 
Votre  Mfiyesté  à  cette  glorieuse  journée. 

a  Je  ne  puis  donc  qu'attribuer  aux  hisinua- 
tions  mensongères  de  mes  ennemis  secrets  l'af- 
fliction que  j'éprouve  aujourd'hui,  et  s'il  m'est 
réservé  de  la  subir  encore,  je  prie  instamment 
Votre  Majesté  de  me  permettre  de  me  retirer 
chez  moi.  La  paix  me  détermine  à  lui  faire  celte 
demande.  Si  la  guerre  eût  continué ,  j'aurais, 
sans  chercher  à  en  tirer  aucun  mérite,  abandonné 
mes  intérêts  pour  en  songer  qu'à  ceux  de  Votre 
Majesté.  » 

C'est  au  moment  où  il  avait  le  cœur  ulcéré  par 
ce  qu'il  considérait  comme  une  sorte  de  disgrâce, 
que  Vandamme,  dont  le  zèle  ne  s'était  pas  démenti 

H  21 


—  8M  — 

un  8oul  instant,  reçut  du  commandant  en  second 
des  troupes  wurtembergeoises,  le  général  de  Woll- 
warth,  la  lettre  suivante  : 

•  Monsieur  le  général,  comme  il  parait,  par 
votre  lettre  du  17,  que  vous  allez  bientôt  quitter 
TAllemagnc  et  que  vos  relations  avec  le  corps 
d'armée  de  Wurtemberg  cesseront,  je  prends  la 
liberté  de  vous  faire  observer,  Monsieur  le  géné- 
ral, tfu'il  y  a  encore  un  officier  général  à  qui  vous 
devez  réparation. 

■  C'est  M.  le  général  de  Hugel,  que  vous  avez 
grièvement  offensé  à  Mautern,  en  présence  des 
officiers  de  votre  suite  et  de  vos  ordonnances,  et 
qui  insiste  à  obtenir  do  votre  part  réparation  con- 
venable. 

«  Comme  il  serait  cruel  pour  moi  que  voire 
départ  fût  marqué  par  une  scène  d'un  état  très- 
sérieux,  je  vous  prie,  Monsieur  le  général,  de  sa- 
tisfaire le  général  de  Hugel  d'une  manière  pu- 
blique, ce  qui,  pour  un  général  en  chef  qui  quitte 
son  corps  d'armée  et  qui  ordinairement  prend 
congé  dans  un  ordre  du  jour,  ne  peut  guère  être 
difficile. 

%  J'en  appelle  à  votre  justice.  Monsieur  le  gé- 
néral, et  à  la  bonté  de  votre  caractère  et  qui  onl 
toujours  percé  par  la  vivacité  de  votre  tempéra- 
ment et  qui,  dans  cette  dernière  occasion,  seraient 
à  leur  place  pour  honorer  encore  davantage 
votre  souvenir.  » 

Vaiidamme,  hors    délai    de  se  contenir  plub 


-  323  — 

igtemps,  écrivit  au  comte  de  WoUwarth  le  19 
iobre  : 

«  Je  reçois  à  l'instant  votre  lettre  en  date  de  ce 
ir  et  m'empresse  d'avoir  l'honneur  d'y  répondre, 
le  penser  de  vous,  Monsieur  le  général,  qui  avez 
jné  cette  lettre?  A  qui  donc  croit-on  avoir  af- 
re  ?  Le  général  Hugel  ignore-t-il  qui  je  suis  î 
loi  !  j'ai  grièvement  offensé  ce  généraUmcyor  à 
lutern,  parce  que  je  lui  ai  reproché  sa  négli<» 
ace,  la  fausse  position  qu'il  avait  fait  prendre  à 
n  artillerie,  le  tort  qu'il  avait  d'avoir  trop  dis^ 
rsé  ses  troupes,  l'insouciance  qu'il  avait  mon- 
5e  eu  ne  visitant  pas  ce  jour-là  toute  la  ligne^ 
[idis  que  l'ennemi  pouvait  au  premier  passage 
at  enlever,  ce  qui  serait  effectivement  arrivé  sans 
reconnaissance  que  j'ai  faite  moi-même,  puis- 
le  le  lendemain  les  Autrichiens,  à  deux  heures 
L  malin,  avaient  déjà  dépassé  les  positions  où 
aient  la  veille  les  canons  du  général  Hugel  ?  Je 
i  représentai  la  générosité  de  son  roi,  de  qui  il 
tuait  de  recevoir  une  épée  d'honneur,  et  je  lui  fU 
)s  reproches  en  termes  sévères,  mais  nuUeme&t 
convenants.  Je  Tai  envoyé  aux  arrêts,  simple* 
ent  pour  l'éloigi^r  de  moi,  parce  qu'il  était  fort 
npertinent.  Ce  général  s'est  plaint  à  son  frère^ 
envoyé  de  votre  roi,  je  crois,  à  Sa  Majesté  elle-» 
iéme.  J'ai  feint  de  tout  ignorer,  je  ne  m'en  suit 
as  plaint  à  l'Empereur  qui  aurait  sans  doute  ten^ 
oyé  le  général  de  Hugel  de  l'armée.  J'avais  l'ha* 
itudç  de  traiter  ce  général  peu  respectueux,  «vee 


—  3J4  — 

indulgence,  je  puis  même  dire  avec  trop  de  bonlé. 
Vous-même,  Monsieur  le  général,  avez  été  indigné 
de  sa  conduite  et  surpris  de  mon  indulgence.  Au- 
jourd'hui, vous  êtes  son  avocat  et,  oubliant  ce 
que  vous  devez  à  votre  rang  et  au  mien,  vous 
m'adressez  une  lettre  qui  étonnera  beaucoup  Sa 
Majesté  l'Empereur,  à  qui  je  vais  l'envoyer.  Il  pa- 
raît, Monsieur  le  général,  que  vous  vous  êtes  en- 
tièrement laissé  circonvenir  par  l'indigne  hypocri- 
sie de  quelques  gens  de  ceux  qui  vous  entourenl 
et  dont  vous  vous  êtes  si  souvent  plaint  à  moi  de 
confiance.  Je  n'ai  qu'un  seul  reproche  à  me 
faire  envers  le  général  Hugel,  c'est  de  lui  avoir 
donné  une  réputation  fort  au-dessus  de  son  mé- 
rite, et  de  l'avoir  toujours  trop  bien  traité  à  tous 
égards.  Trop  de  braves  officiers  de  tous  grades  de 
vos  troupes  en  sont  convaincus.  Lui-même  doit 
en  convenir. 

«  Il  a  plu  à  Sa  Majesté  l'Empereur  de  me  con- 
fier le  commandement  des  troupes  de  Wurtemberg 
en  Silésie  et  en  Allemagne.  L'on  sait  assez  par- 
tout ce  que  j'ai  fait  pour  leur  gloire  et  pour  leur 
bien-être.  La  masse  de  vos  officiers  et  de  vos  sol- 
dats m'a  payé  de  reconnaissance.  Je  méprise  quel- 
ques intrigants  qui  croient  gagner  quelque  chose 
à  être  ingrats.  Nos  deux  souverains  finiront  par 
les  connaître  et  en  feront  bonne  justice.  Je  ne  sais 
pas  encore  si  vos  troupes  cesseront  d'être  sous 
mes  ordres.  Sous  peu  nous  connaîtrons  nos  nou- 
velles destinations.  Quelque  chose  qui  m'arrive, 


ozo 


je  me  rappellerai  toujours  des  officiers  qui  ont 
bien  servi.  • 

En  transmettant  à  Berthier  la  lettre  du  comte 
Je  Wollwarth  et  sa  réponse  à  cet  officier  général, 
Vandamme  envoya  aussi  les  rapports  de  son  chef 
i*état-major  Revest,  puis  il  écrivit  lui-même  à 
Berthier  : 

«  Au  moment  où  je  me  disposais  à  donner  com- 
munication à  Votre  Altesse  de  la  lettre  que  vient 
ie  m'écrire  M.  le  lieutenant  général  de  Wollwarth 
3l  de  celle  que  je  me  suis  empressé  de  lui  ré- 
pondre, j'ai  reçu  de  Tadjudant-commandant  Re- 
irest,  chef  de  mon  état-major,  le  rapport  que  je 
joins  ici  et  qui  me  signale  de  nouveaux  abus  com- 
mis par  les  troupes  de  Wurtemberg.  Je  dois  d'a- 
tK)rd  convenir  d'un  tort  que  je  me  suis  acquis  vis- 
à-vis  de  moi,  c'est  d'avoir  partout  proclamé  l'éloge 
îe  ce  corps  d'armée  dont  le  commandement  n'a 
êié  pour  moi  qu'un  long  tissu  de  désagréments  les 
plus  amers,  et  d'avoir  cherché  cent  fois  à  lui  assu- 
rer une  réputation  aux  dépens  de  ma  vie.  Il  est 
temps  enfin,  Monseigneur,  que  je  ne  dissimule 
plus  des  fautes  qui,  en  définitive,  me  sont  plus  ou 
moins  attribuées  et  qui  ont  toujours  porté  à  mon 
honneur  des  atteintes  dont  je  n'ai  cessé  d'être  vic- 
time. Votre  Altesse,  en  prenant  connaissance  du 
rapport  que  j'ai  l'honneur  de  lui  transmettre,  verra 
que  les  troupes  du  général  Hugel  viennent,  pour 
ainsi  dire  sous  ses  yeux,  de  fr&pper  une  assez 
forte  contribution,  quoique  nous  soyons  en  paix  , 


î—  oîro  — 

et  otat  commiâ  les  plus  grands  désordres  vis-à-vis 
des  habitants  qui  ont  refusé  de  payer.  Une  action 
plus  noire  encore  que  j*ai  à  reprocher  aux  tnmpes 
de  Wurtemberg  et  qui  doit  m'ètre  la  plus  sensible, 
o'est  d  avoir,  à  une  certaine  époque,  à  Freystadl, 
demandé  une  somme  de  16,000  florins  ;  d*avoir 
fait  paraître  devant  le  général  Vandamme  qui,  ce- 
pendant, n^avait  jamais  dépassé  Neumarck,  un 
mtgistrat  âgé  à  qui  Ton  a  fait  subir  le  traitement 
le  plus  inhumain.  Je  ne  parlerai  point  de  toutes 
les  exactions  qui  se  sont  commises  en  mon  nom, 
des  abus  qui  se  sont  glissés  malgré  ma  surveil- 
lance active,  malgré  mes  remontrances  et  au  mé- 
pris de  toutes  les  mesures  que  j'ai  pu  prendre. 
Tous  les  soins  que  je  me  suis  donnés  pour  cacher 
autant  d'actes  d'une  conduite  si  coupable  ont  clé 
payés  de  l'ingratitude  la  plus  insigne.  L'on  a 
cherché  à  me  nuire  et  peut-être  y  est-on  parvenu. 
Ce  n'est  point  ici,  Monseigneur,  le  désir  de  ven- 
geance qui  me  conduit  à  faire  connaître  la  vérité. 
C'est  pour  la  vérité  elle-même  que  je  souhaite 
fixer  Votre  Altesse  sur  ces  différents  faits  et  aussi 
pour  mon  intérêt  personnel,  puisque,  par  une  pa- 
tience trop  infatigable,  ma  réputation  a  été  atta- 
quée à  différentes  reprises,  pour  avoir  traité  avec 
trop  d'indulgence  des  gens  qui,  en  faisant  peser 
sur  moi  tout  le  mal  qu'ils  commettaient,  rappor- 
taient à  eux  seuls  le  bien  que  par  mon  zèle  je 
procurais  à  ce  corps  de  troupes,  etc.  » 
L^  ms^or  général  s'empressa  de  tranunettre  à 


-  887  - 

Empereur  la  lettre  du  général  de  Wollwarth.  Il 
ria  Vândamme  de  venir  dîner  chez  lui  le  20,  et 
ôûda  au  général  wurtembergeois  :  *  Vous  avez 
ibîié  que  vôils  écriviez  à  un  général  sous  les 
•dres  duquel  vous  êtes.  En  attendant  la  réponse 
)  Sa  Majesté  et  la  décision  du  roi,  votre  souve- 
liri,  je  vous  rappelle.  Monsieur  le  général,  à  votre 
jvoir  et  au  respect  que  vous  devez  à  celui  qui 
)U8  commande.  Vous  serez  responsable,  Mon- 
éûr,  des  suites  d'une  démarche  aussi  incônsi- 
5rée.  » 

Le  comte  de  Wollwarth  ne  s'attendait  pas  à  une 
lie  solution  ;  il  se  hâta  d'écrire   à  Vândamme, 

21  octobre  1809,  de  Krems  : 

«  Je  suis  au  désespoir  de  l'effet  que  ma  lettre 
fait  sur  vous,  effet  tout  à  fait  contraire  à  celui 
ae  j'en  attendais. 

é  II  ne  s'agissait  pas  de  vous  faire  un  affront, 
ôHsieur  le  général,  j'ai  voulu  en  appeler  à  votre 
istioe  et  à  votre  bonté,  pour  vous  prier  de  vou- 
it  bien  réparer  le  tort  que  vous  avez  eu  envers 
»  général  de  Hugel. 

*  Ce  ne  sont  pas  les  arrêts  ni  les  reproches  qui 
ôûvaient  l'offenser,  c'était  un  mot  inconvenable; 
ft  autre  mot,  une  mention  honorable  dans  un 
pdre  du  jour,  aurait  tout  réparé,  et  je  crois  que 
i  votre  dignité,  ni  votre  qUaHté  de  général  en  chef 
*ëa  auraient  reçu  la  moindre  àMèinte.  » 

VéiAdamme  apprît  dii  mâ^r  général,  le  90,  que 
)9  WurtôBàbergeôis,  dottt  FÉfi&j^^eW  était  m*- 


—  8Î8  — 

(liocrement  satisfait,  passeraient  sur  la  rive  gau- 
che du  Danube,  où  ils  attendraient  de  nouveaux 
ordres.  A  Krems ,  au  moment  du  départ,  une 
nouvelle  plainte  arriva  au  chef  d^état-major.  Des 
soldats,  et  même  un  officier,  avaient  maltraité  un 
polit  poste  français. 

Enfin,  le  28  octobre,  le  ministre  de  la  guerre 
reçut  de  l'Empereur  l'avis  que  Vandamme  allait 
se  rendre,  en  toute  diligence,  à  Anvers,  pour  y 
prendre,  sous  le  duc  d'Istrie,  un  commandement 
dans  l'armée  du  Nord,  attendu  la  connaissance 
qu'il  avait  de  ce  pays,  mais  qu'il  resterait  à  la  tête 
des  troupes  de  Wurtemberg  jusqu'au  20  no- 
vembre, époque  de  l'évacuation  de  Vienne. 

Vandamme,  fort  aise  d'être  débarrassé  du  con- 
tingent wurtembergeois,  fort  mécontent  de  ces 
troupes  alliées,  assez  peu  satisfait  de  la  campagne 
qu'il  venait  de  faire,  pendant  laquelle  il  avait  dé- 
ployé vigueur,  talent,  bravoure  et  dévouement, 
quitta  Lintz  le  19  novembre,  Passau  le  20,  et  revint 
en  France.  Il  fut  d'abord  chez  lui,  à  Cassel,  puis 
il  se  rendit  à  Paris  au  commencement  de  jan- 
vier 4810,  affirmant  que  l'ordre  écrit  d'aller  à  An- 
vers, prendre  le  commandement  des  deux  divi- 
sions de  l'armée  du  Nord  du  général  Reille,  ne  lui 
était  pas  parvenu.  L'ordre  ayant  été  réitéré  par  Ber- 
thier,  Vandamme  déclara  que  sa  blessure,  reçue 
àEckmuhl,  s'était  rouverte,  qu'il  était  fort  souffrant 
et  que  le  climat  humide  de  la  Zélande  lui  étant  con* 
traire,  il  demandait  un  congé  de  quelques  mois. 


—  3â9  — 

L'Empereur  accorda  sans  hésiter  un  congé  de 
deux  mois  au  général;  mais  vingt  jours  plus  tard, 
le  27  janvier  1810,  il  fit  donner  brusquement,  par 
le  ministre  de  la  guerre.  Tordre  â  Vandamme  de 
se  rendre  en  poste  à  Berg-op-Zoom,  pour  servir 
sous  le  maréchal  Oudinot,  dans  Tarmée  du  Bra- 
bant. 

Le  général  resta  à  Paris,  alla  trouver  Napoléon 
qui  avait  oublié  le  congé  donné  et  fut  autorisé  à 
en  profiter.  Les  choses  en  étaient  là,  lorsque,  le 
7  février,  un  nouvel  ordre  lui  enjoignit  d'aller  à 
Boulogne-sur-Mer,  pour  prendre  le  commande- 
ment du  camp  en  remplacement  du  général  Sainte- 
Suzanne,  rappelé  à  Paris.  Cette  fois,  Vandamme 
n'osa  pas  refuser.  Il  se  rendit  donc,  le  21  fé- 
vrier 1810,  à  son  corps  d'armée,  composé  de  deux 
divisions,  à  la  tète  desquelles  se  trouvaient  les 
généraux  de  brigade  Legrand  et  Sarrazin.  Ces 
divisions  étaient  formées  par  les  cohortes  de  la 
Somme,  de  la  Seine,  de  la  Seine-Inférieure,  de 
l'Yonne,  et  par  quelques  compagnies  de  marine, 
d'ouvriers  militaires,  d'ouvriers  d'artillerie,  don- 
nant un  total  d'environ  6,000  hommes.  Le  général 
de  brigade  Harty  était  chef  d'état-major  de  ce  petit 
corps,  qui  ne  convenait  à  Vandamme  que  par  sa 
proximité  de  Lille  et  de  Cassel,  où  il  avait  sa  fa- 
mille et  ses  intérêts. 

Le  général  inaugura  ses  nouvelles  fonctions  par 
un  trait  qui  fut  désavoué  par  l'Empereur. 

Voici,  à  cet  égard,  les  documents  officiels  que 


nous  ferons  suivre  de  la  lettre  explicative  de  Van- 
damme. 

RAPPORT  AU   MINISTRE  DE  LA   GUERRE. 

c  10  mars  1810. 

«  On  a  l'honneur  de  rendre  compte  au  ministre 
deô  principaux  faits  dont  se  compose  une  plainte 
assez  grave,  portée  par  le  maire  de  Boulogne, 
contre  le  général  Vandamme,  commandant  le  camp 
de  Boulogne. 

«  Le  13  février  dernier,  le  maire  de  Boulogne 
reçut,  d'un  officier  d'état-miigor,  l'avis  de  l'arrivée 
du  général  Vandamme,  et  l'invitation  de  lui  faire 
préparer  un  logement  convenable. 

«  Le  maire  répondit  en  indiquant  quatre  mai- 
sons au  choix  du  général  Vandamme  ;  et  en  an- 
nonçant que,  jusqu'à  ce  qu'il  se  fût  déterminé,  les 
appartements  de  l'hôtel  Britannique  seraient  pro- 
visoirement mis  en  réquisition  pour  le  recevoir. 

*  Le  21,  le  général  Vandamme  arriva  et  ne 
descendit  point  à  l'hôtel  Britannique,  où  toVt  était 
préparé,  mais  à  l'hôtel  de  France. 

«  Le  maire  se  présenta  le  22  pour  lui  rendre 
seâ  devoirs  et  ne  fut  pas  reçu. 

«  Le  général  Sainte-Suzanne  ëtait  logé  ââfjs  la 
maison  du  maire  de  Boulogne,  et  partît  dans  la 
finit  du  22  au  23. 

«  Imtnédiatement  après  son  déport,  et  pendatit 
que  le  somAi6il  végùàii  dans  kt  tnàidon,  dix  gen- 


-  881  - 

darmes  s'y  rendirent,  par  ordre  du  général  Van- 
damme  ;  et,  à  son  réveil,  le  maire  trouva  les  appar- 
tements du  général  Sainte-Suzanne  occupés  par 
eux,  avec  l'ordre  de  n'y  laisser  entrer  personne  et 
de  n'en  laisser  sortir  ni  meubles  ni  effets. 

*  Le  général  Vandamme  s'y  rendit  dans  le  mi- 
lieu de  la  journée,  et  en  prit  possession  sans  voir 
le  maire  et  sans  lui  faire  dire  un  mot,  quoiqu'il 
lui  eût  fait  annoncer  sa  visite  à  une  heure  fixe. 

«  Après  avoir  attendu  vainement  une  explica- 
tion, le  maire  eut  lieu  de  se  convaincre,  qu'après 
s'être  emparé  de  vive  force  de  sa  maison,  le  gé- 
néral Vandamme  avait  l'intention  de  s'y  maintenir. 

«  Le  général  Vandamme  a  fait  depuis  signifier 
par  huissier  au  maire,  qu'il  allait  faire  dresser  un 
état  des  lieux  et  un  inventaire  des  meubles  et 
effets.  Le  maire  ignore  si  ce  procès-verbal  a  été 
dressé,  n'ayant  reçu  aucune  signification. 

«  Le  général  Vandamme  a  fait  également 
transporter  dans  une  remise,  au  grand  air,  des 
meubles  et  effets  qui  ne  lui  ont  pas  convenu. 

«  Le  maire  fait  observer  que,  par  le  fait  de  cette 
violence,  il  se  trouve  réduit,  dans  sa  propre  mai- 
son, à  deux  petites  chambres  et  quelques  cabinets, 
ainsi  qu'à  une  petite  salle  à  manger,  pour  recevoir 
ktt  autorités  locales. 

«  Le  maire  ajoute  qu'il  n'avait  eu  lieti  jtfôqu's- 
lors  qa'à  se  louer  des  génërgnx  Hampon  et 
Ssâote-Suzamie,  qui  avaient  liabitë  sa  maison 
CQSBoistemeBt  avec  M  ;  et  qo*  méaie  en  eofisen- 


—  332  — 
tant  à  y  recevoir  le  général  Sainte-Suzanne,  il 
n'avait  cédé  qu'à  ses  instances  et  à  ses  bons  pro- 
cédés. 

«  Le  maire  ajoute  à  ce  récit  celui  de  quelques- 
unes  des  humiliations  sans  nombre,  dont  la  vio- 
lence du  général  Vandamme  a  été  accompagnée; 
et  il  en  réclame  avec  instance  la  réparation,  el 
comme  citoyen  et  comme  fonctionnaire  public. 

•  On  prie  Son  Excellence  de  faire  connaître  si 
elle  est  dans  Tinlention  d'écrire,  à  ce  siyet,  au 
général  Vandamme  ou  d'en  rendre  compte  à 
l'Empereur.)  • 

{En  marge  :)  «  Faire  un  précis  de  cette  affaire 
et  prendre  les  ordres  de  l'Empereur.  » 

Une  note  du  ministre  de  l'intérieur,  en  date  du 
14  mars,  et  reproduisant  les  mêmes  faits  en 
termes  à  peu  près  identiques,  fut  envoyée  à  l'Em- 
pereur le  14  mars. 

Le  16  du  même  mois,  le  ministre  de  la  guerre 
répondit  au  maire  : 

«  Monsieur,  j'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez 
fait  l'honneur  de  m'écrire,  le  28  février  dernier,  au 
sujet  de  la  conduite  qu'a  tenue  le  général  Van- 
damme au  moment  où  il  a  occupé  la  maison  que 
vous  habitez;  nous  en  avons  été  fort  peines,  le 
ministre  de  l'intérieur  et  moi.  Je  viens  d'en  faire 
sentir  l'inconvenance  au  général  Vandamme,  et  je 
l'ai  invité  à  évacuer  votre  maison  dans  un  bref  délai. 

«  L'exécution  de  ce  que  j'ai  prescrit  au  général 
Vandamme  à  ce  sujet  devient  pour  vous.  Mon- 


—  333  — 

sieur,  une  satisfaction  suffisante,  surtout  si  Ton 
considère  que  le  commandement  qui  lui  est  confié 
et  les  fonctions  que  vous  remplissez  vous-même 
prescrivent  de  limiter  les  suites  de  cette  affaire 
dans  de  certaines  bornes.  » 

En  même  temps  qu'il  écrivait  la  lettre  ci-dessus 
au  maire  de  Boulogne,  le  ministre  de  la  guerre 
mandait  à  Vandamme  : 

«  Général,  j'ai  vu  avec  peine  les  plaintes  qui 
ont  été  adressées  au  ministre  de  l'intérieur  et  à 
moi,  sur  la  manière  dont  vous  avez  occupé  la 
maison  du  maire  de  Boulogne  sans  son  aveu. 
Cette  conduite  a  nécessité  l'ordre  que  vous  trou- 
verez ci-joint,  et  à  l'exécution  duquel  vous  ne 
pourriez  vous  dispenser  de  vous  conformer  sous 
aucun  prétexte;  des  actes  aussi  inconsidérés  qui 
ravissent,  dans  l'opinion,  à  un  chef  militaire  une 
partie  du  respect  et  de  la  considération  dont  il 
doit  jouir,  pourraient,  s'ils  étaient  répétés,  éloi- 
gner l'Empereur  de  vous  confier  de  grands  com- 
mandements, quelle  que  soit  l'eslime  que  Sa  Ma- 
jesté fait  de  vos  services  et  des  talents  militaires 
qui  vous  ont  distingué  dans  ses  armées.  • 


AU   NOM   DE   SA   MAJESTÉ   l'eMPEHEUU   ET   ROI. 


«  Il  est  ordonné  au  général  de  division  Van- 
damme, commandant  le  camp  de  Boulogne,  d'éva- 
cuer dans  les  vingt-quatre  heures  de  la  réception 
du  présent  ordre,  la  maison  du  maire  de  Boulogne, 


—  334  — 

qu'il  a  occupée  d*uiie  manière  illicite  et  inconve- 
nante. Le  général  Vandamme  habitera  Tun  des 
logements  qui  avaient  été  désignés  pour  lui  par  la 
municipalité  de  Boulogne,  avant  son  arrivée,  ou 
tout  autre  auquel  il  voudrait  pourvoir  à  ses  frais. 

«  Il  est  également  ordonné  au  général  Van* 
damme  de  garder  les  arrêts  pendant  vingt-quatre 
heures,  à  cause  de  la  conduite  qu'il  a  tenue  en- 
vers le  maire  de  la  ville  de  Boulogne.  L'officier 
général  le  plus  élevé  en  grade  recevra,  du  général 
Vandamme,  le  commandement  du  camp  de  Bou- 
logne, qu'il  exercera  pendant  la  durée  des  arrêts 
de  ce  général.  Il  sera  rendu  compte  au  ministre  de 
la  guerre  de  Texécution  du  présent  oixire.  • 

Dans  l'intervalle,  le  maire  de  Boulogne  vint  à 
Paris,  obtint  une  audience  de  l'Empereur  et  lui 
demanda  satisfaction.  Après  l'avoir  écouté  quel- 
ques instants,  Napoléon,  qui  se  promenait  de  long 
eu  large  dans  son  salon,  s'arrêtant  brusquement 
devant  M.  de  Menneville,  lui  dit,  moitié  sérieuse- 
ment, moitié  en  riant  : 

—  «  Écoutez,  monsieur  le  maire,  voyez-vous,  si 
j'avais  deux  Vandamme,  j'en  ferais  fusiller  un, 
mais  je  n'en  ai  qu'un  et  je  le  garde  pour  moi,  parce 
que  j'en  ai  besoin  et  que  je  ne  pourrais  pas  le 
remplacer.  Si  jamais  je  suis  obligé  de  faire  la 
guerre  au  (hable,  c'est  lui  que  j'y  enverrai,  il  est 
seul  capable  de  le  mettre  à  la  raison.  « 

Vandamme  fut  peiné  de  l'ordre  du  ministre  de  U 
guerre,  il  lui  répondit  le  21  mars  : 


-338  — 

«  Monseigneur,  j'ai  témoigné  à  Votre  Excellence 
3ombien  il  m'avait  été  douloureux  de  recevoir 
Tordre  de  quitter  Tappartement  que  j'occupais 
dans  la  maison  du  sieur  Menneville.  J'ai  Thonneur 
de  lui  rendre  compte  aujourd'hui  de  l'exécutioq 
de  cet  ordre  :  j'ai  de  suite  remis  les  lieux  à  la  dis- 
position de  ce  propriétaire.  M.  le  général  Harty, 
chef  de  l'état-major-général  a  pris  le  commande- 
ment du  camp  pendant  le  délai  que  Votre  Excel- 
lence avait  fixé,  et  hier  il  a  dû  adresser  à  Votre 
Excellence  le  rapport  de  l'armée. 

•  Je  n'ai  cherché  aucun  prétexte  pour  éluder  ce 
qui  m'était  si  sévèrement  prescrit.  J'ai  fait  preuve 
de  toute  la  soumission  qu'on  pouvait  attendre; 
mais  je  dois  encore,  Monseigneur,  réclamer  quel- 
ques instants  d'attention  de  la  part  de  Votre  Ex- 
cellence pour  lui  faire  entendre  ma  justification» 
non  pour  éloigner  la  cause  de  l'affliction  qui  m'ac- 
cable, puisque  maintenant  tout  le  mal  est  fait, 
mais  pour  détruire  l'opinion  défavorable  que  des 
rapports  peu  exacts  ont  fait  naître,  et  éclairer  la 
religion  de  Votre  Excellence  qu'on  me  paraît  avoir 
surprise. 

«  J'avais  tout  lieu  d'espérer.  Monseigneur, 
qu'avant  de  prononcer,  j'aurais  été  entendu,  et  que 
du  moins,  d'après  l'explication  que  j'aurais  pré- 
sentée, on  ne  m'aurait  pas  donné,  vis-à-vis  du  sieur 
Menneville,  un  échec  aussi  avilissant  ;  mais  puis- 
qu'il en  a  été  autrement,  je  dois,  le  cœur  navré, 
me  résigner  à  voir  le  sieur  Menneville  colporter 


—  386  — 

la  décision  qui  assure  son  triomphe,  et  à  Ten- 
lendrc,  par  des  propos  injurieux,  chercher  à  atté- 
nuer le  respect  et  la  considération  dont  je  suis 
environné  et  à  faire  rejaillir  sur  moi  une  portion 
du  souverain  mépris  qu'il  inspire.  Ce  n'était  là 
sans  doute  pas  la  récompense  que  mes  ser\îces 
devaient  m'attirer,  et  j'ai  besoin  d*étre  animé,  pour 
l'Empereur,  de  tout  l'attachement  dont  j'ai  donné 
des  preuves,  pour  supporter  le  chagrin  amer  et 
le  dégoût  qui  viennent  de  m'élre  suscités. 

•  Lorsque  pour  la  première  fois,  Monseigneur, 
j'ai  été  chargé  du  commandement  du  camp  de 
Boulogne,  j'ai  pris  le  logement  qu'occupait  M.  le 
colonel  général  Gouvion  Saint-Cyr,  et  c'était  chez 
M.  Menneville.  Depuis  moi,  M.  le  sénateur  Ram- 
pe;! a  eu  cet  appartement,  et  successivement  M.  le 
sénateur  Sainte-Suzanne,  que  j'y  ai  trouvé  établi. 
Il  m'a  donc  semblé  très-simple  de  rentrer  dans 
cette  maison  que  j'avais  laissée  aux  généraux  qui 
m'ont  succédé  et  qui,  par  sa  position  et  ses  de- 
hors, parait  destinée  à  servir  de  quartier  général 
aux  généraux  commandant  en  chef.  Cette  maison, 
la  seule  où  l'on  puisse  représenter,  est  située  sur 
la  place  d'Armes,  et  pour  le  bien  même  du  ser- 
vice il  est  utile  que  le  général  en  chef  y  soit  logé. 

«  Je  sais  que  le  sieur  Menneville  a  tiré  contre 
moi  un  grand  moyen  d'accusation,  de  ce  que 
j'avais  placé  des  gendarmes  dans  sa  maison.  Je 
le  répète,  ces  gendarmes  n'ont  été  employés  que 
pour  empêcher  qu'on  ne  détournât  aucun  des  effets 


—  337  — 

général  Sainte-Suzanne  après  son  départ,  et 
ur  assurer  mon  entrée  dans  cette  maison, 
lisque  l'on  m'avait  menacé  de  fermer  les  portes 
is  que  le  sénateur  quitterait  son  logement  ;  mais 
i  n'a  mis  en  usage  aucune  violence,  on  n'a  point 
Lpulsé  le  sieur  Menneville  de  chez  lui.  Vis-à-vis 
5  qui  pouvait-on  exercer  des  moyens  coërcitifs, 
iisque  l'appartement  que  je  faisais  occuper  se 
ouvait  entièrement  libre.  Un  motif  qui  me  portait 
icore  à  ne  point  penser  à  m'établir  ailleurs,  c'est 
ne  je  ne  pouvais  nulle  part  me  loger  sans  mettre 
ans  rembarras  des  premières  personnes  de  l'ar- 
lée,  dont  la  maison  pouvait  me  convenir,  mais 

laquelle  je  me  gardais  bien  de  songer,  parce 
u'il  me  répugnait  d'occasionner  un  déplacement 

des  personnes  établies.  Et  c'est  ici,  Monsei- 
neur,  que  je  dois  relever  une  erreur  qui  semble- 
nt consacrée  par  l'ordre  même  de  Votre  Excel- 
mce.  On  paraîtrait  avoir  affirmé  qu'avant  mon 
rrivée,  la  municipalité  avait  désigné  un  logement 
our  moi.  Ce  fait  est  de  la  fausseté  la  plus  insigne. 
iOrsque  je  suis  arrivé  à  Boulogne,  on  avait  re- 
3nu,  dans  une  auberge,  plusieurs  chambres  que, 
ans  l'office  de  qui  que  ce  fût,  je  pouvais  très-bien 
)uer  moi-même  ;  mais  on  n'a  pas  pu  m'assigner 
ne  maison  puisqu'il  n'en  existe  aucune  vacante, 
t  c'est  si  vrai  que,  forcé  de  quitter  l'appartement 
ue  je  tenais,  je  me  trouve  obligé  d'aller  en  hôtel 
ami, 

«  En  vain,  Monseigneur,  le  sieur  Menneville 

11.  ^ 


--S38  — 

a-t-il  fait  valoir  qu'il  ne  voulait  avoir  rentière 
jouissance  de  sa  maison  que  pour  représenter, 
ainsi  que  sa  place  le  comportait.  Le  sieur  Men- 
neville  ne  tient  pas  d'une  manière  très-ferme  à 
faire  de  grands  frais  de  représentation,  puisque, 
quoique  maire,  il  vendrait  demain  sa  maison  si 
(|uelqu'un  voulait  en  faire  Tacquisilion,  et  renon- 
ceiail  facilement  aux  appartements  de  réception, 
dont  il  paraît  si  empressé  de  jouir;  et  d'ailleurs, 
Monseigneur,  ne  serais-je  pas  fortement  autorisé 
ici  à  interpeller  hautement  le  sieur  Menneville.  S'il 
est  vrai  que  son  projet  soit  de  représenter  et  d'oc- 
cuper entièrement  sa  propriété,  pourquoi,  depuis 
plus  de  six  mois  que  les  fonctions  de  maire  lui 
sont  confiées,  n'a-t-il  pas  fait  valoir  ses  droits, 
n'a-t-il  pas  exprimé  ses  intentions,  pourquoi  a-l-il 
souffert  que  successivement  des  généraux  occu- 
passent sa  maison,  pourquoi  me  réserve-t-il,  à 
moi,  l'injure  la  plus  prononcée  en  me  refusant  ce 
qu'il  a  accordé  à  d'autres?  Je  le  demanderai.  Mon- 
seigneur, m'était- il  permis  de  supporter  cette  in- 
sulte et  de  ployer  scandaleusement  aux  volontés 
<run  individu  qui  se  trouve  accablé  du  profond 
mépris  de  toutes  les  personnes  de  la  ville  qui,  se 
reportant  à  l'origine  de  ce  fonctionnaire  qui  a  élé 
laquais,  n'ont  qu'îi  g(Mnir  de  devenir  les  adminis- 
trés d'un  être  aussi  pou  digne  de  confiance.  » 

Rentré  à  Boulogne,  M.  Menneville  connut  la 
satisfaction  qui  lui  était  donnée,  et  écrivit,  le  "2i, 
au  ministre  de  la  guerre  : 


—  389  — 

Monseigneur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait 
mneur  de  m'écrire  en  date  du  16  présent  mois, 
1  été  remise  le  19,  par  le  secrétaire  du  général 
[idamme  ;  le  général  étant  à  Cassel  depuis  le 
u  courant. 

I  Daignez  agréer  mes  très-sincères  remerci- 
nts  pour  la  prompte  et  plus  que  suffisante  sa- 
nction que  j'ai  obtenue. 

r  Qui  ne  serait  glorieux  de  vivre  sous  un  gou- 
nemenl  qui  veut  que  les  lois  soient  respectées 
•tous,  et  qu'il  y  ait  un  ordre  public  bien  établi? 
s  torts  du  général  Vandamme  sont  déjà  effacés 
ma  mémoire.  Il  m'a  été  pénible  de  les  dévoiler 
j'aurais  été  vivement  affligé  si  j'avais  été  trop 
igé. 

•  J'ose  vous  prier  de  croire,  Monseigneur,  que 
is  aucune  circonstance  j'e  n'oublierai  les  égards 
i  sont  dus  au  rang  qu'occupe  le  général  Va  n 
nme,  aux  services  éminents  qu'il  a  rendus  à 
tat  et  à  la  confiance  dont  Sa  Majesté  l'honore.  » 
Cette  affaire  n'eut  pas  d'autre  suite ,  et  nous 
lUrions  plus  à  parler  du  séjour  de  Vandamme, 
is  l'affaire  du  général  Sarrazin,  un  des  deux 
nmandanls  de  division  du  camp,  qui,  en  pleine 
ix,  déserta  à  l'ennemi  et  passa  en  Angleterre. 
Voici  les  documents  qui  se  rapportent  à  cette 
gulière  trahison,  inouïe  dans  les  fastes  mili- 
pes  de  la  France. 


—  340"" 

VANDAMME  AU   MINISTRE   DE   LA    GUERRE. 

t  Boulogne,  14  juin  1810. 

«  Monseigneur,  ce  matin,  j'ai  eu  l'honneur  de 
faire  connaître  à  Votre  Excellence,  par  une  dé- 
pêche télégraphique,  que  je  venais  d'acquérir  la 
certitude  que  le  général  de  brigade  Sarrazin  avait 
passé  hier  à  Teuncmi.  Je  ne  puis  que  confirmer 
cette  nouvelle,  et  exposer  à  Votre  Excellence  les 
circonstances  qui  appartiennent  à  cet  événemeul 
extraordinaire. 

•  Le  10,  au  matin,  le  général  Sarrazin,  accom- 
pagné d'un  domestique  nègre,  s'est  embarqué  à 
la  petite  Garenne,  avec  un  pécheur  du  Gamiers, 
pour  faire  la  pêche.  Arrivé  au  large,  et  ayant 
aperçu  un  brick  anglais,  il  a  forcé  l'équipage  de 
le  conduire  à  bord  de  ce  bâtiment,  sous  prétexte 
qu'il  avait  l'ordre  d'aller  eu  parlementaire.  Une 
fois  à  bord  du  brick,  il  a  renvoyé  son  équipage, 
après  avoir  donné  au  patron  une  déclaration  con- 
statant qu'il  avait  ordonné  à  ce  bateau  de  pêche 
de  le  conduire  à  bord  du  brick  anglais,  pour  affaire 
de  service.  Ges  faits  sont  établis  par  les  rapports. 

Dès  que  j'ai  eu  connaissance  de  cette  désertion 
à  l'ennemi,  les  mots  d'ordre  ont  été  changés  dans 
tout  larrondisscment  de  l'armée,  des  rondes  et 
patrouilles  ont  été  exactement  faites,  j'ai,  sans 
délai,  ordonné  au  colonel  Vincent,  mon  premier 
aide  de  camp ,  et   au   capitaine  de   gendarmerie 


—  344  — 

^lonljovet,  commandant  la  force  publique,  <ie  se 
endre  en  toute  hâte  au  camp  de  gauche,  où  était 
a  baraque  occupée  par  le  général  Sarràzin.  Tous 
es  papiers  ont  été  saisis,  les  deux  aides  de  camp 
ie  ce  général  et  ses  domestiques  ont  été  envoyés 
levant  le  commissaire  général  de  police,  ainsi  que 
[es  hommes  composant  l'équipage  du  bateau  le 
Saint-Laurent,  et  toutes  les  personnes  qu'on 
soupçonnait  avoir  eu  des  relations  avec  le  général 
Sarràzin,  ou  qui  pouvaient  donner  des  éclaircis- 
sements sur  sa  conduite. 

•  Cette  détermination  de  cet  officier  général  a 
frappé  toute  l'armée  du  plus  grand  élonnement  ot 
ne  peut  être  attribuée  qu'à  une  espèce  de  frénésie. 
Les  généraux,  tous  les  chefs  et  même  les  soldats, 
ne  peuvent  la  concevoir;  et  moi-même  j'éprouve 
une  surprise  d'autant  plus  forte,  que  je  recevais 
de  la  part  de  ce  général  les  témoignages  les  plus 
certains  de  son  zèle,  de  son  amour  pour  ses  de- 
voirs et  de  son  désir  d'assurer  le  bien  du  service 
de  Sa  Majesté.  Personne  ne  déployait  une  activité 
plus  soutenue,  ne  s'occupait  plus  que  lui  des  dé- 
tails de  son  commandement,  et,  par  les  mesures 
qu'il  prenait,  ne  portait  plus  à  faire  croire  que 
tout  ce  qu'il  faisait  tendait  à  procurer  une  amé- 
lioration dans  le  service.  La  veille  même  de  sa 
fuite,  il  m'adressa  le  résultat  de  la  vérification 
qu'il  avait  faite  de  la  comptabilité  des  troupes  qu'il 
commandait.  Certes,  Monseigneur,  d'après  ces 
témoignages  parlants,  il  était  de  toute  impossi- 


bîlité  de  diriger  le  plus  léger  soupçon  sur  cet  offi- 
cier général. 

t  J*ai  riionneur,  etc.  • 

Extrait  d'une  lettre  écrite  au  général  Hart}\ 
cbefd'état'major  du  camp  de  Boulogne,  pér 
M.  Renaud,  capitaine  adjoint,  commandai 
la  2"  brigade  de  la  4*  division,  datée  d'Êlâ- 
pies,  le  iO  juin  iSlO,  i  iO  heures  du  soiv. 

•  Mon  général,  M.  le  général  Sarrazin  s  est 
embarqué  ce  matin,  10  juin,  sur  un  bateau  de 
Gamiers  qui  l'attendait  près  du  poste  de  la  Petite- 
Garenne,  en  disant  qu'il  voulait  aller  à  Ëtaples  ; 
étant  vis-à-vis  la  batterie  de  Dannes,  il  passa  sur 
un  autre  bateau,  dit  le  Saint-Laurent,  de  Gamiers; 
il  commanda  alors  au  patron  de  cette  dernière 
embarcation  de  s'éloigner  du  rivage  pour  pouvoir 
pêcher  en  allant  à  Étaples  ;  aussitôt  que  ledit 
bateau  fut  loin  des  forts,  on  aperçut  un  brick  en- 
nemi au  large.  M.  le  général  Sarrazin  donna 
i'ordi'e  de  le  conduire  à  bord  ;  les  pécheurs  refu- 
sèrent en  alléguant  pour  raison  qu'il  leur  était 
défendu  expressément  de  mener  quelqu'un  chez 
l'ennemi  ;  alors  le  général  fit  voir  un  poignard  et 
des  pistolets  à  la  main,  obligea  lesdits  pêcheurs  à 
gouverner  sur  le  brick,  en  disant  qu'il  avait  oidre 
de  Son  Excellence  le  général  en  chef  d'aller  en  par- 
lementaire en  Angietenie  ;  4'équipage,  voyant  le 
nègre,  domestique  du  général,  aussi  armé,  obéit  et 


—  343  - 

aborda  le  bâtiment  anglais,  où  M.  le  général  Sarrazin 
donna  lui-même  par  écrit  Tordre  que  m'a  rap- 
porté le  patron  du  bateau  qui  est  revenu  à  terre 
après  cette  expédition.  Je  garde  l'original  de  cet 
ordre,  qui  est  bien  écrit  de  la  main  de  M.  le  gé- 
néral Sarrazin.» 

Copie  de  la  déclaration  que  le  général  Sar- 
razin a  remise  à  l'équipage  du  bateau  pé- 
cheur le  Saint-Laurent. 

•  Le  général  Sarrazin  déclare  avoir  ordonné  à 
son  équipage  du  bateau  de  pêche  le  Saint-Lau- 
rent^  de  Gamiçrs,  de  le  conduire  à  bord  d'un  brick 
anglais  pour  affaires  de  service.  » 

ORDRE   DU   JOUR   DU    4 1    JUIN    1810. 

«  L'armée  vient  d'être  témoin  d'un  événement 
le  moins  attendu  et  qui  n'a  pu  que  la  frapper  de 
la  plus  vive  indignation. 

«  Le  général  Sarrazin  s'est  rendu  traître  à  sa 
patrie  et  au  souverain  qui,  par  ses  nombreux  bien- 
faits, a  su  commander  la  reconnaissance  et  l'amour 
de  tous  les  Français.  Ce  général  a  abandonné  le 
poste  qui  lui  était  confié  pour  passer  chez  Ten- 
aemi.  Par  cet  acte  abominable,  il  se  couvre  du 
plus  grand  opprobre,  et  se  voue  au  profond  mé- 
pris de  toutes  les  nations,  même  de  celle  dont  il 
vient  d'embrasser  la  cause.  L'armée  peut  avoir 


—  a44  — 

Tassurancc  que  toutes  les  mesures  sont  prises 
pour  que  ce  crime  n'ait  aucun  résultat  fâcheux  ; 
que  tous  les  calculs  que  le  général  Sarrazin  pour- 
rait avoir  formés  seront  aisément  renversés,  el 
que  la  honte  seule  restera  au  coupable  qui  a  pu 
fouler  aux  pieds  les  devoirs  les  plus  sacrés,  pour 
adopter  des  sentiments  criminels  et  dignes  de  la 
punition  la  plus  rigoureuse. 

•  Le  général  en  chef  recommande  expressément 
a  MM.  les  généraux  et  à  tous  les  officiers  coin- 
mandants  sur  les  côtes  de  prendre  toutes  les  me- 
siiies  pour  que  le  général  Sarrazin,  dans  le  cas 
où,  sous  un  prétexte  quelconque,  il  reparaîtrait 
ici,  soit  de  suite  arrêté  partout  où  il  se  trouverait 
et  soit  de  suite  conduit,  sous  bonne  et.  sûre  es- 
corte, au  quartier  général  du  général  en  chef.  Celte 
disposition  trôs-imporlanle  doit  être  ponctuelle- 
ment suivie.  » 

Ce  général  Sarrazin  est  le  même  qui  a  écrit  la 
relation  des  campagnes  de  1812  et  de  1813  d'une 
façon  aussi  fausse  que  partiale. 


—  345  ^ 


LIVRE  XI 


D'Août  1811  à  Juin  1815. 


V.indamme  reçoit,  le  24  août  iSil,  le  commandement  de  la 
1  i«  division  militaire.  —  En  1812,  il  est  chargé  du  comman- 
dement du  contingent  westphalien  et  arrive  à  Cassel  le 
8  mars.  —  Les  troupes  du  roi  Jérôme  forment  le  8«  corps  et 
commencent  leur  mouvement  sur  Kalisch  à  la  fin  de  mars. — 
Commencement  de  la  mésintelligence  entre  le  roi  Jérôme  et 
Vandamme.  —  lettre  de  ce  dernier  (28  avril).  —  Difficulté  de 
faire  vivre  les  troupes.  —  Lettres  du  général  Marchand 
(mai  1812) .  —  Lettre  de  Berthier  (!•'  juin).  —  Réponse  de 
Vandamme  (4  juin).  —  Le  roi  Jérôme  retire  à  Vandamme 
son  commandement  (3  juillet  1812).  —  Correspondance  rela- 
tive à  cette  affaire.  — Vandamme  reste  sans  emploi  jusqu'au 
commencement  de  1813.  —  Il  est  envoyé  à  "Wesel  et  dans 
la  32*  division  militaire  avec  un  commandement  supérieur 
(mars  1813).  —  Situation  des  choses  dans  le  Nord.  —  l-ics 
Danois.  —  Vandamme  à  Wesel,  puis  à  Brome  le  1"  avril. 

—  Lettres  et  documents  du  1«'  au  23  avril  1813,  époque  de 
l'arrivée  du  prince  d'Eckmûlh  à  Brome.  —  Opérations  de- 
vant Hambourg.-^  Affaire  des  Danois. —  Reprise  de  la  ville. 

—  Satisfaction  de  TEmporeur.  —  Documents. 


Vandamme  conserva  le  commandement  de  la 
16*^  division  militaire  et  celui  du  camp  de  Boulo- 
gne jusqu'à  la  fin  d'août  1811.  Le  24  de  ce  mois, 
il  reçut  l'ordre  de  prendre  le  commandement  de  la 


— 846  -^ 

14®  division  et  du  camp  que  l'on  formait  à  Cher- 
bourg. Il  devait  être  remplacé  à  Boulogne  par  le 
maréchal  Ney  et  être  rendu  de  sa  personne,  le  1" 
septembre,  à  Cherbourg.  Il  conserva  son  traite- 
ment de  40,000  francs,  attribué  aux  généraux 
commandant  en  chef  un  corps  d'armée. 

Dès  que  la  guerre  contre  la  Russie  fut  décidée, 
dès  que  l'Empereur  s'occupa  de  la  répartition  des 
troupes  françaises  et  étrangères  qui  devaient  être 
employées  dans  cette  campagne  pour  laquelle  des 
préparatifs  gigantesques  étaient  faits,  Vandamme 
fut  désigné  pour  être  placé  à  la  tête  du  contingent 
westphalien. 

Le  général,  qui  s'était  trouvé  fort  mal  récom- 
pensé de  ses  deux  commandements  des  troupes 
wurlembergeoises  en  Silésie  et  en  Autriche;  qui, 
«n  1807 ,  avait  eu  à  plusieurs  reprises  maille  à 
partir  avec  le  plus  jeune  des  frères  de  l'Empereur, 
ne  se  souciait  nullement  d'avoir  de  nouveau  un 
commandement  de  ce  genre  et  encore  moins  d'être 
placé  sous  un  jeune  souverain  dont  Tamour- 
propre  naturel  n'avait  fait  que  s'accroître  depuis 
qu'il  avait  monté  les  marches  du  trône.  11  n'osa 
cependant  refuser,  et,  vers  le  2  mars  1812,  il 
quitta  la  France,  par  ordre  du  major  général, 
pour  se  rendre  à  Mayence  où  il  devait  recevoir 
ses  instructions. 

Le  8  mars,  il  arriva  à  Cassel.  Présenté  au  roi, 
il  fut  très-bien  accueilli,  lui  remit  ses  ordres  de 
service,  et  rendit  compte  au  prince  Berlhier-  U 


—  347  — 

il  les  Iroùpes  westphaKennes ,  les  trouva  fort 
telles  et  surtout  admirablement  bien  tenues . 

L*aile  droite  de  la  grande  armée  confiée  au 
Bune  roi  de  Westphalie  était  composée  de  quatre 
îOrps  d'armée  :  le  cinquième  (Polonais ,  34,000 
lommes),  commandé  par  le  prince  Poniatowski; 

—  le  huitième  (Westphaliens,  16,000  hommes), 
ommandé  par  Vandamme;  —  le  septième  (Wur- 
embergeois  et  Saxons ,  16,000  hommes) ,  com- 
nandé  par  le  général  Reynier;  —  le  quatrième 
ïorps  de  réserve  de  cavalerie ,  commandé  par  le 
général  de  Latour-Maubourg  (7,000  chevaux),  ce 
[ui  formait,  au  moment  de  l'entrée  en  campagne, 
m  effectif  de  75  à  80,000  combattants ,  dans  la 
nain  de  Jérôme,  alors  âgé  de  moins  de  trente  ans. 

La  composition  du  huitième  corps  était  la  sui- 
^atite  : 

Chef  d'état-major,  Tadjudant-commandant  Re- 
r'est  (6  officiers  français  adjoints  et  3  à  la  suite) . 

—  La  2â*  division  (général  Tharreau,  brigades 
)amas  et  Wickemberg),  9,000  hommes  et  350 
îhevaux.  —  24*  division  (général  d'Ochs),  bri- 
gade Wellingerode  et  brigade  de  cavalerie  légère 
Itli  général  Hammerstein,  plus  tard  ministre  de  la 
juerre  de  Westphalie,  5,000  fantassins  et  1,400 
îhevaux . 

Le  8^  corps  avait  sous  les  armes  18  bataillons, 
\  escadrons,  donnant  16,000  hommes,  2,400  che- 
fétix  montés,  1,000  de  trait  et  42  bouchés  à 
en  bîett  approvisionnées .  Le  quartier  général  était 


—  348  — 

à  Dessau,  et  les  Iroupes  réparties  entre  l'Elbe 
(rive  gauche) ,  la  Mulde  et  la  Saale  dans  les  Etats 
du  duc  d'Anhalt.  A  propos  de  ce  prince,  alors 
duc  régnant,  on  peut  voir  par  la  lettre  suivante, 
qu'il  écrivit  à  Vandamme  le  16  mars  1812,  quelle 
était  à  cette  époque  Thumilité  des  princes  de  la 
Confédération  vis-à-vis  leur  Protecteur. 

«  J*ai  éprouvé  jusqu'ici  sans  interruption  les 
effets  bienfaisants  de  la  protection  magnanime 
dont  Sa  Majesté  TEmpereuretRoia  daigné  m'ho- 
norer,  dès  l'heureux  moment  où  j'eus  le  bonheur 
de  rendre  en  personne,  à  cet  auguste  monarque, 
l'hommage  de  mon  admiration  et  de  mon  dévoue- 
ment respectueux  et  entier. 

•  Depuis  le  6  de  ce  mois,  une  quantité  considé- 
rable de  troupes  westphaliennes  se  trouve  can- 
tonnée dans  mes  États,  de  façon  qu'il  n'y  ail 
un  seul  village  qui  en  soit  exempt.  La  récolte  de 
l'année  dernière  ayant  été  des  plus  pauvres ,  et 
l'importation  des  vivres  ainsi  que  des  fourrages 
étant  entièrement  arrêtée  en  suite  du  cantonne- 
ment des  troupes  à  l'entour,  nous  nous  voyons 
exposés  à  une  disette  générale. 

•  Dans  cette  extrémité,  je  n'hésite  pas  de  con- 
fier mes  peines  à  Votre  Excellence,  comme  à  l'un 
des  anciens  et  des  plus  chéris  généraux  de  l'au- 
guste Protecteur  de  la  Confédération  du  Rhin,  et 
d'implorer  son  assistance  pour  nous  délivrer  du 
fléau  qui  nous  menace.  Qu'il  plaise  à  votre  Excel- 
lence de  faire  partir  ces  troupes  de  chez  nous,  au 


-  349  — 

plus  tôt.  En  nous  sauvant  de  la  ruine  par  cette 
marque  insigne  de  sa  bienveillance  et  de  son  hu- 
manité, elle  s'acquerra  des  droits  sur  la  recon- 
naissance d'un  cœur  accoutumé  dès  longtemps  à 
révérer  ses  qualités  éminentes  et  rares.  • 

Vandamme  ne  pouvait  malheureusement  qu'exé- 
cuter les  ordres  qu'il  recevait  de  Paris,  et  l'ordre 
de  départ  fut  donné  seulement  le  23  mars. 

La  veille ,  le  général  adressa  aux  troupes  du 
8®  corps  un  ordre  du  jour,  dans  lequel  il  leur  ex- 
primait sa  satisfaction  de  les  commander.  Il  leur 
parlait  aussi  de  la  sollicitude  bien  connue  de  leur 
souverain ,  sous  les  yeux  duquel  ils  allaient  com- 
battre; des  succès  qu'ils  ne  pouvaient  manquer 
d'obtenir  sous  la  bannière  du  grand  Napoléon.  En 
un  mot,  cet  ordre,  comme  ceux  adressés  auxWui*-' 
tembergeois  en  1807  et  en  1809,  était  le  façtiim 
obligé  de  tout  général  en  chef  qui  prend  son 
commandement. 

Le  24,  le  8®  corps  passa  l'Elbe  sur  plusieurs 
points  et  Vandamme  vint  à  Wittembreg,  d'où  il 
écrivit  au  roi  et  au  major  général.  Tous  deux  se 
trouvaient  à  Paris. 

Le  contiïigent  westphalien  continua  son  mouve- 
ment sur  Luckau  et  Glogau,  traversant  les  pays 
allemands  situés  entre  la  Bohême  et  les  Etats 
prussiens  pour  se  diriger  sur  la  Silésie.  Le  15,  il 
était  à  Kalisch,  sur  les  confins  de  la  Pologne,  où 
il  séjourna  quelque  temps. 

Bientôt  le  manque  de  vivres  commença  à  se 


faire  sentir  dans  les  cantonnements  polonais  comme 
dans  ceux  du  duché  d'Anhalt.  Vandamme  adressa 
aux  généraux  des  recommandations  pressantes 
pour  qu'ils  fissent  observer  la  discipline  la  plus 
exacte.  «  Ménagez  avec  plus  que  de  réconomie, 
leur  disait-il,  le  peu  de  ressources  que  ces  tristes 
contrées  produisent  encore.  Ce  ne  sera  que  par 
nos  soins  réunis  que  nous  pourrons  parer  aux 
maux  dont  nous  sommes  menacés,  etc.  » 

Le  23  avril,  il  écrivit  également  au  préfet  du  dé- 
partement de  Kalisch  pour  lui  dire  de  faire  con- 
naître le  dénûment  du  pays  au  gouvernement,  afin 
que  Ton  pût  aviser  aux  moyens  de  ne  pas  laisser 
aggraver  le  mal. 

Par  une  seconde  lettre,  il  prévint  le  roi  de  la 
famine  générale  qui  menaçait  les  troupes  de  des- 
truction. «  Nos  maux  vont  en  augmentant,  disait- 
il  à  Jérôme ,  notre  position  devient  de  plus  en 
plus  critique.  Le  pays  entier  est  dans  la  disette. 
Plus  nous  ai)prochons  de  la  Vistule  et  plus  notre 
situation  empire.  Déjà  des  habitants  meurent  de 
faim,  d'autres  se  nourrissent  de  glands.  Votre  Ma- 
jesté jugera  dans  quelle  anxiété  je  me  trouve. 
Le  prince  de  Neufchàlel  m'avait  assuré  qu'il  exis- 
tait des  magasins  à  Kalisch ,  Votre  Majesté  sait 
qu'il  n'y  avait  rien  à  l'arrivée  du  8*  corps.  Je 
pense  que  la  sagesse  de  Votre  Mcgesté  nous  déli- 
vrera du  fléau  qui  nous  menace.  • 

Le  lendemain,  le  général  mit  à  l'ordre  du  8* 


«  Westphaliens ,  c'est  à  vous  tous  que  je  m*a- 
resse;  c'est  à  Tarmée  entière  que  je  parle  et 
I  pense  que  ce  ne  sera  pas  en  vain.  Nous  sommes 
1  Pologne,  pays  allié  et  particulièrement  affec- 
onné  du  grand  Napoléon,  peuple  soldat  et  brave 
uî  partout  a  mêlé  son  sang  à  celui  des  Français 
our  vaincre  les  ennemis  de  la  djniastie  napoléo- 
ienne.  En  Italie  comme  en  Allemagne,  en  Egypte 
3mme  en  Espagne ,  les  légions  polonaises  ont 
larché  d'accord  avec  nous.  Ces  contrées  offrent 
n  ce  moment  peu  de  ressources,  nous  y  souffrons 
éjà  et  nos  maux  vont  augmenter,  mais  des 
ecours  nous  arriveront.  Votre  roi  connaît  notre 
osition.  Sa  Majesté  l'exposera  à  son  Auguste 
'ère  et  bientôt  nos  privations  cesseront.  Vos  gé- 
éraux  s'occupent  de  vous;  des  administrateurs 
âges,  qui  ont  la  confiance  de  votre  souverain,  tra- 
aillent  à  vaincre  les  difficultés.  De  votre  côté,  il 
lut  une  grande  patience,  de  la  sobriété,  de  la  con- 
ance  ;  un  militaire  doit  savoir  souffrir  sans  se 
ilaindre.  La  valeur  n'est  pas  la  seule  vertu  qui 
istingue  le  vrai  soldat.  Vous  prouverez  aux  Pôlo- 
lais  que  vous  savez  patienter  avec  vos  amis.  En 
[ion  particulier,  je  vous  en  témoignerai  toute  ma 
atisfaction.   » 

Au  milieu  des  embarras  où  l'on  se  trouvait  à 
;ause  du  manque  de  vivres,  Vandamme  était  fort 
lésireux  de  voir  arriver  le  roi  Jérôme  à  la  tête  de 
;es  troupes  ;  mais  le  roi,  revenu  de  Paris  et  parti 
le  Cassel,  était  occupé  à  un  voyage  d'exploration 


—  352- 

sur  Cracovie  et  en  Pologne,  voyage  que  l'Empe- 
reur Tavait  autorisé  à  faire  incognito. 

En  sou  absence,  le  chef  d'état-major  général  de 
Taile  droite,  le  comte  Marchand,  donna  le  27  a\Til 
à  Vandamme  Tordre  de  cantonner  le  8*  corps  la 
droite  à  Pulawi  ;  la  gauche  à  Pilica,  de  façon  à 
former  Textréme  droite  de  l'armée,  en  se  rap- 
prochant de  Cracovie  et  en  tirant  ses  vivres  de 
la  Vistule.  Ce  mouvement  devait  commencer  le 
3  mai.  Le  quartier  général  du  roi  était  indiqué  à 
Varsovie. 

Vandamme,  le  jour  même,  donna  les  ordres 
nécessaires  pour  opérer  le  mouvement.  Il  s'apprê- 
tait à  le  faire  commencer  le  2  mai ,  lorsque  le 
30  avril  il  reçut  du  roi  des  instructions  toutes  dif- 
férentes que  voici  : 

«  Vous  vous  porterez  avec  le  8®  corps  le  long  de 
la  Vistule,  la  droite  appuyée  à  Warka  sur  la 
Pilica  et  la  gauche  à  Villanova  près  Varsovie. 

•  Vous  commencerez  votre  mouvement  le  2*  du 
mois  de  mai. 

•  Vous  ne  devez  point  faire  faire  de  marches  for- 
cées. 

•  Les  gardes  du  corps  et  les  chevau-légers  lan- 
ciers de  la  Garde  devant  rester  avec  moi  à  Var- 
sovie, où  je  serai  le  2,  le  général  Wolf  recevra  dé- 
sormais ses  ordres  de  moi  directement  ;  vous  de- 
vez l'eu  prévenir. 

Le  général  Reynier  aura  sa  droite  appuyée  à 
Pilla  wi  et  sa  gauche  à  Ryczywol. 


—  353  -- 

Vous  regarderez  comme  non  avenu  l'ordre  que 
DUS  avez  reçu  de  porter  votre  droite  à  Pulawi 
t  votre  gauche  klaPilica. 

«  Je  ne  puis  qu'être  mécontent  de  l'accident 
ui  est  arrivé  à  la  brigade  de  Hammerstein  ;  c'est 
Dujours  la  faute  des  officiers.   » 

Vandamme  prit  fort  mal  les  instructions  nou- 
elles  qui  lui  étaient  envoyées  par  le  roi  de  West- 
)halie,  et  qui  venaient  changer  tout  ce  qu'il  avait 
prescrit.  Il  eut  le  tort  de  s'en  exprimer  assez  net- 
tement par  la  lettre  suivante  adressée  à  Jérôme 
et  datée  de  Zlaczew,  28  avril  : 

«  Conformément  aux  dispositions  arrêtées  par 
Votre  Majesté,  je  renverrai  exactement  toutes  les 
ordonnances  appartenant  au  V  et  au  2°  de  hus- 
sards, dès  que  les  lanciers  polonais  qui  doivent  les 
remplacer  à  mon  quartier  général  y  seront  arrivés. 
J'aurai  l'honneur  de  me  rendre  auprès  de  Votre 
Majesté  demain,  30  avril,  à  Vilbord,  pour  lui 
présenter  mes  hommages,  et  recevoir  les  ordres 
qu'elle  daignera  me  donner. 

«  M.  le  général  comte  Marchand,  par  sa  lettre 
du  27,  dont  je  joins  ici  copie,  m'a  fait  connaître 
que,  d'après  les  instructions  du  prince  de  Wa- 
gram,  le  8®  corps  était  destiné  à  former  l'extrême 
droite  de  la  grande  armée  et  devait  être  can- 
tonné, la  droite  à  Pulawi,  la  gauche  à  Pilica.  Je 
me  suis  empressé  de  régler  le  placement  des 
troupes  pour  prendre  cette  position.  Tous  les 
ordres  de  mouvement  ont  été  expédiés,  toutes  les 


mesures  prises  pour  assurer  les  subsistances  el 
pour\'oir  aux  besoins  des  corps,  autant  que  peut 
le  ixTrnettro  la  situation  pénible  de  ce  pays  mal- 
heureux. Auj<iurd'hui,  les  dernières  dépêches  de 
Voire  Majesté  viennent  totalement  changer  les 
instructions  que  j*ai  données,  mes  précautioos 
demeurent  inutiles,  il  me  faut  contremander  tout 
ce  (juc  j'ai  pn^scrit.  Uu'il  me  soit  permis  d'obser- 
ver à  Votre  Majesté,  avec  tout  le  respect  que  je  lui 
porte,  mais  aussi  avec  toute  la  liberté  que  doit  me 
donner  la  contiance  dont  elle  m*honore,  que  rien 
ne  jette  le  découragement  et  la  négligence  parmi 
les  troupes,  comme  cette  incertitude  sur  les  ordres 
qu'elles  ont  à  exécuter,  et  que  rien,  plus  que  les 
mouvements  continuels  el  inutiles,  ne  peut  cou- 
trarier  le  sei^vice  et  s'opposer  au  bien-être  du 
soldat.  Les  séjours  cjue  les  autres  corps  d'armée 
ont  employés  à  leur  repos,  aux  réparations  tou- 
jours si  nécessaires,  ont  été  chez  nous  continués 
en  marches  et  contre-marches  et  ne  nous  ont 
procuré  presrju'aucun  des  avantages  que  nous 
pouvions  on  espérer.  Je  supplie  Votre  Mfiyostédo 
no  point  porniettre  le  moindre  changement  sans 
(|u'il  ail  ét'i  miiremont  pesé  et  réiléchi.  Dans 
Tanxiété  ou  nous  nous  trouvons,  il  est  de  toute 
prudence  de  ne  pas  fatiguer  les  troupes  et  d'éviter 
soigneusement  de  détruire  le  résultat  des  \rAnes 
inthiies  qu'il  faut  prendre  pour  rassembler  les 
faihies  ressources  que  la  prévoyance  el  Tactivilé 
la  plus  soutenue  peuvent  encore  découvrir. 


-355  — 

J'oserai  ajouter,  Sire,  que  je  vois  avec  extrê- 
menl  de  peine  diminuer  chaque  jour  le  nombre 
;  troupes  qui  restent  directement  sous  mes 
ires.  Elles  vont  tout  à  Tlieure  se  trouver  ré- 
les  à  rien.  Nous  ne  pouvons  nous  attendre  à 
evoir  de  longtemps  ni  la  brigade  du  général 
nlouii-Verlun,  ni  le  régiment  de  Magdebourg; 
i*ai  inOme  enore  aucune  nouvelle  officielle  de 
I  arriv.'?.  Je  suis  donc  presque  restreint  à  la 
de  division  dTJchs,  et  s'il  faut  agir,  mon  inquié- 
e  seî'a  d'autant  plus  vive,  qie  je  n'aurai  qu'une 
s-faiMi*  jiorlion  de  cavalerie,  et  que  la  totalité 
»  corp:^  -«.'  forme  d'officiers  et  de  soldats  tous 
mes  de  la  meilleurr*  volont  .•,  mais  encore  jeunes 
inexpérimentés. 

»  J'aurais  cru  manquer  a  Votre  Majesté,  j*au- 
s  cru  manquer  aux  devoirs  que  j'ai  à  remplir, 
je  n'avais  pas  soumis  c.^s  observations  à  Votre 
Jesté:  qu'elle  daigne  être  intimement  persua- 
r  qu'elles  me  soûl  dictées  par  le  désir  ai-d^nt 
î  j'ai  de  contribuer  à  la  gloire  de  sr-5  anne>. 
î  pour  V'«trv  Maje>t'*  un  attachement  aussi 
cère  qu<'  r'-siieclu^ux.  Tou-m«^*s  soins  tendront 
ui  prouver  mon  entier  dévou^-menl  ;  mais  si 
*  a  dai;nii  j «lacer  en  moi  quelque  confiance  et 
?ndre  q:elques  r-r^ullats  satisfaisants  du  zèle 
ï  je  ir.ets  â  son  s^r\ice,  je  regarderai  tou- 
rs comme  ma  l^obe  la  plus  essentielle  de  lui 
jposcr  les  me>ui«-s  qui  devront  le  mieux  lui 
»uviT  ■•-   \A  \u\'t'\  T^*:  y-  prends   aux  succès 


—  356  — 

de  Tarmée  qui  fixe  constamment  toute  sa  solli- 
citude. » 

Cette  lettre  commença  à  indisposer  fortement 
le  jeune  roi  contre  le  commandant  en  chef  du 
8®  corps.  Jérôme  n'aimait  pas  les  remontrances, 
et  encore  bien  moins,  lorsque,  comme  dans  cette 
circonstance,  il  n  avait  pas  tort.  Un  ordre  du  ma- 
jor général,  en  effet,  était  venu  modifier  brusque- 
ment les  dispositions  prescrites  pour  les  positions 
à  occuper. 

Le  2  mai,  le  mouvement  prescrit  fut  exécuté,  et 
le  général  adressa  au  roi  l'itinéraire  des  divers 
régiments  pour  se  porter  sur  la  Vistule. 

Cependant  le  8®  corps  éprouvait  toujours  de 
grandes  difficultés  pour  vivre.  Son  ordonnateur 
Dupleix,  un  des  familiers  du  roi,  amené  par  lui 
de  Cassel,  était  plus  souvent  au  quartier  général 
de  Jérôme  qu'avec  les  troupes  en  marche.  Vau- 
damme,  fort  mécontent  de  cette  conduite,  écrivit 
le  3  mai  une  lettre  un  peu  verte  à  cet  ordonna- 
teur pour  le  rappeler  à  son  devoir.  —  «  Je  suis 
étonné,  lui  disait-il,  de  ne  point  vous  voir  encore 
arriver  ici,  et  je  ne  puis  deviner  pour  quels  motifs 
vous  tenez  constamment  à  rester  en  arrière.  Ce 
n'est  cependant  point  là  que  vous  parviendrez  à 
assurer  les  subsistances  de  l'armée.  Vous  donnez 
des  ordres,  mais  je  vous  le  répète,  ce  n'est  point 
par  une  correspondance  qu'il  est  possible  de  sortir 
aujourd'hui  du  pas  difficile  où  nous  nous  trouvons. 
C'est  en  avant  que  vous  devez  être,  eu  Galicie, 


—  357  — 

ir  tous  les  points  qui  peuvent  présenter  quelques 
sssources,  que  vous  devez  vous  transporter  et 
lire  agir  par  des  employés  sûrs  dont  l'intelli- 
ence  et  Tactivité  vous  soient  connues.  Toute 
administration  reste  tranquille  au  moment  où 
DUS  sommes  dans  les  transes  les  plus  cruelles. 
e.s  généraux  et  les  officiers  font  le  métier  des 
Iministrateurs,  et  ce  n'est  que  par  des  mesures 
légales  et  souvent  peu  certaines ,  qu'ils  cher- 
lent  à  nourrir  leurs  troupes,  etc.  Je  serais  fâché 
3  faire  sentir  mon  autorité  à  Tadministration, 
lais  je  serai  contraint  de  sévir  extrêmement  se- 
rrement si  désormais  le  service  n'est  pas  mieux 
ssuré,  etc.  »  Vandamme  terminait  en  disant  que 
s  autorités  locales  promettaient  et  ne  tenaient 
îs  ;  quMl  ne  répondait  plus  des  troupes  si  on  les 
issait  sans  vivres,  etc. 

Ce  manque  de  subsistances  ne  tarda  pas  à  en- 
mdrer  des  désordres  que  Vandamme,  malgré  sa 
îvérité,  fut  impuissant  à  réprimer.  Le  général 
5  plaignit  au  roi,  disant  que  Sa  Majesté  donnait 
ses  intentions  une  interprétation  fausse.  Jérôme 
li  fit  répondre  de  Varsovie,  le  12  mai,  par  le 
)mte  de  Furstenstein,  un  de  ses  ministres ,  la 
ittre  suivante  : 

«  Monsieur  le  comte,  le  roi  a  reçu  votre  lettre, 
•a  Majesté  me  charge  de  vous  dire  qu'EUe  n'est 
oint  portée  à  donner  aucune  fausse  interpréta- 
on  ni  à  vos  intentions  ni  à  votre  conduite,  et 
ue  vous  avez  la  preuve  de  sa  confiance  dans  la 


—  3Î18  — 

demande  qu'Elle  a  faite  de  vous  pour  commander 
ses  troupes  (1  )  ;  mais  Elle  observe  que  tout  ce 
qu'Elle  ordomie  doit  être  ponctuellement  exécuté, 
et  que  toute  négligence  à  cet  égard  est  sujette  à 
beaucoup  d'inconvénients ,  puisqu'il  faut  qu'Ellu 
soit  assurée  que  ses  ordres  trouveront  toujours  le 
commandant  de  Tarmée  sur  le  point  qu'il  lui  a 
été  prescrit  d'occuper.  Ce  n'était  point  là  le  cas, 
lorsque  vous  vous  êtes  rendu  à  Villanova,  malgré 
la  lettre  du  général  Marchand.  Quels  que  soicul 
vos  sentiments  particuliers  à  l'égard  du  chef  de 
rétat-major,  Sa  Majesté  pense  qu'ils  doivent  être 
étrangers  au  service,  et  que  les  ordres  qu'EUc  le 
charge  de  transmettre  doivent  être  exécutés  avec 
autant  d'exactitude  que  si  Elle  les  adressait  direc- 
tement. Sa  Majesté  espère  que,  comme  militaire, 
vous  sentirez  la  justesse  de  ce  raisonnement  et  que 
vous  n'attribuerez  point  ses  observations  à  un 
mécontentement  personnel.  » 

Vandamme  avait  le  caractère  entier  et  se  pliait 
diftîcilement  à  certaines  exigences.  Déjà  il  avait 
échangé  avec  le  général  Marchand,  chef  d'état-ina- 
jor  général  de  l'aile  droite,  des  lettres  aigres- 
douces  à  propos  des  mouvements  de  troupes  or- 
donnés, puis  modifiés,  puis  changés  lotalemeul,  à 
propos  de  la  difficulté  de  faire  vivre  les  hommes  et 


(1)  Non-seulement  le  roi  n'avait  pas  demamlé  VandatnnH*! 
mais  U  avait  mémo  été  très-mécontent  de  voir  que  rËmpen'Ui* 
avait  placé  ce  général  à  la  tétc  du  contingent  westphalieii' 


—  389  — 

les  chevaux.  Après  le  raouvement  sur  la  Vistule , 
Vandamme  ayant  écrit  directement  au  roi,  sans 
prévenir  le  chef  d^état-major  du  point  où  il  s'était 
établi  de  sa  personne,  Marchand  lui  manda  le 
12  mai  : 

«  Monsieur  le  général,  dans  la  lettre  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  écrire  le  6  de  ce  mois,  je  vous 
avais  prié  de  me  faire  connaître  le  lieu  où  vous  éta- 
bliriez votre  quartier  général,  et,  lorsque  le  roi  me 
demande  où  vous  êtes,  je  ne  puis  que  lui  répondre 
que  je  l'ignore.  Vous  pensez  bien^  Monsieur  le 
général,  que  lorsque  je  vous  écris,  c'est  toujours 
par  Tordre  du  roi ,  et  que  je  n'ajoute  jamais  une 
phrase,  ni  un  seul  mot  à  ce  que  Sa  Majesté  me 
prescrit  de  vous  dire.  Je  n'ai  pas  besoin  de 
vous  parler  de  cela,  vous  le  savez  tout  aussi  bien 
que  moi.  Le  roi  avait  également  ordonné  que  vous 
établiriez  des  postes  de  correspondance  entre 
Varsovie  et  la  PiUca,  pour  que  la  communication 
entre  le  quartier  général  et  le  général  Reynier  fût 
prompte  et  assurée  ;  vous  ne  m'avez  point  répondu 
là-dessus,  de  manière  que  les  ordres  de  Sa  Ma- 
jesté restent  sans  exécution.  D'après  cela,  il  est 
impossible  que  le  service  puisse  se  faire,  et  les 
inconvénients  les  plus  graves  peuvent  en  résulter. 
Je  ne  connais  pas  les  raisons  que  vous  avez  d'en 
agir  ainsi;  mais,  si  cela  doit  durer,  je  vous  prie 
de  me  le  dire  franchement,  parce  qu'il  est  juste 
que  je  puisse  me  justifier,  si  je  suis  hors  d'état  de 
rempUr  le  poste  qui  m'a  été  confié. 


—  860  — 

«  Je  puis  vous  faire  ma  profession  de  foi  et  vous 
assurer  que,  n'ayant  aucune  espèce  de  prétention, 
je  ne  clierche  que  le  l)ien  du  service  et  me  ren- 
ferme absolument  dans  les  ordres  et  les  volontés 
du  roi.  Jr  vous  prie  dans  celte  circonstance  de 
mettre  de  côte  toute  prévention,  parce  que  vou> 
ne  pouvez  trouver  en  moi  qu'un  bon  et  franc  ca- 
marade. 

•  11  serait  indispensable  que  vous  me  fissiez 
connaître  la  dislocation  de  votre  corps  d'armée, 
en  m'indiquant  les  différents  quartiers  généraux 
«le  vos  généraux,  afin  que  je  puisse  répondre  aux 
questions  de  Sa  Majesté.  » 

Unnouveau  sujet  dç mécontentement  vint  s'ajou- 
ter à  ceux  que  nous  venons  d'exposer.  Le  roi  de 
Westphalie  voulut  passer  en  revue  les  deux  di\i- 
sions  d'infanterie  et  la  cavalerie  du  8®  corps;  mais 
comme  le  jeune  souverain  aimait  le  faste,  la  re- 
présentation, au  lieu  de  venir  seul  ou  avec  ses 
aides  de  camp,  il  voulut  voyager  ayec  six  voitures 
de  gala,  ses  chambellans  et  les  personnes  de  sa 
cour.  Il  fit  écrire  le  21  mai  à  Vandamme  par  le  gé- 
néral Marchand  : 

•  Monsieur  le  général,  j'ai  l'honneur  de  vous 
envoyer  ci-joint  l'itinéraire  que  tiendra  Sa  Ma- 
jesté pour  une  revue  qu'elle  doit  passer  d'une 
partie  des  troupes  sous  ses  ordres. 

«  Le  roi  devant  partir  le  30  de  Lukow  pour  se 
rendre  le  même  jour  à  Pulawi,  passera  par 
Kock,  où  le  général  Hammerstein  devra  faire  te- 


-  361  — 

air  prêle  une  escorte  de  cinquante  hommes  avec 
six  chevaux  de  troupes  pour  les  personnes  à  la 
suite  de  Sa  Majesté  qui  seront  dans  le  cas  d'aller 
achevai. 

«  Le  général  Hammerstein  devra  en  outre  faire 

s 

rassembler  à  Kock  quarante  des  meilleurs  che- 
vaux de  Irait  des  environs,  qu'il  fera  demander 
chez  les  seigneurs,  pour  être  attelés  et  con- 
duire six  voitures  du  roijusques  àMiechow,  où 
il  se  trouvera  un  relais  de  chevaux  d'artillerie 
fournis  par  le  T  corps.  Je  vous  prie  de  donner 
des  ordres  en  conséquence  au  général  Hammer- 
stein. 

«  Sa  Majesté  voulant  passer  la  revue  de  votre 
première  division  le  l^*"  juin,  et  venir  coucher  le 
môme  jour  à  Varsovie,  il  sera  nécessaire  que  vous 
fassiez  former  deux  relais  de  trente-six  chevaux 
d'artillerie  chacun,  et  dans  chaque  relai  il  devra  y 
avoir  six  chevaux  de  troupes  ou  de  paysans  pour 
les  courriers  ou  écuyers  de  Sa  Majesté.  Vous  de- 
manderez aussi  au  général  Hammerstein  de  vous 
envoyer  cinquante  hussards  pour  former  deux 
escortes  de  vingt-cinq  hommes  chacune,  pour  ac- 
compagner le  roi.  Je  vous  prie  de  me  faire  con- 
naître les  endroits  où  vous  établirez  les  relais,  afin 
que  Sa  Majesté  sache  où  elle  devra  se  diriger  en 
passant  la  Pilica. 

«  Si  vous  avez  un  emplacement  plus  central 
que  Géra  et  qui  convienne  mieux  pour  votre  re- 
vue, je  vous  engage  à  le  faire  savoir  à  Sa  Mcyesté 


.—  mSfZ  — 

à  Kosenicc,  d'où  je  ferai  en  sorte  de  vous  écrire 
le  31  pour  vous  indiquer  l'heure  précise  où  le  roi 
pourra  arriver  au  lieu  de  la  revue.  » 

Vandamme  clait  plus  soldat  que  courtisan  el 
faisait  la  guerre  pour  de  bon.  Il  ne  pouvait  ad- 
mettre que  l'on  fatiguât  inutilement  les  chevaux  du 
pays,  si  nécessaires  pour  les  charrois,  et  ceux  de 
rarlillerie,  épuisés  par  le  défaut  de  nourriture,  tout 
cela  pour  traîner  pompeusement  six  voilures  de 
gens  de  cour.  Comme  il  ne  savait  pas  se  taire,  ses 
observations  parvinrent  aux  oreilles  du  roi,  dont 
le  mécontentement  contre  son  chef  du  8*  corps  ne 
fit  qu'augmenter. 

A  la  fin  du  mois  de  mai,  TEmpereur  reçut  de 
son  frère  des  plaintes  sur  Vandamme  ;  et,  des  au- 
torités du  pays,  des  plaintes  d'un  autre  genre  sur 
les  réquisitions  faites  par  les  troupes  westpha- 
liennes.  Il  fit  écrire  par  Berthier  au  général,  le 
l***"  juin  : 

«  Monsieur  le  général  Vandamme,  l'Empereur 
m'ordonne  de  vous  témoigner  son  extrême  mécon- 
tentement sur  les  excès  commis  pai*  les  troupes  du 
contingent  de  SaMajesté  le  roi  de  Westphalie,  dans 
tous  les  lieux  où  elles  ont  passé.  Les  plainte? 
sont  générales  à  cet  égard.  L'Empereur  vous  or- 
donne de  rétablir  Tordre  dans  le  corps  que  vous 
commandez,  de  faire  fusiller  ceux  qui  se  rendraient 
coupables  de  délits  envers  les  habitants,  de  ren- 
voyer en  Westphalie  ceux  de  leurs  officiers  qui 
se  permettraient  d'exiger  des  traitements  ou  des 


fournitures  qui  ne  seraient  point  autorisés  pour 
les  autres  corps  d'armées.  » 

A  la  réception  de  celte  lettre  de  reproche  qui 
n'était  nullement  fondée,  puisque  Vandamme  pre- 
nait tous  les  moyens  possibles  pour  éviter  les 
exactions  et  maintenir  la  discipline,  le  comman- 
dant du  8®  corps  répondit  au  major  général,  le 
4  juin  : 

«  Rien  ne  pouvait  me  faire  plus  de  peine  que  la 
lettre  que  Votre  Altesse  m'a  écrite  de  la  part  de 
l'Empereur  pour  me  témoigner  l'extrême  mécon- 
tentement de  Sa  Majesté  sur  les  excès  commis  par 
les  troupes  weslphaliennes.  Il  paraît  exister  un 
plan  contre  le  8^  corps  et  je  vois  avec  une  grande 
affliction  qu'on  est  parvenu  à  faire  entendre  à 
l'Empereur  une  foule  de  plaintes  qui  joignent  à  la 
noirceur  la  plus  complète  l'exagération  la  plus 
outrée.  J'affirme  que  jamais  des  troupes  ne  se 
sont  conduites  avec  plus  de  réserve,  avec  plus  de 
soumission  que  celles  du  8^ corps.  Elles  sont  en- 
core jeunes,  inexpérimentées  ,  mais  elles  ont  été 
continuellement  maintenues  dans  le  devoir  et  ont 
montré  peu  de  dispositions  à  s'en  écarter.  S'il  s'est 
commis  quelques  abus,  ils  étaient  inséparables  de 
la  marche  d'une  armée  et  ils  doivent  être  tous 
rapportés  à  des  causes  qui  nous  sont  étrangères  ; 
ils  n'ont  pu  être  produits  que  par  l'absence  des 
autorités  locales  ou  l'ignorance  de  celles  à  qui 
nous  pouvions  encore  nous  adresser  ;  par  le  défaut 
d'administration,  le  manque  de  moyens  de  trans- 


—  9U  — 

pfpti^  f'I  r^urUiul  parc-  qu'on  n'a\"ail  pris  aucune 
fne?*ijrc  pour  nous  recevoir  el  que  le  soldat  n'a  eu 
qu*â  partager  la  misère  de  la  plupart  des  habitants. 
Le  moindre  excès  a  toujours  été  puni  sévèrement. 
Justice  a  été  rendue  dès  qu'on  l'a  réclamée;  mais 
le.H  énormes  t^irts  qu'on  nous  suppose  se  rédui- 
WMit  à  quelques  poules  tuées,  quelques  bœufs  em- 
menés, et  ehaqiie  fois  les  corps  ont  été  contraints 
à  payer  le  dommage  qu'ils   avaient  causé.  J'ai 
accueilli  toutes  les  plaintes  qui  m'étaient  présen- 
tées ;  je  puis  dire  même  que  j'en  ai  mendié.  Le 
prévôt  el  les  officiers  de  gendarmerie  ont  été  char- 
gés d'examiner  scrupuleusement  tous  les  crimes 
imputés  à  nos  soldats  ;  vérification  faite,  on  a  sans 
cesse  reconnu  que  dans  les  réclamations  on  por- 
tait un  esprit  d'exagération  ridicule,  et  constam- 
ment on  a  obtenu  une  rétractation  de  la  part  même 
des  dénonciateurs.  Les  archives   de  l'état-major 
el  de  la  prévôté  contiennenl  des  pièces  qui  attes- 
tent ces  faits. 

•  Les  autorités  de  ce  pays  semblent  s'être 
tracé  une  conduite  qu'elles  suivent  fidèlement. 
Lorsque  nous  sommes  arrivés,  on  élevait  des 
plaintes  graves  contre  le  corps  saxon,  on  cher- 
chait à  nous  persuader  que  tout  était  dévasté, 
qu'il  ne  restait  plus  aucune  ressource;  d'après 
les  ('»loges  que  nous  avions  reçus  dans  le  duché  de 
DessaU;  en  Saxe,  en  Prusse,  on  se  féhcitait  même 
que  nous  vinssions  remplacer  le  T  corps.  Main- 
tenant, c'est  contre  noua  qu'on  se  déchaîne,  mais 


—  365  — 

on  se  préparc  aussi  à  ne  point  épargner  l'armée 
d'Italie ,  dont  on  témoigne  une  peur  extravagante, 
et  à  laquelle  sans  doute  on  ne  manquera  pas  de 
faire  supporter  les  imputations  les  plus  menson* 


gères . 


«  Je  puis  assurer  à  Votre  Altesse  et  je  la  prie 
d'en  présenter  la  certitude  à  TEmpereur,  que  tous 
les  généraux  du  8^  corps  ont  été  attentifs  à  pré- 
voir et  à  punir  rigoureusement  les  plus  légers 
délits  ;  que  la  gendarmerie,  qui  est  parfaitement 
organisée,  a  exercé  une  surveillance  très-active, 
que  des  officiers  d'état-major  porteurs  d'instruC' 
tions  très-sévères  ont  parcouru  les  cantonnements 
pour  y  faire  régner  le  bon  ordre,  donner  connais- 
sance des  intentions  de  TEmpereur  et  du  roi,  et 
annoncer  une  punition  exemplaire  à  ceux  qui  mon- 
treraient une  conduite  blâmable.  Nous  n'avons  eu 
réellement  à  réprimer  que  la  désertion,  plusieurs 
exécutions  ont  eu  lieu.  La  retenue  et  Iqs  bonnes 
dispositions  du  corps  westphalien  me  faisaient 
me  féliciter  d'en  avoir  le  commandement  et  j'étais 
loin  de  m'attendre  qu'il  se  trouverait  en  butte  à 
des  accusations  aussi  perfides.  Que  Votre  Altesse 
veuille  bien  avoir  l'assurance  que  les  reproches 
faits  au  8®  corps  n'ont  aucun  fondement,  qu'il  est 
dans  des  principes  et  dans  un  esprit  tout  autres 
que  ceux  qu'on  a  voulu  lui  prêter,  et  qu'il  est 
vraiment  incapable  des  excès  qu'on  lui  suppose  ; 
qu'elle  veuille  bien  aussi  se  persuader  que  j'ap- 
porte des  soins  continuels  et  presque  minutieux 


—  366- 

h  conlenir  mes  Iroupes  dans  le  slricl  de- 
voir el  que  c'est  au  maintien  de  la  discipline  la 
plus  exacte  que  j'applique  une  partie  des  efforts 
que  je  forai  t<»ujours  pour  prouver  à  TEmpereur 
cpiil  peut  voir  en  moi  le  sujet  le  plus  dévoué 
el  le  j)lus  respectueusement  attaché.   • 

Le  8''  cor|)s  cependant  lit  un  mouvement  dans 
les  i)remiers  jours  de  juin  et  vint  occuper  Karc- 
zew,  Slanislawow,  Kamienczik  el  la  gauche  de 
la  Narew,  sa  cavalerie  légère  sur  la  rive  gauche 
du  Bug  couvrant  le  front  delà  position.  Le  quar- 
tier général  s'établit  à  Varsovie  même.  Le  15, 
un  nouveau  mouvement  porta  les  troupes  vers 
le  nord  sur  Pullusk  et  Sierock,  sur  la  rive  droite 
du  Bug.  Le  7*"  corps  (Saxons  de  Réynier)  eut 
ordre  de  remi)lacer  le  8**  dans  son  camp 
d'Okoniew  el  dans  ses  positions  qu'il  quittait. 
Le  roi  porta  le  16  son  quartier  général  à 
Pultusk. 

En  arrivant  à  Sierock,  Vandamme  écrivit  au 
roi,  le  17  juhi  : 

•  J'ai  visité  et  reconnu  à  fond  la  position  offen- 
sive et  défensive  de  Sierock.  J'ai  tracé  le  camp 
de  la  23^  division.  Le  général  Tharreau  a  les 
ordres  convenables  en  cas  qu'il  ait  à  se  défen- 
dre ici,  ou  à  secourir  Pultusk.  Les  ponts  et  les 
têtes  de  ponts  sont  peu  avancés,  et  à  chaque  heure 
nous  pouvons  avoir  à  les  défendre  ou  à  nous  en 
servir  pour  déboucher  sur  le  Bug  ou  sur  le  Na- 
rew.  Le  général  Allix  dispose  cependant  à  tort 


-  367  - 

e  tout  le  monde  et  ne  voH  que  les  ponts.  Le 
î^'or  Phuff,  commandant  rartillerie  du  8®  corps 
t  que  je  croyais  à  son  parc,  est  ici,  à  mon 
rand  étonnement,  à  jouer  le  rôle  d'officier  de 
apeurs  ou  de  pontonniers,  tandis  que  le  colonel 
[liac  est  chargé  spécialement  de  cette  partie.  Le 
lajor  Phuff  abandonne  toute  Tartillerie  du  corps 
.eslphalien  dont  il  est  spécialement  responsable, 
ar  zèle  et  par  reconnaissance  envers  le  général 
lUix.  Comme  ce  désordre  compromet  tout,  j*ai 
ù  m'en  fâcher  fortement  et  je  prie  Votre  Majesté 
e  défendre  au  général  AUix  commandant  Tar- 
lUerie,  les  ponts  et  le  génie  de  Taile  droite,  de 
isposer  du  commandant  de  mon  artillerie,  car 
n  ce  moment  cette  arme  est  loin  d'être  a  la 
auteur  de  ses  besoins,  etc.  » 

Le  20  juin,  le  8°  corps  se  mit  en  marche  sur 
irodno  par  Nowogrod  et  Rozau  et  s'établit  le 
l  dans  celte  dernière  ville. 

Les  vivres  étaient  si  mal  assurés,  les  distri- 
utions  manquaient  si  souvent  que  les  troupes 
Uemandes,  assez  disposées  au  pillage  par  leur 
alure,  commctlaient  mille  désordres  sur  leur 
assage.  Le  roi  mit  à  Tordre  de  l'aile  droite, 
5  29,  des  dispositions  sévères  pour  remédier 
u  mal.  Vandamme  prescrivit  de  lire  cet  ordre 

la  tête  de  chaque  compagnie,  avertissant  que 
)ul  pillard  serait  immédiatement  traduit  devant 
ne  commission  prévôtale  et  fusillé  .dans  les 
ingt-quatré  heures. 


—  368- 

Le  30,  le  8^  corps  vint  à  Lipsk,  continuant 
sa  marche  sur  Grodno  où  il  entra  le  2  juillet. 

Le  3  juillet,  Vandamme,  désespéré  de  ce  que 
le  8®  corps  manquait  de  tout,  ne  recevait  au- 
cune distribution  régulière,  voyant  qu'il  ne  pou- 
vait empêcher  des  hommes  mourant  de  faim  de 
prendre  ce  qu'ils  trouvaient  pour  leur  nourriture, 
à  bout  de  patience,  eut  Timprudence  d'écrire  au 
roi  la  lettre  suivante  : 

«  Sire,  les  maux  du  8**  corps  sont  à  leur  com- 
ble, et  si  Votre  Majesté  ne  daigne  pas  remédier 
à  la  situation  affligeante  dans  laquelle  se  trouvent 
tous  les  corps,  je  serai  forcé  de  la  prier  de  me 
permettre  de  céder  à  un  autre  le  commande- 
ment dont  TEmpereur  m'a  honoré.  Il  est  impos- 
sible de  supporter  plus  longtemps  ce  qui  se 
passe  autour  de  moi.  L'ordre  a  disparu,  la  vio- 
lence règne  partout  au  nom  de  Votre  Majesté. 
L'on  viole  toutes  les  formes  et  les  convenances  ; 
Polonais  et  Westphaliens  s'en  plaignent  et  per- 
sonne ne  semble  en  avoir  averti  Votre  Majesté. 
J'y  suis  donc  obligé  autant  par  mon  devoir  que 
par  mon  attachement  à  votre  personne.  Je  prie 
Votre  Majesté  de  se  pénétrer  de  notre  situation; 
elle  y  est  doublement  intéressée  et  il  n'y  a  plus 
de  temps  à  perdre.  Les  résultats  les  plus  affreux 
ne  peuvent  que  naître  d'un  désordre  aussi  inouï. 
Les  rapports  ci-joints  prouveront  en  partie  à  Votre 
Majesté  ce  qui  se  fait  en  son  nom.  » 

Vandamme,  ignorait  lorsqu'il  écrivit  cette  lettre. 


—  369  — 

que  le  roi  de  Westphalie  s'était  déjà  plaint  à 
différentes  reprise,  à  l'Empereur  du  caractère  diffi- 
cile et  des  exigences  du  commandant  de  son 
8*  corps,  et  que  l'Empereur  fatigué  avait,  dans  un 
moment  de  mauvaise  humeur,  répondu  à  son  frère 
d'ôter  le  commandement  des  Westphaliens  au 
général,  s'il  en  était  mécontent. 

Le  jeune  roi,  profitant  delà  demande  que  Van- 
damme  semblait  lui  faire  de  résilier  ses  fonctions, 
lui  écrivit  le  jour  même,  3  juillet  : 

«  Je  reçois  votre  lettre  d'aujourd'hui.  Dans  ce  que 
vous  appelez  désordre  je  ne  vois  au  contraire  que 
rétablissement  régulier  des  mesures  que  jai  pres- 
crites, personne  n'ayant  le  droit  de  se  servir  soi- 
même. 

«  Les  lettres  de  Tordonnateur  du  8°  corps  que 
vous  me  soumettez  comme  une  preuve  du  dé- 
sordre me  font  voir  au  contraire  que  les  chevaux 
de  votre  corps  ont  reçu  un  demi-boisseau  de  sei- 
gle, que  les  hommes  ont  eu  demi-ration  de  pain 
et  que  la  ration  sera  complétée  ce  soir.  Je  ne  vois 
rien  là  qui  ressemble  au  désordre;  en  conséquence, . 
d'après  votre  lettre,  comme  je  ne  changerai  rien  à 
l'ordre  établi,  vous  êtes  autorisé  à  vous  rendre  à 
Varsovie  où  vous  attendrez  les  ordres  de  S.  M. 
TEmpereur  auquel  jenvoie  votre  lettre  en  lui  ren- 
dant compte  de  ce  qui  se  passe. 

«  Vous  remettrez  le  commandement  du  8*^  corps 
au  général  de  division  Tharreau  auquel  je  viens 
d'expédier  l'ordre  de  le  recevoir  de  vous.  » 


Vandamme  ne  8*attendait  pas  à  une  solution 
de  ce  genre,  puisque  de  fait  il  n  était  nullement 
dans  son  tort  en  demandant  que  Tadministration 
veillât  à  ce  que  des  distributions  régulières  fussent 
faites.  Il  fut  attéré  et  écrivit  immédiatement  à  TEm- 
pereur  : 

«  Votre  Majesté  aura  déjà  reçu  le  rapport  du 
roi  de  Westphalie  au  moment  que  la  présente 
pourra  lui  être  remise. 

«  Sur  une  représentation  aussi  fondée  que  res- 
pectueuse que  j'ai  adressée  au  roi  et  dont  je  joins 
ici  copie,  il  a  plu  à  Sa  Majesté  de  me  retirer  le 
commandement  du  8®  corps  et  de  m'envoyer  à 
Varsovie  attendre  les  ordres  de  Votre  Majesté 
Impériale  et  Royale.  Ne  pouvant  en  ce  moment 
trouver  de  chevaux  pour  me  porter  sur  Varsovie 
ni  sur  Vilna,  je  me  suis  vu  forcé  d'attendre  à 
Grodno  les  ordres  qu'il  plaira  à  Votre  Majesté 
de  me  donner. 

«  Sire,  c'est  après  avoir  fait  tous  les  efforts  pos- 
sibles pour  mériter  la  confiance  du  roi  de  West- 
phalie et  que  je  croyais  y  avoir  quelques  droils, 
qiu;  je  me  trouve  tout  à  coup  sans  comman- 
dement. 

•  Je  supplie  Votre  Majesté  de  no  pas  oublier  mes 
bons  et  anciens  services  et  d'être  persuadée  que  je 
n'ai  eu  d'autres  torts  ici  que  d'avoir  été  desservi 
auprès  du  roi  qui  hier  encore  me  comblait  do 
ses  laveurs. 

«  Je  prie  Votre  Majesté  de   ne  pas  me  laisser 


—  37i  - 

plus  longtemps  dans  Tanxiété  qui  m*accable,  au 
moment  où  il  y  a  des  Russes  à  combattre.  » 

Le  8®  corps  quitta  Grodno,  se  porta  en  avant. 
Vandamme  le  suivit  de  loin  et  s'avança  jusqu'à 
Bielitsa,  à  un  jour  de  Nowogrodeck,  De  là,  il  écri- 
vit le  11  juillet  au  roi  : 

«  C'est  à  Votre  Majesté  que  je  m'adresse  avec 
:ontiance  pour  la  prier  de  faire  cesser  mes  incer- 
Litudes.  N'ayant  pas  encore  reçu  les  ordres  de 
l'Empereur  je  n'ai  pu  rester  plus  longtemps  à 
Cirodno,  si  éloigné  des  armées  où  Ton  pourrait 
avoir  à  combattre  les  Russes. 

«  Le  motif  qui  a  déterminé  Votre  Majesté  à  m'e- 
loigner  d'elle  n'a  rien  de  coupable  ;  je  pense  qu'il 
lépendra  beaucoup  de  Votre  Majesté  que  je 
reprenne  le  commandement  du  8®  corps  où  je 
n'ai  cessé  de  faire  tout  mon  possible  pour  le  bien 
de  son  service  et  l'avantage  de  ses  troupes. 

«  Les  bontés  multipliées  dont  Votre  Majestém'a 
lionoré  durant  cette  courte  campagne  où  je  n'ai 
[)[i  rien  faire  pour  prouver  toute  ma  reconnais- 
sance et  mon  attachement  à  votre  personne,  me 
ionnent  l'assurance  que  Votre  Majesté  daignera 
ne  dire  ce  que  je  puis  espérer,  n'ayant  commis 
aucune  action  qui  ait  pu  me  faire  démériter. 

«  C'est  à  Bielitsa  que  je  supplie  Votre  Majesté 
le  me  faire  parvenir  ou  ses  ordres  ou  un  mot  de 
•épouse.  > 

Vandamme  s'était  fait  trop  d'ennemis  dans  l'en- 
ourage  du  roi,  pour  que  Jérôme  revînt  sur  sa 


—  372  — 

décision  ;  il  lui  fit  écrire  le  15  de  Niesvvisz  par  son 
secrétaire  le  baron  de  Sorsum  : 

«  Monsieur  le  comte,  Sa  Majesté  reçoit  la  lellrc 
que  vous  lui  adressez  de  Bielitsa,  en  date  du 
1 1  courant,  et  elle  m'ordonne  de  vous  informer 
que  TEmpereur  a  approuvé  que  le  général  de  di- 
vision Tharreau  fût  chargé  du  commandement  du 
8®  corps,  et  des  instructions  lui  ont  été  adressées 
en  conséquence.  Le  major  général  annonce  qu  il 
vous  fera  connaître  à  Varsovie  les  ordres  de  TEm- 
pereur. 

«  Sa  Majesté  le  roi,  d'ailleurs,  par  une  nou- 
velle disposition,  étant  appelé  de  sa  personne 
sur  un  autre  point,  a  remis  le  commandement 
des  différents  corps  de  Taile  di*oite  au  prince 
d'Eckmûhl.  • 

Comme  on  le  voit,  la  lettre  de  Vandamme  élait 
parvenue  au  roi  de  Westphalie ,  précisément  au 
moment  où  ce  prince  abandonnait  l'armée,  cho- 
qué de  la  conduite  à  son  égard  de  l'Empereur 
qui  le  mettait  sous  les  ordres  de  Davout,  et 
plus  encore  de  la  façon  d  agir  du  maréchal  qui 
lui  annonçait  brutalement  son  intention  de  réunir 
les  troupes  de  l'aile  droite  dans  sa  main. 

Ces  nouvelles,  la  lettre  du  baron  de  Sorsum, 
firent  comprendre  au  malheureux  Vandamme,  au 
désespoir  de  quitter  l'année  lorsqu'elle  allait  sans 
doute  aborder  lennemi,  qu'il  ne. pouvait  conser- 
ver d'illusion,  et  qu'il  n'avait  plus  qu'un  parti  à 


—  873  — 

3rendre,  belui  de  chercher  à  voir  TEmpereur;  il 
écrivit  donc  le  18  au  .major  général  : 

«  D'après  les  bruits  qui  se  répandent  à  Grodno 
jue  les  Russes  voulaient  se  battre  du  côté  de  Mir, 
ît  pensant  que  le  8*  corps  aurait  pu  m'étre  rendu, 
e  m'étais  empressé  de  m' avancer  vers  le  quar- 
tier général  du  roi  de  Westphalie^  en  prévenant 
3a  Majesté  que  je  suivrais  la  route  que  ses  troupes 
ivaient  tenue.  Hier  soir,  j'ai  appris  que  l'Empe- 
reur avait  donné  le  commandement  de  ce  corps 
lu  général  Tharreau,  que  le  roi  ne  commandait 
plus  l'aile  droite,  et  que  sous  peu  je  recevrais 
une  nouvelle  destination  qu'on  me  ferait  connaître 
i  Varsovie. 

«  Je  ne  puis  qu'être  extrêmement  sensible  à  ce 
^ui  m'arrive,  n'ayant  rien  fait  pour  démériter  des 
3ontés  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale.  Sans 
loute  on  m'aura  chargé  des  torts  des  autres,  et 
'on  sera  parvenu,  à  force  de  mensonges,  à  aigrir 
non  souverain  contre  moi.  Quoi  qu'il  arrive,  je 
l'ai  rien  à  me  reprocher,  j'en  appelle  à  tout  ce 
jui  est  braves  gens  à  l'armée  westphalienne  et 
îstimable  à  la  cour  du  roi*  J'aurais  grand  besoin 
le  voir  l'Empereur,  afin  de  n'être  pas  victime  dé 
aux  rapports,  mais  je  dois  encore  tout  espérer  et 
ittendre  avec  confiance  que  Sa  Majesté  daigne  me 
*endre  justice. 

«  J'ose  prier  Votre  Altesse  de  me  faire  expédier 
îopie  des  ordres  de  Sa  Majesté,  car  je  pense  que 
es  dépêches  qui  m'ont  été  adressées  à  Varsovie 


mettront  trop  de  délai  à  me  parvenir.  Ce  s^era  une 
nouvelle  obligation  à  £youter  à  celles  que,  depuis 
si  longtemps,  les  bontés  de  Votre  Altesse  me 
font  contracter  envers  elle.  » 

Cette  lettre  étant  restée  sans  réponse,  le  â7  juil- 
let Vandamme  écrivit  de  nouveau  à  Berthier  : 

■  La  situation  pénible  dans  laquelle  je  me  trouve 
me  force  à  interrompre  encore  Votre  Altesse.  Loi*s- 
que  le  roi  de  Westphalie  a  cru  devoir  m'ôter  le 
commandement  que  l'Empereur  m'avait  confié,  j'ai 
sollicité  les  ordres  de  Sa  Majesté  Impériale  et 
Royale,  et  tenant  fortement  à  ne  pas  m'éloignerde 
Tarmée,  je  les  ai  attendus  à  Grodno,  Ne  recevant 
malheureusement  aucune  réponse,  et  pensant  que 
l'ennemi  nous  attendrait  entre  le  Dnieper  et  la 
Dwina,  je  me  suis  établi  à  Bielitsa,  d'où  j'ai  expé- 
dié à  Votre  Altesse  un  aide  de  camp  qui,  n'ayant 
pas  pu  outrepasser  Vilna,  d'après  les  intentions 
de  l'Empereur,  a  été  obligé  do  déposer  chez  le 
gouverneur  les  dépêches  par  lesquelles  je  priaii^ 
instamment  Votre  Altesse  d'avoir  la  bonté  de  nie 
donner  copie  des  ordres  de  l'Empereur,  que  le  roi 
m'annonçait  avoir  été  envoyés  pour  moi  à  Var- 
sovie, Cette  lettre  reste  sans  réponse,  mon  espoir 
est  toiyours  trompé  et  ma  position  ne  fait  qu'em- 
pirer. Les  armées  sont  en  pleine  marche,  je  reste 
en  arrière  sans  aucune  destination.  Je  suis  au 
milieu  d'un  pays  ruiné  où  j'épuise  l'argent  que 
j'avais  encore,  et  où  il  m'est  impossible  de  me 
rien  procurer  des  quatre  mois  d'appointements  qui 


—  875  — 

me  sont  dus.  Je  suis  enfln  réduit  à  Tétat  le  plus 
complet  de  privations,  de  tristesse  et  de  la  plus 
cinielle  inquiétude.  Je  supplie  Votre  Altesse  de 
daigner  faire  cesser  cette  anxiété  trop  accablante, 
et  de  me  rappeler  au  souvenir  de  l'Empereur.  Sa 
Majesté  ne  refusera  pas,  ce  me  semble,  d'entendre 
plaider  en  ma  faveur,  lorsqu'Elle  voudra  bien 
examiner  que,  dans  cette  occasion,  je  ne  me  suis 
acquis  aucuns  torts,  que  c'est  toujours  dans  la 
vue  du  bien  du  service  que  j'ai  dirigé  toutes  mes 
actions,  et  que  personne  plus  que  moi  n'a  mis 
d'ambition  à  lui  prouver  un  véritable  attachement. 
Il  est  douloureux  qu'en  un  moment  et  pour  une 
cause  qui  m'est  tout  à  fait  inconnue,  je  perde  le 
fruit  de  tous]  mes  services  et  me  voie  retirer  la 
bienveillance  que  le  souverain  daigne  souvent  me 
témoigner.  Mon  désespoir  est  à  son  comble.  Mon- 
seigneur, et  Votre  Altesse  voudra  bien,  sans 
doute,  contribuer  de  tout  son  pouvoir  à  y  mettre 
un  terme.  Elle  a  eu  pour  moi  des  bontés  si  mul- 
tipliées, que  j'ose  espérer  un  nouveau  témoignage 
de  l'intérêt  qu'Elle  m'a  tant  de  fois  accordé.  Je 
réclame  que  mon  sort  soit  fixé  ;  j'ose  surtout  ré- 
clamer qu'on  se  rappelle  ma  conduite  passée, 
celle  que  j'ai  tenue  dans  celte  circonstance,  mon 
attachement  à  mes  devoirs,  et  les  sentiments 
d'amour  que  j'ai  toujours  professés  pour  Sa  Ma- 
jesté Impériale  et  Royale .  » 

Le  4  août,  Vandamme,  toujours  à  Bielitsa  où 
il  attendait  une  réponse  à  ses  lettres,  réponse  qui 


—  876  — 

n'arrivait  pas,  écrivit  pour  la  troisième  fois  au 
major  général  : 

«  Nous  sommes  au  4  août  et  ma  position  n'est 
point  changée.  Je  n'ai  reçu  aucune  réponse  aux 
différentes  lettres  que  j'ai  écrites  les  3,  18,  et  27 
juillet.  J'ai  prié  les  gouverneurs  de  Varsovie, 
Grodno  et  Vilna,  de  me  faire  parvenir  les  ordres 
qui  leur  seraient  adressés  pour  moi.  J'ai  interrogé 
tous  les  courriers  qui  passaient  sur  ce  point.  Toutes 
mes  démarches  ont  été  infructueuses.  Je  ne  sais 
à  quoi  attribuer  un  silence  aussi  accablant  et  j'en 
éprouve  un  véritable  désespoir.  Ne  pouvant  da- 
vantage supporter  cette  situation  affligeante,  je 
suis  forcé  de  prendre  le  dernier  parti  d'envoyer 
auprès  de  Votre  Altesse  le  capitaine  Pommereul, 
mon  aide  de  camp.  Je  supplie  Votre  Altesse  de 
me  faire  connaître  ma  destination  par  le  retour  de 
cet  officier.  Je  sollicite  comme  grâce  particulière 
de  reprendre  le  commandement  du  8®  corps,  et 
Votre  Altesse  m'obligera  éminemment  en  m'ob- 
tenant  cette  faveur.  Je  place  toute  ma  confiance, 
Monseigneur,  dans  la  bienveillance  que  Votre  Al- 
tesse m'a  si  souvent  témoignée,  et  dans  l'intérêt 
qu'elle  daignera  prendre  à  ce  qu'en  un  seul  ins- 
tant, et  sans  m'étre  acquis  aucuns  torts,  je  ne 
sois  pas  privé  des  bontés  de  mon  souverain. 

«  J'ose  renouveler  à  Votre  Altesse  les  assu- 
rances de  mon  respectueux  attachement  et  les 
expressions  de  la  vive  gratitude  que  je  ne  cesse 
de  lui  conserver.  » 


—  377  — 

Cette  lettre  était  expédiée  depuis  quelques 
;ours,  lorsque  Vandamme  reçut  de  Berthier  celle- 
ci,  datée  de  Witebsk,  6  août  : 

*  Monsieur  le  général  comte  Vandamme,  j'ai 
mis  sous  les  yeux  [de  l'Empereur  les  lettres  que 
vous  m'avez  écrites. 

«  Sa  Majesté  ne  vous  ayant  pas  autorisé  à 
quitter  votre  commandement,  ;Elle  a  dû,  à  cause 
de  votre  absence,  vous  remplacer  :  ce  qu'EUe  a 
fait.  En  conséquence,  vous  n'êtes  plus  employé 
dans  l'armée,  et  vous  devez  rentrer  en  France,  où 
vous  serez  à  la  disposition  du  ministre  :  j'en  pré- 
viens le  ministre  de  la  guerre.  » 

L'empereur,  mécontent  de  la  marche  des  affaires 
à  sa  droite,  mécontent  de  son  frère,  mécontent  de 
Davout,  mécontent  de  tout  le  monde,  s'en  pre- 
nait à  tout  le  monde  et  faisait  passer  sa  colère  sur 
tout  le  monde.  11  était  injuste  envers  Vandamme, 
puisqu'il  lui  imputait  à  crime  d'avoir  quitté  son 
commandement  53/25  ordres  tandis  que  le  malheu- 
reux général  n'avait  fait  qu'obéir  à  un  ordre  for- 
mel de  son  général  en  chef  autorisé  par  l'Empereur 
lui-même. 

Vandamme  ne  fut  pas  replacé  et  rentra  en 
France.  Il  se  rendit  â  Gassel,  où  il  resta  jusqu'à 
la  fin  de  l'année.  Il  avait  été  mis  par  lettre  de 
Berthier  en  date  du  6  août  à  la  disposition  du 
ministre  delà  guerre,  mais  laissé  sans  emploi. 

Au  commencement  de  1813,  le  général  vint  à 
Paris  et  vit  l'Empereur  qui,  ne  voulant  pas  sepri- 


—  878  — 

ver  pliis  longtemps  des  services  d*un  tel  homme 
de  guerre,  lui  promit  non-seulement  de  IVre- 
ployer  activement,  mais  de  lui  donner  même  m' 
position  qui  lui  permit  de  réparer  le  temps  perdu 
et  de  conquérir  de  nouveaux  droits  à  l'objet  de 
sa  légitime  ambition,  la  dignité  militaire  du  mar^ 
chalat. 

En  effet,  Vandamme  reçut  ses  lettres  de  ser- 
vice le  17  mars  1813,  pour  aller  prendre  à  Wei^cl 
le  commandement  de  deux  divisions  d'infanterie 
en  organisation  dans  la  25^  division  et  d'une  autre 
<lite  de  résen'e. 

(  '.es  deux  divisions  se  formaient  avec  les  4*  ba- 
taillons des  deux  premiers  corps  de  la  grande 
armée,  sous  les  généraux  Dufour  et  Dumonceau, 
la  division  de  réserve  avec  les  3*,  105*  et  29*  do 
ligne,  et  les  bataillons  de  marche  des  30*  et  Sl^ 
Elles  avaient  ordre  de  se  réunir  ensuite  dans 
la  32^  division  territoriale  en  se  portant  sur 
Miinster,  Osnabrûck,  Brème,  Hambourg,  où 
commandaient  les  généraux  T^oison  et  Carm- 
Saint-Gvr. 

Eu  envoyant  à  Vandamme  ses  instructions,  le 
ministre  de  la  guerre  lui  recommandait  de  partir 
en  poste,  d'être  à  Wesel  le  25  mars  au  plus  tard, 
d'annoncer  la  marche  de  troupes  nombreuse? 
destinées  à  réprimer  les  mouvements  insurrec* 
tionnels  de  la  32®  division  militaire,  de  faire  grand 
bruit  de  son  arrivée  et  des  forces  qui  le  suivaient; 
de  faire  établir  à  Osnabrûck  des  commissions 


-879  - 

pour  juger  les  perturbateurs  ;  de  correspondre 
avec  le  vice-roi  commandant  alors  la  grande 
armée  ;  avec  le  général  Lauriston  commandant  le 
corps  d'observation  sur  l'Elbe ,  avec  le  major 
général  Berthier  qui  avait  repris  ses  fonctions. 

En  arrivant  à  Wesel  le  26,  Vandamme  trouva 
Tordre  de  marcher  sur  Brème  avec  trois  ou  qua- 
tre bataillons»  laissant  les  autres  généraux  former 
leurs  divisions.  Le  général  Loison  était  averti  de 
se  rendre  à  Munster  avec  cinq  ou  six  cents  hom- 
mes. Ces  dispositions  étaient  faites  pour  réprimer 
les  mouvements  insurrectionnels  qui  semblaient 
menaçants. 

Un  fait  assez  bizarre  c'est  que  le  roi  Jérôme 
en  apprenant  que  Vandamme  arrivait  à  Wesel 
lui  écrivit  le  23  mars  :  J'ai  appris  avec  plaisir 
que  Sa  Majesté  venait  de  vous  donner  une  des- 
tination active  et  qu'elle  vous  rapprochait  de  mes 
États.  Je  prendrai  toujours  part  à  ce  qui  pourra 
vous  être  agréable,  etc. 

Deux  jours  après  avoir  expédié  cette  lettre,  le 
roi  de  WestphaUe  écrivit  de  nouveau  au  général  : 

■  Après  avoir  répondu  à  votre  lettre  et  avoir 
envoyé  ma  réponse  à  Wesel,  où  je  vous  croyais 
encore,  je  viens  d'apprendre  par  une  lettre  de 
§.  M,  l'Empereur  que  vous  deviez  arriver  à  Osna- 
bruck  avec  un  corps  de  troupes.  Je  suis  informa 
à  l'instant  de  votre  arrivée  en  cette  ville  et  je  ' 
m*empresse  de  vous  envoyer  un  de  mes  oHiciers 
d'ordonnance  afin  de  connaître  à  quelle  époque 


-880  — 

vous  aurez  une  ou  deux  divisions  en  état  d'agir 
et  de  pouvoir  combiner  mes  mouvements  avec  les 
vôtres  pour  que  nos  opérations  puissent  s'accor- 
der. 

«  Je  désire  que  vous  me  fassiez  connaître  parie 
retour  de  mon  officier  d'ordonnance  quels  sont  les 
mouvements  que  vous  comptez  faire  et  avec  quelles 
troupes  vous  les  exécuterez  ;  de  mon  côté,  j'es- 
père, à  la  fin  de  la  semaine  prochaine  ou  dans  les 
premiers  de  la  suivante,  avoir  douze  bataillons 
d'infanterie,  deux  mille  chevaux  et  trente  pièces 
de  canon.  J'ai  indépendamment  de  cela  deux  ba- 
taillons à  Danlzick,  quatre  à  Gustrin  et  quatre  à 
Magdebourg. 

«  Cette  lettre  n'étant  à  d'autre  fin,  je  prie  Dieu 
qu'il  vous  ait,  monsieur  le  général  comte  Van- 
damme,  en  sa  sainte  garde.   » 

Avant  d'aller  plus  loin  nous  croyons  utile  de 
faire  connaître  en  quelques  mots  la  situation  des 
choses  dans  la  32*^  division  militaire  et  les  rapports 
avec  la  France  du  gouvernement  danois,  dont  les 
troupes  étaient  à  Hambourg. 

Par  le  traité  de  Fontainebleau ,  l'Empereur  s'é- 
tait engagé  vis-à-vis  le  Danemark  à  lui  garantir 
l'intégrité  de  son  territoire  ;  aussi  pendant  l'an- 
née 1811,  la  cour  de  Suède  ayant  fait  faire 'des 
ouvertures  à  Paris  pour  qu'on  lui  prêtât  assis- 
tance dans  l'accomplissement  de  ses  désirs  de 
réunir  la  Norwége  à  son  territoire,  Napoléon  fit 
répondre  qu'il  ne  pouvait,  en  vertu  de    ses  stipn- 


—  381  — 

lalions  avec  le  cabinet  de  Copenhague,  donner 
son  consentement  au  démembrement  de  son 
allié. 

La  Suède  s'éloigna  alors  de  la  France  et  se  rap- 
procha de  TAngleterre.  L'année  suivante,  1812, 
la  guerre  devenant  imminente  avec  la  Russie,  le 
cabinet  de  Stockholm  revint  à  la  charge,  proposant 
de  faire  cause  commune  avec  nous,  si  nous  con- 
sentions à  lui  laisser  prendre  la  Norwége.  Le  ca- 
binet des  Tuileries  refusa,  ayant,  disait-il,  les 
mains  liées  par  le  traité  avec  le  Danemark.  La 
Suède,  dès  ce  moment,  ne  garda  plus  de  me- 
sure ;  elle  s'entendit  avec  l'Angleterre  et  le  czar. 

Napoléon,  cependant,  décidé  à  porter  la  guerre 
au  centre  de  la  Russie,  rassembla  dans  sa  main 
tous  les  moyens  d'action  des  puissances  qu'il 
traînait  à  sa  suite,  pour  les  opposer  aux  arme- 
ments de  son  redoutable  adversaire. 

Les  troupes  danoises  durent  fournir  leur  con- 
tingent, mais  elles  ne  bougèrent  pas  de  .leur  pays 
et  de  la  32®  division  militaire,  dont  Hambourg 
était  le  chef-lieu.  Ces  troupes  formèrent,  sous 
les  ordres  du  général  de  division  Ewald  et  des 
généraux  de  brigade  Wegener  et  Dorrien,  une 
division  de  deux  brigades  composée  de  onze  ba- 
taillons, de  huit  escadrons,  avec  un  matériel  de 
cinquante  bouches  à  feu,  et  ayant  un  effectif  réel, 
au  1^'  juin  1812,  de  neuf  mille  quatre  cents  com- 
battants. 

Cette  belle  division  se  trouva,  au  commence- 


—  MM  — 

mont  de  l'hiver  de  1812  à  1813,  ainsi  que  le  goa* 
vernement  danois,  dans  une  position  assez  criti- 
que. L'armcc  française,  détruite  par  les  glaces  et 
la  famine,  avait  évacué  une  grande  partie  du  pays 
que  lui  avait  conquis  ses  victoires  aux  embou- 
chures des  fleuves.  Hambourg  fut  abandonné  en 
mars;  le  Danemirk  était  menacé  par  la  Suède  et 
par  la  Russie.  Le  cabinet  de  Copenhague  montra 
do  riiésitation.  11  voyait  la  Norwége  lui  échapper  ; 
la  France  ne  lui  paraissait  pas  capable  de  le  dé- 
fendre efficacement  ;  le  roi  s'adressa  à  l'Empereur 
pour  sortir  de  cette  situation  critique.  Napo- 
léon, tout  en  laissant  une  sorte  de  liberté  d'action 
au  Danemark,  espérant  le  retenir  encore  quelques 
jours  dans  son  alliance  par  de  bons  procédés,  lui 
renvoya  quatre  équipages  d'excellents  matelots 
danois  qui  montaient  quatre  bâtiments  de  la  flotte 
de  l'Escaut.  Il  savait  bien  que  le  moment  n'était 
l)as  loin  où,  grâce  à  l'énergique  défense  du  prince 
Eugène  qui  avait  réorganisé  les  débris  de  la 
Grande-Armée  sur  l'Elbe,  grâce  à  sa  prodigieuse 
activité  pour  la  formation  d'une  armée  nouvelle 
dirigée  de  la  France  sur  le  Nord,  grâce  à  l'ascen- 
dant de  son  génie,  il  allait  pouvoir  reparaître  en 
vainqueur  dans  la  lice  et  faire  probablement  chan- 
ger les  dispositions  hostiles  de  bien  des  alliés  dou- 
teux. 

En  effet,  dôslecommencement  d'avril  1813,  et 
tandis  que  TAugletcrre  faisait  offrir  au  Dane- 
mark, s'il  voulait  entrer  dans  la  coalition  contre 


-  388- 

lous,  de  lui  donner  les  départements  de  la  32®  di- 
ision  militaire  en  compensation  de  la  Norwége, 
les  troupes  françaises  s'acheminaient,  sous  le 
omnandement  du  prince  d'Eckmûhl  et  du  gêné- 
ai  Vandamme,  deux  des  hommes  les  plus  vigou- 
Bux  de  l'arméC;  vers  les  embouchures  du  Weser 
t  de  l'Elbe. 

La  politique  du  Danemark,  cependant,  avait  tlé- 
hi  devant  les  circonstances,  les  dangers  et  l'éloi- 
nement  des  secours.  Le  roi  parut  consentir,  non 
as  à  la  cession  de  la  Norwége,  mais  à  couvrii- 
lambourg  et  à  tenir  celte  ville  à  l'abri  même  des 
rmées  françaises  pendant  le  temps  de  la  guerre, 
i  on  voulait  lui  garantir  l'intégrité  de  son  tern- 
aire. Deux  plénipotentiaires  furent  envoyés  pour 
chever  cette  négociation,  l'un  à  Londres,  l'autre 

Saint-Pétersbourg.  M.  de  Berensdorff  fut  mal 
eçu  par  le  prince  régent,  qui  refusa  de  lire  la 
îttre  du  roi  de  Danemark  et  déclara  qu'il  ne  pouv- 
ait y  avoir  de  traité  si,  au  préalable,  la  Norwége 
l'était  cédée  à  la  Suède.  M.  de  MoUke  fut  écon- 
uil  à  Saint-Pétersbourg,  et  le  prince  Dolgorouki 
ut  désavoué  comme  ayant  outrepassé  ses  pouvoirs 
n  consentant  à  la  convention  faite  avec  le  cabinet 
le  Copenhague.  Ainsi,  au  moment  où  les  armées 
rançaises  s'approchaient  du  Weser  et  de  l'Elbe, 
lu  moment  où  les  troupes  de  Napoléon  allaient 
itre  en  présence  des  troupes  danoises,  le  cabinet 
le  Copenhague  se  trouvait  sans  alliance  avec  les 
)uissanccs  coalisées  et  presque  en  hostilité  avec 


nous.  La  situation  politique  et  militaire  de  ce 
malheureux  pays  devenait  donc  de  plus  en  plus 
singulière  et  dangereuse. 

Tel  était  l'état  des  choses  à  la  fin  de  mars  1813, 
lorsque  Vandamme,  nommé  commandant  supé- 
rieur de  la  32®  division  militaire  et  précédant  avec 
quelques  bataillons  les  deux  divisions  en  formation 
dans  le  nord,  lança  de  Wesel  aux  habitants  de 
la  Lippe,  des  Bouches-du-Weser  et  de  TElbe, 
une  proclamation  pour  leur  annoncer  les  intentions 
de  TEmpereur.  Le  chef-lieu  de  la  32°  division 
militaire,  la  ville  de  Hambourg,  que  les  Danois 
avaient  promis  de  défendre  contre  nous,  était  oc- 
cupée alors  par  les  troupes  russes  du  général 
Tettenborn.  En  outre,  Altona,  ville  danoise,  qui 
est,  pour  ainsi  dire,  un  des  faubourgs  de  la  riche 
citée  anséatique ,  avait  pour  garnison  une  partie 
delà  division  Ewald,  alors  passée  sous  les  ordres 
du  général  Wegener.  Le  commandant  de  la  place 
d' Altona  était  le  colonel  Haffner,  jouissant  de  la 
confiance  et  de  l'amitié  de  son  souverain,  et  ayant 
sa  pensée  tout  entière. 

Vandamme  avait  ordre  de  marcher  sur  Brème, 
de  refouler  l'ennemi,  de  mettre  en  état  de  siège  la 
32®  division  et  de  pousser  sur  Hambourg  pour  s'en 
emparer  de  vive  force,  si  besoin  était. 

Le  26  mars,  en  arrivant  à  Wesel,  Vandamme 
lança  la  proclamation  suivante  : 


—  385  — 

Aux  habitants  du  département  de  la  Lippe^ 
des  Boucbes-du-Weser  et  de  VElbe,  etc. 

«  Je  suis  envoyé  par  S.  M.  TEmpereur  Napo- 
léon le  Grand,  notre  auguste  souverain,  à  la  tète 
d'une  armée  considérable  pour  vous  défendre  et 
vous  protéger.  Les  troupes  maintiendront  partout 
la  discipline  la  plus  sévère  ;  elles  n'oublieront  pas 
qu'elles  sont  en  France.  Vous  leur  prouverez, 
j'espère,  que  vous  ne  leur  êtes  pas  étrangers. 

€  Je  dois  vous  prémunir  contre  les  criminelles 
suggestions  de  nos  ennemis,  qui  parcourent  le 
pays  en  fomentant  des  troubles.  Déjà  des  courriers 
ont  été  insultés,  des  militaires  maltraités  et  même 
des  voyageurs  particuliers  dévalisés.  De  tels  at- 
tentats ne  peuvent  avoir  pour  auteurs  que  des  en- 
nemis de  la  gloire  de  la  France.  Ces  lâches  dis- 
paraîtront bientôt  :  la  sûreté  publique,  et  celle  des 
troupes  que  l'Empereur  a  daigné  me  confier, 
lexigent. 

Esclave  de  mon  devoir  et  soumis  à  mon  maître, 
les  mesures  sont  prises  pour  que  tout  ras- 
semblement armé  soit  dissipé  par  la  force  des 
armes  et  que  tout  individu  convaincu  d'avoir  at- 
tenté à  la  sûreté  publique  ou  particulière  soit  à 
l'instant  traduit  devant  l'une  des  quatre  commis- 
sions militaires  établies  à  Wesel,  Munster,  Os- 
nabruck  et  Brème ,  et  exécuté  à  l'instant  de  sa 
condamnation. 


—  386  — 

•  Les  autorités  civiles  et  judiciaires  sont  priées 
de  concourir  de  tous  leurs  moyens  à  faire  connai- 
tre  ceux  qui  pourraient  compromettre  les  bons 
habitants  du  pays  et  Tarmée.  Le  moment  est 
venu  de  se  montrer  tout  entier  au  souverain  et 
fortement  attaché  aux  devoirs  de  sa  place. 

«  De  toutes  parts,  des  corps  nombreux  accourent 
de  Tancienne  France  pour  vous  secourir  et  prou- 
ver à  nos  ennemis,  quels  qu*ils  soient,  que  Ton 
ne  touche  pas  impunément  au  territoire  du  grand 
Empire.  De  nouvelles  victoires  vous  rendront 
bientôt  cette  sécurité  que  de  lâches  alarmistes 
vous  ont  un  instant  fait  perdre .  L^Empereur  veille 
et  pourvoira  à  tout  ;  restez-lui  ildèles  ;  ses  enne- 
mis n'ont  jamais  été  longtemps  heureux.  > 

La  mission  de  Vandamme  dans  les  déparle- 
ments du  nord  devenait  de  jour  en  jour  plus  impor- 
tante et  plus  difTicile.  Napoléon  lui  prescrivait  de 
prendre  des  mesures  promptes  et  énergiques  pour 
réprimer  les  insurgés,  de  faire  des  exemples 
très-sévères,  de  réoccuper  les  côtes,  de  rétablir  les 
batteries  de  côte  abandonnées,  de  tenir  en  force  la 
ligne  du  Weser,  etc. 

Le  29  mars,  le  général  manda  d*Osnabruck  au 
major  général  qu'arrivé  la  nuit,  il  avait  trouvé  son 
1^^  bataillon  de  marche  et  serait  le  surlendemain  à 
Brème  ;  qu'en  traversant  Munster  il  avait  vu  les 
autorités  et  passé  la  revue  de  quatre  bataillons; 
qu'il  apprenait  à  l'instant  que  les  insurgés  de  Bre- 
merleké  avaient  été  réduits,  le  fort  repris,  et  qu'on 


—  387  - 

avait  tué  cent  cinquante  révoltés ,  quarante  An- 
lais,  et  que  l'un  des  chefs  de  l'insurrection,  Jean 
toucher,  avait  été  fusillé. 
Dans  les  premiers  jours  d'avril ,   Vandamme 
pprit  par  une  dépêche  de  Tétat-major  général 
ue  le  prince  d'Eckmiilh  ayant  reçu  le  comman- 
ement  de  toute  la  ligne  de  l'Elbe,  de  Magdebourg 
la  mer,  la  32®  division  était  sous  ses  ordres,  el 
ue  lui-môme  par  conséquent  se  trouvait  devoir 
béir  au  maréchal,  et  correspondre  avec  lui.  Il 
estait  néanmoins  revêtu  du  titre  de  commandant 
upérieur  des  trois  divisions  se  réunissant  dans 
a  32®  division  territoriale,   lesquelles   étaient  : 
;elles  des  généraux  Carra-Saint-Cyr,  Dufour  et 
)umonceau.  La  mission  des  troupes  qui  les  for- 
naient  était  de  marcher  sur  les  rassemblements, 
le  désarmer  le  pays  et  de  faire  de  sévères  exem- 
)les.  Elles  devaient,  une  fois  les  côtes  et  les  batte- 
ries réoccupées,  se  porter  sur  Lunebourg,  Haar- 
)ourg,  Hornebourg,   Cuxhaven,  se  placer  sur  la 
'ive  gauche  de  l'Elbe  de  façon  à  reprendre  Ham- 
jourg  lorsque  le  moment  serait  venu. 

Vandamme  avait  espéré  rester  seul  commandant 
3n  chef  de  la  32®  division  militaire,  il  fut  médio- 
3rement  satisfait  d'apprendre  qu'une  fois  encore 
il  était  sous  les  ordres  de  Davout. 

Toutefois,  il  ne  laissa  rien  percer  de  sa  contra- 
riété, et  il  continua  à  servir,  comme  il  avait  Thabi-- 
lude  do  le  faire,  avec  une  activité,  un  dévouement 
au  service  de  l'Empereur  et  de  la  France,  avec 


—  388-- 

une  fermeté,  une  vigueur  bien  appréciés  de  Na- 
poléon. 

Le  15  avril,  il  écrivit  de  Brème  au  major  gé- 
néral. 

•  Monseigneur,  TEnipereur  ayant  daigné  rae 
laisser  la  plus  grande  latitude  et  me  dire  qu'arrivé 
à  Brème  je  serais  le  maître  d'agir  d'après  les 
circonstances,  j'ai  pensé  qu'en  ce  moment  Tobjel 
essentiel  était  de  calmer  les  esprits  et  de  rétablir 
l'ordre.  Ce  résultat  est  complètement  obtenu,  je 
puis  en  attester  MM.  les  préfets.  Maintenant  je 
vais  faire  réoccuper  les  bords  de  l'Elbe  et  obser\er 
Hambourg  par  les  troupes  que  commande  le  gé- 
néral Carra-Saint-Cyr.  Mes  bataillons  se  porteront 
sur  la  côte  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  arriveront. 
Les  derniers  bataillons  formeront  une  résene 
sur  le  Weser.  Je  crois  que  ces  mesures  compléte- 
ront mes  premières  opérations.  De  nouvelles  cir- 
constances détermineront  de  nouvelles  disposi- 
tions. 

«  Le  roi  de  Westphalie,  Monseigneur,  ma 
donné  connaissance  d'une  lettre  en  date  du 
29  mars ,  par  laquelle  le  vice-roi  annonçait  à  Sa 
Majesté  que  la  colonne  qu'il  avait  dirigée  sur 
Werben  était  entrée  dans  la  ville  le  27  au  soir  el 
y  avait  culbuté  un  millier  de  Cosaques  qui  la  dé- 
fendaient; que  cependant  il  était  déjà  passé  le 
général  Gzernichen  avec  un  duc  d'CEls  et  un  gé- 
néral hanovrien,  et  que  leurs  troupes,  consistaul 
dans  environ  3,000  chevaux  et  3,000  hommes 


—  389  - 

d'infanterie,  s'étaient  dirigées  à  Sahausen  et  pa- 
raissaient vouloir  gagner  le  Hanovre  dans  l'espé- 
rance de  l'insurger.  Je  me  suis  empressé  de  faire  les 
dispositions  nécessaires  pour  arrêter  les  progrès 
de  ce  corps.  Je  ne  puis  encore  confier  mon  rap- 
port au  papier;  mais,  dès  que  je  serai  sûr  des 
communications,  j'aurai  l'honneur  de  rendre 
compte  à  Votre  Excellence  des  mesures  que  j'ai 
prises  et  du  résultat  qu'elles  auront  produit. 

•  P.-S.  —  D'après  les  nouvelles  que  je  reçois 
à  l'instant,  il  paraîtrait  certain  que  ce  corps  en- 
nemi n'a  pu  continuer  sa  marche  sur  le  Hanovre 
et  qu'il  a  eu  un  engagement  avec  le  général  Mo- 
rand, car  on  a  entendu  hier  une  canonnade  du 
côté  de  Totstedt.  Un  officier  français,  qu'on  va 
envoyer  interroger,  est  arrivé  blessé  à  Ottersber- 
ghée.  Les  communications  avec  le  général  Mo- 
rand ont  sans  doute  été  interceptées,  puisque 
jusqu'aujourd'hui  on  n'a  pas  reçu  de  ses  nou- 
velles. 

«  Le  bruit  court  que  l'ennemi  a  un  fort  poste  à 
Celle,  ce  qui  pourrait  aussi  faire  croire  qu'il  s'est 
porté  sur  le  Hanovre  et  qu'une  partie  du  corps 
seulement  a  été  engagée  avec  la  division  du  géné- 
ral Morand.  » 

Rien  ne  pourra  mieux  faire  connaître  la  situa- 
tion des  choses  à  cette  époque,  dans  la  32®  divi- 
sion militaire,  que  les  lettres  suivantes,  émanées 
de  divers  personnages  : 


^890  -^ 

.    LE  GÉNÉRAL  CARRA-RAINT-GYB  AU  GÉNÉRAL  MOUTOR. 

•  Brème,  i"  avril  1813. 

«  Mon  cher  général,  j'ai  reçu  la  lettre  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  d'Utrecht,  le 
23  mars. 

«  Les  temps  sont  changés,  si  vos  instructions 
ne  le  sont  pas  ;  il  est  prudent  pour  vous  de  ne  plus 
compter  sur  la  division  danoise. 

«  J'ai  dû  passer  sur  la  rive  gauche  de  l'Elbe 
pour  y  prendre  position ,  je  l'ai  quittée  momenta- 
nément pour  empêcher  l'insurrection  dans  le  dé- 
,  parlement  du  Weser  de  faire  de  trop  grands  pro- 
grès* Le  lieutenant  général  Vandamme  ayant  porté 
son  quartier  général  à  Brème,  je  pars  aujour- 
.d'hui  pour  me  joindre  avec  les  troupes  à  ma  dis- 
.  position  au  général  Morand,  et  tenir  sur  la  rive 
gauche  de  l'Elbe. 

«  Voilà,  mon  cher  général,  mon  histoire  en  rac- 
courci; le  sort,  sur  mes  vieux  ans,  ne  m'a  pas 
destiné  à  d'heureuses  aventures;  cependant  je 
pousserai  ma  carrière  tant  que  mes  forces  me  per- 
.mettront  de  suivre  l'Empereur.  » 

VANDAMME  AU  MAJOR  GENERAL. 

«  Brèm«,  3  avril  1819. 

«  Monseigneur,  j'ai  reçu  la  lettre  que  Votre  Ex- 
cellence m'a  écrite  le  30  mars.  J'ai  de  suite  fail 


—  991  -* 

connaître  à  MM.  les  préfets  d'Osnabruck ,  Brè- 
me et  Hambourg,  que  l*Empereur  ordonnait  que 
les  départements  composant  la  32^  division  fus- 
sent mis  en  état  de  siège. 

«  J'avais  déjà,  Monseigneur,  fait  mes  rapports 
au  prince  d'Ëckmùhl  ;  je  les  lui  continuerai  et 
m'empresserai  d'exécuter  les  ordres  qu'il  me  don- 
nera pour  le  service  de  Sa  Majesté. 

€  Les  instructions  que  Votre  Excellence  m'a- 
dresse par  sa  dépêche  du  30  seront  ponctuellement 
suivies.  Elle  voudra  bien  être  persuadée  que  je  ferai 
tous  mes  efforts  pour  remplir  le  mieux  possible 
les  intentions  du  souverain.  • 

LE   PRINCE  EUGENE  A   VANDAMME. 

«  Magdebourg,  {•'  avril  l8tS. 

t  Monsieur  le  général  comte  Vandamme,  Sa 
Majesté  le  roi  de  Westphalie  vient  de  me  faire 
passer  copie  de  votre  lettre  du  28  mars  et  copie  de 
sa  réponse.  Il  me  tardait  de  vous  voir  arriver  sur 
le  Weser  et  c'est  avec  satisfaction  que  je  vois  que 
votre  1^*  division  sera  le  5  à  Brème.  Il  faudra 
qu'elle  fournisse  un  poste  à  Verden,  et  votre  2*  di- 
vision qui  sera  le  10  à  Minden  détachera  des  trou- 
pes àNieubourg.  Vous  ferez  continuer  le  travail 
que  j'ai  ordonné  à  la  tète  de  pont  de  Minden;  il 
y  a  un  officier  du  génie  chargé  de  cette  opération. 
Je  vous  recommande  de  donner  des  ordres  pour 
la  police  des  bacs  et  bateaux  en  faisant  couler 


ceux  que  Ton  ne  pourrait  réunir  dans  les  différentes  «'^ 
villes  de  Brème,  Verden,  Minden,  Xieubourg. 

•  Je  m*établis  demain  sur  la  rive  droite  de 
l 'Elbe  avec  six  divisions  et  près  de  â,000  chevaux. 
Le   prince  d'Elckmûhl  occupe  le  bas  EUbe  avec 
17  bataillons,  et   j'ai   formé  un  corps  d'obser- 
vation de  12  bataillons  et  2,000  chevaux  sous  les 
ordres  du  général  Sébastiani,  pour  poursui\Te  les 
partis  qui  ont  passé  l'Elbe  entre  Verden  et  Ham- 
bourg, au  nombre  de  5  à  6,000  hommes,  infanterie 
et  cavalerie.  Le  général  Sébastiani  doit  chercher 
à  rallier  le  général  Morand,  qui  est  entre  Brème 
et  Hambourg.  J'ai  besoin  de  faire  rentrer  dans 
mes  divisions  les  troupes  qui  se  trouvent  en  ce 
moment  sous  les  ordres  des  généraux  Morand  et 
Garra-Saint-Cyr.  Il  est  d'autant  plus  essentiel  que 
vous    arriviez  promptement   à    Brème  que   les 
Russes  et  Prussiens  jettent  des  partis  sur  la  rive 
gauche  de  l'Elbe  par  Hambourg  et  Boizenbourg, 
s'établissent  à  Lunebourg  et  se  lient  aux  Anglais 
qui,  au  nombre  de  500  hommes,  ont  débarqué  à 
Cuxhaven  ;  en  même  temps  on  travaille  le  pays 
pour  le  porter  à  se  soulever.  Il  n'y  a  que  la  pré- 
sence d'une  force  militaire  imposante  qui  puisse 
mettre  ordre  à  tout  cela.  » 


»  _  _  * 


VANDAMME  AU  MAJOR  GENERAL. 

«  Brome,  4  avril  1813* 

Monseigneur,  conformément  aux  intentions 


—  393  — 

ie  Votre  Excellence,  M.  le  général  Dumonceau 
est  allé  s'établir  à  Minden,  où  se  réunira  la  di- 
vision  qu'il  doit  commander.  Il  communiquera 
avec  le  général  Boursier,  qui  est  à  Hanovre, 
avec  le  général  Hammerstein,  qui  se  trouve  main- 
tenant à  Hildesheim  avec  un  corps  westphalien 
et  avec  le  corps  de  partisans  français  qui  est  à 
Celle. 

«  Je  suis  de  suite  entré  en  correspondance 
avec  le  général  Lemarrois  pour  le  prier  de  pres- 
ser autant  que  possible  l'organisation  des  batail- 
lons et  la  formation  de  l'artillerie  qui  me  sont 
destinés.  Les  instructions  les  plus  positives  sont 
données  sur  la  route  pour  qu'on  hâte  la  marche 
des  troupes  et  qu'on  dirige  de  suite  sur  Minden 
celles  qui  appartiennent  au  général  Dumon- 
ceau. 

•  Les  ordres  sont  expédiés  pour  qu'on  marche 
sur  les  rassemblements.  J'ai  prescrit  de  désar- 
mer le  pays,  de  réoccuper  les  côtes  et  les  bat- 
teries dont  les  insurgés  se  sont  emparés.  Des 
commissions  militaires  sont  établies  ;  elles  juge- 
ront ceux  accusés  d'avoir  été  auteurs  ou  complices 
des  révoltes. 

«  J'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Excellence 
copie  d'une  lettre  par  laquelle  le  général  Carra- 
Saint-Cyr  me  donne  la  presque  certitude  que  le 
général  Morand,  après  avoir  été  blessé,  a  été 
fait  prisonnier.  J'ai  ordonné  au  baron  Garra-Saint- 
Cyr  de  rester  réuni  à  Ottersberg  avec  sa  division, 


t»  ^m  «Muv  k  jm^  ^  et  m  Ifaîr  prtt  à 
tuai  ^yTuyrmmL  ie  ir!f»rj(  à  <«  ^'atrai  de  mar- 
'jit!r  !ft?3*3iiiiBa  nr  risntsnt  3>~ï  a|>f>reBUt  que 
j?  ipnnnî  S'hiusiiuiii  it&airisi£  kt^  tr^Mipe:»  du  duc 
•tL^t^.  )»L  me   e  i*?ïift£nL  )fr:raBd  ae  fut  pas  ré- 

•tlXLC. 

•  Je  pr*jt  n^sÊamm^iifi  VjCr^  Excetteoce  de  voQ- 
i'cr  îtei  r^!ii:ir^*{er  -ïiîs  rrires  f»>ar  que  tout 
o^  »rLi  &:iû  :oaic«:s«r  3ie$  •iTLfv-.«as  me  soit  promp- 
temi^oc  -rçtftLAf  J^  a'ai  aiansfee  artillerie Jes  batdil- 
k«e^  xa3irwiii  T  i-âciers.  Je  n'ai  |>:»îiit  de  généraux 
de  Lr^pii'?.  zi  ^a  5e«l  oâi«:îer  d*étal-iiujor,  ni 
nec  il  ^«?ri*x:jKi  admimstiatif  de  mon  corp> 
d'arcbée. 

•  Je  >ai5  réellement  dans  une  position  embar- 
rassanle  et  que  Votre  Excellence  m'obligerait 
beauc^'Up  de  laire  cesser  le  plus  promptement  po^l- 
siMe.  Qu'elle  veuille  bien  se  persuader  que  je  ne 
me  plains  point  et  que  je  ne  désire  voir  changer  ma 
situation  actuelle  que  pour  pouvoir  ro*utiliser  da- 
vantage pour  le  service  de  FEmpereur.  • 

•  P.-S. —  Au  moment  de  fermer  cette  dépêche, 
arrive  à  mon  quartier  général  un  ofiicier  de  Fétat- 
major  du  prince  vice-roi,  et  qui  m'assure  qu  étant 
a  Celle  il  a  appris  du  major  qui  y  commande  un 
parti  de  500  chevaux,  que,  le  2  avril,  le  général 
Morand  était  libre  à  Lunebourg^  et  qu'il  se  bat- 
tait par  intervalles  en  avant  de  cette  ville.  • 


VANDAMMK  AU  MAJOR  GÉNÉRAL. 

a  6  avril  1813. 

•  Monseigneur,  j'ai  Thonneur  d'adresser  à 
Votre  Altesse  Tétat  de  la  situation  des  bataillons 
appartenant  aux  divisions  réunies  et  qui  avaient 
passé  le  Rhin  à  l'époque  du  3  de  ce  mois.  Elle 
verra  que  demain  j'aurai  à  Brème  six  bataillons ^ 
que  le  9  j'en  aurai  quinze  sur  ce  point  et  celui  de 
Minden,  et  le  15  dix-sept;  ce  qui  me  formera 
alors  une  force  de  10,200  hommes  environ.  Je  re- 
grette que  cet  état  ne  soit  pas  plus  complet  dans 
ses  détails;  mais  actuellement  tout  le  monde  est 
en  marche  ou  s'organise,  et  il  est  bien  difficile 
d'obtenir  tous  les  renseignements  nécessaires. 

«  Je  reçois  à  l'instant  une  lettre  du  général  de 
Montbrun,  datée  du  5  de  ce  mois,  et  par  laquelle 
il  m'annonce  son  arrivée  à  Lunebourg  le  4  avec 
l'avant-garde  du  corps  du  prince  d'Eckmûhl,  qiii 
de  sa  personne  devait  être  à  Lunebourg  le  même 
jour  5. 

«  Le  général  Carra-Saint-Gyr  qui ,  en  ce  mo- 
ment, occupe  avec  sa  division  en  colonne  tous  les 
villages  depuis  Otlersberg  jusqu'à  Brème,  re- 
jjoit  de  moi  l'ordre  de  se  porter  demain  jusqu'à 
Rottembourg,  après  demain  à  Tostedt,  afm  d'être 
sn  communication  avec  le  général  de  Montbrun 
]ue  j'invite  à  le  faire  reconnaître  le  plus  promp 
lement  possible.  J'ai  de  suite  fait  part  au  roi  de 


-896- 

Westphalie  et  aux  préfets  de  ces  départemenls  de 
l'arrivée  de  celle  avant-garde.  Celle  nouvelle  pro- 
duira un  bon  effet. 

«  Les  commissions  militaires  s'occupent  acti- 
vement de  juger  les  habitants  qui  sont  accusés 
d'avoir  été  auteurs  ou  complices  des  révoltes  ;  hier 
cinq  insurgés  de  la  commune  de  Blexem  ont  été 
fusillés.  Ils  avaient  été  arrêtés  par  la  colonne  mo- 
bile. Cet  exemple  maintiendra  le  calme  qui  se  ré- 
tablit d'une  manière  sensible. 

«  Ayant  appris  que  des  compagnies  départe- 
mentales des  vétérans  et  des  gendarmes  de  ce 
pays  avaient  déserté,  j'ai  cru  devoir  ordonner  que 
tous  les  militaires  indigènes  dont  la  conduite  n'é- 
tait pas  franche  fussent  envoyés  à  Wesel,  pour  y 
attendre  qu'il  soit  prononcé  sur  leur  destina- 
tion. » 

LE  noi  JEROME  A  VANDAMME. 

«  Cassel,  6  avril  1813. 

«  Monsieur  le  général  comte  Vandamme,  j'ai 
vu  par  mes  différents  rapports  (qui,  j'espère,  ne 
se  justifieront  pas) ,  que  le  général  Morand  avait 
été  pris  avec  tout  son  corps,  à  Lunebourg.  Si  cela 
est,  Hanovre  se  trouve  tout  à  fait  à  découvert,  car 
je  suis  obligé  de  me  servir  de  la  division  que  je 
comptais  envoyer  à  Hildesheim  pour  couvrir  ma 
droite,  l'ennemi  étant  entré  à  Leipzig  et  Weimar 
avec  un  corps  de  12,000  hommes. 


—  397  - 

«  Je  désire  savoir  combien  vous  avez  de  troupes 
3unies,  et  quels  sont  les  mouvements  que  vous 
Dinptez  faire. 

«  Vous  savez  sans  doute  que  le  vice-roi,  avec 
n  corps  de  70,000  hommes,  dont  8,000  chevaux 
t  iOO  pièces  de  canon,  a  passé  TEIbe  le  3,  et  a 
tabli  son  quartier  général  le  4  à  Mockern,  sur  la 
3ule  de  Brandebourg,  après  avoir  culbuté  les 
vant-postes  ennemis.  Le  vice-roi  paraît  n'avoir 
avant  lui  que  12  bataillons  prussiens  et  2,000  co- 
aques. 

«  Le  prince  de  la  Moskowa  s'est  réuni  à 
Vurtzbourg  avec  l'armée  d'Italie. 

«  J'attends  à  chaque  instant  la  nouvelle  du  départ 
e  l'Empereur  de  Paris.  » 

VANDAMME  AU  MAJOR  GKNEUAL. 

«  7  avril  1813. 

«  Monseigneur,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte 
.  Votre  Excellence  que  le  général  Carra-Saint- 
iyr  m'a  annoncé  ce  matin  l'arrivée  du  prince 
TEckmûhl  à  Lunebourg.  Je  me  suis  empressé  de 
lemander  les  ordres  de  Son  Excellence  et  de  lui 
aire  part  des  mesures  que  je  venais  de  prendre  et 
lont  je  présente  ici  le  rapport  à  Votre  Excel- 
ence. 

«  J'ai  prescrit  au  général  Carra-Saint-Cyr  de 
narcher  sur  Staden  pour  ensuite  se  porter  rapi- 
iement  sur  Cuxhaven.  Deux  frégates  anglaises 


paraj«0iant  k  rcmbouchure  dn  Weser  •iepois  avant- 
hî'fr  h/iir,  on  croît  '{n'eUes  ool  débanquê  du 
monde  hier  ou  celle  nuit.  Je  fcti^  renforcer  deux 
IpHlailUtUH  que  r:ornma;ide  un  major  et  qui  sodIb 
Kr^flelh  et  Varel,  et  je  [Xirte  le  général  Duf<)ur 
aveequalre |jal;iillons  parOslerholz,  Hagen,  Slotel, 
Ij'Uit  a  liorum,  afin  d'appuyer  la  gauche  du  gé- 
néral Carra-Sainl-Cyr  dans  sa  marche  sur  Cuxlia- 
veii,  el  d'élre  à  même  de  secourir  au  besoin  les 
troupes  que  jo  dirige  sur  Blexem  par  la  rive  gau- 
che (hi  Wi'ser.  Je  recommande  au  général  Sainl- 
Cyr  de  bien  se  lier  par  sa  droite  au  général  Mor.l- 
hnin,  el  par  sa  gauche  au  général  Durour,  afiu 
de  régler  ses  mouvements  conjointement  avec 
ceux  de  ses  voisins.  Je  vais  approcher  de  Brème 
la  division  du  général  Dumonceau  aussitôt  que  je 
saurai  ce  (|ui  se  passe  vers  le  Hanovre. 

(^cs  dispositions  me  semblent  devoir  nous 
niellre  en  mesure  de  combattre  tout  ce  qui  ^t' 
|)résentera  entre  les  bouches  de  TElbe  et  du  ^Ve- 
ser  et  entre  le  Weser  et  TEms.  J'ai  ordonné  aux 
douaniers  et  à  la  gendarmerie  d'aller  reprendre 
les  postes  qu'ils  occupaient  au  fur  et  à  mesure 
(juo  les  circonstances  le  permettraient.  Cei 
ordre  est  exécuté  entre  le  Weser  et  TEms^inais 
sou  exécution  commence  entre  le  Weser  ei 
TEIbc. 

•  On  continue  avec  activité  la  recherche  Aî^ 
individus  qui  ont  été  auteurs  ou  complices  de  !a 
rovollc.  J'ai  fait  arrêter  les  personnages  qui  wffi- 


posaient  la  commission  administrative  d'Olden- 
bourg, de  Papenbourg  et  de  Varel.  J'ai  fait 
mettre  aussi  en  état  d'arrestation  M.  Nyvenheim, 
chambellan  de  l'Empereur  et  décoré  de  plusieurs 
ordres.  Avec  un  passe-port  qu'il  avait  pris  à  la 
Haye,  le  31  mars,  pour  Garneim,  il  a  couru  tour  à 
tour  dans  le  département  de  TEms-Oriental,  dans 
les  départements  de  TEms-Supérieur  et  du  We- 
ser.  lia  parcouru  les  côtes,  a  été  à  Varel,  à  Ol- 
denbourg, à  répoque  où  tout  était  en  combustion. 
11  est  même  venu  à  Brème  où  il  a  évité  le  préfet 
et  tous  les  fonctionnaires  français  pour  ne  voir  que 
ceux  qui  ont  ét-é  considérés  comme  principaux 
instigateurs  des  mouvements  insurrectionnels.  Je 
l'envoie  à  Paris  sous  bonne  et  sure  garde  pour 
être  remis  à  la  disposition  du  duc  de  Rovigo,  à 
qui  je  transmets  tous  les  papiers  et  renseigne* 
ments  qui  me  sont  parvenus. 

«  Différents  rapports  m'annoncent  que  Leipzig 
et  Halle  sont  occupés  par  les  Russes.  Ils  m'ap- 
prennent aussi  que  depuis  le  l**""  jusqu'au  3  avril, 
on  s'est  constamment  battu  entre  Magdebourg  et 
Burg.  Comme  cette  nouvelle  me  paraît  très-vrai- 
semblable, je  pense  qu'il  entrera  dans  les  dispo- 
sitions du  prince  d'Eckmùhl  de  se  porter  sur  ce 
point.  Ses  forces  sont  inutiles  dans  ce  pays  qui 
est  maintenant  bien  tranquillisé  et  où  l'ennemi  ne 
foi-mera  pas  de  grandes  entreprises.  Un  petit 
corps  d'observation  que  laisserait  Son  Excellence 
serait  bien  plus  que  suffisant  dans  la  situation  où 


*-400 

nous  sommes  aujourd'hui,  surtout  me  renforçanl 
chaque  jour. 

•  Un  bulletin  qui  m'est  remis  par  la  poUce  an- 
nonce que  le  corps  russe  qui  était  en  marche  pour 
se  porter  d'Ullzen  sur  Celle  a  repris  la  dii'eclion 
de  Salzwedel,  pour  aller  à  la  rencontre  du  prince 
d'Eckmûhl.  On  dit  que  le  corps  russe  qui  sesl 
porté  en  partie  sur  Lunebourg  et  en  partie  sur 
Ullzen  était  de  15,000  hommes.  Je  ne  pense  pas 
qu'il  soit  aussi  fort.   » 

VANDAMME  AU  MAJOR  GÉNÉRAL. 

«  8  avril  181G. 

«  Monseigneur,  le  préfet  des  Bouches-du-We- 
ser  m'a  communiqué  la  lettre  par  laquelle  Vola> 
Excellence  lui  reproche  d'avoir  appelé  à  Brème 
le  général  Garra-Saint-Cyr  et  sa  division.  Je  tar- 
dais depuis  mon  arrivée  de  rendre  compte  de  ce 
que  j'ai  vu  ou  appris  ;  mais  je  suis  enfin  forcé  de 
déclarer  la  vérité.  Le  préfet  a  pu  demander  du  se- 
cours au  général  Saint-Cyr;  ce  général  aurait  pu 
lui  envover  un  bataillon  et  un  bon  oflîcier. 
Ces  forces  suffisaient  pour  tout  ce  département. 
Le  général  Garra-Saint-Gyr  pouvait  et  devait 
même  rester  sur  l'Elbe,  et  ne  pas  quitter  le  géné- 
ral Morand  qui,  dans  toutes  ses  lettres,  le  priait 
de  ne  pas  s'éloigner.  Voici,  Monseigneur,  des 
faits  que  je  désire  voir  porter  à  la  connaissance 
de  l'Empereur ,  afin  que  Sa  Majesté  ne  soit  pas 


—  401  — 

rompée  par  des  rapports  mensongers.  Le  général 
3aint-Gyr  est  hors  d'état  de  diriger  ses  troupes 
tu  moindre  danger.  Ce  général  est  fini,  usé,  nul 
mfîn  et  sans  caractère.  Il  était  mené  par  le  direc* 
eur  général  de  la  police  de  Hambourg,  M.  Dau- 
ngnosc,  qui  ne  connaît  rien  au  métier  des  armes, 
ît   pourrait  mieux  faire  le  sien  s'il  s'en  occupait 
jérieusement.  Le  général  Garra-Saint-Gyr  n'a 
lonné  que  des  ordres  timides  et  incertains-  Son 
expédition  de  Bremerlhé  et  de  Blexem  le  prouve 
issez.  Il  n'y  avait  là  que  des  paysans  et  quelques 
/étérans  anglais,  et  on  a  tout  abandonné,  forts, 
3atteries  et  canons,  après  avoir  pris  ou  tué  quel- 
:jues  hommes.  A  mon  arrivée,  tout  le  monde  ici 
était  dans  l'inquiétude,  et  personne  n'était  moins 
rassuré   que  le  général  Saint-Cyr.  Les  troupes 
at    Oldenbourg,   à   Brème,    Bremerlhé    et  par- 
tout ont  commis  des   excès  affreux,   parce  que 
le    général    est   sans  énergie  et  ne  peut  réelle- 
ment plus  convenablement  commander.  J'aurais 
voulu  l'ignorer,  j'ai  cru  pouvoir  le  taire,  mais  je 
suis  forcé  de  rempUr  mon  devoir  tout  entier,  quoi- 
qu'il m'en  coûte  d'avoir  à  desservir  un  camarade, 
de  qui  je  n'ai  jamais  eu  à  me  plaindre  pour  moi 
personnellement.  Le  comte  d'Arberg  n'a  rien  à  se 
reprocher;  il  est  impossible  d'avoir  montré  plus 
de  force  et  plus  de  dévouement. 

«  La  ville  de  Brème  est  calme  comme  Ghâlons 
et  tout  va  au  mieux  ici  ;  mais  je  dois  le  dire  à  Votre 
Excellence,  le  général  Garra-Saint-Gyr  ne  pourra 


—  402  — 

plus  servir  utilement  TEmpereur  dans  ces  pays.  Itt 
C'cptà  son  manque  (le  caraclèrè,  phiS  qu'à  toute  L 
autre  cause,  que  les  troubles  et  révoltes  deHam-  |^ 
bourg  doivent  une  grande  partie  de  lenr  origine, 
et  je  pense  que  Votre  Excellence  sera  forcée  d'en 
faire  part  à  Sa  Majesté,  à  qui  je  pourrais  donner 
les  détails  les  plus  circonstanciés. 

«  Je  ne  puis  me  permettre  aucun  ménagement 
vis-à-vis  de  ceux  qui  ne  ser\iraienl  pas  TEmp?- 
reur  avec  la  plus  vive  ardeur; 

«  Il  ny  a  que  quelques  bricks  ùnglâis  snt  la 
côte;  les  frégates  ont  disparu.  La  nouvelle  que 
12,000  hommes  qui  étaient  depuis  longtemps  em- 
bai*qués  en  Angleterre  sont  partis  pour  le  Tagc 
tranquillise  ici  beaucoup  les  personnes  dévouées  à 
la  France.   • 

DAVULT  A   VANDASIME. 

«  Lukow,  8  avril  1813. 

«  Mon  cher  général,  je  reçois  à  Tinstant  votre 
lettre  du  7  de  ce  mois.  Lorsque  mon  chef  d  elal- 
major  a  écrit  au  général  Saint-Cyr,  je  ne  crmai^ 
pas  votre  arrivée  aussi  prochaine  ;  je  l'ai  ap-» 
prise  avec  beaucoup  de  satisfaction  pour  le  ser- 
vice de  notre  souverain,  à  qui  des  hommes  <le 
votre  tremp?  sont  bien  nécessaires  dans  les  cir- 
iH>nstanees  où  nous  nous  trouvons. 

•  Je  dois  vous  donner  connaissance  de  Télal 
actuel  des  choses  :  j'ai  été  envoyé  le  39  mars  du 


—  403  - 

66të  de  Stendal  |W)nr  me  rtiètlre  â  la  potitôtïitë  dés 
ftarli^  russes  qui  avaient  passé  l'Elbe  el  qui  inon- 
daient le  pays.  Le  !•'  avril  oti  a  iiiié  à  ma  dispo- 
sition pour  cet  objet  la  division  Puthod.  Quelque 
diligence  que  j'aie  faite,  il  ne  m'a  pas  été  possible 
de  prévenir  le  malheureux  contfe-femps  de  Lune- 
boutg.  Je  rai  appris  le  9,  a  ftion  arrivée  à  Dan- 
henbevg.  C'est  là  aussi  qtie  j'ai  reçu  une  lettre  du 
major  général  qui  m*annonçait  que  la  32®  division 
tnililaire  était  mise  en  état  de  siège ,  que  Sa  Ma- 
jesté la  mettait  sous  mon  commandement,  et  que 
je  devais  me  conformer  aux  instructions  que  lé 
Tice-^roi  devait  m'adresser.  Non-seiilemérit  elles 
ne  me  sont  pas  encore  parvenues,  mais  je  n'ai  pas 
même  reçu  une  seule  réponse  aux  différentes  lel^ 
très  que  je  lui  ai  écrites  à  cet  égard.  J'ai  continué 
ma   marche  sur  Lunebourg  et  j'ai  poursuivi  les 
troupes  russes  et  prussiennes,  qui  ont  repassé 
l'Elbe  le  3,  à  Brekede.   Toute  la  rive  gauche  de 
l'Elbe,  depuis  Magdeboùrg  jusqu'à  Ollenspicken 
était  bien  nettoyée  et.  bien  observée.  J'avais  le 
projet,  en  me  concertant  avec  les  troupes  de  Brè- 
me, d'achever  la  prompte  occupation  de  la  32^  di- 
vision militaire,  située  entre  l'Elbe  et  le  WesÉfr* 
Sur  ces  entrefaites,  j'ai  reçu  l'ordre  du  vîce-roi, 
qui  m'a  été  réitéré,  de  me  rapprocher  de  liil,  ett 
commençant  mon  mouvement   par    réunir  méâ 
troupes  à  SalzWedel,  où  je  recevrai  probable- 
ment Tordre  de  me  diriger  sur  Brunswick. 
«  Ce  qui  a  donné  lieu  à  ces  dispositions,  c'est 


-404- 

que  l'ennemi  a  jeté  des  ponts  à  Dessau.  Le  vice- 
roi  défendra  le  terrain  pied  à  pied,  et  il  a  Tintentiou 
de  concentrer  ses  forces  dans  les  environs  de 
Brunswick. 

«  Demain  ou  après,  toutes  les  forces  qui  ëlaient 
sur  la  rive  droite  passeront  sur  la  gauche,  avanl 
de  grands  moyens  d'embarcation  à  Domilz  et  à 
Boizenhourg.  J'ai  chargé  le  général  Monlbruu 
de  faire  connaître  à  son  départ  de  Lunebourg  cel 
état  de  choses  à  M.  le  général  Saint-Gyr.  L'essen- 
tiel maintenant  est  donc  de  se  maintenir  sur  le 
Weser.  Les  mesures  que  vous  avez  prescrites,  si 
elles  sont  bien  exécutées,  rempliront  cet  objet;  ou 
ne  peut  y  travailler  avec  trop  de  célérité.  Il  faut 
faire  occuper  les  différents  ponts  que  nous  avons 
sur  le  Weser,  et  y  faire  construire  des  têtes  de 
pont  pour  y  mettre  vos  jeunes  troupes  à  l'abri  dos 
insultes  de  remiemi.  Quant  à  la  destruction  dos 
bacs,  bateaux  et  nacelles,  il  n'y  a  pas  de  doute  quo 
1rs  habitants  les  soustrairont  à  celte  mesure;  il 
n'y  a  qu'en  envoyant  par  eau,  depuis  le  point  où 
le  Weser  porte  bateau,  différents  détachements 
commandés  par  des  officiers  intelligents  et  actifs, 
que  vous  pouvez  espérer  d'obtenir  ce  résultat. 
Alors  il  sera  impossible  à  l'ennemi  de  jeter  des 
partis  sur  la  rive  gauche  pour  fomenter  des  trou- 
bles. Au  commencement  de  mon  séjour  dans  la 
32*"  division  militaire,  j'avais  ordonné  le  désarme- 
ment de  tous  les  habitants,  ce  qui  avait  produit  îî(> 
à  40,000  armes  qui  ont  été  transportées  à  Lune- 


-  40K  * 

bourg;  elles  étaient,  il  est  vrai,  de  la  mauvaise 
espèce,  mais  enfin  ce  sont  des  armes  qui  tuent. 
Je  ne  doute  pas  que  les  habitants  ne  s'en  soient 
procuré  depuis  cette  époque,  et  que  même  les  An- 
glais n'en  aient  jeté  une  grande  quantité  sur  les 
côtes.  Il  faut  sommer  les  habitants  d'apporter  dans 
les  chefs-lieux  de  leurs  départements  et  dans  un 
temps  proportionné  aux  distances,  toutes  les  ar- 
mes, de  quelle  qu'espèce  qu'elles  soient.  Ce  qui 
reste  du  département  de  TElbe  devra  envoyer  ses 
ainmes  à  Brème. 

«  Au  surplus,  mon  cher  général,  toutes  les 
observations  sont  oiseuses,  puisque  personne 
mieux  que  vous  n'est  en  état  de  prendre  de  bonnes 
mesures  pour  le  service  de  notre  souverain ,  se- 
lon que  les  circonstances  l'exigent;  ainsi,  le  vé- 
ritable objet  de  cette  lettre  est  de  vous  faire  con- 
naître l'état  des  choses,  et  je  continuerai  à  vous 
en  instruire. 

«  J'ai  prescrit  au  général  Montbrun  de  faire 
connaître  au  général  Saint-Gyr  le  contenu  d'une 
lettre  de  Tettenborn  à  T^chernischeff.  Je  vous 
en  adresse  la  copie.  Je  présume  que  Tennemi  doit 
agir  du  côté  de  Brème  ou  de  Hanovre.  Au  sur- 
plus, ces  derniers  jours  il  y  avait  très-peu  de 
Russes  à  Hambourg.  On  y  organisait  des  troupes; 
mais  elles  ne  seront  pas  bonnes  de  longtemps.  La 
première  colonne  des  troupes  suédoises  débar- 
quées en  Poméranie  y  était  annoncée. 

€  Il  me  semble  absolument  nécessaire  que  vous 


fassiez  faire  à  vos  groupes  TeioapviGe  à  fm,  ^  ^ 
vou$  envoyiez  à  e£^l  elfel  ehercluBr  de  U  poudre  à 
WasûL  » 

MOLITOH   A   VANDAMME 

«  Utrecht,  9  a\Til  1813. 

«  Mon  général,  en  apprenant  votre  arrivée  dans 
le  voisinage  de  la  Hollande  où  je  me  trouve  em- 
ployé, permettez-moi  de  me  rappeler  à  votre  sou- 
venir et  de  vous  offiir  mes  vœux  pour  la  canjpa- 
gne  glorieuse  que  vous  allez  ajoutera  tant  d'autres. 

«  Les  soulèvements  des  Bouchcs-du-Weser 
que  votre  présence  va  dissiper  entièrement  n  out 
pas,  je  crois,  dépassé  TEms;  j'ai  envoyé  deux 
bataillons  à  Groningue  pour  renforcer  le  général 
Janssens. 

«  La  tranquillité  a  régné  jusqu'à  présent  eu 
Hollande.  Une  conspiration,  sur  le  plan  deMallei, 
s'était  ourdie,  il  y  a  deux  mois,  à  Amsterdam; 
xî'était  Tœuvre  de  quelques  intrigants;  je  les  aidé- 
couverts  il  temps;  une  commission  militaire  eu  a 
faitjustice. 

«  Nous  sommes  en  mesure  ici  contrj  les  Au- 
^lais;  de  bons  forts  élevés  sur  la  cote,  de  bonnes 
places  bien  api)r()visionnées,  garantissent  les 
points  principaux  de  débarquement  ;  six  balail- 
jions  étrangers  en  font  la  garde  avec  une  artillerie 
suffisante,  tiois  autres  bataillons  de  garde  soldée 
et  compagnies  départementales  assurant  la  ii'an- 
(juillité  des  grandes  villes  de  l'intérieur. 


—  IW  - 

«  J'ai  qinitttf  Amsterdam  pour  établir  mon  quar- 
tier général  ù  Ulrecht  où  se  rassemble  un  corps 
ie  troupes  françaises;  j'y  ai  déjà  quatre  batail- 
lons sans  comprendre  ceux  que  j'ai  envoyés  à 
Groningue;  j'attends  1,200  Suisses  sous  peu  de 
jours,  et  pour  le  mois  prochain  des  forces  beau- 
coup plus  considérables.  MM.  les  généraux  de  di- 
vision Ledrut  et  Amey  me  sont  annoncés  pour  le 
Bamp  d^Utrecht. 

«  'Voilà,  mon  général,  ma  position  actuelle; 
sgoutons-y  votre  puissant  et  imposant  voisinage, 
je  pense  que  nous  pouvons  raisonnablement  dé- 
sirer plutôt  que  craindre  l'arrivée  des  Anglais. 

«  S'il  survenait  quelque  chose  d'important  dans' 
cette  partie ,  permettez-moi  d'avoir  l'honneur  de 
vous  en  faire  part.  » 

VANDAMME  AU  MAJOR  ORNERAL. 

«  9  avril  1813. 

t  Monseigneur,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte 
à  Votre  Altesse  que  Brème  et  Minden  sont  main- 
tenant à  l'abri  d'un  coup  de  main.  On  travaille  à 
force  à  perfectionner  les  travaux  et  à  compléter  la 
défense. 

«  Tous  les  ponts  sur  le  Weser  sont  rompus, 
ainsi  que  celui  de  VAIJer  à  Verden.  Le  pont  en 
pierre  de  Nieubourg  est  couvert  par  un  ouvrage 
offensif  dont  ion  s'occupe  avec  activité. 

€  J'ai  donné  pour  l'instruction  des  troupes  dos 


ordres  très-positifs ,  dont  autant  que  possible  je 
surveille  moi-même  rexécution.  On  fait  Texercice 
régulièrement  le  matin  et  le  soir.  Nous  nous  dé- 
pêchons de  former  nos  jeunes  soldats. 

«  L'organisation  de  mes  divisions  s'opère  au- 
tant qu'il  peut  dépendre  de  moi.  Je  stimule  le 
zèle  de  tout  le  monde. 

•  M.  le  comte  d'Arberg,  préfet  du  département 
des  Bouches-du-Weser,  m'annonce  :  4®  que  les 
perceptions  ont  peu  souffert  et  que  la  rentrée  des 
contributions  sera  sous  peu  complète;  2®  que  tous 
les  chevaux  votés  par  son  département  sont  prêts 
à  être  livrés.  J'en  préviens  M.  le  général  Bourcier 
et  l'invite  à  envoyer  chercher  ces  chevaux. 

«  Sur  mon  invitation,  MM.  les  préfets  des  dé- 
parlements de  la  Lippe,  de  TEms-Supérieur  et  des 
Bouches-du-Weser  onl,  par  une  proclamation, 
engagé  les  gardes-côtes,  les  gendarmes  et  doua- 
niers à  reprendre  sans  délai  le  poste  que  quelques- 
uns  d'entre  eux  ont  abandonné.  II  a  été  accordé  àces 
déserteurs  un  délai  de  douze  jours  à  l'expiration 
duquel  ils  seraient  jugés  par  des  commissions  mi- 
litaires. 

«  La  nouvelle  des  succès  obtenus  par  le  vice- 
roi  sur  les  Russes  et  les  Prussiens  a  été  publiée 
ici  et  a  produit  dans  tout  le  pays  le  plus  heureux 
effet. 

•  Une  lettre  que  je  reçois  du  général  Montbrun 
m'annonce  que  le  prince  d'Eckmûhl  a  reçu  des 
ordres  du  vice-roi  pour  se  rapprocher  de  Son  Al- 


-409- 

îesse,  et  qu'en  conséquence  le  maréchal  a  déjà 
commencé  son  mouvement.  Le  général  Monlbrun 
i  dû  lui-même  quitter  aujourd'hui  Lunebourg 
ivec  l'arrière-garde  et  ira  coucher  demain  à 
Jltzen.  » 

VANDAMME  AU  MAJOR  GENERAL. 

«  10  avril  1813. 

«  Monseigneur,  M.  le  général  Montbrun  m'ayant 
innoncé  que  le  prince  d'Eckmûhl  remontait 
'Elbe  pour  se  rapprocher  du  vice-roi,  et  que  son 
irrière-garde  devait  arriver  ce  soir  à  Ultzen,  je 
i*ai  pu  faire  autrement  que  de  rappeler  près  de 
Brème  les  divisions  Carra-Sainl-Cyr'et  Dufour. 
L'une  est  à  Ottersberg  et  l'autre  à  Osterolz  et 
Stellebrock,  en  face  d'Elsfeth,  où  se  trouvent  des 
noyons  de  passage  en  cas  de  besoin.  Son  Excel- 
ence  m'a  confirmé  la  nouvelle  de  son  départ  seu- 
ement  aujourd'hui,  et  c'est  la  première  lettre  que 
je  reçois  d'elle  parce  qu'elle  ignorait  mon  arrivée 

•  •  •  > 

Cl. 

«  Le  général  Dufour,  qui  avait  d'abord  l'ordre 
le  se  porter  surCuxhavén,  a  été  jusqu'à  Bremer- 
hé.  A  son  approche,  les  bricks  anglais  ont  appa- 
•eillé  et  mis  à  la  voile.  Ils  ont  emmené  avec  eux 
environ  trente  barques  ou  bateaux  chargés  de 
crains  qu'on  assure  être  la  propriété  de  quelques 
légociants  hambourgeois. 

tDes  députés  de  Bremerlhé  sont  venus  deux 


lieues  att-denol  da  général  :  fls  mit  para  effiravé 
et  nVjnt  pas  disk^imulë  que  les  habitants,  crai- 
gDiiOt  de  voir  renoaveier  les  scèoes  qui  se  sont 
passées  le  mois  dernier,  voulaient  abandonner 

leurs  foyers.  Le  pênéral  les  a  rassurés  et  personne 
n'a  quitté  la  ville.  Pendant  celle  marche,  le  gé- 
néral Dufour  a  été  très-satisfeit  de  ses  baUiil- 
lons.  » 

LE  GÉNÉRAI.  RUSSE  TCTTEXRORN  A  VANDAMME. 

•  12  avril  ISia 

«  Monsieur  le  général,  le  bruit  court  ici  qufl 
VOUS  avez  fait  fusiller  deux  magistrats  d'Olden- 
bourg,  et  que  vous  avez  encore  destiné  au  même 
sort  plusieurs  personnes  respectables.  Je  ne  crois 
pas  que  ces  atrocités  soient  vraies  ;  mais,  si  elles 
Tétaient,  j'ai  Thonneur  de  vous  prévenir  que  je 
saurai  les  venger  et  que  tous  les  militaires  et  enn 
ployés  français  qui  sont  dans  mon  pouvoir  et  qui 
y  tomberont  encore  par  la  suite  seront  mis  à  mort; 
les  militaires ,  sans  distinction  de  grade,  fusillés, 
et  les  gendarmes ,  douaniers  et  employés  de  toute 
autre  espèce,  pendus.  J*ai  à  disposer  de  plus  de 
cent  employés  français,  et  dans  ce  moment  on 
m'amène  vingt-cinq  gendarmes ,  parmi  lesquels 
deux  officiers.  Soyez  persuadé,  monisieur  le  gé- 
néral, que  je  tiendrai  parole,  ,et  permettez-moi  de 
vous  observer  que  dans  la  situation  où  vous  êtes, 


wtes  VKoe  «meenres  4®  terreur  se  dirig^it  contre 
>iis-4DQéine.  f 

vV^MMMJkTE  AU  itfAJOR  GÉNÉRAI.. 

^  15  avrU  18^3. 

«  Monseigqeur,  j'ûuvre  mes  dépêches  pour 
inoncer  à  Yptre  Altesse  que^  d'après  tous  les 
pports  que  je  reçois,  il  paraît  certain  que  Ten- 
ini  fera  demain  quelques  efforts  pour  rejeter 
ns  Brème  les  troupes  que  j'ai  en  avant  du  fossé 
en  tête  des  faubourgs,  car  de  toutes  parts  il 
ivance  et  se  renforce.  J'en  fais  part  au  prince 
Eckmûhl  et  le  prie  de  faire  une  pointe  sur 
ihafstal,  tandis  que  le  général  Maurin  se  porle- 
it  sur  Hademsdorf.  Il  n'y  a  pas  de  doute  que  ce 
>uvement  forcerait  l'ennemi  à  se  retirer  vers 
lïbe  et  nous  en  débarrasserait  pour  une  huitaine 
jours,  ce  qui  nous  mettrait  en  étatde  compléter 
défense  du  Weser^  de  Brème,  de  Nieubourg  et 
Minden,  et  de  nous  organiser  complètement, 
.prends  du  reste  toutes  mes  mesures  pour 
3n  repousser  les  attaques  qui  seraient  dirigées 
atré  moi.  » 

VANDAMME  AU  MAJOR  GÉNÉRAL. 

«  Brème,  i9  avril  tôlS. 

«  Monseigneur,  j'ai  l'honneur  de  rendre  cpimpte 


à  Votre  Altesse  que,  hier,  un  poste  placé  à  Boryfeld 
a  été  attaqué  par  les  paysans  qui  ont  fait  feu  de 
toutes  leurs  croisées  au  moment  où  quelques  co- 
saques ont  paru.  Six  hommes  de  ce  poste  ont  été 
blessés  ;  on  a  remarqué  deux  cavaliers  habillés 
en  rouge  au  milieu  des  paysans.  J'ai  de  suite  en- 
voyé à  Listerdieck,  entre  Brème  et  Boryfeld, 
assez  de  troupes  pour  maintenir  l'ennemi  s'il  se 
disposait  à  faire  iin  mouvement.  Aujourd'hui  j'ai 
donné  des  ordres  pour  qu'on  me  livrât  les  auteurs 
de  cette  révolte  ouverte;  j'en  ferai  bonne  justice. 

«  Le  14  de  ce  mois,  à  onze  heures  du  soir, 
GO  Anglais  ont  débarqué  à  Grosensiel,  ont  surpris 
et  enlevé  deux  préposés  des  douanes  qui  étaient 
sur  ce  point  du  Weser  pour  porter  la  correspon- 
dance. Un  colporteur  de  faïence,  que  l'ennemi  a 
pris  pour  un  douanier,  a  été  également  fait  pri- 
sonnier. Ces  60  Anglais  se  sont  rembarques  sans 
effectuer  aucun  versement  frauduleux. 

«  D'après  les  ordres  que  je  viens  de  donner,  les 
troupes  sous  mon  commandement  vont  être  ainsi 
réparties  : 

«  La  2®  division  laisse  deux  bataillons  à  Minden 
et  va  prendre  position  à  Nieubourg  où  sera  son 
quartier  général. 

«  La  5®  division  se  porte  sur  Brème,  laissant 
un  bataillon  sur  la  côte  à  Varel  et  Elsfleth. 

«  La  division  Carra-Saint-Cyr  a  été  renforcée 
des  V^  et  2®  bataillons  de  marche,  et  est  placée 
à  Tenôver. 


—  4*3  — 

•  Demain,  à  moins  d'accident  extraordinaire, 
je  ferai  occuper  la  ligne  d'Ottersberg.  » 

DAVOUT  A  VANDAMME. 

a  Minden,  19  avril  1813. 

«  Monsieur  le  général,  depuis  ma  dernière  lettre 
lonl  je  vous  envoie  le  duplicata  dans  le  cas  où 
îlle  ne  vous  serait  pas  parvenue,  je  vous  fais  con- 
laîlre  les  nouvelles  circonstances  survenues  à 
.'état  actuel  des  choses. 

«  Le  jour  où  je  devais  me  porter  sur  Ullzen, 
j'ai  reçu  un  ordre  de  TEmpereur  qui  m'a  été  trans- 
Fnis  par  le  vice-roi,  pour  me  rendre  de  suite  dans 
la  32®  division  militaire  qui  est  mise  en  état  do 
^ége,  afin  d'en  prendre  le  commandement,  comme 
aiussi  des  troupes  qui  y  sont  et  de  celles  qui  doi- 
venl  y  être  dirigées.  On  a  joint  à  cet  ordre  une 
expédition  du  décret  du  10  avril,  sur  rexéculion 
in  sénatus-consulte  qui  suspend  le  régime  cous- 
Lilutionnel  dans  les  départements  de  la  3:2^  divi- 
sion militaire. 

«  Le  général  Maurin,  qui  était  à  Celle,  devait 
partir  le  même  jour  pour  faire  une  forte  recon- 
naissance soit  sur  la  route  de  Lunebourg,  soit 
sur  celle  d'Ultzen.  Au  lieu  d'exécuter  ces  or- 
1res,  il  a  évacué  Celle  sur  un  avis  que  lui  a 
lonnc  le  général  Bourcier  que  des  partis  ennemis 
avaient  paru  sur  sa  gauche,  et  il  me  prévenait 
lu'il  se  retirait  à  la  hauteur  de  Meinersein.  Je  lui 


ai  donne  1  ordre  impératif  de  partir  à  la  pointe  du 
jour,  le  18,  |iOur  réoccuper  Celte.  Le  général  Se- 
bastiulli,  le  même  jour,  a  dû  partir  de  Gifiiorn 
pour  se  porter  sur  Ulteen^  aveo  9,500  chevaux, 
20  bouches  à  feu  el  2,000  hommes  d'infanterie  ; 
(iifhorn,  qui  est  susceptible  de  défense,  étant  for- 
tement occupé  :  600  chefvaux  étaient  à  Brunsi^ick 
BOUS  les  ordres  du  général  Dubois,  en  oommuDi- 
cation  avec  le  général  Sébastiani^  Le  générsl 
liourcier  avait  laissé  à  Hanovre  250  chevaux  qui 
n'ont  (lu  en  partir  qu'à  l'arrivée  de  Tennemi.  J'at- 
tends à  chaque  instant  des  nouvelles  du  général 
Sébastian!.  Je  compte  avoir  d'organisé  ici  sous 
quarante-huit  heures  vingt-quatre  bouches  à  feu; 
domain ,  le  général  Dumonoeau  partira  à  la 
pointe  du  jour  pour  Nieubourg,  aveo  huit 
bouches  a  feu.  Il  laissera  ici  trois  bataillons; 
les  sept  autres  bataillons  qui  sont  avec  lui  seront 
réunis  à  Nieubourg  et  Hoya,  et  je  lui  enverrai 
des  ordres  selon  les  nouvelles  que  Je  recevrai  do 
général  Sobastiani.  Je  ferai  porter  aussi  sur  Nieu- 
bourg 3  ou  400  chevaux  que ,  d'après  les  ordrwl 
du  vice-roi,  lo  général  Bourcier  a  mis  à  ma  dispo- 
sition, et  j'espère  sous  peu  de  jours  en  avoir  un 
milher. 

•  Je  vous  donne  connaissance,  mon  cher  gé- 
néral, des  ordres  que  je  Viens  de  donner  dircc- 
ment  au  général  Dumonceau,  afin  d'éviter  tonte 
perte  de  temps,  pour  se  procurer  des  effets  de 
campement  qui,  après  le  fusil,  sont  ce  qu'il  y  a 


de  piûÉ  tiéééssm^E  an  âddat  en  tetrip^  àe  ^ùjêtté. 
•  i  Fâiteë-moi  connaître  où  en  est  rorrgahîsdlrcttl 
du  persôntiel  et  du  fttalériel  de  rartillerie  déstinëë 
au  1^'  corps,  et  que  le  gériëHal  Jôuffroy  à  dû  érgà- 
Bîser  à  Wesfel; 

«  J'attends  ici  tneë  chevaline  qiii  tie  peuvent  ar- 
river (^u'aprôs-demàiii;  Je  {)rofltet*fti  de  ce  temps 
pour  presser  les  travaux,  afin  de  mettre  Mifldeft 
en  état  de  dëfehse;  Dennez-moi  de  vos  dotlvelles 
par  un  offidiei*  qili,  à  son  retour,  passera  pai* 
Nieubourgi 

k  Je  vous  feerdl  obligé  aussî,  mort  cher  général, 
de  m'ehVoyer  ilii  état  de  sitilatiotl  des  troupes  el 
de  leur  emplacement. 

-  €  Jusqu'à  ce  que  j'aie  des  nouvelles  dii  gétiëral 
Sébastiani,  il  faut  laisser  les  choses  dans  Tétat  o\ï 
elles  sont;  demain  on  sera  en  état  d'agir  puisque 
le  général  Dumonceau  aura  à  Nieubourg  de  Tin- 
faiiterie,  de  ^artillerie  et  de  la  cavalerie. 

«  J'adresse  des  ordres  de  haule  police  au  préfet 
de  Brème,  prenez-en  connaissance  et  remettez- 
lui  la  lettre.  • 

Lfi   IlOI   JÉRÔME   A   VAKDAMMBt 

«  Cassel,  20  avril  1813. 

é  Mokisieùr  le  général  comte  Vandamme,  je 
reçois  votre  lettre  du  18  avril. 

.  Vous  sàvea  sans  doute,  à  l'heure  qu*ll  est,  que 
l'Empereur  est  arrivé  à  Mayenoe ,  le  17>  à  deux 


—  416  — 

heures  du  matin;  que  le  prince  de  la  Mosko^ii 
occupe  Erfurlh  depuis  le  17  avec  60  mille  hommes, 
et  que  le  duc  de  Raguse,  avec  50  mille  hommes, 
occupe  Gotha  et  Lisenach. 

«  La  garde  de  Tempereur  est  arrivée  à  Field, 
et  le  général  Bertrand,  avec  50  mille  hommes, 
occupe  Bamberg  et  Gobourg  ;  dans  peu  de  jours 
nous  aurons  de  grands  résultats. 

«  Le  général  Morin  a  battu  hier  Tennemi  à  Celle; 
le  général  Sébastiani,  avec  le  corps  du  prince 
d'Eckmulli,  Ta  également  battu  à  Usingen. 

«  Je  ne  conçois  rien  à  l'article  d'une  lettre  du 
prince  d'Eckmûlh,  que  je  reçois  à  l'instant,  par 
lequel  il  m'annonce  qu'il  se  rend  dans  la  32*  di- 
vision miti taire  pour  en  prendre  le  commande- 
ment ainsi  que  des  troupes  qui  s'y  trouvent;  dites- 
moi  ce  qui  en  est.  » 

VANDAMME   AU    MAJOR   «KNKHAL. 

«  Bi-ème,  23  n\Til  181:). 

«  Monseigneur,  le  prince  d'Eckmûhl  est  ar- 
rivé cette  aprùs-midi  à  Brème.  Je  lui  ai  rendu 
compte  de  la  situation  politique  et  militaire  de  la 
32^  division,  et  j'ai  remis  à  Son  Excellence  tous 
les  papiers  relatifs  à  ce  commandement  que  l'Em- 
pereur avait  daigné  me  confier  et  qu'il  a  plu  à  Sa 
Majesté  de  me  retirer.  Je  désire  ardemment  être 
encore  utile  au  service  de  Sa  Majesté,  mais  je 
doute  que  j'y  réussisse  sous  les  ordres  du  prince 


—  417  - 

d'Eckmulh.  J'essaierai  cependant  par  de  nou- 
veaux efforts  à  mériter  les  suffrages  de  mon  sou- 
verain. » 

Le  23  avril  1813,  Davout  arriva  à  Brème.  Van- 
damme  lui  remit  tous  les  papiers  relatifs  au 
commandement  de  la  32®  division  militaire ,  et 
en  rendit  compte  au  major  général. 

Vandamme,  en  se  rendant  dans  la  32®  division, 
avait  la  promesse  d'un  commandement  en  chef, 
d'une  position  égale  à  celle  d'un  maréchal,  le  met- 
tant en  position  d'obtenir,  avant  la  fin  de  la  cam- 
pagne et  à  la  première  occasion,  cette  dignité 
suprême,  objet  de  son  ambition. 

Passant  sous  les  ordres  de  Davout,  il  craignait 
de  se  trouver  dans  une  position  secondaire  ;  mais 
il  se  trompait  ;  Tintention  bien  arrêtée  de  l'Em- 
pereur était  alors  de  couronner  la  vie  mihtaire  de 
l'intrépide  général  par  une  récompense  qu'il  avait 
méritée  en  mainte  circonstance.  La  malheureuse 
affaire  de  Kulm,  dont  on  ne  saurait  attribuer  les 
désastres  à  Vandamme,  empêcha  son  élévation  à 
la  dignité  suprême  du  maréchalat.  En  1815,  il 
était  encore  le  général  le  plus  en  vue  pour  l'obte- 
nir, et  celui  que  désignait  l'armée. 

Davout  rendait  justice  entière  à  Vandamme, 
car  le  lendemain  de  son  arrivé  à  Brème,  dans  une 
lettre  à  Berthier,  par  laquelle  il  annonce  qu'il  va 
se  porter  sur  Rottenbourg  afin  d'appuyer  le  mou- 
vement du  général  Sébastiani  et  de  forcer  l'ennemi 
à  repasser  l'Elbe  sur  tous  les  points,  il  dit  :  «  Le 
n  Î7 


=  419^ 

fi  no:\;î  \'An.ia:nmo  marche  avec  les  troupes.  Sou 

^lîTAiv  v\  5^  1'^'=^^^^^^^  ^^^  ^"^  ^^^  d'une  grande 
ui...;;^  •,'.,;:  l:  SiiAuv  lîo  l'Empereur;  il  y  aurait 
c;a  vîo  :rî>-^,ai.î>  troubles  sans  cela.   » 

l.o  uu\;î;\4i\">rel.îùons  s^établirent  au  reste  bien- 
US;  cairi  i\>  viiuv  bommes  de  guerre,  ayant eulre 
i\A  i':;;>  .:;;::  jK-m!  de  ressemblance:  grands ta- 
lo.U4>,  braxvv.iri-^  nvonnue,  caractères  rudes  et 
ijuol.y.uj.  i>  liiiTu/ks,  ne  s'épargnanl  pas  et  ne 
n\  uU\\\  iîov Avii  r.ou  pour  le  bien  du  service. 

Vaud^r^r^nie,  d:^pui>  sou  arrivée  à  Brème,  avait 
or^rams;  Us  troupes  do  fa^ou  à  ce  que  Davoulpùt 
les  r.^.;;;:v  i  .i  inoavement.  C'est  ce  qu'il  fit.  Le 
iTi  i\\Vi\.  la  diM^ivva  Diifour  se  mil  en  marche  sur 
lu^ii  ui'ouî^:,  cii  passant  parSotlrum, laissanldeux 
hiiiaillvais  à  Oî4ir>beri:  et  se  dirigeant  sur  TElbe 
jur  le  Ui  Viî-est.  La  division  Dumonceau  opéra 
de  n.ênie  *e  ù>  au  matin.  Les  troupes  sous  les 
CàTiins  direits  de  Vandamme  présentaient  un  ef- 
fei  îii  de  lo  à  1o,lX:M  oombaltants. 

Le  iS  avî  *K  Vandamme  arriva  à  Rottenbourg 
et  ivn\iî  de  telle  \Uk  à  rCnii>ereur,  la  lettre  sui- 
vante : 

•  Sire.  j\r;  l'honneur  de  remercier  \\*lre  Ma- 
ji>te  dt'S  hi  r^Vi  *ii>  qu'Elle  a  la  bonlv  d-.  nie  .'.  -* 
litT  par  sa  iiiii\'  ùu  -li  que  je  re^^-ùi^  ù":g-.c:ù'-~ 
li  pai'i*î  l'iTia.ii  ■Va\:  *i-  ^L'iicn^:  ^^•^■:■âsl..■.-.  -  •■ 
TAJciiiiîinùiji  ôôL  ùpcr  Lunebour^  n  .u.r  .rs  n.:^^•.'^ 
l\'iil  lAdLue  liui.  Je  \a*S  t-àdiiTT  d'c^iHj  -' 
communication  ave^^  lui. 


•  Le  pays  que  nous  occupons  est  entièrement 
débarrassé  des  Cosaques.  Avant-liier,  ma  divi- 
sion d'avant-garde,  où  se  trouvaient  MM.  Revest, 
le  jeune  prince  de  Reuss  et  le  général  baron  de 
Fezenzac,  a  eu  un  engagement  entre  Sottrum  et 
Roltenbourg;  ils  étaient  environ  1,500  avec 
quelques  pièces  de  canon.  Ils  ont  voulu  s'oppo- 
ser à  notre  marche,  mais  ils  ont  été  complète- 
ment culbutés,  ont  fui  de  toutes  leurs  forces  el 
se  sont  embarqués  en  toute  hâte  à  Harbourg, 
où  ils  ont  ensuite  coulé  tous  les  bateaux.  Pour 
y  arriver  plus  promptemenl,  ils  ont  requis  des  voi- 
tures pour  transporter  leurs  bagages.  Il  est  mal- 
heureux que  dans  ce  moment  nous  "n'ayons  pas 
eu  de  cavalerie  à  l'avanl-garde.  Nous  avons  main- 
tenant 400  lanciers  polonais;  sous  quelques  jours 
nous  en  aurons  environ  1,500. 

«  La  division  d'avant-garde,  qui  occupait  au- 
jourd'hui Schessel,  va  prendre  position  à  Tostedt 
et  à  Harbourg. 

«  Une  brigade  de  la  division  Dumonceau  va  la 
remplacer  à  Schessel. 

•  Une  brigade  de  la  division  Dufour  va  se  pla- 
cer en  avant  de  Rottenbourg.  Il  est  très- probable 
que  demain  le  reste  de  ces  deux  divisions  suivra 
ce  mouvement. 

«  Votre  Majesté  peut  avoir  l'assurance  que 
dès  que  j'apprendrai  quelque  chose  qui  puisse 
l'intéresser,  je    m'empresserai    de   lui  en  faire 


-  1»  — 

\y,  mar^shal  Davout  sarvait  le  mouvement  du 
rorj/*  de  VandamiTie.  Le  i^?,  à  RoUembourg.  il 
cnjt  prudent  d'arrêter  la  marche  oSTensive  des 
deux  division»  pour  attendre  des  nouvelles  du 
général  Sébastiani  opérant  au  nord  sur  ITIte 
par  Lunebourg.  pour  donner  aux  jeunes  soldats 
fatigués,  des  deux  divisions,  quel-ifues  moments  de 
re[/os  et  pour  se  rendre  compte  des  intentions  de 
l'ennemi. 

Le  29  au  malin,    le   prince  d*Eckmûhl  reçut 
en  effet  des   nouvelles  du   général    Sébastiani. 
Ce  dernier  était  à  Lunebourg.  Les  corps  russes 
de  Czemischeff  et  de  Dômberg  avaient  repassé 
TEIlie  à  Artlembourg  et  à  Boitzenbourg,   points 
sur  lesquels  le  général  avait  porté  des  forces.  Da- 
vout, désirant  s'entendre  avec  lui  pour  les  opé- 
rations ultérieures,  lui  donna  rendez-vous  pour  le 
3()  entre  Lunebourg  et  Tolstedt.  Il  pria  Vandamme 
de  l'accompagner.  La  brigade  du  prince  de  Reuss 
de  la  division  d*avant-garde  occupa  Harbourg  le 
même  jour  29  avril,  en  face  Hambourg,  sur  la 
rive  gauche  de  l'Elbe,  après  un  combat  brillant. 
L'ennemi  se  replia  sur  la  rive  droite.  Hambourg 
était  occupé  par  7,000  hommes  de  la  légion  an- 
séatiquc,  1,000  Anglais  et  3,000  Cosaques.  Une 
pallie  de  ces  troupes  s'établit  dans  File  de  Wil- 
h(îmsl)ourg,  cl  se  mit  à  tirailler  avec  les  avant- 
postes  des  troupes  françaises  occupant  Harbourg 
et  le  fort. 

Le  corps  de  Vandamme  se  trouvait  donc  enfin  en 


—  421  — 

présence  de  l'ennemi,  sous  les  murs  d'une  grande 
ville  à  la  possession  de  laquelle  l'Empereur  attachait 
une  importance  capitale.  C'était  encore  à  l'intré- 
pide général  qu'allait  être  réservée  la  mission  dif- 
ficile de  faire  rentrer  cette  riche  cité  dans  le  devoir. 

Le  30  avril,  Vandamme  reçut  de  son  chef  im- 
médiat, Davout,  la  lettre  suivante,  écrite  de  Tols- 
tedt,  à  deux  heures  de  l'après-midi  : 

«  Monsieur  le  général,  je  vous  adresse  copie 
d'une  lettre  du  prince  major  général,  au  général 
Gara  Saint-Cyr,  qui  annonce  l'arrivée  successive 
à  Brème  de  quatre  compagnies  de  470  marins 
danois  chacune. 

«  La  première  de  ces  compagnies  devait  arri- 
ver le  5  mai  à  Brème,  et  les  autres  successive- 
ment quarante-huit  heures  après. 

«  Il  parait  que  ces  compagnies  arriveront  plus 
tôt. 

«  Il  est  important  que  Ton  prenne  des  mesures 
avec  les  autorités  danoises,  n'ayant  pas  de  moyens 
de  transport  sur  la  rive  gauche,  pour  qu'à  un  si- 
gnal convenu  et  au  premier  avis  elles  puissent  les 
envoyer  chercher  sur  la  rive  gauche.  Il  me  semble 
que  ce  serait  entre  Altona  et  Gluckstadt,  que 
l'on  pourrait  fixer  le  point  de  passage.  Il  y  a  or- 
dinairement au  village  danois  de  Blankenèse 
beaucoup  de  bateaux  de  pèche  que  l'on  pourrait 
utiliser. 

«  Envoyez  un  officier  intelligent,  avec  le  moins 
de  bruit  possible,  se  concerter  avec  les  autorités 


—  4K- 

danoises  ;  elles  doivent  être  intéressées  à  garder 
le  secret. 

«  Donnez  rinstrnrlion  verbale  h  cet  officier  de 
prendre  des  informations  sur  la  quantité  et  Tes- 
pece  de  troupes  qui  sont  à  Hambourg,  sur  les 
travaux  qui  s'y  font  et  sur  l'armée  suédoise  dont 
on  parle  depuis  si  longtemps;  en  quoi  consiste- 
t-clle,  011  est-elle?  Il  faut  que  cet  officier  montre  la 
plus  grande  confiance  aux  Danois ,  mais  recom- 
mandez-lui d'être  tout  yeux  et  tout  oreilles  ;  se  bat- 
tent-ils, oui  ou  non,  et  sérieusement  avec  les 
Anglais,  ont-ils  des  réunions  de  troupes,  et  où 
sont-elles? 

«  Je  dirigerai  les  marins  danois  suivant  les  ar- 
rangements qui  auront  été  pris  avec  les  autorités; 
bien  entendu  que  l'officier  passera  avec  son  uni- 
forme, mais  il  faut  qu'il  y  mette  beaucoup  de  dis- 
crétion. Il  faut  que  cet  officier  s'adresse  à  M...  Je 
ne  mets  pas  son  nom,  car  je  ne  me  le  rappelle  pas 
bien   et  que  je  crains  de  l'estropier,  c'était  le 
commandant  militaire   d'Altona   du  temps   que 
j'étais  à  Hambourg  ;  et  quMl  ne  parle  absolument 
qu'à  lui,  parce  que  je  pense  que  c^est  lui  qui  a 
toute  la  confiance  de  son  souverain  et  qu'il  la  mé- 
rite. S'il  ne  s'y  trouvait  pas,  il  prendrait  des  infor- 
mations sur  celui  qui  est  à  la  tête  de  la  marine 
danoise.  Cet  officier,  du  reste,  parlera  de  la  po- 
sition des  armées  au  2G,  de  Tarrivée  de  l'Empe- 
reur, des  64  bataillons  qui,  sous  huit  jours ,  se- 
ront ici,  et  des  100  bouches  à  feu,'  et  qu'il  débite 


-  483  — 

ioutës  ces  vérités  naturelleifaent  et  sans  jactance; 
1  est  bon  que  le  Danemark  ait  de  bonnes  infot*- 
Tiations. 

«  P,  -S,  Cet  ofRcîer  nous  rapporterait  toutes  lèè 
lernières  gazettes.  » 

Avant  d'aller  plu§  loin,  faisons  connaître  la 
conduite  du  gouvernement  danois  vis-à-vis  de  là 
F'rance  à  cette  épo(Jue ,  et  la  singulière  position 
ians  laquelle  le  cabinet  de  Copenhague  se  trou- 
vait à  l'égard  de  celui  des  Tuileries. 

En  exécution  des  ordres  de  DaVôut,  Van- 
lamme  envoya  un  officier  chargé  de  la  mission  de 
s'entendre  avec  le  colonel  Haffner  pour  la  remise 
les  marins.  Cet  officier  fat  mis  sous  une  espèce 
ie  surveillance  et  ne  put  s'aboucher  qu'avec  le 
3olonel,  chez  lequel  venaient  chaque  jour  les  gé- 
néraux russes  Czernischeff,  Tettenborn  et  autres. 
Ces  généraux,  connaissant  la  mauvaise  réception 
ïes  plénipotentiaires  de  la  cour  de  Copenhague  à 
Londres  et  à  Saint-Pétersbourg,  craignaient  de 
v'oir  l'espèce  de  neutralité  observée  jusqu'alors  par 
les  troupes  du  Danemark  cesser  à  l'entrée  en 
ligne  des  divisions  françaises.  Or,  les  alliés  te- 
naient beaucoup  à  conserver  Hambourg,  et  ils 
savaient  bien  que  la  ville  ne  serait  pas  en  leur 
30uvoir  du  jour  ou  ils  auraient  en  avant  d'eux  les 
soldats  de  Vandamme,  et  en  arrière,  à  Altona, 
es  soldats  de  la  division  danoise.  L'arrivée  de 
.'officier  français  à  Altona  causa  naturellement 
me  grande  sensation  sur  la  promenade  où  se 


-  424  — 

trouvaient  réunis  beaucoup  d'officiers  russes  et 
hambourgeois.  Tettenborn  craignait  que  la  mis- 
sion apparente  de  la  reddition  des  marins  n  en 
cachât  une  secrète  pour  le  colonel  Haffner  et  pour 
le  général  Wegener. 

Le  colonel  Haffner  adressa  beaucoup  de  remer- 
cîments,  donna  tous  les  moyens  pour  le  passage 
des  marins  de  la  rive  gauche  à  la  rive  droite  de 
l'Elbe,  et  Vandamme,  feignant  de  traiter  les  Da- 
nois en  alliés,  communiqua  au  commandant  d'Al- 
tona  la  position  des  armées  françaises  en  Alle- 
magne. Ce  dernier  lui  répondit  : 

«  Comme  des  nouvelles  aussi  authentiques  ne 
peuvent  qu'être  d'un  très-grand  intérêt  pour  Sa 
Majesté  le  roi  mon  maître,  je  me  propose  de  les 
lui  communiquer.  Quant  aux  nombreuses  troupes 
françaises  rassemblées  sur  ce  point-di,  fasse  le 
ciel  qu'elles  ne  soient  pas  employées  directement 
contre  la  ville  de  Hambourg,  dont  les  malheurs 
auraient  une  influence  absolue  sur  la  ville  d'Al- 
tona.  » 

Ainsi,  les  Danois  restaient  encore  dans  une 
sorte  de  neutralité  plus  hostile  cependant  à  la 
France  qu'aux  puissances  alliées.  Gel  état  de 
choses  des  plus  bizarres  rendait  tout  fort  délicat.  • 

Le  général  Wegener,  commandant  la  division 
danoise ,  avait,  selon  toute  apparence,  les  ordres 
secrets  de  son  gouvernement,  consistant  à  ter- 
giverser jusqu'au  moment  où  l'on  connaîtrait  les 
premières  opérations  Tiiiljtçires  et  les  succès  de 


—  428  — 

i'un  ou  de  l'autre  parti,  de  façon  à  se  ranger  du 
coté  qui  offrirait  le  plus  de  garanties.  Pour  ne  rien 
compromettre,  il  s'éloigna  d'Altona,  y  laissant 
un  simple  colonel,  qu'on  pouvait  désavouer  au 
besoin. 

Davout  et  Vandamme  devaient  peser  sur  le  gou- 
vernement danois,  faire  briller  à  ses  yeux  le 
prisme  encore  si  éclatant  de  la  puissance  de  Na- 
poléon, malgré  les  désastres  de  1812,  et  opérer 
de  façon  à  arriver  à  l'occupation  de  Hambourg, 
plutôt  en  obtenant  l'évacuation  des  Russes  que 
par  la  force  des  armes. 

Tettenborn  comprenait  très-bien  que  le  jour  où 
les  Danois  se  jetteraient  franchement  dans  l'al- 
liance française,  Toccupation  de  Hambourg  par 
les  alliés  était  impossible. 

La  division  danoise  devenait  donc  l'objet  des 
attentions  des  chefs  russes  et  français.  La  victoire 
de  Lutzen  allait  trancher  ce  nœud  gordien. 

Revenons  maintenant  à  ce  qui  se  passait  à  Tol- 
stedt  où  s'était  arrêté  Davout,  et  à  Rottenbourg, 
où  se  trouvait  Vandamme.  Le  premier,  ne  rece- 
vant pas  de  réponse  du  général  Sébastiani  à  sa 
demande  d'entrevue,  se  décida  à  se  rendre  de  sa 
personne,  le  1®*"  mai,  à  Lunebourg  pour  s'entendre 
avec  le  général.  Il  n'emmena  pas  Vandamme  et 
laissa  son  aide  de  camp  pour  le  remplacer.  Arrivé 
à  dix  heures  du  soir  à  Lunebourg,  le  prince  d'Eck- 
mûhl  se  hâta  d'écrire  immédiatement  au  général: 

«  J'ai  poussé  jusqu'à  Lunebourg,  où  je  viens 


—  426  — 

d'arriver.  J  y  ai  trouve  le  général  Scbasliam,  qui 
se  disposait  à  en  partir  demain  ;  déjà  ses  avant- 
postes  ayant  été  retirés,  Tennemi  a  fait  passer  un 
parti  de  cavalerie,  qui  était  aujourd'hui  à  Win* 
sen(l). 

«  Je  donne  l'ordre  au  général  Dumonceau  de  se 
porter  demain,  à  la  petite  pointe  du  jour,  sur  Win- 
een  avec  deux  ou  trois  bataillons  et  deux  pièces 
(Je  canon  pour  en  chasser  Tennemi  et  le  forcer  à 
repasser  TElbe  ;  de  mon  côté,  je  ferai  partir  d'ici 
demain,  à  la  mémo  heure,  un  parti  de  cavalerie 
que  le  général  Sébastiani  nous  laisse»  pour  Win- 
sen. 

k  Le  reste  de  la  division  du  général  Dumonceau 
se  rendra  à  Luncbourg.  Je  donne  l'ordre  à  ce 
général,  lorsqu'il  aura  forcé  Tennemi,  dé  repasser 
l'Elbe,  d'établir  des  postes  d'observation  sur  l'Elbe, 
sur  sa  droite  et  sur  sa  gauche,  je  lui  recommande 
de  communiquer  avec  ceux  de  Harbourg. 

«  Je  suppose  que  demain  vous  aurez  réunî  à 
Harbourg,  avec  l'avant-garde  du  général  Ostcn, 
la  division  Dufour.  Je  vous  prie  d'y  rester  de  votre 
personne  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  de  mes  nou- 
velles ;  il  est  bon  de  pousser  une  petite  avant- 
garde  dans  la  direction  de  Stade. 

«  Le  général  Sébastiani  ralentira  un  peu  son 
mouvement  pour  nous  donner  le  temps  de  nous 

(1)  Entre  Harbourg  et  Lunebourg. 


—  427  — 

ablîr  ;  faites-moi  passer  directement  ici  vos  nou- 
îlles  jusqu'à  dix  heures  du  matin.  » 
Vandamme  se  hâta  d'exécuter  les  ordres  con- 
nus dans  cette  lettre.  La  brigade  du  prince  de 
euss  à  Harbourg  se  porta  sur  Winsen,  où  elle 
Déra  sa  jonction  avec  la  division  Dumonceau.  Lui- 
ème  se  porta  à  Harbourg,  tandis  que  Davout 
îvint  à  Brème.  Le  3  mai,  il  écrivit  au  général  : 

«  Monsieur  le  général,  un  officier  danois,  en- 
)yé  par  le  commandant  du  premier  transport  de 
arîns  de  celte  nation,  est  chargé  d'une  lettre  de 
loî  pour  que  vous  lui  donniez  les  renseignements 
écessaires  à  son  passage,  pour  qu'il  aille  annon- 
3r  l*arrivée  de  ce  transport.  Cet  officier  doit  re- 
ènir  ensuite  rejoindre  son  chef  sur  la  route  dé 
;rême  à  Stade.  Le  convoi  de  marins  qui  arrive 
emain  partira  a{)rès-demàîn  et  sera  le  5  à  Zeven. 

«  Il  est  bien  important  que  nous  occupions 
romiptement  tout  ïe  pays  sur  la  rive  gauche  de 
Elbe,  jusqu'à  Cuxhaven,  afin  que  le  préfet  dès 
louches-de-rElbe,  qui  est  parti  ce  matin  pour 
leven,  puisse  organiser  les  administrations  el  dis- 
oudre  celles  que  Tennemi  avait  étabhes  ;  il  y  a 
iiarante-huit  heures  quMl  levait  encore  des  con- 
ributions  dans  la  partie  du  département  des  ÎBou- 
hés-du-Wesèr  qui  est  sur  la  rive  droite  de  ce 
leuve . 

•  Je  sais  que  vous  manquez  de  généraux.  Le 
;ênéral  Fezensac  est  sans  expérience.  Je  me  pro- 
pose de  faire  parlîr  demain  le  général  Beurmann 


—  4Î8  — 

pour  être  à  votre  disposition.  Vous  pourriez  lui 
confier  le  commandement  d'une  colonne  mobile, 
que  vous  composeriez  d'un  bataillon  d'infanterie, 
de  cinquante  chevaux  et  de  deux  bouches  à  feu: 
vous  le  chargeriez  particulièrement,  après  avoir 
montré  des  troupes  partout,  de  faire  exécuter  les 
ordres  du  préfet,  avec  qui  il  entrerait  en  corres- 
pondance. 

«  Stade  est  un  point  fort  important  à  occuper. 
L'Empereur  y  attache  une  grande  importance  ;  il 
faut  y  avoir  une  forte  garnison.  La  ville  est  entou- 
rée de  remparts  et  a  beaucoup  d'eau  ;  il  serait 
facile  de  la  mettre  de  suite  à  l'abri  d'un  coup  de 
main.  Donnez  des  ordres  au  chef  de  bataillon  Vi- 
nache  pour  qu'il  fasse  faire  sans  délai  ce  qui  sera 
nécessaire  pour  remplir  ce  but. 

«  Le  quartier  général  du  vice-roi  était  le  30  à 
Mersebourg  ;  on  dit  que  nous  avons  remporté  une 
victoire  près  de  Dessau  ;  les  résultats  seraient 
5,000  prisonniers  russes  et  prussiens  et  vingt-cinq 
bouches  à  feu,  mais  il  n'y  a  rien  de  certain.  Je 
vous  donne  cette  nouvelle  comme  un  on-dit  du 
directeur  de  V Estafette  d'Osnabruck.  Pressez  le 
général  Dumonceau  d'exécuter  toutes  les  dispo- 
sitions que  je  lui  ai  prescrites,  de  réunir  à  Lune- 
bourg  toutes  les  embarcations  qui  existent  ;  pres- 
sez aussi  la  réunion  à  Harbourg  de  toutes  les 
embarcations  qui  se  trouvent  dans  les  petites  ri- 
vières qui  se  jettent  dans  l'Elbe,  surtout  dans 
rOst,  afin  que  nous  puissions  être  en  mesure  de 


—  429  — 

^^bsser  prompteraent  sur  la  rive  droite,  quand  la 
Brande  armée  aura  passé  TElbe,  et  de  profiter- de 
Bi  terreur  que  ses  succès  auront  produite.  » 

Vandamme,  d'après  les  instructions  du  maré- 
9i^al  Davout,  avait  expédié  à  Altona  un  officier  de 
fcon  état-major,  le  capitaine  Argout,  fort  intelli- 
S6nt,  qui  lui  rapporta  une  lettre  du  colonel  danois 
r:3[afEner,   dans    laquelle    on   remarque  ce    pas- 


«  Le  Danemark  étant  en  guerre  ouverte  avec 
.^Angleterre,  puisqu'il  n'existe  pas  même  d'armis- 
ice  entre  les  deux  puissances,  mon  dessein  est 
Rassurer  le  transport  de  ces  marins  sur  l'Elbe, 
fcu  moyen  d'une  partie  des  chaloupes  canonnières 
stationnées  devant  la  ville  d' Altona,  et  dont  j'aug- 
iienterai  le  nombre,  s'il  faut,  pour  rendre  la  réus- 
site plus  complète,  etc.  » 

Vandamme  expédia  la  copie  de  cette  lettre  au 
ïiajor  général,  ainsi  que  le  rapport  secret  de 
M[.  Argout  sur  tout  ce  qu'il  avait  pu  observer  à 
rjambourg.  La  lettre  du  général,  en  date  du  3  mai, 
îe  terminait  ainsi  : 

«  L'ennemi  travaille  toujours  en  toute  hâte  à  se 
■ortifier  et  continue  à  nous  tirer  fréquemment  des 
ioups  de  canon.  Les  troupes  en  garnison  dans 
.'île  de  Wilhemsbourg  ne  cessent  de  crier  :  Garde 
k  vous  !  et  montrent  beaucoup  d'agitation.  » 

Les  choses  en  étaient  là,  lorsque  la  victoire  de 

« 

Lutzen  du  2  mai  vint  donner  une  tournure  plus 
iécidée  aux  affaires  et  déterminer  la  conduite 


—  430  — 

politique  du  gouvernement  danois,  qui  se  rap- 
procha do  la  France. 

Le  major  général  fit  connaître  à  Davout,  f-ar 
une  lettre  du  7  mai,  les  intentions  de  TEmpereur 
relativement  à  Hambourg.  Il  lui  écrivit  : 

«  Je  vous  ai  annoncé,  prince,  par  ma  lettre  du 
5,  la  victoire  complète  que  l'Empereur  a  rem- 
portée le  2,  dans  les  plaines  de  Lutzen,  sur  les 
aimées  russe  ol  prussienne  réunies.  Nous  con- 
tinuons à  poursuivre  Tennemi  et  probablemeni 
nous  serons  demain  à  Dresde.  Le  prince  delà 
Moskowa  va  passer  l'Elbe  et  marcher  sur  Berlin. 

«  L'Empereur  me  charge  de  vous  faire  con- 
naître qu'il  est  indispensable  que  vous  vous  por- 
tiez à  Hambourg,  que  vous  vous  empariez  de 
cette  ville  et  que  vous  dirigiez  sur-le-champ  le 
général  Vandamme  dans  le  Mecklenbourg.  Voici 
la  conduite  que  vous  avez  à  tenir  :  vous  ferez  ar- 
rêter sur-le-champ  tous  les  sujets  de  Hambourg 
qui  ont  pris  du  service  sous  le  titre  de  sénateurs 
de  Hambourg  ;  vous  les  ferez  traduire  à  une  com- 
mission militaire  et  vous  ferez  fusiller  les  cinqle^ 
plus  coupables.  Vous  enverrez  les  autres  sous 
bonne  escorte  on  France  pour  être  retenus  daus 
une  prison  d'Etal.  Vous  forez  mettre  le  séquestre 
sur  leurs  biens  et  vous  les  déclarerez  confisques. 
Le  domaine  prendra  possession  des  maisons,  fonds 
de  terre,  etc. 

«  Vous  ferez  désarmer  la  ville,  vous  ferez  fu- 
siller tous  les  officiers  de  la  Légion  anséatique  el 


—  431  — 

vous  enverrez  tous  ceux  qui  ont  pris  de  l'emploi 
dans  cette  lé^n  en  France  pour  y  être  mis  aux 
galères. 

«  Aussitôt  cpie  vos  troupes  seront  arrivées  à 
Bohwerin,  vous  tâcherez,  sans  rien  dire,  de  vous 
saisir  du  prince  et  de  sa  famille,  et  vous  renver- 
rez en  France,  dans  une  prison  d'État.  Ces  ducs 
ayant  trahi  la  Confédération,  vous  en  agirez  de 
même  à  Végard  de  leurs  ministres. 

«  Vous  ne  commettrez  aucune  hostilité  contre 
les  Suédois,  s'ils  restent  dans  la  Poméranie  et 
déclarent  vouloir  demeurer  tranquilles. 

»  Vous  ferez  une  liste  de  rebelles  des  4,600  in- 
dividus de  la  32^  division  militaire  les  plus  ri- 
ches et  qui  se  sont  le  plus  mal  conduits,  vous  les 
ferez  arrêter  et  vous  ferez  mettre  le  séquestre  sur 
leur^  biens,  dont  le  domaine  prendra  possession. 
Cette  mesure  est  surtout  nécessaire  dans  TOldem- 
bourg. 

«  Vous  ferez  mettre  une  contribution  de  cin- 
quante millions  sur  les  villes  de  Hambourg  eè  de 
Lubeck  ;  vous  prendrez  des  mesures  pour  la  ré- 
partition de  cette  somme  et  pour  qu'elle  soit 
promptement  payée.  Vous  ferez  partout  désarmer 
le  pays  et  arrêter  les  gendarmes,  canonnière, 
gardes-côtes  et  officiers  et  soldats  ou  employés 
qui,  étant  au  service,  auraient  trahi.  Leurs  pro- 
priétés seront  confisquées.  N'oubliez  pas  surtout 
toutes  les  maisons  de  Hambourg  qui  se  sont  mal 
comportées  et  dont  les  intentions  sont  mauvaises. 


—  432  — 

Il  faut  déplacer  les  propriétés,    sans  quoi  on  ne 
serait  jamais  sûr  de  ce  pays. 

«  Vous  ferez  armer  la  place  de  Hambourg;  vous 
ferez  faire  des  ponls-levis  aux  portes  ;  vous  ferez 
mettre  des  canons  sur  les  remparts,  relever  les 
parapets  et  vous  établirez  une  citadelle  du  coté 
de  Harbourg,  de  manière  que  4,  à  5,000  hommes 
y  soient  à  Tabri  de  la  population  etde  toute  incur- 
sion. 

«  Vous  ferez  également  armer  Lubeck  pour  que 
cette  ville  soit  à  l'abri  d'un  coup  de  main. 

«  Vous  réorganiserez  Guxhaven. 

«  Toutes  ces  mesures,  prince,  seront  de  rigueur. 
L'Empereur  ne  vous  laisse  la  liberté  d'en  modi- 
fier aucune  ;  vous  devez  déclarer  que  c'est  par 
ordre  exprès  de  Sa  Majesté  et  agir  en  temps  et 
lieu  avec  la  prudence  nécessaire.  Tous  les  hom- 
mes connus  pour  être  chefs  de  révolte  doivent 
être  fusillés  ou  envoyés  aux  galères. 

«  Quant  aux  Mecklembourg,  l'instruction  géné- 
rale est  que  ces  princes  sont  hors  de  la  protec- 
tion do  l'Empire  ;  mais  il  n'en  faut  rien  laisser 
apercevoir  et  probablement  Sa  Majesté  aura  le 
temps  de  donner  des  ordres.  Comme  les  princes 
de  Mecklembourg  peuvent  ignorer  nos  disposi- 
tions, vous  pouvez  promettre  d'abord  tout  ce  qu'on 
voudra,  en  y  mettant  pour  restriction  :  sauf  l'ap- 
probation de  l'Empereur.  L'approbation  étant 
parvenue,  tout  se  trouverait  en  règle. 

.«  Hambourg  étant  en  état  de  siège,  vous  y  nom- 


—  433  — 

merez  un  commandant  ferme  pour  y  faire  la  po- 
lice. Vous  enverrez  le  général  Vandamme  en 
avant  avec  votre  quartier  général.  Il  faut  avoir 
soin,  prince,  de  ménager  ce  général,  les  hommes 
de  guerre  devenant  rares.  » 

Les  instructions  contenues  dans  cette  lettre 
toute  confidentielle,  envoyée  par  courrier  extraor- 
dinaire, sont  trop  nettes,  trop  précises  pour  avoir 
besoin  de  commentaires.  La  dernière  phrase  in- 
dique quel  cas  l'Empereur  faisait  de  Vandamme 
comme  homme  de  guerre. 

Le  même  courrier  apporta  au  général  la  lettre 
suivante  de  Berthier,  lettre  datée  du  7,  de  Wald- 
heim  : 

«  L'Empereur,  monsieur  le  général  Vandamme, 
me  charge  de  vous  faire  connaître  qu'il  est  content 
de  votre  conduite  à  Brème  et  qu'il  vous  destine 
un  bon  commandement.  En  attendant,  secondez 
le  prince  d'Eckmûhl  de  tous  vos  moyens.  Sa  Ma- 
jesté vous  saura  gré  et  vous  tiendra  compte  de  ce 
que  vous  aurez  fait  pour  remplir  à  cet  égard  ses 
intentions.  » 

Lorsque  les  ordres  contenus  dans  la  dépêche 
confidentielle  du  7  mai,  du  major  général,  parvin- 
rent à  Davout,  Vandamme  avait  déjà  fait  une 
tentative  audacieuse  sur  les  îles  de  l'Elbe  situées 
entre  Hambourg  et  Harbourg,  prologue  indispen- 
sable de  l'attaque  de  la  première  de  ces  deux 
villes. 

A  quatre  heures  du  matin,  le  9,  le  général  en- 


—  «•  — 

voya  au  pfiïice  d*Eckmûhl  un  prremier  rapport  sur 
celte  opération  qui  avait  parfaitement  réussi.  Da- 
vout  s'empressa  de  lui  répondre  pour  le  compli- 
menter, en  ajoutant  :  ^^  <  Allie»  avec  votre  vi- 
gueur la  prévoyance.  Si  vous  juge»  qHe  vous 
puissiez  vous  maintenir  dans  l'Ile  de  Wilbenls- 
bourg,  faites-le...  »  eto. 

Le  soir,  différentes  cireonstances  rapportées 
dans  le  second  rapport  ci-dessous,  de  Vandaihme, 
firent  connaitte  au  tnaréohal  qte  Ton  avait  dû 
évacuer  les  îles. 

«  Ce  matin,  entre  minuit  et  une  heure,  j'ai  atta- 
qué à  la  fois  les  Iles  d'Ochseris^  Werder,  Wil- 
hemsbourg  et  Altenwerder.  Toutes  les  trois  ônl 
été  tournées  et  enlevées  de  vive  force.  L'eiihemi  a 
partout  été  chargé  à  la  baïonnette  et  vivcnnaent 
poursuivi  jus(|ii'à  ses  eibbareatiôns  et  ses  der- 
niers réduits. 

«  Le  vent  s'est  tout  à  coup  élevé  6i  violemment^ 
que  nos  communications  sont  devenues  extrême- 
ment difficiles.  L'ennemi  en  a  pi'ofité  pour  porter 
toutes  ses  forces  de  Hambourg  sur  les  trois  iles. 
Lorsque  j'ai  reconnu  sa  résolution,-  que  j'ai  pu 
deviner  facilement  à  la  marche  de  ses  troupes,  je 
me  suis  empressé  de  prescrire  ail  prince  de  Reuss, 
qui  occupait  Ochsenwerderi  et  au  chef  de  mon 
étal-mujor  qui  était  dans  Altenwerder  de  se  porter 
tous  deux,  avec  toutes  leurî^  forces*  sur  file  de 
Willicnisboiir»>',  où  je  pensais  pouvoir  me  maiiile- 
uir  ;  mais  le  vent  ayant  toiû^^i*^  continué  avec 


—  «as- 
violence,  j'ai  craint  de  voir  mes  communications 
entièrement  interrompues.  Il  a  donc  fallu  penser 
à  la  retraite.  Nous  avons  été  attaqués.  Alors  s'est 
engagée  une  vive  fusillade.  Au  milieu  de  la  mêlée, 
s'est  présenté  comme  parlementaire  le  comman- 
dant danois  d'AUona.  Il  avait  ordre  de  son  roi  de 
me  voir,  et  de  prier  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale 
de  faire  déclarer  les  îles  neutres  et  de  demander 
en  grâce  que  Hambourg,  qui  est  enclavé  entière- 
ment avec  Altona,  ne  fût  pas  pris  de  vive  force. 

«  Le  colonel  Haffner  est  l'ami  particulier  de  son 
roi,  qui  lui  permet  de  correspondre  avec  lui  sans 
intermédiaire.  Cet  officier  supérieur  semble  bien 
aimer  notre  Empereur.  Le  roi  regarderait  comme 
uiie  grâce  spéciale,  comme  un  bienfait  auquel  il 
met  le  plus  grand  prix,  que  Sa  Majesté  Impé- 
riale et  Royale  lui  accordât  cette  faveur. 

«  Le  sénat  fera  toutes  les  soumissions  que 
l'Empereur  pourra  prétendre,  et  s'en  remettra  à 
sa  clémence  et  à  sa  générosité. 

«  Je  vais  continuer  à  en  imposer  aux  Hambour- 
geois  avec  mes  jeunes  soldats  qui,  en  général,  se 
sont  parfaitement  conduits. 

«  La  retraite  s'est  opérée  avec  le  plus  grand 
ordre,  et  nous  n'avons  absolument  laissé  per- 
sonne, hors  les  derniers  blessés. 

«  Cette  opération  a  eu  pour  résultat  de  nous 
rendre  maîtres  de  toute  l'artillerie  ennemie  etd*une 
grande  quantité  d'embarcations.  Nous  avons  dé- 
truit celles  que  nous  n'avons  pu  enlever.  Nous 


—  436  — 

avons  fait  environ  150  prisonniers,  parmi  lesquels 
plusieurs  officiers.  Nous  avons  pris  15  à  20  che- 
vaux de  Cosaques.  On  peut  évaluer  au  moins  à 
800  le  nombre  des  morts  et  blessés  de  Tenneini. 
Nous  en  avons  eu  beaucoup  moins,  et  nos  blessés 
le  sont  en  général  peu  dangereusement,  n'ayant 
pas  eu  beaucoup  d'artillerie  contre  nous,  et  l'ayant 
prise  de  suite. 

«  Il  se  trouvait  dans  l'île  de  Wilhemsbourg 
deux  petites  pièces  sur  affût  marin,  une  pièce  de 
24,  une  de  12  et  2  obusiers  de  6  pouces.  Toute 
cette  artillerie  provenait  des  arsenaux  de  la  ma- 
rine. 

«  Nous  sommes  bien  en  mesure  et  prêts  à  agir 
d'après  les  ordres  que  je  recevrai,  n'ayant  rien 
voulu  prendre  sur  moi  dans  une  circonstance  si 
délicate.  - 

Le  maréchal  approuva  l'évacuation  de  Wil- 
hemsbourg. «  Celte  expédition,  écrit-il  le  10  mai 
à  Vandamme,  après  la  réception  des  rapports  de 
ce  dernier,  cette  expédition  a  été  fort  heureuse. 
Elle  aura  jeté  une  grande  consternation  dans  Ham- 
bourg et  dans  tout  le  pays.  Il  ne  faut  pas  accepter 
la  neutrahté  des  îles.  Vous  pouvez  envoyer  un 
ofticier  à  Alloua,  près  de  M.  Haffner,  pour  lui 
faire  connaître  qu'on  ne  peut  point  adopter  la 
proposition  de  la  neutralité  des  îles  ;  que  d'ail- 
leurs nous  ne  demandons  pas  mieux  que  de  ne  pas 
enlever  Hambourj;'  de  vive  force,  et  que  c'est  aux 
habitants  sages  à  prévenir  cette  extrémité  en  fai- 


—  437  — 

sant  leur  soumission.  Pour  les  conditions,  ils 
doivent  s'en  rapporter  à  la  clémence  bien  connue 
de  l'Empereur.  » 

Il  est  probable  que  si  la  lettre  du  7  mai  eût  été 
connue  à  Hambourg,  au  contraire,  les  habitants 
auraient  tremblé  de  se  rendre. 

Vandamme,  cependant,  mit  le  colonel  Haffner 
en  demeure  de  lui  donner  par  écrit  les  ouvertures 
verbales  que,  le  9,  pendant  le  combat,  il  était 
venu  lui  faire.  Le  colonel  répondit  une  longue 
lettre  qui  se  terminait  par  la  menace  suivante  : 
«  Hambourg  n'étant  pas  une  forteresse  ou  un 
point  militaire  assuré  pour  une  des  parties  bel- 
ligérantes, j'ose  espérer  que  Votre  Excellence  se 
souviendra  de  toutes  les  raisons  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur de  lui  expliquer,  dictées  par  l'humanité,  et 
d'accord  autant  avec  l'intérêt  de  Sa  Majesté  l'Em- 
pereur qu'avec  celui  de  S.  M.  le  roi,  qui,  bien 
que  cela  ne  change  en  rien  le  système  politique 
ou  la  situation  amicale  qui  existe  entre  les  deux 
Etats,  verra  sans  doute  avec  la  plus  grande  dou- 
leur les  commandants  de  ses  troupes  dans  la  pé- 
nible nécessité  d'opposer  de  la  résistance  aux 
troupes  françaises  ou  à  celles  d'une  nation  amie.  » 

Vandamme,  de  plus  en  plus  étonné  de  l'attitude 
prise  par  le  colonel  Haffner,  écrivit  au  général 
Wegener,  et  soumit  l'affaire  à  l'Empereur  qui  ap- 
prouva la  conduite  du  commandant  de  la  32*^  divi- 
sion militaire,  et  fort  mécontent  d'une  réponse  am- 
biguë et  toute  diplomatique  du  général  Wegener, 


—  488  — 
réponse  qui  luifut  également  communiquée,  fitéerire 
par  le  major  général  au  prince  d'Eckmûhl  i  •  J'ai 
mis  sous  les  yeux  de  TEmpereur  les  dépêches 
dont  était  porteur  votre  aide  de  camp.  8a  Majesté 
m'ordonne  de  vous  le  réexpédier  pour  vous  faire 
connaître  qu'elle  est  indignée  de  la  démarche  des 
Danois  ;  qu'elle  est  contente  de  la  réponse  du  gé- 
néral Vandamme  ;  que  Hambourg  fait  partie  inté- 
grante de  TEmpire,  et  que  si  les  Danois  Toublient, 
l'Empereur  est  assez  puissant  pour  les  en  faire 
repentir.  Faites  passer,  Monsieur  le  mapëchal,  la 
lettre  ci-jointe  du  duc  de  Vicence  à  M.  Alquier 
(alors  ministre  de  France  à  Copenhague).  Sa  Ma- 
jesté y  porte  plainte  au  gouvernement  danois. 
L'Empereur  trouve  qu'il  y  a  dans  tout  cela  un 
étrange  renversement  d'idées,  et  qu'il  fout  qae 
tous  ces  hommes  soient  fous.  La  ville  de  Ham- 
bourg s'est  indignement  conduite  ;  les  iattres  ia- 
terceptées ,  qui  nous  ont  été  jcenmuaiquées  par 
le  cabinet  de  Sa  Majesté,  prouvent  la  mauvaise 
conduite  des  sénateurs  ;  l'Empereur  ordonna  que 
vous  les  fassiez  arrêter  et  que  voue  Us  envoyiez 
en  France,  etc.,  etc.  » 

L'expression  du  juste  mécontentement  da  Na- 
poléon étant  parvenue  à  Copenhague,  le  roi,  qui 
avait  appris  la  victoire  de  Lutzen  et  l'imprudente 
conduite  du  colonel  Haffner  à  Altona,  oommeaç^ 
à  avoir  des  craintes  sérieuses.  Il  ne  vit  plus  qu'un 
moyen  de  conjurer  l'orage,  c'était  de  faire  cesser 
une  neutralité  impossible  à  garder  plus  longtemps, 


-  489  - 

fit  dp  sa  panger  4u  o^té  qui  papaissait  ptre  le  plus 
fûfL  Alqnm,  oGtre  naiaisîpe,  jécrivit  à  Vandamme, 
le  47  «lai  : 

?  Aussitôt  que  je  fuç  informé  que  }A,  Haffaer 
vpjii$  avaijt  notifié  qu'il  avait  Tordre  (Je  défendre 
fiambourg  ppntre  le§  troupes  de*  Sa  Majesté  rEm- 
pereur  et  Roj,  je  m'pmpressai  dje  demander  au 
ministre  du  roi  l'explication  d'une  conduite  si 
étrange  et  si  imprévue.  M.  de  Rosencranz  me  ré- 
pondit :  qu^  Sa  Majesté  venait  d'expédier  de  nou- 
veaux ordres  à  M.  Haffner,  d'après  lesquels  cet 
officiisp  gaaépal  devait  vous  déclarer,  Monsieur  ie 
/comte,  que  la  première  démarche  qu'il  avait  faite 
auprès  de  voijs  devait  être  regardée  comme  non 
avonue,  et  qu'il  n'entreprendrait  rien  de  contraire 
à  vos  opération^. 

;•  De  nouveaux  renseignements  m'ont  appris 
quis  Ib  contre-ordre  dor^né  ^  M.  Haffper  était  arrivé 
trop  tard  et  que  vous  avez  eu  ,à  combattre  des 
li^oupes  danoises.  Le  roi ,  en  chargeant  son  mi- 
nistre de  m'exprimer  la  douleur  que  cet  événemept 
lui  a  €^usée,  m'a  fait  informer  aussi  de  la  résolu- 
tion qu'il  a  prise  de  mettre  toutes  ses  troupes 
60U8  V06  ordres  et  à  votre  disposition  y  et  enfin  de 
vous  faire  offrir  tous  Les  seoours  en  bateaux  et  on 
bâtiments  dont  vous  pouviez  avoir  besoin  pour  un 
passage  de  rivière.  Le  roi,  pour  ne  manquer,  dans 
un^  circonstanoe  aussi  grave,  à  aucune  des  mesures 
quo  lui  prescrivent  ses  intérêts,  et  que  sa  sagesse 
doit  lui  /conseiller,  Cait  partir  aujourd'hui  même  un 


—  440  — 

ministre  extraordinaire  qui  se  rend  au  quartier  gé- 
néral de  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi.  M.  de  Kaas 
(c'est  le'  nom  de  cet  envoyé),  Tun  des  premiers 
personnages  de  l'État,  se  propose,  Monsieur  le 
comte,  d'avoir  Thonneur  de  vous  voir  et  de  confé- 
rer avec  vous  ;  il  vous  remettra  une  lettre  par 
laquelle  j'ai  l'honneur  de  vous  le  présenter.  J'ose 
me  flatter  que  vous  voudrez  bien  accueillir  œ 
ministre  avec  les  égards  qui  lui  sont  dus,  et 
comme  un  ami  bien  déclaré  de  la  France.  » 

L'instant  d'hostilité  des  troupes  danoises  contre 
nous  avait  suffi  pour  donner  aux  Russes  qui  for- 
maient la  garnison  de  Hambourg  l'espérance  de 
voir  la  division  Wegener  prendre  parti  pour  eux; 
cela  avait,  d'un  autre  côté,  retardé  les  mesures 
prises  par  Vandamme  et  l'attaque  qu'on  voulait 
faire  contre  la  ville,  et  enfin  il  était  résulté  de  cette 
perte  de  temps  que  quelques  bataillons  suédois 
avaient  pu  se  jeter  dans  la  place.  Lorsque  les 
ordres  formels  du  roi  de  Danemark  parvinrent  au 
quartier  général  de  Davout ,  et  que  les  Russes 
virent  que  non-seulement  Vandamme  ne  parais- 
sait pas  intimidé  par  le  renfort  des  Suédois,  mais 
que  les  troupes  danoises  échappaient  à  rarmée 
alliée,  Tettenborn  évacua  Hambourg  dans  la  nuit 
du  30  au  31  mai.  Les  Français  y  entrèrent  le  len- 
demain matin  et  s'y  établirent. 

A  partir  de  ce  moment,  le  Danemark  sembla 
marcher  franchement  dans  notre  alliance  ;  mais  à 
la  fin  de  1813,  et  lorsque  l'armée  française,  à  la 


—  441  — 

saite  de  Leipzig,  dut  repasser  le  Rhin,  les  Danois 
tournèrent  définitivement  leurs  armes  contre  Da- 
vouV. 

Nous  allons  maintenant  donner  une  partie  de  la 
correspondance  de  Vandamme  avec  le  prince 
d'Eckmiihl  et  avec  le  major  général,  du  11  mai 
au  3  juin  1813. 

Ces  documents  feront  connaître  les  événements 
qui  amenèrent  la  reprise  de  la  ville  de  Hambourg 
par  les  troupes  du  général ,  et  le  rôle  important 
que  lui-même  joua  à  cette  époque. 

t)AVOUT   A   BERTHIER. 

«  Brome,  11  mai  1813. 

«  Nous  occupons  toute  la  rive  gauche,  depuis 
Tembouchure  de  l'Elbe. 

«  L'ennemi  a  évacué  le  8  à  notre  approche,  les 
forts  près  de  Guxhawen,  dont  nous  nous  sommes 
emparés.  Ces  forts  sont  détruits  en  ce  qui  con- 
cerne la  défense  du  côté  de  la  mer  et  les  canons 
ont  été  enlevés.  On  travaille  à  remettre  ces  forts 
en  état. 

«  Le  9  au  matin,  le  général  Vandamme  atta- 
qua les  îles  qui  sont  entre  Harbourg  et  Ham- 
bourg, notamment  l'île  de  Wilhemsbourg,  où 
nous  avons  fait  150  prisonniers  et  pris  8  bou- 
ches à  feu.  L'ennemi  a  eu  2  à  300  hommes  tués 
ou  blessés. 

«  Notre  perte,  en  tués  et  blessés,  n'a  pas  excédé 


-442- 

tioiidân^  Hambourg. 

«  Le  9,  dans  la  soirée,  rennemi  ayant  réuni  d^ 
forces  fiupéri0ii|Pôg  ppuf  ?8Pf^o4r§  ç§^\s  Uie  et 
Tayapt  foit  att^qyef ,  l^  gépépul  Vi^B^aime  4  fait 
f^pU^r  les  troup§§  4vep  ordpd  et  ^a^^  pisrt^»  et 
a  fait  enclouer  les  pièces  qui  avaient  été  prise^. 

9  i^  joins  à  pette  lettpe  le^  rapport  4v  général 
Vjand^mffie  qui  reijd  içonipte  4e  c§tl^  i^pératioû, 
piejidant  laq^ellp  j^.  d#  îjgtffpep,  cpijaiiv9ftd§ïft  p- 
litaire  danois  à  A^ppja,  §>st  prg§gpt^  cpaj^e  par- 
lementaire, chargé  par  son  souverain  de  solliciter 
la  neutralisation  Aa  cq&  1003  i\»&,  si  que  Hambourg, 
qui  est  enclavé  enljèfement  avec  Altona,  ne  soit 
pas  enlevé  de  vive  force. 

I  J  91  foit  /Gpsaaitra  m  giéaiérA^  Yg^dg^p^e  que 
nous  ne  pouvions  pas  ^go^j^l^v  ia  f^ii^Uté  de 
àe  ces  Hb^,  je  l'ai  prié  d'/en  mSf>rïï^r  M.  d»  ^aflner, 
sa  ajoiitant  que  npus  aç  /i^p}i»^(iiQns  p^§  qi^eux 
de  ne  pas  enliser  H^mhQWg  4^  yiy§  força,  m\^ 
qu^il  fallait  qua  la&  hAl)i(a9ts  (is$^ii(  i^r  ^QH)»is- 
fiion,  B'en  fmfii^l^nt  à  te  clfin^eRcç  jc^f^ye (1«  TB»' 
pereur  el  qu'ils  chassent  les  étrangers  ^  pjj^z 
aux,  sans  attendre  à  la  4af|i}èr6  iextfémUé.  Pn  dit 
quje  le  sé^at  est  diapA^é  h  îppi/^rer  )a  (4éifn^9^ 
de  l'Ëmparaur.  ? 

VANDAMME   A   DAVOUT. 
«  Harbourg,  11  mai  (4  heures  4g  ^çir). 

«  i'ai  l'faonaaur  d^adressar  à  Votr^  [Ëiijcellence 


es  rapports  qui  ma  «ont  parvesu^  4e  JWirô  àm^ 
)i  la  copie  des  lettres  que  j'ai  fs^rit^  içe  ffifiUA  ft^i 
çénéral  Tettenborn,  aux  magistrats  de  Hambourg 
ît  au  général  commandant  les  troupes  danoises 
lans  le  Holstein. 

«  Je  QfQÎB  popypjr  Pôplu§  douter  de  l'évacuation 
les  îles  et  de  Hambourg,  et  il  paraît  bien  certain 
iu&si  qiia  i'efinemi  àé^ia  devant  le  géaéFal  Du- 
BOHceau,  depuis  trois  jours,  par  D/dmîte  ^t  L^A- 
KQji  pour  faiFO  uoâ  courte  halte  à  Oeii^b^g  ;  »u^i 
jâ  H^attfinds  pas  le  rot^f  d^  {non  ch^f  .4^4t»t-n)il'- 
joF  ^t  je  vais  passer  ea  forœ  dans  ViU  â§  Wilh^epi^- 
^Fg,  d'oH  j  ^agirai  vigoureu^oient  /Q^tre  H»mr 
i)ourg  ear  il  esj;  plus  $pm  temps  à'&f^  Hm-  Qufl)|t 
ius  ÎHtermédigipes  danois,  j^  n^m  S^%i  Pi»s 
lupe. 

«  Je  donne  of^fs  au  génial  Dupionceau  de 
réaniF  toutes  les  embarcaUQns  et  de  se  pFépaF»F  ^ 
passsF  le  fleuve  ou  à  Beizenbourg  ou  k  LAue^- 
bourg  ;  ne  fitrii  ipi^un  simulaore  il  piousseFeît  \^ 
retraite  de  reunemî  sur  la  rive  droite  qui  fera 
iiligeax;.e  pour  gagn^  ferlin. 

«  iù  ferai  au  reste  ùmt  ce  que  les  dfpon^tWfU^ 
ïDM  permettront  ppi^r  utiliser  nos  nouveljb^s  tr^^u^ii^ 
dt  gêner  autant  que  possible  la  merphe  ei^ffemM. 
Qaas  très-pei^  d'heures,  monsieur  le  merifihAi» 
/eus  aure^  un  nouveau  oourpier, 

M  Les  Su^dQis  sont  avancés  et  ne  S'avenisenMit 
dlus. 

f  Veuillez  m'i^v^BV  de  Ig  oavelerie,  ^tieli^ 


—  444  — 

qu'elle  soit,  et  tout  ce  qui  peut  encore  quitter  le 
Weser  en  toute  arme.   ■ 


VANDAMME   A   DAVOUT. 


tf  Ilarbourg,  12  mat  (9  h.  15  du  soir). 


«  Monsieur  le  maréchal, d'après  les  rapports  de 
mon  chef  d'ëtat-major  que  j'avais  envoyé  à  Ham- 
l)Ourg,  avec  les  lettres  et  sommations  dont  j'ai 
eu  l'honneur  d'envoyer  copie  à  Votre  Excellence, 
il  paraît  que  cette  ville  est  dans  une  complète 
anarchie  sous  l'aventurier  Tettenborn  et  compa- 
gnie. Ce  général  appelle  troupes  russes  les 
bandes  de  rebelles  et  d'étrangers  qu'il  a  commencé 
de  former. 

•  11  ne  parait  que  trop  vrai,  d'après  la  lettre 
dont  je  joins  ici  copie,  que  les  danois  se  sont 
joints  aux  ennemis  de  la  France  pour  défendre 
la  ville  et  le  territoire  de  Hambourg. 

•  Je  vais  me  mettre  en  mesure  d*en  imposer 
à  tout  ce  monde  et  sous  quelques  heures  je  saurai 
à  quoi  m'en  tenir.  Je  retourne  dans  l'île  de  Wil- 
hemsbourg.  Je  vais  faire  les  approches  de  Ham- 
bourg, occuper  toutes  les  îles  et  conduire  cette 
affaire  avec  autant  de  prudence  que  de  vigueur. 
L'annonce  des  troupes  que  me  fait  Votre  Excel- 
lence me  mettra  fort  à  Taise.  Si  je  pouvais  rec^î- 
voir  4  obusiers,  je  déciderais  tout  en  peu  de  jours. 
Dans  tous  les  cas,  je  ne  négligerai  aucun  moyen 


—  445  — 

militaire  ni  politique  pour  réduire  cette  ville  à 
l'obéissance. 

«  Le  général  Dumonceau  a  les  ordres  les  plus 
précis  pour  faire  son  passage  à  Zollenspiecker 
ou  Altenbourg,  afin  d'inquiéter  ou  de  presser 
l'ennemi  dans  sa  retraite,  que  la  marche  de  l'Em- 
pereur et  du  prince  de  la  Moskowa  rendra  chaque 
jour  plus  difficile. 

«  J'envoie  à  Votre  Excellence  la  Gazette  de 
Hambourg à\x  H. 

«  Je  vous  prie  de  croire,  Monsieur  le  maréchal, 
que  tout  sera  mis  en  œuvre  pour  assurer  et  hâter 
le  succès  de  notre  entreprise.  » 

DAVOUT  A  BERTHIER. 
a  Harbourg,  18  mai  18iâ  (minuit). 

«  Monseigneur,  j 'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre 
Altesse  Sérénissime  les  derniers  rapports  du  gé- 
néral Vandamme.  Son  expédition  d'hier  sur  l'île  de 
Wilhemsbourg  est  très-belle  ;  il  se  loue  beaucoup 
de  la  conduite  de  ses  jeunes  troupes. 

»  Il  est  fort  heureux  que  ce  général  se  soit 
trouvé  ici  :  c'est  à  sa  présence  et  à  l'élan  qu'il 
a  su  donner  aux  troupes,  qu'on  doit  ce  résultat. 

«  Ses  dispositions  pour  l'opération  de  Ham- 
bourg sont  fort  bien  entendues.  J'ai  été  les  voir 
et  j'ai  trouvé  qu'elles  ne  laissaient  rien  à  désirer. 
Sa  petite  flottille  est  bien  organisée  et  tous  ses 
moyens  sont  bien  préparés,   mais  la  tergiversa- 


iim  dii  géhéi^l  Dumottceati  fefoé  a  lymmif 

l'exécution  de  l'attaque  de  Hambourg  Jtti^ti'A  M 
qu'dil  &it  VU  ôlftif  à  Ôé  ^Ui  m  pa§6ë  sur  notre 
dwltê. 

i  Je  ddtidë  l'dfdre  positif  fitt  géflëtâl  Dbfnoti-> 
ceâU  dé  se  pofièt  âtéc  tôiltes  iië§  fofoes  suf  Dfildli^ 
bsurg,  ôîi  Jé  mê  fëndMi  itloi^itidiflê  Si  les  Paffpom 
qu'il  m'enverra  sont  dans  le  méfdë  Sen»  gii0  Idi 
pPéeëdétllS.  ai,  ce  gui  est  tfai Semblable ,  ils 
sont  dénués  de  fondement,  je  lé  fëfaië  Vèfilf  ici 

pour  m'emparef  de  Hambourg. 

«  Là  OOUdUite  des  DâUOls  6éi  iftéXplidible  i  U 
est  présumable  que  SOUë  ddUJc  &  tfolë  jdti»  toul 
ce  qui  s'est  fait  sera  désavoué  par  le  roi  de  Da- 
nemark. Ce  sera  un  des  réâUltats  de  la  bataille 
de  Lutaent 

•  Cependant  voulant ,  sous  peu  d'heures  , 
dOiiiier  du  pOèitif  k   Cet  égard ,  J'ai  CfU  devoir 

écrire  au  général  danois  là  lettre  dont  copie  6«t 
6i-j6ihte.  Jé  m'empreii^erai  dé  transmettre  M 
réponse  à  Voire  Altesse  Sérénisslme, 

•  M.  le  lieutenant  général  comte  Vandammé 
ffl'â  prié  d'appuyer  préa  de  Sa  Majesté  la  demande 
du  grade  de  général  dé  brigade  qu'il  forme  en  la- 
veur de  Tadjudant-dommandant  Revestj  «on  chef 
d'étât-ttiajdr.  11  en  fait  le  plus  grand  éloge  depuis 
qu'il  èèt  avec  lui. 

•  Je  prie  Votre  Altesse  Sérénissime  d'adresser 
à  l'Empereur  cette  demande  et  d'assurer  8a  Ma- 
jesté que  la  meilleure  harmonie  régnera  entre  le 


-417  — 

général  Vàndalmne  et  iftoi  ;  que  noua  né  pensèraos 
Vtm  et  Fàutre  t[u*&  la  bien  éerVir^  et  fpie  ée  fiicrtif 
fera  diâpâtaitre  \bé  petites  altéroations  que  noé 
aaractèi*es  entielF»  pearraieht  occasiontier:  * 
)      Gette  dernière  phrase  est  sans  douté  une  éUà^ 
I  mttU  à  ufie  dltéroatîôn  asseft  tire  efiti*e  Darout  ôt 
H  Vandammë^  alterodtion  racontée  par  le  génëHil 
t  duc  àë   Fesenzao  dans  son  ëharmant   rayraf^e 
I  (Seureniré  miUtBitBQ)t 
I       A  la  pdge  864,  en  lit  à  prepeë  de  Vanddmme  } 
et  @on  àvanoeihenf  n'aVait  répendu  ïà  à  sed 
•  tal^ts  ni  à  ëes  Services. 

«  Son  caractère  indomptable  lui  nuisait  6upHi6 
i  de  rËtîlt)ereur;  Yfaimenti  disait  Napoléon,  je 
t  ne  peui*fais  par  avoir  deux  Vtodammes  )  ils  ae 
i  battraient  Jusqu^à  eë  qiie  l'un  eût  tué  Tautre:  t 

VANDAMME  A   DAVOÙT. 

«  Avant-hier  nous  étions  imparfaitement  étabÙs 
dans  Tild  de  Wilhemsbourg.  La  nuit  étant  venuei 
il  avait  fallu  se  borner  à  se  garder  militairement) 

<  Hier  i%  à  huit  heures  du  matin^  Tennemi  a 
commencé  par  débarquer  1^000  à  i^âOO  hommes 
en  face  de  Hambourg»  Une  vive  fusillade  s'est  en^ 
gagée  avec  la  brigade  d'infanterie  légère  comman-* 
dée  par  le  général  Gengoult.  J'ai  été  examiner 
l'affaire  ^  et  j'ai  vu  que  cette  colonne  ennemiii 
s'attendant  à  être  appuyée^  prétendait  nous  faire 
sortir  de  l'île. 

i  L'ennemi  pressant  d'abord  son  attaque,  avait 


—  448  — 

gagné  quelque  avantage  et  avançait  en  force  avec 
l'artillerie  qu'il  avait  débarquée.  Je  fis  à  Tinstanl 
former  en  masse  les  trois  bataillons  d'infanterie 
légère,  soutenus  par  tout  le  reste  de  la  division 
Dufour.  J'ordonnai  la  charge  ,  et  en  un  quart 
d'heure,  tout  fut  mis  dans  la  déroute  la  plus  com- 
plète. L'ennemi  abandonna  toute  son  artillerie,  ses 
caissons,  ses  munitions  et  se  rembarqua  dans  le 
plus  grand  désordre,  laissant  des  prisonniers  et 
un  grand  nombre  de  morts,  parmi  lesquels  se  sont 
trouvés  beaucoup  de  Danois.  Le  général  Dufour 
et  le  général  Gengoult  se  sont  parfaitement  con- 
duits dans  cette  affaire. 

«  J'ai  voulu  connaître  parfaitement  l'île ,  je  la 
parcourus  au  galop  ;  alors  je  me  suis  décidé  à  y 
faire  passer  la  brigade  de  Reuss  que  je  destinais  à 
occuper  Altenwerdcr,  Kuttwick  et  Rossenhof.  A 
peine  avais-je  fait  débarquer  les  troupes  que 
j'appris  que  l'ennemi  tentait  un  nouveau  débarque- 
ment sur  le  point  de  Reiherstuger  Land,  d'où  il 
semblait  vouloir  se  diriger  sur  le  point  de  mon 
passage.  Une  fusillade  s'est  engagée,  et  l'ennemi, 
voyant  qu'il  n'avait  pu  nous  surprendre  ,  s'est 
retiré  précipitamment  avec  perte  de  quelques  morts, 
blessés  et  prisonniers. 

«  J'ai  établi  le  152®  en  réserve  et  en  obser\'a- 
tion  au  château  même  de  Wilhemsbourg,  afin  de 
pouvoir  se  porter  partout. 

«  Prévoyant  bien  une  nouvelle  attaque,  je  lis 
marcher  le  37%  qui  était  sur  la  digue.  La  fusillade 


-  449  - 

s'engagea  sérieusement;  je  n'hésitai  pas  à  or- 
donner au  37®  de  se  retirer  lentement  en  défendant 
la  digue  et  à  laisser  avancer  Tennemi  de  manière 
à  lui  couper  sa  retraite,  ou  à  le  poursuivre  vi- 
goureusement. 

«  J'ordonnai  de  suite  à  deux  bataillons  de  la 
droite  de  la  division  Dufour  de  se  rendre  directe- 
ment au  pont  où  l'ennemi  avait  passé,  tandis  que 
je  prescrivis  au  prince  de  Reuss  de  marcher 
précipitamment  sur  l'ennemi  avec  les  deux  ba- 
taillons qui  se  trouvaient  au  château  de  Wilhems- 
bourg.  La  fusillade  s'est  d'abord  engagée ,  et 
comme  on  ne  peut  cheminer  que  par  des  digues 
fort  élevées,  j'ordonnai  aux  troupes  de  cesser  le 
feu  et  je  fis  battre  la  charge  de  toutes  parts. 
L'ennemi  fut  contraint  à  la  retraite  et  poursuivi 
pendant  une  heure,  la  baïonnette  dans  les  reins. 
Jamais  confusion  ne  fut  plus  complète.  Tout  ce  qui 
s'était  jeté  dans  les  barques  a  été  noyé  ou  tué. 
430  hommes  environ  qui  n'ont  pas  pu  s'embarquer 
ont  mis  bas  les  armes. 

«  Je  ne  puis  assez  me  louer  de  la  valeur  de  nos 
troupes  ;  je  ne  me  rappelle  pas  d'avoir  jamais 
trouvé  plus  d'ardeur  dans  nos  vieilles  bandes.. 
Plusieurs  officiers  de  tout  grade  se  sont  par- 
ticulièrement distingués.  J'aurai  l'honneur  d'en 
adresser  l'état  à  Votre  Excellence  pour  qu'elle 
veuille  bien  le  faire  parvenir  à  l'Empereur.  * 


—  450  — 


DAVOUT  A  VANDAMME. 

«  Winsen,  18  mai  1813. 

•  Monsieur  le  général,  je  vous  ai  informé  dans 
le  temps  que  j'avais  transmis  à  Sa  Majesté  votre 
correspondance  avec  les  Danois  ;  j'ai  pensé  qu'il 
vous  serait  agréable  de  connaître  l'approbation 
qu'y  a  donnée  notre  souverain  ;  je  vous  adresse 
copie  de  la  lettre  du  major  général  qui  la  contient. 

»  J'ai  reçu  la  lettre  où  vous  m'annoncez  le  re- 
tour de  l'officier  de  marine  qui  a  accompagné  mon 
aide  de  camp  d'Houdetot.  J'envoie  à  Sa  Majesté 
copie  de  votre  lettre  et  le  journal  qui  y  était  joint; 
il  parait  que  l'ennemi  a  plusieurs  batteries  sur  la 
rive  droite  de  l'Elbe,  dans  le  Billwarder  ;  je  vous 
enverrai  demain  des  notes  pour  vous  en  faciliter 
les  reconnaissances. 

«  Il  faut  charger  le  chef  de  bataillon  Vinache 
d'employer  toute  la  journée  de  demain  à  bien  re- 
connaître toute  la  rive  droite,  depuis  l'île  de  Moor- 
warder  jusqu'à  la  hauteur  d' Alloua.  Je  ferai  re- 
connaître tout  le  pays  qui  est  entre  le  Moorwarder 
et  ZoUempicker. 

«  Des  rapports  annoncent  que  des  fourriers 
suédois  sont  arrivés  hier  à  Lauenbourg  ;  mais, 
depuis  le  temps  que  cela  se  débite,  on  n'y  croit 
pas.  » 


-4M  — 

DAVOUT  A  VANDAMME. 

c  Harfoourg,  SI  mai  1818. 

«  Monsieur  le  général,  je  regrette  beaucoup  qu« 
TOUS  n'ayez  point  voulu  vous  rendre  à  Garrburg, 
>ù  je  suis  venu  sur  votre  refus  de  vous  rendre  à 
noîtié  chemin  de  Garrburg  à  Winsen.  Il  était 
mportant  de  convenir  des  mesures  à  prendre  pour 
le  passage  de  TEIbe  et  l'attaque  d'Hambourg.  Un 
bombardement  ne  nous  mettrait  pas  (d'après  les 
conséquences  qu'on  peut  tirer  de  votre  première 
tentative)  en  possession  de  cette  ville.  Il  faut,  pour 
obtenir  ce  résultat,  faire  sauver  les  étrangers  qui 
en  sont  les  maîtres,  à  qui  il  importe  fort  peu  que 
Hambourg  soit  brûlé  :  on  n'y  réussira  que  lorS'- 
qu'on  sera  sur  la  rive  droite. 

«  Je  vous  ai  adressé  des  observations  sur  les 
moyens  d'effectuer  le  passage,  en  vous  priant  de 
faire  faire  les  reconnaissances  nécessaires  ;  je  n'ai 
reçu  aucune  réponse  à  cet  égard.  Quoi  qu'il  en 
soit,  voici  à  quoi  je  m'arrête  définitivement  :  j'en- 
voie au  général  danois  un  officier  français,  porteur 
d'une  réponse  à  la  lettre  dont  je  vous  ai  fait  con- 
naître à  peu  près  le  contenu.  Il  est  probable  que 
le  gouvernement  danois  interviendra  fortement  et 
agira  pour  que  nous  puissions  entrer  dans  Ham- 
bourg, sans  y  éprouver  de  résistance,  à  moins 
que  des  forces  majeures  ne  soient  arrivées  sur  ce 
point.  Je  fais  suspendre  toute  hostilité  jusqu'au 


—  4M  — 

retour  de  l'officier,  à  qui  j'ai  recommandé  d*étre  ici 
demain,  de  bonne  heure.  Demain,  je  donnerai 
tous  les  ordres  pour  le  passage  et  je  ferai  rappro- 
cher une  partie  des  troupes  du  général  Dumon- 
€eau,  pour  le  faire  avec  le  plus  de  forces  possibles 
et  être  en  mesure  contre  les  forces  ennemies  que 
Ton  peut  rencontrer,  quelles  qu'elles  soient.  • 

DAVOUT  A  VANDAMME. 

«  Winsen,  fi  mai  181S. 

«  Monsieur  le  général,  j'ai  reçu  vos  trois  let- 
tres du  21 ,  dont  une  à  six  heures  et  deux  à  dix 
heures  du  soir.  Je  ne  regrette  pas  que  l'attaque 
contre  Hambourg  ait  été  différée  jusqu'à  l'époque 
où  l'on  a  eu  la  certitude  que  les  Danois  en  avaient 
retiré  leurs  troupes,  puisqu'une  attaque  faite  lors- 
qu'ils y  étaient  eût  pu  décider  la  guerre  avec  celte 
puissance.  Cet  incident  seul  devait  apporter  des 
délais. 

«  Je  vous  observerai  en  outre  que  l'Empereur, 
dans  ses  instructions,  n'avait  pas  prévu  cette  cir- 
constance ;  d'ailleurs,  jusqu'à  ce  jour,  cette  opé- 
ration eût  été  impraticable,  puisqu'une  colonne 
ennemie  de  4  à  5,000  chevaux,  3  à  4,000  hommes 
d'infanterie  et  douze  pièces,  était  près  de  Dalen- 
bourg.  Il  a  été  nécessaire  de  mettre  en  mouvement 
la  division  Dumonceau  pour  faire  repasser  l'Elbe 
à  l'ennemi. 

«  L'officier  français  que  j'ai  envoyé  au  général 


ointe  ;  il  a  ordre,  à  son  retour,  de  vous  commu- 
liquer  la  réponse  et  ce  qu'il  aura  appris. 

«  Donnez,  Monsieur  le  général,  vos  ordres  à 
outes  ces  troupes  ;  faites-moi  connaître  l'ensemble 
le  vos  opérations  et  le  point  où  vous  serez  de 
rotre  personne  ;  je  me  porterai  sur  un  autre  point 
)our  veiller  à  l'exécution  des  ordres  que  vous 
lurez  donnés  et  concourir  à  leur  exécution. 

•  Ne  voyez,  Monsieur  le  général,  dans  tout  ce- 
â,  qu'une  preuve  de  ma  haute  confiance  et  nuUe- 
nent  la  vile  pensée  de  rejeter  sur  vous  la  plus 
)etite  responsabilité  ;  c'est  moi  qui  commande, 
linsi  c'est  moi  qui  dois  la  supporter. 

«  Un  de  mes  principaux  motifs  en  agissant 
linsi  est  un  sentiment  de  justice.  Vous  avez  tout 
)réparé,  tout  reconnu,  vous  devez  recueillir  le 
ruit  de  toute  votre  prévoyance  ;  aussi,  je  vous 
e  répète,  je  ne  serai  là  qu'un  de  vos  généraux, 
[e  serai  à  Harbourg  une  heure  après  la  réception 
le  cette  lettre.  » 

VANDAMME  A   BERTHIER. 

«  Wilhernsboorg,  ft  mai  1818. 

«  Monseigneur,  je  n'entretiendrai  pas  Votre 
Utesse  de  la  correspondance  que  j'ai  eue  avec  les 
mtorités  militaires  danoises,  puisque  le  prince 
TEckmuhl  la  lui  a  soumise  et  qu'elle  a  fait  con- 
laitre  que  l'Empereur  avait  daigné  témoigner  qu'il 


—  454  — 

approuvait   cette  correspondance.  J'annoncerai 
seulement  à  Votre  Altesse  que  non-seulement  les 
Danois  ont  abandonné  la  cause  de  Hambourg, 
maîô  encore  que  le  roi  a  Tintention  de  mettre  tou- 
tes^ses  troupeô  sous  mes  ordres  et  de  me  procu- 
rer tous  les  secours  en  bateaux  et  en  bâtiments 
dont  je  pourrais  avoir  besoin  pour  un  passage 
de  rivière.  Votre  Altesse  connaîtra  les  disposi- 
tions du  cabinet  de  Copenhague  par  la  lettre  que 
y  ai  reçue  de  M.   Alquier,  ministre   de    France 
près  la  cour  de  Danemark  et  dont  je  joins  ici  co- 
pie. Aujourd'hui  même,  Monseigneur,  j'ai  envoyé 
M.  l'adjudant  commandant   Revest,    mon   chef 
d'état-major,  pour  connaître  les  ordres  qui  peu- 
vent déjà  être  parvenus  aux  troupes  danoises  et 
savoir  précisément  ce  qu'on  peut  espérer  d'elles. 
J^attends  pour  demain  matin  la  réponse  du  géné- 
ral commandant  en  chef.  Quelle  qu'elle  soit,  je 
tenterai,  sans  délai,  de  prendre  Hambourg  de  viye 
force.  Déjà  le  19,  j'ai,  de  minuit  à  deux  heures, 
lancé  sur  la  ville  une  centaine  d'obus  et  fait  jouer 
quatre  pièces  de  6  et  une  de  24,  prise  sur  l'ennemi. 
Nous  avons  tué  dix  à  douze  personnes,  blessé  un 
grand  nombre  et  causé  une  émigration  considé- 
rable. Cette  nuit,  je  recommencerai  cette  attaque, 
mais  d'une  manière  plus  vive  et  avec  beaucoup 
plus  de  bouches  à  feu.  Demain,  dans  l'après-midi, 
à  moins  d^événement  extraordinaire,  j'entrepren- 
drai le  passage  de  l'Elbe,  que  j'ai  bien  combiné  et 
dont  je  chercherai  à  assurer  le  succès  par  tous  les 


—  486  — 

oins  et  toutes  les  mesures  de  prudence  qui  pour- 
ont  dépendre  de  moi. 

«  Je  dois  confirmer  ici  à  Votre  Altesse,  ce  qui 
ans  doute,  lui  a  déjà  été  annoncé,  qu'il  est  impos- 
îble  de  trouver  plus  de  courage  et  d'enthousiasme 
éel  que  dans  nos  jeunes  soldats.  Dans  toutes  leurs 
encontres  avec  l'ennemi,  ils  ont  montré  un  zèle 
a  \me  ardeiœ  admirables.  Toutes  leurs  attaques 
aites  aux  cris  de  :  Vive  l'Empereur  I  ont  com- 
>létement  réussi.  Depuis  que  j'ai  sous  mes  ordres 
)es  nouveaux  bataillons,  je  ne  les  ai  presque  point 
pxittés,  je  me  suis  constamment  occupé  de  leur 
instruction,  j*ai  été  partout  avec  eux,  partout  je  les 
n  encouragés.  Jusqu'à  présent,  j'ai  tiré  d'eux 
tout  le  parti  que  je  pouvais  en  espérer.  Je  serai 
bien  heureux  si  l'Empereur  daigne  applaudir  à 
mes  efforts  et  reconnaître  qu'il  a  en  moi  un  fidèle 
et  bien  dévoué  serviteur. 

«  D'après  la  nouvelle  que  je  reçois  à  l'instant 
qu'on  pourra  traiter  avec  le  général  Tettenbom^ 
J'accorde  une  suspension  de  vingt-quatre  heures, 
qui  pourra  bien  être  prolongée  jusqu'à  trente-six. 

«  Quelques  bataillons  suédois  sont  arrivés  à 
Hambourg,  mais  ma  situation  n'en  est  point  chan- 
gée, et  les  Danois  prenant  parti  pour  nous,  il  esl 
impossible  de  craindre  que  ce  renfort  pour  Ham-* 
bourg  soit  un  obstacle  à  nos  entreprises.  » 


—  456  — 

YANDAMME   A    DAVOUT. 
«  Wirhemsbourg,  23  mai  1813  (5  h.  du  soii^. 

•  L'officier  que  j'avais  envoyé  ce  malin  auprès 
de  mon  chef  d'état-magor  rentre  à  Tinstant  d' Al- 
iéna et  me  dit  en  substance  que  Teltenborn  veut 
se  défendre,  ayant  reçu  des  renforts  suédois  (deux 
bataillons  avant-hi^  et  trois  cette  après-ini(fi). 
Nul  doute  qu'il  n'eût  évacué  Hambourg,  si  nous 
eussions  forcé  du  19  au  20. 

«  L'ambassadeur  extraordinaire  danois  dit  que 
le  roi  est  dans  une  position  très-embarrassante 
envers  la  Suède  et  la  Russie  ;  que  cependant  il 
se  dévoue  tout  entier  à  Sa  Majesté  Impériale  et 
Royale  ;  que  si  nos  troupes  passent  rElbe  et  quenous 
ayons  des  succès,  les  troupes  danoises  se  join- 
dront à  nous  ;  que  le  roi  ne  peut  solder  sa  troupe 
hors  de  son  territoire  et  qu'il  est,  pour  cette  rai- 
son, très-gêné  en  ce  moment. 

«  M.  le  comte  de  Kaas  dit  encore  que  M.  le 
baron  d'Alquier  a  parfaitement  interprété  les  in- 
tentions du  roi  dans  une  lettre  que  ce  ministre 
m'a  adressée,  mais  que  le  Danemark  est  aujour- 
d'hui serré  de  si  près  par  les  Suédois  qu'il  fau- 
drait un  grand  événement  pour  le  sauver  des  maux 
dont  il  est  menacé  et  que  rien  au  monde  ne  ferait 
plus  de  plaisir  aux  troupes  que  de  servir  sous  les 
drapeaux  du  Grand  Napoléon. 

•  Le  comte  de  Kaas  désire  présenter  ses  hom- 


Ynages  demain  à  Votre  Excellence  en  passant  par 
Harbourg,  d'où  il  pressera  sa  marche  vers  le 
quartier  général  impérial. 

«  On  a  prétendu  prouver  au  i*oi  que  nous  n'a- 
vions ici,  sur  le  bas  Elbe,  que  dix  mille  hommes, 
et  que  le  prince  royal  de  Suède  en  commandait 
trente  mille,  Suédois,  Russes,  Prussiens  et  Alle- 
mands. 

•  Je  crois,  Monseigneur,  que  dans  la  situation 
où  nous  nous  trouvons,  il  faut  réunir  sur  le  point 
de  Stade  à  Lunebourg  toutes  nos  forces  et  tenter 
le  passage  de  l'Elbe  le  plus  promptement  possible 
et  avant  que  les  Suédois  aient  le  temps  de  rassem- 
bler ici  trop  de  troupes.  On  assure  qu'ils  sont  en 
échelons  depuis  Hambourg  jusqu'à  Stralsund. 

«  Si  Votre  Excellence  croit  ne  devoir  pas  faire 
prendre  Tîle  de  Ochsen-Werder  et  tenter  le  pas- 
sage de  l'Elbe  pour  investir  Hambourg,  il  sera 
nécessaire  de  faire  retirer  plusieurs  bataillons  de 
l'île  de  Wilhemsbourg  et  même  d'y  diminuer  l'ar- 
tillerie. 

•  J'attends  les  ordres  de  Votre  Excellence.  Le 
chevalier  Revest  ne  sera  de  retour  qu'après-demain 
de  son  voyage  près  du  général  danois .  » 


DAVOUT   A  VANDAMME.; 


«  Harbourg,  23  mai  1813  (8  h.  du  soir). 

•  Monsieur  le  général,  je  reçois  à  l'instant  votre 
Utrc  de  ce  jour,  à  cinc { heures  du  soir.  Nous  nous 


—  458  — 

trouvons  dans  une  position  qui  n*a  pas  été  prévue 
par  l'Empereur,  puisqu'il  n*avaitpas  compté  qu'on 
y  trouverait  lesDanois  comme  ennemis,  et  qu'après 
eux  on  y  rencontrerait  les  Suédois  ;  nul  doute  qu'il 
ne  faille  prendre  dans  les  vingt-quatre  heures  un 
parti,  ou  de  passer  l'Elbe  ou  de  nous  borner  à  dé- 
fendre la  rive  gauche  en  gardant  fortement  Tîle  de 
Wilhemsbourg.  Je  désire  que  vous  vous  rendiez  ici 
demain,  de  bonne  heure,  de  votre  personne,  pour 
raisonner  ensemble  sur  notre  situation.  Dans  le 
cas  où  les  circonstances  ne  vous  permettraient 
pas  devons  absenter  momentanément  de  votre 
île,  j'irai  moi-même  vous  trouver. 

«  Si  nous  étions  à  Berlin  ou  près  d'y  entrer,  il 
n'est  pas  vraisemblable  que  les  Suédois  eussent 
osé  quitter  la  Poméranie  pour  venir  à  Hambourg  : 
l'ennemi  ne  serait  pas  sur  la  rive  droite,  en  face 
de  Magdebourg,  et  il  n'aurait  pas  des  partis  à 
Salzwedel,  qui  ont  poussé  jusque  vers  Hanovre.  • 

NAPOLÉON  A  BERTHIER. 

«  GœrliU,  24  mai  1813. 

«  Mon  cousin,  faites  connaître  au  prince  d'Eck- 
muhl  que  je  désire  qu'aussitôt  qu'il  sera  entré  à 
Hambourg,  il  y  reste  avec  la  division  de  Ham- 
bourg et  la  3®  qu'il  fera  venir  de  Wesel  et  qu'il 
réunira  à  Brème  et  Hambourg,  et  qu'il  fasse  partir 
de  Hambourg  le  général  Vandamme  avec  les  2*  et 
5®  divisions  et  l'artillerie  nécessaire ,  dans  la  di- 


—  459  — 

ction  du  Mecklembourg  et  de  Berlin,  afin  de 
uvrir  le  flanc  gauche  du  corps  qui  est  à 
3rlin.   » 


DAVOUT  A  VANDAMME. 

«  Harbourg,  27  mai  1813  (4  h.  du  soir). 

•  Monsieur  le  général,  je  reçois  à  l'instant  votre 
Lire  de  ce  jour,  à  quatre  heures  après  midi.  Vous 
mvez  donner  à  M.  le  général  Wegener  l'assu- 
nce  que  vous  et  moi  nous  nous  réunirons  pour  sol- 
dter  l'indulgence  et  le  pardon  de  l'Empereur  en 
veur  des  habitants  de  Hambourg,  sous  la  con- 
tion  qu'ils  feront  une  soumission  prompte  et 
impiété. 

«  Il  me  semble  que  le  traité  qui  engageait  les 
anois  à  nous  prêter  un  secours  pour  s'opposer 
Foccupation  du  littoral  de  Hambourg  par  des 
3upes  étrangères  n'est  pas  aboli  ;  alors  le  géné- 
l  Wegener  pourrait,  dans  le  cas  où  l'ennemi 
»andonnerait  la  ville  avant  notre  passage  sur  la 
^e  droite,  occuper  Hambourg  pour  y  maintenir 
>rdre;  mais  il  serait  plus  convenable  que  les 
oses  s'arrangeassent  de  manière  à  ce  que  les 
)upes  de  notre  souverain  arrivent  à  Hambourg 
sez  à  temps  pour  y  maintenir  l'ordre. 

•  Au  surplus ,  l'essentiel  est  d'y  arriver  le  plus 
.  possible.  » 


—  460  — 

DAVOUT  A  VANDAMME. 
c  Harbourg,  29  mai  1813  (10  h.  du  matin). 

•  Monsieur  le  général,  je  reçois  à  l'instant 
votre  lettre  où  vous  m'annoncez  la  prise  de  l'île 
de  Oschen-Werder.  Il  faut  envoyer  à  Alloua  un 
de  vos  officiers  donner  l'ordre  à  votre  chef  d'état- 
major  de  requérir  les  Danois  de  cerner  entière- 
ment Hambourg,  d'occuper  le  village  de  Hamm, 
qui  n'est  qu'à  une  portée  de  fusil  de  Vandebeck, 
et  de  se  mettre  en  communication  avec  vous;  ils 
devront  intercepter  tout  secours  venant  de  Berg- 
dorf  ou  de  toute  autre  route.  Les  troupes  danoises 
qui  sont  à  Altona  devront  cerner  Hambourg  entre 
les  rives  droites  de  l'Alster  et  de  l'Elbe,  et  se 
mettre  en  communication  avec  le  corps  qui  a  dû 
arriver  aujourd'hui  à  Vandebeck  et  qui  cernera 
Hambourg  entre  la  rive  gauche  de  l'Alster  et  la 
rive  droite  de  l'Elbe. 

•  Recommandez  à  votre  chef  d'état-major  de 
marcher  avec  cette  dernière  colonne  et  de  faire 
promptement  jonction  avec  vous.  Votre  chef  d'é- 
tat-major enverra  sommer  Hambourg  et  ne  don- 
nera qu'une  demi-heure  pour  ouvrir  les  portes. 

•  Toutes  vos  mesures  étant  prises  pour  assu- 
rer la  retraite  de  vos  troupes  dans  le  cas  où  elles 
seraient  attaquées  par  des  forces  supérieures,  il 
serait  oiseux  de  faire  la  plus  petite  recommanda- 
lion  à  cet  égard.  Prescrivez  que  l'on  se  retranche 


-4ei  - 

dans  les  différentes  issues  qui  aboutissent  à  Ham- 
bourg, Bergdorf  et  Zolienspiecker.  » 

DAVOUT  A  VANDAMME. 

«  Harbourg,  30  mai  1813  (midi). 

«  Monsieur  le  générai,  M.  de  Fayet,  mon  aide 
ie  camp,  arrive  à  l'instant  ;  le  compte  qu'il  me 
rend  me  fait  craindre  qu'il  n'y  ait  un  malentendu 
et  qu'il  vous  ait  mal  rendu  ce  que  je  l'avais  chargé 
de  vous  dire.  Voici  les  faits  :  En  revenant  de  Bu- 
lenhausen,  j'ai  rencontré  un  officier  danois  qui 
m'était  envoyé  par  le  commandant  d'Altona  pour 
me  faire  connaître  que  ce  matin  une  députation 
hambourgeoise  était  venu  annoncer  que  cette  nuit 
les  Russes  avaient  évacué  la  viile  ;  qu'il  était  prié 
de  m'annoncer  une  députation  des  habitants  pour 
implorer  la  clémence  de  l'Empereur.  J'ai  chargé 
M.  de  Fayet,  qui  était  témoin  de  cette  circons- 
tance, d'aller  vous  dire  de  faire  marcher  des 
troupes  pour  prendre  possession  de  la  ville,  car 
il  n'est  plus  question  de  capitulation. 

•  Je  suis  rentré  à  Harbourg  avec  l'officier  da- 
nois que  j'ai  renvoyé  à  Altona  avec  mon  chef 
[l'état-major,  lequel  a  Tinstruction,  dans  le  cas  où 
vos  troupes  ne  seraient  pas  encore  à  Hambourg, 
l'en  faire  prendre  possession  par  les  Danois,  qui 
Dccuperont  les  portes  et  ne  laisseront  sortir  per- 
sonne :  ils  occuperont  aussi  les  batteries. 

«  La  magistrature  a  reçu  Tordre  de  faire  dépo- 


—  46Î  — 

ser  toutes  les  armes  de  la  garde  nationale  et  au- 
tres, clans  la  prairie  qui  se  trouve  vis-à-vis  de 
Tîle  de  Wilhemsbourg.  Ces  armes  seront  sous  la 
garde  des  troupes  danoises,  en  attendant  l'arrivée 
des  troupes  françaises. 

•  Le  général  de  Laville  doit  faire  expédier  à 
Wilhemsbourg  le  plus  d'embarcations  possibles 
pour  être  à  la  disposition  du  commandant  de  vos 
troupes,  qui  devront,  pour  passer,  attendre  vos 
ordres. 

«  Les  Danois  ont  dû  envoyer  des  partis  de  ca- 
valerie par  le  Bill-Werder  pour  communiquer  avec 
vos  troupes.  Ainsi,  c'est  à  vous  à  prendre  toutes 
les  mesures.  Lorsque  les  postes  danois  seront  re- 
levés par  les  troupes  françaises,  ils  rentreront 
chez  eux  pour  éviter  les  malentendus. 

«  L'esgentiel  est  maintenant  d'être  prompte- 
ment  maître  des  portes  de  Hambourg.  Le  général 
de  Laville,  du  reste,  agit  en  votre  nom. 

«  Puisque  vous  êtes  maintenant  aux  batteries 
qui  tiraient  sur  Hambourg,  envoyez  un  officier 
pour  chercher  les  bâtiments  nécessaires  au  trans- 
port de  vos  troupes,  afin  de  prendre  possession 
de  la  ville. 

•  S'il  y  avait  eu  encore  des  troupes  russes  à 
Hambourg,  on  aurait  pu  faire  une  espèce  de  capi- 
tulation; mais  puisqu'ils  sont  partis,  il  serait 
contre  toutes  les  convenances  de  faire  aucun  ar- 
rangement avec  des  sujets  de  l'Empereur. 

«  Les  transports  danois  seront  arrivés  vers  les 


—  463  — 

[  heures  dans  le  port  de  Harbourg.  Cinq  balail- 
ons  du  général  Dumonceau,  y  compris  le  108^ 
irrivé  hier  soir,  seront  à  Harbourg  avant  cette 
leure-là. 

«  Il  faut  faire  passer  avec  ces  transports  le 
)lus  de  troupes  et  d'artillerie  possible. 

«  Je  vais  faire  venir  le  reste  de  la  division  Du- 
nonceau  pour  que  vous  puissiez  avoir  toutes  vos 
;roupes  réunies  à  Hambourg  et  entre  Hambourg 
3t  Bergdorf.  » 


DAVOUT  A  BERTHIER. 

«  Harbourg,  80  mai  48iS  (4  h.  après  midi). 

» 

«  Monseigneur,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte 
à  Votre  Altesse  Sérénissime  que  l'opération  d'hier 
du  général  Vandamme  sur  l'île  d'Ochsenwerder 
et  la  réunion  des  troupes  danoises  à  Altona  et 
Vandebeck,  ont  eu  leur  effet.  Les  Russes,  voyant 
qu'ils  allaient  être  tournés,  ont  évacué  Hambourg 
cette  nuit,  en  prenant  la  direction  de  Bergdorf. 
Nous  occupons  maintenant  cette  ville . 

«  Demain  j'adresserai  les  détails  à  Votre  Al- 
tesse Sérénissime. 

«  Je  ferai  porter  des  troupes  sur  le  Mecklem- 
bourg,  et  lorsque  Lubeck  sera  occupé,  j'exécute- 
rai à  la  rigueur  les  intentions  de  l'Empereur,  ren- 
fermées dans  sa  lettre  chiffrée  du  7  mai. 

«  Je  dois  vous  prier,  Monseigneur,  de  dire  à 
Sa  Majesté  que  ce  résultat  est  entièrement  dû  aux 


—  4M  — 

bonnes  dispositions  du  général  Vandamme,  qui, 
tout  en  agissant  avec  vigueur,  avait  pris  des  me- 
sures telles  qu'il  n'avait  pas  d'échauffourée  à 
craindre. 

«  Je  dois  ajouter  que  depuis  que  le  général 
Vandamme  a  été  mis  sous  mes  ordres,  je  n'ai  eu 
qu'à  me  louer  de  son  excellent  esprit. 

«  L'Empereur  connaît  rambition  du  général 
Vandamme.  Il  a  acquis,  dans  cette  circonstance, 
de  nouveaux  droits  à  la  bienveillance  de  Sa  Ma- 
jesté. 

«  Il  a  su  tirer  un  très-grand  parti  des  marins 
français,  qu'il  aréussi  ù  bien  organiser  ;  les  moyens 
de  passage  et  tout  a  été  bien  conduit. 

«  P.-iS. —  Nous  îivons  perdu  dans  l'affaire  d'hier 
32  hommes  dont  2  tués,  les  30  autres  ne  sont 
que  blessés. 

«  On  a  enterré  25  cadavres  de  l'ennemi  et  fait 
plus  de  200  prisonniers.  • 

DAVOUT   A    BERTHIER. 

«  Flambourg,  Ul  mai  181â. 

•  Monseigneur,  j'ai  Thonneur  de  rendre  compte 
à  Votre  Altesse  Sérénissime  que  l'ennemi  n  a  eu 
que  le  temps  de  se  sauver  de  Hambourg.  Les 
travaux  qu'on  y  a  faits  sont  surprenants.  La  fausse 
braye  est  rétablie  tout  autour  des  remparts  et 
dans  le  meilleur  état  possible.  Il  existe  des  ouvra- 
ges avances  très-bien  enteudus  et  achevés. 


*   On  a  trouvé,  tant  dans  l'arsenal  que  sur:  les 
împarts,  toutes  les  pièces  que  lamarine  française 
laissées  à  Hambourg,  et  quelques-unes  que  len- 
emi  avait  amenées. 

«  Les  pièces  déjà  reconnues  se  montent  a 
50  et  quelques,  de  tout  calibre,  dont  le  plus  petit 
îst  de  6. 

«  On  a  trouvé  aussi  800,000  cartouches,  dont 
>00,0Ô0  anglaises. 

«  Les  munitions  d'artillerie  ne  sont  pas  pro4 
)ortionnées  à  la  quantité  de  pièces.  Il  y  a  aussi  de 
a  poudre  en  barils.  On  estime  à  10,000  le  nombre 
le  fusils  anglais  qui  ont  été  distribués  à  la  gardé 
bourgeoise  que  Ton  désarme, 
t  «  L'ennemi  espérait  pouvoir  conserver  Ham-* 
bourg,  où'  le  prince  royal  de  Suède  devait,  dit-on, 
se  porter,  par  des  arrangements  convenus  avec 
l'Angleterre.  Il  s'est  refusé  à  les  tenir,  parce  qu'on 
l'avait  pas  exécuté  tout  ce  qui  avait  été  annoncé. 

-  On  devait  mettre  à  sa  disposition  un  corps 
•usse  fort  de  15,000  hommes,  un  corps  de  10,000 
Prussiens,  et  un  autre  de  pareille  force,  composé 
le  la  légion  germanique  attendue  d'Angleterre  et 
le  troupes  levées  dans  ce  pays.  Je  ne  donne  ici 
:jue  comme  des  bruits  qui  circulent  en  ville. 

«  Une  nouvelle  plus  positive,  c'est  qu'un  Fran- 
jais  parti  le  2  mai  d'Helgoland,  voyageant  comme 
un  négociant  de  Hambourg,  déclare  y  avoir  vu  Je 
comte  d'Artois  et  son  iils,  arrivant  d'Angléterrt;. 
Il  a  été  chargé  par  eux  d'un  paquet  pour  le  général 

II.  30 


Tettenborn.  Ignorant  que  nous  occupions  Ham- 
bourg,  il  a  remis  ce  paquet  au  consul  français  à 
Tounningue ,  qui  doit  me  le  faire  passer  ces  jours- 
ci.  Je  le  transmettrai  à  Votre  Altesse  Sérénissimc. 

«  L'armée  suédoise  est  entre  Straisund  et 
Gadebusch,  à  ce  qu*on  dit.  Je  n'ai  pas  encore  de 
données  positives.  Le  corps  de  Dornberg  esl 
réuni  à  la  hauteur  de  Lauenbourg. 

«  Les  troupes  françaises  n'étaient  pas  à  Berlin 
le  28.  Des  partis  ennemis  sont  toujours  aux  envi- 
rons de  Magdebourg,  sur  les  deux  rives. 

•  Le  général  Vandamme  se  portera  ces  jours-ci 
dans  le  Mecklembourg. 

«  Le  corps  danois,  ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur 
de  vous  en  informer,  a  des  ordres  du  roi  d'êlre  à 
la  disposition  du  commandant  français.  » 


LIVRE   XII 


De  Juin  h  la  fin  d'Août  1815 


Vandamme  est  envoyé  dans  le  Mecklembourg,  après  la  prise 
de  Hambourg.  —  Ses  négociations  avec  Bernadotte.  —  Van- 
damme reçoit  l'ordre,  a  la  fin  de  juin,  de  se  rendre  i  U^' 
debourg.  —  U  a  le  commandement  du  l**-  corps  réuni  autour 
de  Dessau.  —  Composition  et  forces  des  armées  belligé- 
rantes. —  Plan  de  l'Empereur  et  rôle  destiné  à  Vandamme. 


—  467  - 

—  Le  général  se  rend  le  IG  ù  Dresde  pour  conféi'er  avec 
Napoléon. — Le  1*'  corps  est  destiné  à  défendre  à  outrance 
rentrée  des  défilés  de  la  Bohême  (20  août  1813),  pendant  la 
pointe  de  Napoléon.  -—  Vandamme  reçoit  Tordre  d'occuper 
Pirnn  (25  août),  de  déboucher  par  Kœnigstein  et  de  se  placer 
sur  les  ligues  de  retraite  de  Tennemi.  —  Instructions  que  lui 
<lonne  l'Empereur.  —  Mouvement  du  1«'  corps  le  2q  août. 

—  Journée  du  28  ;  dispositions  prises  le  matin  par  l'empe- 
reur. —  Ordre  donné  à  Vandamme  à  4  heures  1/2  du  soir. 
Combat  de  Hellendorf.  —  Marche  des  maréchaux  Marmont, 
Sainl-(^yr  et  de  Vandamme.  —  L*ennemi  modifie  sa  marche. 

—  Combat  du  29  en  avant  de  Kulm.  —  Bataille  du  30  août. 

—  Récit  de  Vandamme.  —  Rdle  de  Marmont,  de  Saint-Cyr, 
de  Mortier.  —  Leurs  dépêches.  —  Documents  sur  les  affai* 
res  du  29  et  du  30.  —  Explication  de   la  bataille  de  Kulm. 

—  Lettres  de  M.  de  Norvins,  du  duc  de  Bassano,  du  général 
Haxo.  de  Vandamme.  —  Réflexions.  —  Vandamme  pri* 
$onnier. 


Immédialement  après  la  prise  de  Hambourg, 
Vandamme  reçut  Tordre  de  se  porter  dans  le 
Meckleml)ourg  avec  les  deux  divisions  Dufour  et 
Dumonceau.  Il  allail  se  trouver  en  présence  des 
troupes  suédoises,  commandées  par  un  homme 
avec  lequel  il  avait  été  fort  lié,  Bernadolte,  devenu 
prince  royal  de  Suède,  et  bien  près  d'être  un  de§ 
ennemis  les  plus  déclarés  de  sa  patrie. 

On  espérait  encore  que  la  Suède  ne  prendrait 
pas  parti  contre  nous ,  et  on  cherchait  à  ménager 
Bernadette.  Des  instructions  avaient  été  données 
dans  ce  sens  à  Davout  dès  le  7  mai.  Lorsque  Van- 
damme fut  sur  le  point  de  partir,  le  prince  d'Eck- 
mùhllui  fit  connaître  par  la  lettre  ci-dessous,  datë« 
de  Hambourg,  3  juin  1813,  comment  il  devait  agir 
à  regard  des  Sjiédois  : 


—  468  — 

«  Monsieur  1(î  général ,  comme  vous  éles  ;iur 
lo  point  (le  vous  porter  dans  le  Mecklcmbour};  avec 
les  deux  divisions  Dufour  et  Dumonccau,  je  crois 
devoir  vous  donner  communication  d'un  article  de 
la  lettre  du  major  général,  en  date  du  7  mai,  relatif 
à  la  conduite  à  tenir  envers  les  Suédois. 

«  Les  renseignements  que  nous  avons  sur  K*> 
troupes  de  cette  puissance  étant  vagues  et  conlra- 
dictoires,  puisque  les  uns  disent  qu'ils  se  retireiii 
en  Poméranie,  et  les  autres  qu'ils  se  portent  en 
avant ,  il  est  bon  de  savoir  promplemeni  à  quoi 
s  en  tenir. 

•  Je  vous  invite  à  envoyer  par  Lubeck  un  oflî- 
cier  intelligent  avec  Tordre  do  s'adresser  au  pre- 
mier général  suédois  venu,  pour  lui  demander  une 
cxplicatiou,  et  de  nous  faire  connaître  positivement 
si  les  troupes  suédoises  sont  neutres  ou  ennemies. 
Si  elles  sont  neutres ,  elles  doivent  rester  dans  la 
Poméranie  suédoise. 

-  Cet  officier  aura  une  instruction  basée  d'apnV^ 
cette  lettre.  » 
•    Ci-joint  l'extrait  de  celle  du  major  général. 

«  Vous  ne  commettrez  aucun  acte  d'hostilili' 
contre  les  Suédois,  s'ils  restent  dans  la  Poméra- 
nie, et  déclarent  vouloir  rester  tranquilles.  • 

Vandamme  chargea  de  la  délicate  mission  auprt'î^ 
du  prince  royal  de  Suède  un  commissaire  (le^ 
guerres  fort  intelligent,  M.deRichardot.  Ccderniei 
essaya  vainement  d'arriver  jusqu'à  Bernadolf^\  i' 


-  469  - 

le  put  y  réussir.  Voici  du  reste  le  rapport  fait:  pm* 
ni  au  général,  et  daté  de  Hambourg  12  jiiin  : 

«  Aussilôt  que  j'eus  reçu  les  dépêches  de  Votre 
excellence  pour  Son  Altesse  le  prince  royal  de 
5uède,  je  partis  le  8  juin  à  10  heures  du  soir,  diri-r 
;eant  ma  route  sur  Lubeck  et  Traremunde  ;  j'avais 
l'abord  conçu  le  projet  de  me  rendre  par  mer  dir 
ectement  à  Stralsund  ou  à  Rugen,   mais,  con- 
aissant  toute  Timportance  de  ma  inission  ,  et 
oulant  en  accélérer  les  effets ,  Tabsence  absolue 
es  vents  me  fit  renoncer  à  ce  premier  projet  ;  les 
enseignements  que  j'avais  recueillis  que  de  hom-r 
rcux  détachements  de  cosaques  rôdaient' dans 
)us  les  environs  de  Lubeck,  sur  la  route  de  Des* 
au  à  Gresmiihle,  me  donnèrent  quelques  inquié- 
ides,  mais  n'arrêtèrent  pas  ma  volonté.  Je  mis 
Digneusement  à  couvert  mes  deux  missions  se-r 
rètes,  et  ne  gardant  sur  moi  que  celle  qui  couvrait 
la  mission  et  qui  traitait  d'un  échange  de  prison- 
iers,  je  partis  en  côtoyant  la  mer,  toujours  me 
irigeant  sur  Gresmûhle,  où  je  savais  trouver  les 
oupes  suédoises  ;  en  effet,  arrivé  dans  un  village 
istant  d'une  Ueue  do  Gresmûhle ,  je  trouvai  un 
osle  qui  me  reconnut  et  me  lit  escorter  à  Gres-r 
lûhle,  où  je  trouvai  un  assez  grand  nombre  de 
oupes  et  plusieurs  officiers  qui,  après  une  assez 
mgue  série  de  questions,  me  firent  conduire  chez 
î  bourgmestre,  à  qui  je  donnai  connaissance^ 
insi  qu'aux  officiers,  dé  l'objet  de  ma  mission, 
les  messieurs  me  signifièrent  qu'ils  avaiexit  ordre 


—  470  — 

(le  ne  laisser  passer  qui  que  ce  fut  sans  y  êla* 
aulorisés  par  le  général  qui  commande  en  chef  les 
troupes  suédoises  dans  le  Mecklembourg,  dont  le 
quartier  général  se  trouve  à  Wismar  ;  je  me  décidai 
(le  suite  à  adresser  à  ce  général  la  lettre  dont  j'ai 
rhonneur  de  mettre  sous  les  yeux  do  Monseigneur 
la  copie  ci-jointe  sous  le  n^  1. 

«  J'étais  arrivé  à  Gresniuhlc  avant  trois  heures. 
Je  ne  cessai  d  être  accompagné  par  des  officiers 
qui  se  relevaient  successivement  jusqu'à  onze 
heures  du  soir,  heure  à  laquelle  arriva  un  oflicier 
que  le  général  envoya  avec  ordre  de  mo  conduis 
à  son  quartier  général  où ,  malgré  la  diligence 
possible,  nous  n  an  ivàmes  qu'à  deux  heures  du 
malin.  Je  fus  introduit  de  suite  chez  M.  le  généi'al, 
qui  me  reçut  de  la  manière  la  plus  affectueuse  ; 
l'ayant  informé  par  ma  lettre  de  Tobjet  de  ma  mis- 
sion, je  mis  sous  ses  yeux  la  dépêche  ostensible 
dont  j'étais  porteur  pour  Son  Altesse  Royale  le 
prince  de  Suède  ;  nous  eûmes  un  entretien  à  la 
suite  duquel  il  me  signifia  qu'il  regrettait  beau- 
coup que  ses  instructions  ne  lui  pennissent  pas  de 
me  laisser  aller  plus  loin.  Il  me  conseilla  d  écrire 
au  prince  et  de  lui  adresser  ma  dépêche,  assurant 
qu'il  la  lui  ferait  parvenir  de  suite  ;  je  cherchai  à 
vaincre  la  rigueur  de  cet  ordre  en  alléguant  toutes 
les  raisons  que  je  crus  propres  à  lui  faire  sentir  le 
besoin  et  les  bienfaits  d'une  libre  communication 
entre  les  chefs  et  représentants  des  deux  gouver- 
nements ;  ce  fut  en  vain.  Le  généraV  se  renferma 


—  471  — 

dans  l'absolu  de  Tordre  qui  ne  lui  laissait  pas  la 
liberté  de  l'interpréter.  Forcé  de  renoncer  à  toute 
tentative  prolongée,  je  me  décidai  alors  à  adresser 
(sous  enveloppe)  à  Son  Altesse  le  prince  royal  de 
Suède  les  trois  dépêches  dont  vous  m'avez  char- 
gé ,  Monseigneur,  expliquant  à  Son  Altesse  que 
celle  relative  à  l'échange  n'était  que  le  prétexte 
c}ui  devait  me  favoriser  l'accès  de  sa  personne, 
que  les  deux  autres  lui  donneraient  facilement  à  con- 
naître de  quelle  importance  il  eût  été  que  j'aie  été 
à  même  de  transmettre  à  Son  Altesse  le  prince 
royal  les  détails  particuliers  que  j'étais  chargé  de 
lui  communiquer  de  votre  part,  Monseigneur.  Les 
difficultés  insurmontables  pour  approcher  la  per- 
sonne du  prince  royal,  différents  détails  échappés 
au  général,  dans  une  conversation  de  près  de  trois 
heures,  me  confirment,  Monseigneur,  dans  l'opi- 
nion que  Son  Altesse  se  trouve  dans  une  situation 
très-difficile  ;  continuellement  observé  par  les  nom- 
breux agents  de  ses  alliés,  par  ses  propres  sujets, 
j'estime  que  les  succès  des  armées  de  Sa  Majesté 
l'Empereur  sont  seuls  capables  de  rendre  à  Son 
Altesse  une  liberté  d'exécution  dont  je  ne  la  crois 
plus  en  possession.  » 

Bernadette  répondit  de  Stralsund  le  18  juin  à 
Vandamme  : 

«  Monsieur  le  heutenant  général  comte  Van- 
damme, j'ai  reçu  vos  trois  lettres  du  7  de  ce  mois. 
Jusqu'ici  les  troupes  sous  mes  ordres  n'ont  point 
fait  de  prisonniers  sur  l'armée  française  et  d'après 


—  472  — 

ies  rapports  que  j'ai  reçus,  la  Suède  n'a  à  récla- 
mer que  ceux  faits  par  les  Français  lors  de  rim*a- 

-sion  de  la  Poméranie  suédoise.  Deux  régimenl> 
•qui  tenaient  garnison  dans  cette  province  fuienl 
désarmés  et  traités  en  ennemis  au  sein  de  la  paix 
tst  contre  la  foi  des  traités  les  plus  solennels.  La 
Poméranie  ayant  été  réoecupée,  les  troupes  sué- 
doises se  sont  étendues  et  ont  pris  des  positions 
en  avant  dans  des  pays  amis;  jusqu'à  ce  qu'elles 
reçoivent  Tordre  de  faire  des  mouvements,  elles 

•ont  celui  de  résister  à  toute  attaque  de  la  part 
des  troupes  ennemies  ou  étrangères  qui  vou- 
draient franchir  la  ligne  qu'elles  occupent.  Au  reste 
l'armistice  qui  vient  d'avoir  lieu  entre  les  puis- 
sances belligérantes  à  la  suite  des  propositions 
faites  par  l'empereur  Napoléon,  a  réglé  qu'à  dater 

•du  8,  à  minuit,  les  armées  respectives  garçleraienl 
la  ligne  des  avant-postes  où  elles  se  trouvaient 

•à  cette  époque,  dans  le  nord  de    l'Allemagne  el 

,8ur  le  bas  Elbe. 

«  Quant  aux  relations  politiques,  votre  carac- 

:tère  purement  militaire  ne  me  permet  pas  d'en- 

•  trer  en  discussion  sur  cet  objet  qui,  d'ailleurs,  re- 
garde exclusivement    nos    gouvernements.    Lo 

/Suède  a  été  attaquée  et  le.  roi  mon  souverain  m'a 
confié  le  soin  de  la  défendre. 

'     «  Je  me  rappelle  avec  une  bien  vive  satisfaction, 

monsieur  le  comte,  le  temps  où  nous  combattions 
ensemble  et  les  preuves  d'attachemeul  que  voui? 

mi'qvèz  données  seront  toujours  présentes -h  ma 


méinoirc.  Je  vous  renouvelle  de  bien  boa  cœur; 
rassurance  de  la  continuation  des  sentiments  que 
vous  me  connaissez  pour  vous  et  pour  les  vôtres. 
Sur  ce,  je  prie  Dieu,  etc. 

•  Votre  affectionné  et  ancien  frère  d'armes. 

«  Charles- Jean.   • 

•  Post'Scriptum.  Je  vous  prie  de  faire  agréer 
à  Madame  mon  hommage  et  mes  civilités.  » 

Le  lendemain  du  retour  de  M .  de  Richardot,  la 
nouvelle  de  Tarmislice  de  Parschwitz  fut  apportée 
à  Hambourg  et  les  négociations  en  restèrent  là. 

Cet  armistice  courait  à  dater  du  l®'^jnin  1813, 
mais  de  part  et  d'autre  on  croyait  peu  à  une  paix 
définitive...  Napoléon,  bien  renseigné  sur  Tatti- 
lude  de  plus  en  plus  menaçante  de  TAutriche , 
voulait  renforcer  son  armée  et  combiner  des  opé- 
rations nouvelles.  Les  alliés  espéraient  profiter  du 
répit  qui  leur  était  accordé  pour  entraîner  dans 
leurs  rangs  les  puissances  encore  hésitantes. 

Vers  la  fin  du  mois  de  juin,  Vandamme  re- 
çut Tordre  de  se  porter  à  Magdebourg.  L'Empcr- 
renr  lui  destinait  un  magnifique  commandement, 
celui  du  l'*"  corps,  appelé  à  jouer  un  rôle  des  plus 
importants  à  la  reprise  des  hostilités. 

L'armée  tout  entière  désignait  le  brave  général 
comme  destiné  à  recevoir  le  premier  bâton  demâ- 
inichal,  juste  et  tardive  récompense  de  ses  serviceis 
do  guerre  et  de  ses- hauts  faits. 

Le  l*"*"  juillet  1810,  Napoléon  signa  les  nouvel- 


—  474  — 

les  lettres  de  service  du  général  et  lîxa  de  la  ma- 
nière suivante  la  composition  du  V^  corps  :  T, 
2*,  23*  divisions,  la  l'*  réunie  à  Dessau,  les  2*61 
23'  à  Magdebourg  ;  deux  batteries  légères,  six  bat- 
teries divisionnaires  et  deux  de  réserve,  deux 
compagnies  des  équipages  militaires.  Ces  troupes 
furent  passées  eu  revue  le  9  juillet  a  Dessau  et  à 
Magdebourg  par  l'Empereur  parti  de  Dresde  le  8. 
La  division  à  Dessau  était  sous  les  ordres  du 
général  Philippon,.  celles  à  Magdebourg  sous  les 
ordres  des  généraux  Dumonceau  et  Teste.  Le  14, 
Vandamme  reçut  l'avis  du  major  général  quil 
devait  :  laisser  la  division  Teste  à  Magdebourg,  jus- 
qu'à ce  que  la  garnison  de  cette  place  importante 
fût  complétée  ;  appeler  de  Dessau  à  Wittemberg 
où  elle  formerait  un  camp  baraqué,  la  division 
I^hilippon  ;  partir  de  sa  personne  pour  se  rendre 
en  trois  jours  à  Dessau  avec  la  division  Dumon- 
ceau et  y  établir  son  quartier  général.  Vandamme 
se  trouva  en  outre  chargé  de  garder  toute  la  ligne 
de  la  vive  droite  de  l'Elbe,  depuis  Magdebourg 
jusqu'à  Luckau,  où  commençait  le  commandement 
du  duc  de  Reggio.  Une  brigade  du  3*  corps  de 
cavalerie  (duc  de  Padoue)  lui  fut  prêtée  pour 
fournir  les  postes  sur  la  ligne.  En  vertu  dun 
nouvel  ordre  du  major  général,  ce  fut  le  corps  po- 
lonais de  Dombrowski  que  l'on  envoya  à  Wit- 
temberg. On  le  mil  momentanément  sous  le 
commandement  de  Vandamme,  auquel  on  donna 
ngalenuMit  le  IK  régiment  de  chevaux-lépers. 


Jusqu*à  la  dénonciation  de  l'armistice,  le  général 
resta  à  Dessau,  occupé  de  l'organisation  de  son 
corps  d'armée,  faisant  tirer  les  hommes  à  la  cible 
et  ne  perdant  pas  une  minute  pour  que  tout  soit 
prêt  le  jour  où  Ton  rentrerait  en  campagne. 

A  la  fin  de  juillet,  il  reçut  Tavis  que  le  l®""  corps 
aurait  probablement  à  opérer  par  Wittemberg. 
On  lui  recommandait  de  s'occuper  de  la  formation 
du  9®  lanciers,  du  régiment  de  cavalerie  du  prince 
(le  Dessau  ;  on  lui  ordonnait  de  passer  une  grande 
revue  le  5  août,  et  de  faire  célébrer  avec  pompe 
lu  fête  de  TEnipereur  le  10  au  lieu  du  15.  La 
division  Teste  quitta  Magdebourg  pour  se  rap- 
procher de  Dessau  et  vint  h  Cothen. 

Lorsque  les  hostilités  recommencèrent  en  août 
1813,  les  armées  belligérantes  étaient  dans  la  po- 
sition suivante,  sur  les  deux  théâtres  d'opérations. 

Au  midi  :  G0,0l)O  Autrichiens  sous  le  général 
Hill,  marchant  contre  le  vice- roi  qui  se  disposait 
h  défendre  l'entrée  des  provinces  illyriennes  avec 
()0,000  recrues.  20,000  Autrichiens  se  portant  sur 
rinn  contre  l'armée  bavaroise,  de  force  égale,  et 
paraissant  vouloir  résister. 

Au  nord  :  Uarméo  autrichienne  à  Prague, 
(120,000  hommes  — prince  de  Schwartzenberg)  ; 
l'armée  russo-prussienne  à  Schweidnitz  (60,000 
hommes  — Wittgenstein)  ;  Tannée  de  Silésie  au- 
delà  de  l'Oder  (90,000  Russes  et  Prussiens  — 
Blncher  )  ;  Tarméo  du  nord  autour  de  Berlin 
♦  H(),fK)0  Russos,    I^russiens,   Suédois  —  Berna- 


—  47t5  — 

«lollc);  la  rôservo  du  bas  Elbe  m  faco  île  llaii- 
bour^  i-20,0lX)  Aiij^lais  cl  Allemands  —  Waluiu- 
(Jen);  rannéc  russe  sur  la  Vislule  (00,000  hom- 
mes,—  Benuingsen).  Total  430,000  combaltaiils 
dont  100,000  cavaliers. 

A  ces  masses  formidables,  Napoléon  opposai! 
seulement  340,000  hommes  dont  40,000  cavalier^. 

En  première  ligne  sur  la  Katzbach  le  3^  corp>, 
(Ney  avec  30,000  hommes)  ;  le  5®  corps,  (Lauris- 
lon  avec  23,000  hommes)  ;  le  2*^  corps  de  cavalerie 
(Sébasliani  avec  40,000  chevaux.) 

En  seconde  Hgne,  sur  le  Bober:  le  4*"  corps 
(Herlrand  avec  20,000  hommes);  le  6*  corps 
(Marmont  et  45,000  hommes)  ;  le  44®  corps  (Mac- 
douald  avec  20,000  hommes). 

En  troisième  ligne,  sur  la  Neiss,  le  7®  corps 
(Keynier,  45,000 hommes);  le  2®  de  cavalerie  (La- 
lour-Maubourg,  42,000  cavaliers)  ;  le  4*''  corps 
(Vandammo,  30,000  hommes)  ;  le  2*^  corps  (Victor, 
20,000  hommes);  le  8®  corps,  (Poniatowski. 
42,000  hommes)  ;  le  4*^  de  cavalerie  (Kellermanu, 
et  0,000  cavaliers). 

(^iCs  quatre  derniers  corps,  les  4^^  2^,  8®  et  4' 
de  cavalerie,  60,000  combattants  à  peu. près, 
étaient  groupés  autour  de  Zitlau,  sur  la  fron- 
tière de  Bohême. 

En  quatrième  ligne,  sur  TEIbc  à  Torgau,  le  i^ 
corps  (Oudinot  20,000  hommes)  ;  à  Dresde,  la 
garde  (35,000  hommes).  Dans  le  camp  retranche 
.de  Pirna  s'a[)puyanl,  à  gauche  sur  la  capitale  de 


la  Saxe  mise  en  état  de  défense,  et  à  dmile  sur  la* 
forteresse  de  Ktenigstein,  le  44*^  corps  (Saint-Cyr,- 
15,000  hommes);  à  Magdebourg  (Girard  avec  un 
corps  de  15,000  hommes)  ;  à  Hambourg,  DavouÉ 
avec  le  13®  corps  et  les  Danois  (30,000  hommes). 

Enfin,  en  réserve,  par  échelons  de  TElbe  'au 
Rhin:  le  duc  de  Padoue  (3®  corps  de  cavalerie, 
G,000  hommes)  ;  le  général  Michaud  (5®  corps  de 
cavalerie,  5,000  hommes);  Augeréau  (15^  corps? 
avec  18,000  hommes). 

L'armée  sous  les  ordres  immédiats  deNapoléort, 
forte  de  280,000  hommes,  occupait  la  surface  d'un 
triangle  formé  par  l'Elbe,  de  Wittemberg  à  la 
Bohême,  et  par  deux  lignes  tirées  du  confluenlrde 
roder  avec  la  Katzbach  à  Wittemberg  et  à  Kœ-^ 
nigstein. 

Le  plan  adopté  par  Napoléon  était  celui-ci  : 

Battre  l'armée  de  Schwartzenberg,  contenir  les 

■  • 

armées  de  Silésie  et  du  Nord.  Pour  atteindre  ce 
double  but  l'Empereur  mit  100,000  hommes  aux 
mains  de  Ney  avec  mission  de  retenir  Blûcher 
au  delà  de  l'Oder  ;  il  en  donna  70,000  à  Oudinot 
pour  marcher  sur  Berlin;  il  chargea  Gouvion 
Saiiit-Gyr  d'arrêter  les  têtes  de  colonnes  autri-^ 
chiennes  aux  débouchés  de  la  Saxe,  et  se  dis-^ 
posa  avec  120,000  hommes  et  sa  garde,  à  des- 
cendre lui-même  en  Bohême  par  Lœbau  et  Zittau: 
Napoléon  attachait  une  grande  importance-  au 
mouvement  sur  Berlin  qu6  le  duc  de  Reggio  de- 
vait opérer,  soutenu  par  le  corps  détaché  de  Mag- 


—  478  — 

ilcLiourg  et  de  Willeinberg,  aux  ordres  de  l'iii- 
Irépide  général  Girard  charge  de  se  lier  avec  Tar- 
mée  de  Davout.  Voici  une  lettre  du  iS  août  adres- 
sée par  1p  major  géuéral  au  prince  d'Eckmûhl, 
qui  relate  tout  le  plan  de  l'Empereur. 

«  Le  duc  de  Reggio,  avec  une  armée  de 
80,000  hommes,  composée  de  son  corps  (le  12*i, 
du  4*  commandé  par  le  général  Bertrand,  du  7 
commandé  par  le  général  Reynier  et  du  iV  Je 
cavalerie,  commandé  par  le  duc  de  Padoue,  part 
le  18  de  Bayreulh,  pour  se  porter  sur  Berlin; 
il  y  arrivera  le  21,  s'il  n'est  pas  retenu  par  des 
forces  supérieures. 

•  Le  général  Girard  avec  10  à  12,000  hommes 
débouche  par  Magdehourg  le  18,  pour  pousser 
l'ennemi  devant  lui,  s'il  n'y  est  pas  en  forces 
supérieures,  ou  le  suivre  aussitôt  qu'il  sera  af- 
faibli. Le  général  Girard,  formant  la  partie  active 
du  corps  de  Magdebourg,  ne  doit  point  se  laisser 
couper  de  la  ligne  ;  son  but  est  d'aider  la  réunion 
du  duc  de  Reggio  avec  vous. 

•  L'intention  de  l'Empereur  est  qu'aussilôl 
(|ue  cela  sera  possible  tout  votre  corps  d'année 
doit  se  réunir  sur  la  rive  droite  de  l'Elbe,  en  avant 
de  Hambourg,  avec  les  Danois,  et  après  avoir 
laissé  une  garnison  dans  la  place.  Vous  devez 
avoir  im  corps  d'au  moins  30,000  combattants. 

«  Si  l'ennemi  n'est  pas  devant  vous  en  forcer 
supérieures,  attaquez-le,  le  18,  et  le  menez  bal- 
lant; s'il  rsl  on  Tor^'es  supérieures^   non-seule- 


ï    ment  par  le  nombre,  mais  encore  par  la  cavalerie, 
\    faites  des  mouvements  devant  lui,  inquiétez-le, 
[    suivez-le  aussitôt  qu'il  sera  affaibli.  Votre  prin- 
;    cipal  but  est  de  marcher  entre  la  mer  et  Berlin, 
pour  vous  réunir  au  duc  de  Reggio,  pousser  les 
Suédois  dans  la  mer,  et  enfin  débloquer  Stet- 
tin.   Si  vous  parvenez   à  débloquer  Stettin,    il 
faut  sur  le  champ  en  retirer  les  généraux  inu- 
tiles,  et  réapprovisionner  la   place  en  prenant 
les  blés  qu'on  pourra  y   trouver,    de    manière 
que  la  place  puisse  tenir  jusqu'à  la  fin  d'octo- 
bre. 

«  Vous  trouverez  ci-joint  la  liste  des  généraux 
qui  ont  le  grand  chiffre,  et  des  généraux  qui 
ont  le  petit  chiffre.  Je  vous  envoie  copie  du 
petit.  Gomme  il  est  facile  à  copier,  vous  pour- 
rez le  donner  aux  généraux  qui  seraient  déta- 
chés, en  leur  faisant  sentir  l'importance  de  ne 
pas  le  perdre,  et  de  s'arranger  de  manière  que, 
venant  à  être  faits  prisonniers,  par  exemple ^ 
le  chiffre  ne  tombât  pas  au  pouvoir  de  l'en- 
nemi. 

«  L'Empereur  porte  aujourd'hui    son  quartier 

général  à  Bautzen.  Le  maréchal  Saint-Gyr  avec 

le  14^  corps  est  à  Pinia,  à  cheval  sur  le  fleuve. 

«  Le  l®""  corps  (celui  du  général  Vandamme) 

arrivera  le  17  à  Dresde. 

«  La  déclaration  de  guerre  de  l'Autriche  ac- 
croît le  nombre  de  nos  ennemis.  Il  est  nécessaire 
que  tous  les  {généraux  détachés  fassent  tout  ce 


—  480  — 

qu'cxigonl  ot  leur  zole  pour  le  sorvirc  de  TEni- 
porcur  cl  la  gloire  <Ips  nrnics  françaisos. 

•  L'Empereur  vous  a  envoyé  le  général  de  di- 
vision Péeheux,  qui  esl  homme  de  mérite:  il 
vous  envoie  un  nouveau  général  de  brigade.  Le 
général  Lemoine,  avec  six  bataillons  de  la 
fi*  division  A/s,  a  ordre  de   prendre   position  à 

Donnez-lui  des  nouvelles  par  toutes 

les  occasions. 

»  Vous  recevrez  cette  lettre  le  IG.  Il  importe 
(jue  vous  me  fassiez  connaître  promptement  ce 
qui  se  passe  devant  vous,  et  ce  que  vous  pour- 
rez faire.  » 

Dans  les  combinaisons  adoptées  par  Napoléon, 
le  1^'  corps  était  destiné  à  faire  partie  de  Tar- 
mée  sous  son  commandement  immédiat.  Van- 
damme  reçut  donc  Tordre  le  12  août  de  se  rap- 
procher de  Dresde.  La  1"^  division  (Philipponï 
y  arriva  le  17  à  midi;  la  2* division  (DuraonceauK 
le  18;  la  3°  du  1^"^  corps  ou  22®  de  la  grande 
armée  (Teste)  le  19.  La  21*^  brigade  de  cavale- 
rie légère,  le  20  août.  Le  corps  de  Dombrowski 
resta  à  Wittemberg. 

Le  l*^""  corps  était  bien  organisé,  avait  de  Tar- 
tillerie,  mais  il  péchait  par  la  cavalerie;  sa  bri- 
gade légère  formée  du  9^  de  lanciers  du  réginioni 
du  duc  crAnhalt  était  très-faible,  ce  dernier  régi- 
ment n'avait  ï)as  même  ses  armes. 

Vandammc,  sur  un  ordre  pressant  de  TEuipe- 
(•eur,  fut  rendu  de  sa  personne  à  Dresde,  le  Ifin 


—  481  - 

heures  du  matin  pour  conférer  avec  Napoléon, 
e  lendemain,  il  dut  faire  les  dispositions  pour 
orter  son  quartier  général  à  Bautzen,  de  façon  à 
ouvoir  au  besoin  et  en  quelques  heures  marcher 
ar  Zittau ,  au  débouché  des  montagnes ,  sur 
Iresde,  ou  sur  Kœnigstein,  où  il  y  avait  un  pont, 
u-dessous  du  camp  de  Pirna.  Le  i^^  corps  se 
•ouva  remplacer  ainsi,  vers  le  20  août,  le  14®  de 
îaint-Cyr. 

Dans  une  lettre  datée  du  17  août,  adressée  par 
lapoléon  à  Berthier,  on  trouve  le  passage  sui- 
ant  qui  indique  sa  pensée  : 

a  Vous  leur  ferez  connaître  que  les  mouve- 
nents  de  l'ennemi  ne  sont  pas  encore  clairs  ;  que 
non  intention  est  que  le  général  Vandamme  soit 
)rêt  à  se  porter  au  camp  d'Eckartsberg ,  à  une 
lemi-lieue  derrière  Zittau  et  où  se  trouve  le  prince 
^oniatowski,  s'il  arrivait  que  l'ennemi  se  pré- 
sentât de  Bohème  pour  entrer  en  Saxe  par  le  dé- 
)Ouché  de  Zittau  qui  est  le  seul  vraiment  pratica- 
)le,  qui  se  trouve  sur  la  rive  droite;  et  que,  dans 
le  cas  la  42®  division  remplacerait  celle  du  général 
i^andamme,  pour  surveiller  Neustadt,  et  le  débou- 
ché de  Rumburg.  Mais,  si,  au  contraire,  l'ennemi, 
ivec  de  grandes  forces,  formait  son  opération  sur 
a  rive  gauche  pour  marcher  sur  Dresde,  le  géné- 
ral Vandamme  devrait  se  porter,  selon  l'indication 
iu  maréchal  Gouvion  Saint-Cyr,  ou  sur  le  camp  de 
Kœnigstein,  ou  sur  Dresde  (ce  qu'il  peut  faire  en 
lin  jour),  et  la  division  de  Bautzen  qui  serait  la 

n.  31 


—  481  — 

plus  cloigiice,  en  un  jour  et  demi.  Le  maréchal 
Saint-Cyr  réunirait  ainsi  dans  le  camp  de  Dresde 
plus  de  00,000  hommes.  Dans  ce  cas,  le  maréchal 
Saint-Cyr  ne  doit  laisser  dans  la  citadelle  de  K(b- 
nigstcin  et  dans  Lilienslein,  pour  garder  le  pont  et 
les  batteries,  en  tout,  que  :2  ou  3  bataillons;  que 
le  général  Vandamme  doit  donc  placer  ses  troupes 
de  manière  à  pouvoir  se  porter  promptement  sur 
Zittau  et  sur  Dresde.  C'est  ce  qui  me  porte  à  lui 
donner  la  direction  d'une  division  à  Bautzen,  une  à 
Neusladt,  et  une  à  mi-chemin  de  Dresde  à  Baulxen, 
et  cela  jusqu'à  ce  que  les  événemeats  prennent  un 
caractère  décidé  et  que  les  mouvements  de  l'oû- 
nemi  soient  plus  connus.  i> 

Le  :Î0  août,  l'Empereur  Ut  en  personne  une  re- 
connaissance en  avant  des  montagnes  de  la  Bo- 
hème, vers  Gabel ,  sur  le  versant  sud.  Il  revint 
ensuite  le  môme  jour  à  Zittau.  Voyant  que  les 
Autrichiens,  avec  la  lenteur  qui  caractérise  toutes 
leurs  opérations  militaires,  no  débouchaient  pas, 
il  pensa  qu'il  avait  le  temps  de  se  porter  au 
nord-est  vers  l'armée  de  Ney  pour  battre  celle 
de  Blûcher.  En  conséquence,  voici  les  instructions 
qu'il  expédia  au  major  général  et  qui  sont  très- 
nettes,  très-formelles. 

«  Faites  connaître  au  duc  de  Belluue  que  je 
pars  pour  Lauban,  et  delà  je  marcherai  surLowen- 
l)erg  pour  attaquer  l'ennemi.  D*ici  à  cinq  jours 
l'ennemi  ne  peut  rien  entreprendre  du  côté  de 
Gabel,  puisque  le  18  il  était  k  Schlan.  Lç  prince 


—  488  — 

Poniatowski,  commandant  le  8^,  et  le  comte  de 
Valmy,  commandant  le  4^  de  cavalerie,  sont  sous 
ses  ordres.  Dites*lui  que  mon  intention  est  quMI 
engage  tout  son  corps  pour  se  maintenir  à  Gabel 
et  rester  maitre  du  défilé  et  du  col,  malgré  tous  les 
efforts  de  Tennemi.  25,000  hommes  qu'il  a  sous 
ses  ordres  sont  capables  de  défendre  le  défilé  plu- 
sieurs jours  contre  100,000  hommes.  Prévenez-le 
que  le  général  Vandamme,  qui  a  quatre  divisions, 
fait  fortifier   le  col  de  Rumburg.  Je  lui  donne 
ordre  de  le  défendre  à  toute  extrémité.  Ces  trois 
corps  réunis  forment  plus  de  50,000  hommes.  Le 
maréchal  Saint-Cyr  appuyera  par  sa  gauche  avec 
deux  divisions,  si  le  mouvement  de  Tennemi  se 
prononçait  en  force  de  ce  côté.  Enfin,  j'exige  qu'il 
n'y  ait  aucune  hésitation.  Il  faut  trois  à  quatre 
jours  pour  fortifier  les  hauteurs,  les  défilés,  faire 
les  abatis  et  même  les  redoutes  (deux)  et  un  pont 
sur  le  ruisseau.  Il  faut  qu'il  organise  le  terrain 
pour  une  vive  résistance.  Si  on  est  obligé  d'éva- 
cuer les  défilés,  il  faut  défendre  les  hauteurs. 
J'ai  ordonné  ainsi  ce  qu'il  fallait;  il  est  à  croire 
que  l'ennemi  n'osera  pas  entreprendre  une  lutte 
qui  lui  deviendrait  funeste.  Si  cependant  le  cas 
arrivait,  je  reviendrai  rapidement,  j'attaquerai  à 
mon  tour  l'ennemi.  » 

Dans  la  nouvelle  combinaison  de  l'Empereur, 
le  1^  corps  était  donc  destiné  à  fortifier  et  à  dé- 
fendre à  outrance  le  col  et  les  passages  de  Rnm** 
burg,  eo  seconde  ligne  dn  duc  de  Bellune  chargé 


—  484- 

des  premiers  défilés.  Vandamme  concentra  ses 
troupes  autour  de  Rumburg,  de  Gorgenthal  et 
dé  Haimbach,  sur  la  route  de  Gabel  à  Bautzen, 
et  fit  commencer  la  construction  de  deux  redoutes 
sur  deux  mamelons  dominant  le  col. 

Au  moment  de  quitter  Zittau,  Napoléon  manda 
encore  au  major  général  (20  août  1813)  : 

a  Mon  cousin,  écrivez  au  général  Vandamme 
que  je  pars  pour  Lauban  où  j'arriverai  ce  soir; 
que  j'arriverai  demain  à  Lœvenberg;  qu'après 
demain  22,  j'attaquerai  l'armée  ennemie,  et 
qu'avec  l'aide  de  Dieu  je  compte  en  avoir  bon 
compte.  Immédiatement  après  je  reviendrai  ici 
pour  entrer  en  Bohème  et  marcher  sur  Prague. 
D'après  tous  mes  calculs,  Tennemi  ne  peut  être 
en  forces  sur  Gabel  et  Rœhrsdorf,  que  dans  cinq 
jours.  Vous  trouverez  ci-joint  les  ordres  que  je 
donne  au  duc  de  Bellune  ;  je  donne  les  mêmes  au 
général  Vandamme.  Aussitôt  qu'il  saura  que  l'ar- 
mée ennemie  se  dirige  de  ce  côté-ci,  il  concentrera 
ses  trois  divisions  et  défendra  les  défilés  et  les 
montagnes  jusqu'à  toute  extrémité.  Avec  la  divi- 
sion :  de  la  garde  il  a  plus  de  35,000  hommes  : 
avec  le  duc  de  Bellune  et  le  8*  corps,  il  y  a  plus 
de  65,000  hommes.  Dans  des  positions  retran- 
chées et  préparées  d'avance,  il  peut  écraser  l'en- 
nemi et  se  défendre  quatre  ou  cinq  jours. 

«  Lorsque  l'ennemi  apprendra  que  j'ai  été  à 
Gabel,  il  marchera  sur :ce  point. avec. toutes  ses 
forces  ;  le  maréchal  Saint-Cyr  pourra,  avec  deux 


-  485  - 

OU  trois  divisions,  venir  au  secours  du  général 
Vandamme.  L'intention  de  l'Empereur  est  qu'on 
se  batte  jusqu'à  extinction.  Le  général  Vandamme 
devra  employer  les  quatre  ou  cinq  jours  qu'il  a 
devant  lui  pour  bien  organiser  son  champ  de  ba- 
taille, bien  fortifier  le  col  et  que,  dans  les  endroits 
où  le  défilé  s'élargit,  il  établisse  des  abatis,  re- 
doutes, etc.,  détermine  les  emplacements  de  l'ar- 
tillerie en  bataille  en  s'attachant  à  se  lier  avec  le 
duc  de  Bellune.  Il  verra  la  position  de  Gabel  et 
tout  le  terrain  qu'il  doit  défendre,  et  se  mettra  en 
mesure  de  donner  à  l'Empereur  le  temps  d'arriver, 
après  son  expédition  de  Silésie.  11  devra  établir 
son  quartier  général  au  delà  du  col,  dans  quel- 
ques-unes des  maisons  qui  en  sont  voisines  pour 
être  de  plus  près  en  communication  avec  le  prince 
Ponialowski  et  le  duc  de  Bellune. 

«  Le  maréchal  Saint-Gyr  prendra  part  à  l'offen- 
sive, en  se  portant  sur  sa  droite. 

<c  Écrivez  au  maréchal  Saint-Gyr,  en  lui  en- 
voyant copie  des  instructions  que  j'adresse  au 
général  Vandamme  et  au  duc  de  Bellune.  Pré- 
venez-le que  je  pars  pour  Lœvenberg,  pour  en- 
gager l'ennemi  à  une  bataille,  et  s'il  n'accepte 
pas,  le  poursuivre  à  toute  extrémité.  Il  verra  le 
rôle  qu'il  doit  remplir.  Je  compte  sur  son  zèle  et 
ses  talents  militaires  pour  agir  avec  décision  et 
vigueur.  » 

Vandamme  était  trop  homme  de  guerre  pour  ne 
pas  comprendre  l'importance  de  la  mission  con- 


-  486  — 

fiée  au  1"  corps,  pendant  la  présence  de  Napo- 
léon au  nord.  Il  s'empressa^  dès  son  arrivée  à 
Rumburg,   de  faire  pousser  une  reconnaissance 
par  la  cavalerie  Desnouetles  mise  à  sa  disposition 
sur  la  grande  roule  de  Prague  jusqu'à  Neuchloss. 
Ayant  acquis  la  certitude  par  le  rapport  du 
général  Desnouettes  que  le  prince  de  Schwartzen- 
berg  menaçait  le  maréchal  Sainl-Gyr,  et  ce  der- 
nier lui  ayant  fait  connaître   qu'il    s'attendait  à 
être  attaqué  le  23  août,  il  se  mit  à  la  disposition 
du  maréchal   et  écrivit   au  major  général  qu'il 
était  en  mesure  de  faire  face  à  toutes  les  éventua- 
lités. Si  quelques  jours  plus  tard,  le  marédial 
Saint  -  Cyr,  mieux  inspiré,  eût  agi  à  l'égard  du 
l*^*^  corps  comme  le  commandant  de  ce  corps  agis- 
sait alors  à  l'égard  du  14*,  on  eût  évité  la  triste 
catastrophe  de  Kulm  et  le  sort  de  la  campagne 
eût  été  bien  différent.  Mais  n'anticipons  pas. 

On  travaillait  sans  relâche  aux  redoutes,  bat- 
teries et  abatis  qui  devaient  défendre  le  col,  et  si 
l'ennemi  s'était  présenté  du  côté  de  Gabel,  il  eut 
été  reçu  vigoureusement. 

Le  maréchal  Saint-Gyr  ne  s'était  pas  trompé  ; 
les  Autrichiens  commencèrent  dès  le  22  au  matin 
leur  mouvement  offensif  contre  le  14*  corps.  Us 
avaient  abandonne  le  camp  de  Neuchloss,  ils  se 
portèrent  sur  Pirna  par  GuieshubeL 

L'ennemi  ayant  déployé  des  forces  considàra- 
blés,  la  43®  division  qui  défendait  Guie^ubel  fut 
obligée  de  l'abandonner.  Le  14^  corps  battit  en  re- 


-487- 

aile  en  bon  ordre  sur  Dresde  et  snr  le  camp  de 
iliensteîn.  Le  23  août,  Saint-Gyr  replia  ses 
oupes  jusque  dans  la  place  et  en  fit  occuper  les 
lubourgs  et  les  routes  par  la  43®  division  (Cla- 
arède).  La  44®  division  fut  placée  en  avant  et  à 
auche  se  prolongeant  sur  les  bords  du  fleuve. 
a  division  de  cavalerie  Lhéritier  couvrit  la  route 
B  Pirna,  la  division  Pajol  celle  de  Freyberg.  Le 
4  et  le  25  Tennemi  continua  à  pousser  les  avant- 
Dstes  et  les  grand'gardes  ;  le  26,  toute  rarmée 
iitrichienne  étant  sous  les  murs  de  Dresde,  le 
laréchal  prit  ses  dispositions  pour  résister  à  une 
ttaque  imminente. 

Gouvion  Saint- Cyr  avait  prévenu  le  21,  à 
l  heures  du  soir.  Napoléon,  qu'il  allait  être  alta- 
aé.  L'Empereur  venait  de  battre  devant  Bunzlau 
armée  de  Siiésie.  Il  se  hâta  d'écrire  directement 
Vandamme  de  serrer  son  corps  sur  Dresde  en 
B  portant  sur  Stolpen,  après  avoir  laissé  une 
rrière-garde  pour  masquer  son  mouvement  rétro- 
rade,  jusqu'à  ce  que  le  prince  Poniatowski  l'eût 
^mplacé  dans  sa  position. 

Le  23  août,  Napoléon  vint  à  Lœwenberg.  Il  fit 
ire  au  maréchal  Ney  de  remettre  le  commande- 
lent  de  son  corps  au  général  Souham  et  de  le 
)indre  le  24  à  GôrlilZ;  ayant  l'intention  d'entrer 
n  Bohême  et  voulant  le  charger  de  diriger  cette 
pération.  Le  jour  suivant,  24,  il  arriva  à  Baut- 
en  et  écrivit  de  là  à  3  heures  de  l'après-midi  à 
r.  de  Bassano. 


€  Monsieur   le  àac,  j  ai   reçu  votre  lettre  à 
11  heures;  j'arrive  maintenant  à  S  heures  aprfe 
midi  avec  la  garde.  Le  général  Vandamme  esl  à 
Stolpen  et  Neustadt.  Toute  Tannée  sera  demain  à 
Stolpen.  J'y  aurai  demain  mon  quartier  général 
et  plus  tôt,  si  j'apprends  des  nouvelles  de  Dresde, 
de  la  journée  d'aujourd'hui^  cjui  nécessitent  ma 
présence.  Les  gardes  d'honneur  ayant  avec  eux 
un  bataillon  d'infanterie  et  une  batterie  auraient 
pu  prendre  position  à  Meissen,  pour  assurer  ce 
point  important  contre  les  cosaques.  Toutefois, 
si  cela  n'est  pas,  on  leur  ordonnera  de  se  porter 
sur  Torgau  ;  et  donner  le  même  ordre  au  général 
Margallon;  il   a  de  l'infanterie,  de   la  cavalerie 
et  rie   rartillerie.  Je  ne  suppose   pas  que  Fin- 
fanterie  ennemie  soit  de  sitôt   à  Leipzig.  Il  est 
probable  qu'après  demain,  26,  j'attaquerai  l'en- 
nemi; que  si  le  général  Margallon  est  compro- 
mis, il  doit  se  retirer  à  Torgau  et  commmiiquer 
avec  moi  par  la  rive  droite.  Je  crois  vous  avoir 
mandé   tout  cela  Jtiier;    de  sorte   que  la  fausse 
direction  donnée  aux  gardes  d'honneur  aura  été 
contremandée. 

a  Vos  courriers  sont  fort  mal  appris.  Ils  par- 
tent sans  ordre.  Donnez -leur  des  instructions 
pour  qu'ils  ne  reparlent  plus,  ni  ne  remettent 
des  lettres  à  personne  sans  l'ordre  du  grand 
écuyer.  Rendez  -  moi  compte  des  mesures  que 
j'ai  ordonnées  de  s'emparer  des  maisons  et  de 
barricader  les  rues  qui  donnent  sur  les  brèches. 


—  489  — 

Si  elles  sont  exécutées,  Dresde  peut  tenir  plu- 
sieurs jours.  Demain ,  à  2  heures  après  midi, 
40XXX)  hommes  pourront  entrer  dans  Dresde; 
mais  si  toutes  les  mesures  sont  prises,  que  lés 
redoutes  soient  armées  et  que  les  troupes  soient 
bien  disposées,  il  n'y  a  rien  à  craindre,  et  alors 
je  préférerai  faire  déboucher  les  40,000  hommes 
par  Kœnigstein;  et  je  déboucherai  sur  la  rive 
ennemie  par  Kœnigstein.  » 

Les  intentions  de  l'Empereur  paraissent  au 
grand  jour,  dans  cette  lettre.  Il  est  prêt  :  soit 
à  concentrer  ses  forces  à  Dresde,  si  Dresde  et 
Saint -Cyr  sont  menacés  sérieusement;  soit  à 
passer  TElbe  à  Kœnigstein  pour  se  porter  en 
Bohême  sur  le  flanc  de  l'armée  autrichienne, 
si  Dresde  n'est  pas  menacé.  Afin  de  tout  pré- 
voir. Napoléon  écrivit  au  prince  Poniatowski 
d'avoir  à  remplacer  Vandamme  à  Gabel  et  à 
Gorgenthal,  et  lui  ordonne  de  défendre  ces  deux 
défilés  avec  la  dernière  vigueur. 

a  Les  Autrichiens  n'ont  pas  là  des  forces  supé- 
rieures aux  vôtres,  dit-il  au  prince.  Comportez- 
vous  selon  les  circonstances.  Il  est  nécessaire 
que  l'ennemi  ignore  le  plus  longtemps  possible 
le  mouvement  que  font  nos  troupes,  parce  que 
lorsque  ses  propres  mouvements  deviendront  plus 
clairs,  si  leur  armée  se  trouvait  loin,  l'Empereur 
pourrait  opérer  sur  Prague  et  rebrousser  chemin 
sur  vous.  Si,  au  contraire,  l'armée  autrichienne 
prête  à  des  combinaisons,  l'Empereur  tombera 


—  180  — 

dessus,  et  s*il  a  Tavanlage,  il  entrera  en  Bohème, 
en  vous  faisant  soutenir  par  un  corps  d'armée  sur 
les  deux  rives.  11  est  donc  important  de  garderies 
deux  cols.  Le  quartier  général  de  l'Empereur  sera 
aujourd'hui  à  Bautzen.  Ayez  soin  de  m'écrire  tous 
les  jours.  Le  duc  de  Tarante  est  resté  comman- 
dant de  l'armée  qui  est  sur  le  Bober,  laquelle  est 
forte  de  120,000  hommes.  Écrivez-lui  tout  ce  que 
vous  apprendrez  de  nouveau.  Les  officiers  que 
vous  chargerez  de  vos  dépêches  passeront  par 
Lauban.  J'ai  reçu  une  lettre  du  duc  de  Reggio,  il 
comptait  entrer  aujourd'hui  à  Berlin.  » 

Vandamme  mit  en  mouvement,  le  24  août,  le 
i®'  corps  et  deux  divisions  de  la  jeune  garde 
placées  sous  son  commandement.  La  division 
Teste  occupa  Stolpen  ;  le  même  jour,  la  division 
Dumonceau  vint  à  Neustadt  avec  la  réserve  d'ar- 
tillerie ;  la  division  Philippon  gagna  Schlukenau. 
La  cavalerie  légère,  un  bataillon  et  une  demi-bal- 
teric  restèrent  en  extrême  arrière-garde  pour 
attendre  les  troupes  du  8®  corps  (Poniatowski) . 

Le  25 ,  le  mouvement  sur  Dresde  continua, 
Vandamme  écrivit  à  Berthier  de  Hainsbach,  i 
4  heures  du  soir  : 

«  Monseigneur,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte 
à  Votre  Altesse  que  je  reçois  à  Tinstant  lavis  que 
me  fait  donner  M.  le  maréchal  Sainl-Cyr,  que 
Tenuemi  s'approche  de  Dresde  avec  cent  nulle 
hommes  et  de  Tartillerie  de  siège.  D'après  cet 
avis,  j*ai  donné  des  ordres  pour  que  le  i^  corps 


—  491  — 

a  les  2*  et  3*  divisions  de  la  garde  se  rappro- 
^ent  ce  soir  autant  que  possible  de  Dresde.  La 
lettre  qui  m'annonce  la  marche  de  Tennemi  est 
iatée  du  23,  à  6  heures  1/2  du  soir  et  ne  me  par- 
dent  qu'à  Tinstant. 

«  La  23®  division  avec  huit  bataillons  sera  ce 
loir  entre  Stolpen  et  Dresde.  Elle  envoie  six  ba- 
taillons au  camp  de  Lilienstein  sous  Kœnigstein, 
raprès  les  ordres  de  M.  le  maréchal  Saint-Gyr. 
La  2^  division  avec  treize  bataillons  (en  ayant  un 
k  Bautzen)  sera  également  ce  soir  en  avant  de 
Stolpen.  La  1"  division  s'avancera  sur  Neustadt, 
pour  être  demain  matin  près  de  Dresde.  Enfin,  les 
deux  divisions  de  la  garde ,  la  2®  d'infanterie  et 
la  3*  de  cavalerie  prendront  position  ce  soir  entre 
Stolpen  et  Dresde,  pour  arriver  demain  matin  aux 
portes  de  cette  ville. 

«  P.  jS.  —  Je  reçois  à  l'instant  l'avis  de  Son 
Elxcellence  le  duc  de  Bassano  que  l'ennemi  est 
iuprès  de  Dresde  et  que  ses  feux  couronnent  les 
hauteurs.  Cet  avis  est  également  daté  du  23  au 
soir  et  me  parvient  par  un  courrier  autrichien 
venant  de  Bohmisch-Leypa.  Je  ne  puis  concevoir 
De  qui  a  pu  occasionner  le  retard  et  la  marche  de 
luette  dépêche.  > 

L'Empereur,  dans  la  journée  du  25,  et  en  raison 
ies  nouvelles  qu'il  reçut  de  l'ennemi  et  de  Dresde, 
Biodifia  ses  projets.  Il  résolut  de  faire  déboucher 
Vandamme  par  Kœnigstein  sur  Pirna,  de  le  jeter 
Holleadorf  avec  tout  son  corps  d*armée  aug- 


—  492  — 

menlé  de  la  42®  division  (Berlhezène),  de  façon  à 
le  placer  sur  les  communications  de  Tennemi,  qui 
se  trouverait  ainsi  coupé  de  ses  lignes  de  retraite. 
Les  instructions  de  l'Empereur  sont  contenues 
dans  la  dépêche  suivante  écrite  de  Stolpen  le  25, 
à  3  heures  1/2  de  l'après-midi,  et  portée  à  Van- 
damme  par  Tofficier  d'ordonnance  Athalin,  lequel 
quitta  Napoléon  à  6  heures  du  soir  : 

•  Une  division  de  votre  corps  d'armée  est  à 
Neustadt ,  une  à  Stolpen  et  six  bataillons  sont 
déjà  rendus  au  camp  de  Lilienstein.  Vous  avez 
donc  trente-quatre  bataillons  dans  la  main.  La 
42®  division  doit  avoir  au  moins  douze  bataillons 
si  elle  n'a  pas  ses  quatorze  bataillons.  Elle  sera 
sous  vos  ordres.  Vous  aurez  donc  quarante-six 
bataillons  réunis  sous  le  fort  de  Kœnigstein. 

•  Vous  expédierez  tous  vos  ordres  pour  de- 
main. A  la  petite  pointe  du  jour,  tout  se  mettra  en 
marche.  Si  vous  pouvez  faire  arriver  vos  sapeurs 
avant  la  nuit,  faites-les  venir.  Donnez  ordre  à  la 
dernière  compagnie,  qui  est  détachée  pour  le  se^ 
vice  du  camp,  de  couper  des  fascines  pour  rendre 
plus  faciles  les  chemins  que  la  pluie  aurait  gâtés. 

«  Cette  nuit,  vous  ordonnerez  à  la  42*  division 
et  aux  six  bataillons  de  la  division  Teste,  ce  qui 
fera  dix-huit  bataillons,  avec  la  batterie  d'artille- 
rie de  la  42^  division  et  la  batterie  de  la  brigade 
Teste,  si  cette  brigade  a  amené  avec  elle  sa  bat- 
terie, de  monter  sur  le  plateau  et  de  se  ranger  en 
bataille  dans  le  plus  grand  silence  derrière  Kœ« 


—  493  — 

ûgstein,  de  manière  à  pouvoir,  au  point  du  jour, 
f  y  trouver  en  bataille  avec  leurs  canons. 

«  Si  la  brigade  de  la  division  Teste  n'a  pas  sa 
)àtterie,  les  douze  bataillons  de  la  42®  division 
l'auront  plus  qu'une  batterie,  ce  qui  ne  sera  pas 
suffisant.  Vous  aurez  soin  alors  d'ordonner  à  vos 
leux  batteries  d'artillerie  légère,  ou  à  la  batterie 
jue  vous  aurez  le  plus  près ,  de  se  porter  dans  la 
luit  sur  le  plateau,  de  manière  à  y  être  à  la  pointe 
iu  jour.  J'estime  qu'il  faut  au  général  Berthezène 
ringt-quatre  pièces  de  canon  environ. 

•  Vous  y  ferez  venir  votre  cavalerie  légère ,  de 
manière  qu'elle  soit  à  la  pointe  du  jour  au  camp 
le  Kœnigstein  et  vous  aurez  ainsi  dans  la  main 
une  avant-garde  de  10  à  12,000  hommes  placés 
sur.  le  plateau. 

a.  11.  serait  nécessaire  que  ce  soir  vous  fissiez 
chasser  toutes  les  vedettes  ennemies  pour  qu'elles 
ne  puissent  pas  voir  les  camps  ni  ce  qui  se  fait. 

a  Demain ,  au  jour,  aussitôt  que  le  brouillard 
sera .  dissipé ,  cette  avant-garde  s'emparera  de 
tout,  le  plateau  .de  Pirna. 

«  Votre  division  de  Neustadt,  qui  est  la  plus 
près,  arrivera  la:  première  et  se  formera  sur  le 
plateau  de  Kœnigstein.  Votre  seconde  division 
arrivera,  immédiatement  après  et  vous  ferez  les 
dispositions  suivantes  : 

«  Vous  dirigerez  le  général  Berthezène  avec 
la  42*  division  et  -  la  brigade  Teste  et  vingt- 
quatre  pièces  de  canon  sur  Pirna,  dont  il  s'em- 


—  494  — 

parera  en  restant  sur  les  hauteurs.  Vous,  avec 
vos  deux  divisions,  aussitôt  que  vous  serez  as- 
suré que  Tennemi  n*est  pas  en  mesure  de  dis- 
puter le  camp  ni  la  ville  de  Pirna  aux  dix-huit 
bataillons  du  général  Berthezène,  vous  vous  por- 
terez, en  prenant  une  position  militaire,  sur 
Langenh  ersdorf. 

«  Il  sera  convenable  de  flaire  monter  le  plus 
tôt  possible  une  batterie  de  12,  afin  de  renvoyer 
au  général  Berthezène,  s*il  en  a  besoin  pour 
contrebattre  les  pièces  que  Tennemi  pourrait  éta- 
blir sur  le  Kohlberg. 

«  L*équipago  de  pont  sera  arrivé  à  midi  vis- 
à-vis  Pirna  avec  les  huit  autres  bataillons  de  la 
division  Teste  auxquels  j'adresse  des  ordres  di- 
rectement. En  une  heure  ou  deux ,  nous  jette- 
rons le  pont  et  je  ferai  occuper  les  hauteurs 
de  Pirna  par  la  division  de  la  jeune  garde. 
Aussitôt  le  général  Teste,  avec  les  huit  ba- 
taillons qu'il  aura  amenés  avec  lui  et  les  six 
bataillons  qu'il  trouvera  avec  le  général  Ber- 
thezène réunira  sa  division,  viendra  vous  joindre 
par  un  mouvement  à  gauche,  de  sorte  que  vous 
aurez  dans  la  main  vos  divisions  avant  4  ou  5 
heures  de  Taprèsmidi. 

«  Le  camp  de  Pirna  sera  donc  dès  lors  occupé, 
la  droite  à  Pirna  par  40^000  hommes  d'inffinterie 
de  la  garde  et  8  à  10,000  hommes  de  cavalerie  ; 
la  gauche  par  votre  corps  d^année.  Si  alors  les 

renseignements  que  Ton  aura  reçus  4(mnc«t  i 


—  495  — 

penser  que  vous  puissiez  vous  porter  de  Bahra 
et  Hellendorf  pour  vous  emparer  des  défilés  et 
tomber  sur  les  derrières  de  Tennemi ,  vous  le 
ferez  et  je  vous  ferai  soutenir  par  la  Jeune 
garde. 

«  Je  donne  ordre  au  général  Gorbineau  de  par- 
tir à  5  heures  du  malin  avec  sa  division  de  cava- 
lerie légère  pour  venir  vous  joindre.  Il  a  4,000 
hommes  et  une  batterie  d'artillerie.  Il  sera  utile 
pour  occuper  tout  le  plateau. 

«  Vous  aurez  soin  de  vous  informer  auprès 
des  ingénieurs  saxons  de  tous  les  principaux  dé- 
bouchés du  camp  do  Pirna  qu'il  faut  garder  par 
des  postes  :  ces  postes  seront  successivement  re- 
levés par  la  jeune  garde  lorsqu'elle  débouchera  à 
Pirna. 

«  Il  sera  nécessaire  que  vos  sapeurs  avec  leurs 
pioches  soient  à  la  tête  des  colonnes  pour  élargir 
le  chemin  et  abattre  les  bois  dans  les  défilés,  de- 
puis Babra  jusqu'à  Hellendorf. 

•  Demain  au  soir  le  reste  de  l'armée  arrive  et 
débouche,  un  corps  par  Kœnigstein,  et  l'autre 
par  Pirna. 

•  Veillez  à  ce  que  les  bagages,  les  fourgons 
d'équipages  militaires  et  toutes  les  voilures  quel- 
conques restent  sous  la  protection  des  redoutes 
de  Hohenstoin.  Laissez-y  la  brigade  du  général 
prince  de  Heuss,  qui  arrivera  de  bonne  heure 
demain  à  Hohenstein. 

$  La  42*  division  a,  je  crois,  six  bataillons  entre 


-496  — 

Dresde  et  Kœnigstein  ;  j*ai  ordonné  au  général 
Lefebvre-Desnouettes  de  les  faire  relever  par  la 
jeune  garde  ;  je  suppose  que  c'est  fait  et  que 
ce  soir  toute  la  division  Berthezène  sera  réunie 
au  camp. 

«  Je  vous  envoie  mon  officier  d'ordonnance 
Âthalin  qui  connaît  ces  routes.  Je  vous  envoie 
avec  lui  un  ingénieur  géographe  qui  a  ser>î  la 
Saxe  et  connaît  également  le  pays.  Prenez  aussi 
dans  la  citadelle  des  ingénieurs  saxons  qui  con- 
naissent parfaitement  le  pays  et  prenez  des  Prus- 
siens pour  vous  conduire.  » 

Dans  la  nuit  du  25  au  26,  Napoléon  écrivit 
de  nouveau  à  Vandamme  : 

«  Je  vous  ai  fait  connaître  hier  mes  instruc- 
tions.] Toute  l'armée  ennemie  hier,  à  la  nuit, 
s'est  présentée  sur  Dresde,  et  le  maréchal  Sainl- 
Gyr  craignait  d'être  attaqué  aujourd'hui  ;  je  m'y 
porte,  mais  cela  est  une  probabilité  de  plus  pour 
penser  que  les  forces  qui  sont  contre  vous  sont 
bien  peu  considérables.  Débouchez  donc  le  plus 
tôt  possible  et  emparez-vous  du  plateau.  Maître 
de  l'extrémité  de  ce  plateau,  vous  le  serez  de  la 
ville  de  Pirna  et  alors  vous  y  ferez  jeter  le  pont. 
Enfin,  si  les  circonstances  sont  favorables,  dé- 
bouchez pour  vous  porter  sur  Hellendorf.  Celte 
opération  portera  la  terreur  chez  Tennemi  et  peut 
être  d'un  grand  résultat. 

<  Laissez  deux  bataillons  d'infanterie  et  une 
brigade  de  cavalerie  pour  gai:der  le^  redoutes 


-«  497  — 

Holicnslein  et  tle  Liliensteiiu  La  cavalerie 
tra  les  débouchés  de  Neusladt  pour  mettre  le 
s  à  Tabri  des  incursions. 

Il  est  convenable  pour  faire  une  diversion  sur 
îsde,  que  vous  débouchiez  le  plus  tôt  possible 
'ai  Tespoir  que,  pendant  la  journée,  vous  vous 
avérez  sur  les  derrières  de  l'ennemi  et  que 
is  aurez  écrasé  la  division  qu'on  a  placée  là 
ir  vous  observer.   » 

Vinsi  donc,  Vandamme,  depuis  la  reprise  des 

utilités,  s'était  porté   avec   le   1"  corps   sur 

3sde,  puis  sur  les  débouchés  des  défilés.    Il 

lait  ensuite  rapproché  de  la  capitale  de  la  Saxe 

au  moment  d'y  entrer,  il  avait  été  envoyé  sur 

na  pour  marcher  sur  Hellendorf  et  se  placer  i 

val  sur  les  lignes  de  retraite  de  l'armée  de 

wartzemberg,  de  façon  à  couper  cette  armée 

)leine  opération  sur  Dresde.  L'Empereur  ne 

ait  pas  encore,  je  26  août,  à  une  attaque  sé- 

e  sur  la  ville,  car,  ce  jour-là,  il  écrivit  à  Ber- 

• 

iC  général  Vandamme  sera  prévenu  que  Ten- 

s'étant  rapproché  le  soir  de  Dresde  et  ayant 

e  menacer  d'une  attaque  pour  aujourd'hui, 

w  peu  probable  que  cela  soit,   TEmpe- 

jugé  convenable  de  s'y  porter.  Sa  Majesté 

3  que  conformément  à  ses  intentions  d'hier, 

rai  Vandamme  prenne  le  commandement 

'^  et  de  la  2*"  division,  de  la  brigade  de  la 

ion  qui  est  au  camp  de  Kœnisglein  (l'au 

32 


—  498  — 

Ire  brigade,  sous  les  ordres  du  général  Teste,  reçoit 
directement  de  moi  Tordre  de  se  rendre  à  Dresde); 
de  toute  la  42®  division  (  Berthezène  )  ;  de  la  bri- 
gade du  prince  de  Reuss,  composée  de  6  bataillons 
du  2*^  corps.  Le  général  Vandamme  aura  donc 
sous  ses  ordres  52  bataillons  d'infanterie,  plus  la 
cavalerie  légère,  et  la  division  Gorbineau  qui  e>l 
forte  de  4,000  chevaux. 

•  Avec  ces  troupes,  le  général  Vandamme  doil 
s'emparer  de  tout  le  plateau  du  camp  de  Pirna,  oc- 
cuper Pirna,  et  couper  la  route  de  l'ennemi,  au- 
jourd'hui, ou  au  plus  tard  demain,  sur  Hellendorf 
et  Gieçhûbel,  dans  le  temps  que  l'armée  qui  dé- 
boucherait par  Dresde  pousserait  vivement  l'eii- 
nemi. 

«  L'équipage  de  pont  sera  aux  ordres  du  géné- 
ral Vandamme.  Il  sera  à  une  heure  après  midi  au 
village  de  Mulhdorf  ou  à  Lohmen,  et  aussitôt  que 
le  général  Vandamme  sera  maître  de  Pirna,  il 
pourra  faire  jeter  le  pont. 

«  Prévenez  le  général  Vandamme  que  le  général 
Lefebvre-Desnouelles,  avec  la  colonne  de  cavale- 
rie légère  de  la  garde,  garnira  tous  les  postes  de- 
puis Pirna  jusqu'à  Dresde.  » 

Le  26  août,  Vandamme  commença  son  mouve- 
ment. Pendant  qu'il  l'effectuait  avec  sa  vigueur 
habituelle,  le  maréchal  Saint-Gyr,  attaqué  molle- 
ment dans  Dresde,  par  un  temps  affreux,  résistait 
et  se  préparait  à  la  journée  du  lendemain,  sûr 
alors  que  l'Empereur  en  personne,  avec  sa  garde. 


—  499  - 

viendrait  au  moment  décisif  le  secourir  et  diriger 
les  opérations. 

Le  rôle  de  Vandamme  avait  changé.  Il  n'avait 
plus  à  aider  TEmpereur  à  battre  Pennemi  à 
Dresde,  mais  à  se  placer  sur  les  lignes  de  retraite, 
à  le  couper,  et  à  changer  sa  retraite  en  désas- 
tre. Ainsi  donc,  tandis  que  Napoléon  battait  com- 
plètement devant  la  capitale  de  la  Saxe,  le  27  août, 
l'armée  de  Schwartzemberg,  Vandamme  s*empa- 
rait  de  vive  force  du  camp  de  Pirna,  malgré  la  ré- 
sistance du  général  russe  Ostermann  et  du  prince 
de  Wurtemberg  et  occupait  cette  position. 

Le  28  août,  il  écrivit  à  Bérlhier  à  10  heures  du 
matin,  de  Pirna  : 

«  Monseigneur,  il  ne  s'est  rien  passé  d'extraor- 
dinaire, cette  nuit,  à  portée  de  nos  positions. 

*  Le  général  Corbineau  ne  s'était  pas  encore 
rendu  maître  de  Gieshûbel  hier  au  soir.  Il  marche 
avec  une  partie  de  sa  division  pour  opérer  avec  le 
général  Philippon,  à  qui  j'avais  prescrit  de  s'ap- 
procher le  plus  possible  de  ce  poste  important  et 
de  remporter  s'il  n'était  pas  trop  occupé.  Le  gé- 
néral Philippoi>  ne  m'a  fait  aucun  rapport  hier 
dans  la  journée  ni  la  nuit  dernière.  Ce  matin  j'ai 
envoyé  un  officier  supérieur  pour  reconnaître  ce 
que  Ton  a  fait,  et  ce  que  l'on  pourrait  faire  sur  ce 
point  essentiel.  J'ai  prescrit  au  général  Philippon 
do  faire  tous  ses  efforts  pour  intercepter  la  route 
de  Bohême  qui  arrive  sur  Peteiswalde. 

«  Gp  matin  je  mets  toutes  mes  troupes  en  mouvo- 


—  SMH)  — 

ment  pour  prendre  les  positions  qu'il  convient 
d'occuper  sur  les  bords  du  plateau  de  Pirna.  J'a[)- 
puie  ma  droite  à  cette  ville,  couvrant  le  ponl  sur 
l'Elbe  et  ma  gauche  à  Kritschwitz.  Par  ce  moyen 
je  serai  prêt  à  me  porter  partout  et  a  seconder  les 
mouvements  des  généraux  Philippon  et  Corbi- 
neau.  Je  vais  moi-même  me  rendre  près  de  ces 
généraux  pour  connaître  leur  situation  et  donner 
les  ordres  que  je  croirai  uliles  au  service  de  TEm- 
pereur. 

«  J'ai  fait  passer  sur  la  rive  gauche  la  2*  brigade 
de  la  42®  division  afin  de  la  réunir  sous  les  ordres 
du  général  Duvernel. 

«  J'avais  interrompu  ce  rapport,  Monseigneur, 
pour  aller  faire  une  reconnaissance  de  ma  posilion. 
Je  rentre  actuellement  et  je  vois  que  l'ennemi  fait 
filer  beaucoup  de  troupes  du  côté  de  la  Bohême, 
et  paraissant  venir  de  devant  Dresde.  J'ai  vu  pas- 
ser, il  y  a  une  heure,  5  à  6,000  hommes  et  un 
convoi  considérable  que  je  crois  être  en  partie  de 
l'artillerie. 

•  Il  parait  certain  que  lennemi  occupe  en  forces 
HcUendorf  et  Gieshûbel.  Des  masses  assez  con- 
sidérables s'y  réunissent  depuis  que  l'ennemi  a 
connaissance  des  positions  du  l^""  corps.  J'estime 
à  25,000  hommes  ce  que  j'ai  devant  moi  à  une 
distance  rapi^ochée  et  je  vois  ces  forces  s'accroî- 
tre à  chaque  heure  par  celles  qui  se  retirent  devant 
l'Empereur.  Votre  Altesse  sait  que  je  n'ai  point 
de  pièces  de  12  ;  que  mon  parc  de  réserve  est  à 


-  501  — 

Dresde  avec  le  général  Ballus  qui  commande  l'ar- 
tillerie et  même  une  compagnie  à  cheval.  Je  n'ai 
point,  par  conséquent,  les  forces  qui  m'ont  été  dé- 
signées. Il  serait  bien  nécessaire  que  le  général 
commandant  mon  artillerie  revînt  ici  avec  une 
portion  de  ma  batterie  de  12. 

«  Le  général  Piréc  m'annonce  à  l'instant  que  le 
général  Gorbineau  lui  a  donné  l'ordre  de  se  rendre 
avec  sa  brigade  vers  Dresde,  dans  la  batterie 
n^  4.  Quoique  ce  mouvement  dont  je  n'ai  point  été 
instruit  m'affaiblisse,  lorsque  j'aurais  besoin  d'être 
renforcé,  je  le  fais  exécuter.  » 

L'Empereur  ayant  remporté  la  victoire  déci- 
sive de  Dresde  le  27  août,  donna  dès  le  lende- 
main matin  28  les  ordres  nécessaires  pour  la 
poursuite  de  l'ennemi.  Vandamme,  en  position,  et 
occupant  les  premiers  défilés  de  la  Bohême  par  les- 
quels les  vaincus  se  retiraient,  devait,  selon  toute 
probabihté,  compléter  le  désastre  des  aUiés. 

Afin  de  rendre  ce  désastre  plus  terrible,  Napo- 
léon fit  écrire  le  28,  à  4  heures  du  matin,  au  gé- 
néral Baltus  commandant  l'artillerie  de  Vandamme, 
de  mettre  en  marche  à  l'instant  les  réserves  de 
douze  du  1*''  corps  gardées  à  Dresde,  et  de  les  di- 
riger sur  la  position  occupée  par  le  général. 

A  6  heures  du  matin,  il  écrivit  à  Berthier  les 
deux  lettres  suivantes,  contenant  des  instructions 
pour  Saint-Cyr  et  pour  Mortier: 

«  Mon  cousin,  donnez  ordre  au  maréchal  Saint- 
Cvr,  de  marcher  sur  Dohna.  Il  se  mettra  sur  la 


—  502  — 

hauteur,  et  suivra,  sur  les  hauteurs,  la  retraite  de 
lennemi,  en  passant  entre  Dohna  et  la  plaine. 

«  Le  duc  de  Trévise  suivra  sur  la  grande  roule. 

«  Aussitôt  que  la  jonclion  sera  faite  avec  le  gé- 
néral Vandamme^  le  maréchal  Saint-Cyr  conli- 
nuera  sa  raute  pour  se  porter,  avec  son  corps  et 
celui  du  général  Vandamme,  sur  Giesluibel. 

«  Le  duc  de  Trévise  prendra  position  sur  Pirna. 
Du  reste,  je  m'y  rendrai  moi-même  aussitôt  que 
je  saurai  que  le  mouvement  est  commencé.  Il  esl 
nécessaire  qu'en  marchant  sur  Dohna,  toutes  ces 
colonnes  soient  en  plaine,  alin  d'être  toujours  en 
vue  du  duc  de  Trévise. 

«•  Écrivez  au  général  Vandamrae  pour  l'in- 
struire du  mouvement  et  de  la  retraite  de  l'ennemi. 
-  30,000  hommes ,  40  pièces  de  canon  et  plu- 
sieurs généraux  ont  été  pris  ;  instruisez-le  de  la 
marche  du  maréchal  Saint-Cyr  et  do  duc  de  Tré- 
vise sur  Dohna  et  Pirna.  Aussitôt  que  la  i-éunion 
«era  faite,  il  formera  tout  son  corps  sur  les  hau- 
teurs de  Gieshûbel  et  de  Hellendorf. 

•  Je  vais  me  rendre  sur  le  chemin  de  Pirna. 

•  Écrit  devant  Dresde,  ce  28  août  1813.  • 

«  Mon  cousin,  donnez  ordre  au  roj  de  Naples 
de  se  porter  sur  Frauenstein,  et  de  tomber 
sur  les  flancs  et  les  derrières  de  l'ennemi,  et  de 
réunir,  à  cet  effet,  sa  cavalerie,  son  infanterie  et 
son  artillerie.  —  Donnez  ordre  au  duc  de  Raguse 
de  suivre  vivement  l'ennemi  sur  Dippodis\vaklt\ 
et  dans  toutes  le?  directions  qu'il  aurait  prises.  — 


-^  503  — 

Donnez  ordre  au  maréchal  Saint-Gyr  de  suivre 
Tennemi  sur  Maxen  et  sur  toutes  les  directions 
<iu*il  aurait  prises.  Instruisez  ces  trois  généraux 
de  la  position  respective  des  deux  autres,  afin  qu'ils 
sachent  qu'ils  se  soutiennent  réciproquement.  » 

Selon  son  habitude  Berthier,  envoya  les  ordres 
de  TEmpereur.  Ses  lettres  aux  maréchaux,  étant 
la  paraphrase  de  celles  de  Napoléon,  nous  croyons 
inutile  de  les  reproduire. 

Les  dépêches  partirent  à  8  heures  du  matin,  en 
même  temps  que  la  suivante  écrite  par  le  major 
général  à  Vandamme.  Elles  sont  de  la  plus  haute 
importance  pour  expliquer  la  suite  des  événe- 
ments. 

«  Monsieur  le  général  Vandamme,  je  vous  pré- 
viens que  je  donne  Tordre  à  M.  le  maréchal  Saint- 
Gyr  de  marcher  sur  Dohna. Il  se /22e//rastfr /es  Aaw- 
feurs  et  suivra  sur  les  hauteurs  la  retraite  de  l'en- 
nemi en  passant  par  Dohna  et  la  plaine  ;  le  duc  de 
Trévise  suivra  la  grande  route.  Aussitôt  que  la 
jonction  sera  faite  avec  vous,  vous  formerez  tout 
votre  corps  sur  les  hauteurs  de  Gieshûbel  et  de 
Hellendorf  et  continuerez  votre  route  avec  le 
14®  corps  pour  vous  porter  sur  Berg-Gieshùbel. 
Le  duc  de  Trévise  prendra  position  sur  Pirna. 
Au  reste,  Sa  Majesté  s'y  rendra  elle-même, 
aussitôt  qu'elle  saura  le  mouvement  com- 
mencé. » 

Ainsi,  voilà  qui  est  positif  : 

Vandamme  avec  le  1®^  corps,  en  position  à 


—  5M  — 

Pima,  doit  atteinlre  que  Sainl-Cyr.  inarehant  par 
Dohna,  ait  opéré  sa  jonction  avec  lui,  et  que  Mor- 
tier  Tait  remplacé  à  Pima.  Il  se  mettra  alors  aux 
trousses  de  rennemi  et  F  Empereur  dirigera  lui- 
même  le  mouvement  général. 

Mais  à  4  heures  du  soir,  ce  même  jour  ^8  aoùL 
les  choses  sont  modifiées.  Berthier  écril  au  géné- 
ral la  lettre  suivante  : 

«  A  une  lieue  de  Pynia«  le  iS  auùC  à  4  h.  apn»  aidi. 

«  Monsieur  le  général  Vandamme,  TEmpereur 
ordomie  que  vous  vous  dirigiez  sur  Peterswalde 
avec  tout  votre  corps  d'armée,  la  division  Cori)i- 
neau,  la  42^  division,  et  enfin  avec  la  brigade  dn 
^  corps  que  commande  le  général  prince  de 
Reuss,  ce  qui  vous  fera  i8  bataillons  d*augnienta- 
tion. 

•  Piriia  sera  gardé  par  les  troupes  du  ducd^ 
Trévise  qui  arrivent  ce  soir  à  Pima.  Ce  maréchal 
a  aussi  Tordre  de  relever  vos  postes  du  camp  de 
Lilienstein. 

•  Le  général  Baltus,  avec  votre  batterie  de 
12  et  votre  parc,  arrive  ce  soir  à  Pirna,  envoyez- 
le  chercher  ;  f  Empereur  désire  que  vous  révt- 
Dissiez  toutes  les  forces  qu'il  met  à  votre  rf/s- 
position  et  qu'avec  elles  vous  pénétriez  en  Bo- 
hème, et  culbutiez  le  prince  de  Wurtemberg 
s'il  voulait  s'y  opposer. 

•  L'ennemi  que  nous  avons  battu  parait  se  reti- 
rer sur  Altcmberg,  Sa  Majesté  pense  que  vou> 


pourriez  arriver  avant  lui  sur  la  communication 
de  Teschen,  Aussig  et  Tœplitz  et  par  là  prendre 
ses  équipages,  ses  ambulances,  ses  bagages  et 
enfin  tout  ce  qui  marche  derrière  une  armée. 
L'Empereur  ordonne  qu'on  lève  le  pont  de  bateaux 
devant  Pirna,  alin  de  pouvoir  en  jeter  un  à 
Teschen.  » 

Ce  nouvel  ordre  parvient  à  Vandamme  vers  les 
5  heures.  Il  n*est  plus  question  pour  le  général 
d'attendre  Saint -Cyr  et  Mortier,  il  doit  réunir 
tout  le  1^^  corps  et  marcher  sur  Peterswalde,  vers 
le  sud. 

Vandamme,  en  présence  d'un  ordre  aussi  for- 
mel, aussi  positif,  n'a  qu'à  obéir,  et  nullement  à 
s'inquiéter  de  savoir  s'il  est  couvert  sur  ses 
tlancs.  C'est  l'affaire  de  l'Empereur  qui  dirige 
lui-même  tout  le  mouvement.  Le  soir,  à  8  heures 
et  demie,  il  est  déjà  à  moitié  chemin  de  Pirna  à  Pe- 
terswalde, à  Hellendorf,  et  de  là  écrit  à  Berthier  : 

•  Monseigneur,  nous  sommes  arrivés  à  Hellen- 
dorf. L'ennemi  a  fait  de  vains  efforts  contre  nos 
jeunes  braves,  il  a  été  partout  culbuté  et  mis  en 
pleine  déroute.  Nous  avons  pris  un  canon  avec 
son  caisson.  Les  canonniers  ont  été  tués  sur  leurs 
pièces.  J'ai  environ  quatre  à  cinq  mille  hommes 
devant  moi.  Je  les  attaque  demain  à  la  pointe  du 
jour  et  je  marche  sur  Tœplitz  avec  tout  le  1^' corps, 
si  je  ne  reçois  pas  d'ordre  contraire.  Toutes  mes 
troupes  se  sont  parfaitement  conduites  et  ont  ri- 
valisé de  zèle  et  d'ardeur.  Nous  avons  un  assez 


I)on  nombre  de  prisonniers  parmi  lesquels  se  Irou- 
vent  quelques  officiers.  L'ennemi  a  eu  beaucoup 
(le  blessés  et  a  laissé  une  assez  grande  quantité 
de  morts  sur  le  champ  de  bataille.  » 

Le  duc  de  Raguse  fit  connaître  le  soir  à  Ber- 
thier  qu'étant  arrivé  sur  les  hauteurs  de  Wen- 
dischcarsdorf  il  avait  découvert  des  masses  se 
retirant  par  Dippoldiswalde  sur  Tœplitz,  qui  sem- 
blait le  point  de  concentration  générale. 

Les  choses  en  étaient  là,  tout  paraissait  en 
bonne  voie  pour  rendre  désastreuse  la  retraite  de 
la  grande  armée  alliée,  lorsque  deux  circonstances 
imprévues  vinrent  tout  changer. 

Après  la  bataille  de  Dresde,  le  gros  des  Russes 
sous  Barclay  de  Tolly  s'était  retiré  à  la  suite  d'Os- 
termann  par  la  route  de  Péterswalde  avec  mission 
de  la  rouvrir  de  vive  force,  si  elle  était  occupée 
par  Vandamme.  Les  Prussiens  et  une  partie  des 
Autrichiens  avaient  pris  la  route  d'Altemberg, 
Zinnwald  et  Tœplitz,  à  Touest  de  celle  de  Péters- 
walde. Le  reste  de  l'armée  autrichienne  avait  or- 
dre de  gagner  le  grand  chemin  de  Leipzig  à  Pra- 
gue, par  la  chaussée  de  Freyberg,  encore  plus  à 
louest,  pour  se  rabattre  ensuite  sur  Commotan, 
au  débouché  des  montagnes. 

La  retraite  des  alliés  commença  en  effet  à  s'ef- 
fectuer, comme  nous  venons  de  le  dire,  mais  le  28, 
Barclay  de  Tolly,  craignant  de  rencontrer  des  ob- 
stacles trop  considérables  sur  la  route  de  Péters- 
walde, changea  tout  à  coup  de  direction  et  se  porta 


I  l'ouest  sur  Allemberg.  Il  lit  dire  à  Ostermann 
le  se  replier  sur  lui,  et  de  laisser  te  prince  Eugène 
îontinuer  seul  à  marcher  par  la  route  de  Péters- 
.valde.  Ces  dispositions  furent  la  cause  d'une  vive 
liscussion  entre  le  général  russe  et  le  prince 
.\'urtembergeois.  Ce  dernier,  aux  prises  avec  Van- 
lamme,  ne  voulait  pas  se  trouver  seul  en  face  de 
5on  redoutable  adversaire,  disant  avec  raison  que 
e  commandant  du  1®'  corps  français,  s'il  parve- 
lait  à  gagner  Tœplitz,  serait  maître  des  débouchés 
5ur  la  Bohême.  Ostermann,  de  son  côté,  résistait. 
Ilependant  il  finit  par  se  décider  à  suivre  la  même 
•outc  que  le  prince  et  à  joindre  ses  efforts  aux 
siens,  pour  devancer 'Vandamme  au  débouché  de 
Fœplitz. 

Le  28  août,  Ostermann  et  le  prince  de  Wurtem- 
berg continuèrent  leur  retraite.  Ils  ne  furent  pour- 
suivis que  le  soir  par  le  l^*"  corps,  attendu  que 
'Empereur  avait  d'abord  prescrit  à  Vandamme 
l'attendre  à  Pirna  le  double  mouvement  de  Saint- 
Cyr  et  de  Mortier,  et  que  ce  fut  le  soir  à  5  heures 
seulement  qu'on  écrivit  au  général  de  marcher 
sur  Péterswalde.  Ils  purent  donc  s'échapper  par  la 
rampe  de  Gieshûbel  et  gagner  la  route  de  Péters- 
walde. 

On  ne  saurait  en  conséquence  attribuer  à  Van- 
iamme  le  passage  des  deux  généraux  ennemis. 
[Is  ne  gagnèrent  la  route  de  Péterswalde  que  par 
suite  de  Tordre  envoyé  le  28  au  malin  à  Van- 
iamme  d'attendre  l'arrivée  des  corps  de  Saint- 


—  808  — 

C\T  venant  île  l'ouesl  et  de  Mortier  venant  dn 
nord.  Queroii  iroublie  pas  encore  une  fois  que  Van 
damnîereçulle28,  à  cinq  heures  du  soir.  Tordre. 
qu'il  exécuta  de  suite,  de  se  porter  avec  le  l*'  corps 
sur  Péterswalde;  qu'on  n'oublie  pas  que  cet  ordre 
fut  exécuté  si  rapidement  qu'à  8  heures  et  demie 
le  jçénéral  écrivait  de  Hellendorf  au  major-géné- 
ral pour  l'informer  de  son  succès.  Mais  dans  la 
journée  Oslermann  et  le  prince  de  Wurtem- 
berg avaient  pu  gagner  Péterswalde.  Ils  avaient 
donc  devancé  le  1*'  corps  sur  la  route  de  Kulmet 
de  Tœplitz  (1). 

Le  28  août,  tandis  que  le  prince  de  Wurtem- 
berg et  Oslermann  se  portaient  sur  Hellendorf  el 
Péterswalde,  tandis  que  Barclay  de  Tolly  et  la 
masse  des  coalisés  se  jetaient  à  Touest  sur  Altem- 
berg,  l'Empereur,  des  hauteurs  de  Dresde,  voyant 
le  mouvement  général  transversal  et  craignant  que 
Marmont  ne  fût  pas  assez  fort,  ordonna  lui-même 
de  vive  voix  à  Saint-Cvr  de  se  rabattre  à  l'ouest  de 


(1)  M.  Thiers  dit  que  les  deux  généraux  ennemis  eurent  ce 
bonheur  parce  que  Vandamme  avait  eu  de  la  peine  a  traîner 
bon  artillerie,  ù  cause  du  mauvais  temps»  et  que  le  2H,  tn 
matin,  il  avait  été  surpris  par  Tapparition  des  Russes,  etc. 
(l>ago  3^,  volume  16).  C'est  là  une  erreur. 

Vandamme  avait  obéi  le  28  aux  ordres  de  TEmpereur,  comme 
il  obéit  le  29,  comme  il  obéit  le  30.  Si  on  ne  lui  avait  pas  pres- 
crit d'attendre  sa  jonction  avec  le  14*  corps,  si  le  maréchal 
S4iint-Cyr  eût  été  lancé  un  peu  plus  tôt  a  la  poursuite  des 
Allies,  ni  Ostcrmaan  ni  le  prince  de  Wurtemberg,  selon  toute 
apparence,  n'eussent  pu  gagner  llellendorr,  car  la  i^oule  fùl 
fté  banéc  pa»'  le  1"  corps. 


l! 


—  509  — 

Dohna  sur  Maxen  pour  soutenir  le  duc  de  Raguse, 
modifiant  ainsi  ses  premières  instructions,  en 
vertu  desquelles  Saint-Gyr  devait  rallier  Van- 
damme.  Napoléon  se  porta  ensuite  vers  Pirna. 
Arrivé  sur  ce  point,  vers  les  4  heures  et  demie  du 
soir  (ainsi  que  cela  résulte  de  la  dépêche  du  ma- 
jor général  à  Vandamme),  il  prit  un  léger  repas, 
ressentit  quelques  douleurs  d'entrailles  et  reçut 
fies  dépêches  lui  annonçant  les  revers  du  duc  de 
Reggio  du  côté  de  Berlin.  Ces  différents  motifs  le 
décidèrent  à  rentrer  à  Dresde.  D'ailleurs,  il  venait 
d'apprendre  que  la  colonne  prince  de  Wurtemberg 
et  Ostérmann  était  parvenue  à  gagner  la  route 
de  Péterswalde,  et  dès  lors  Vandamme  n'avait 
plus  à  la  couper ,  mais  à  la  suivre  vigoureuse- 
ment. 

L'abandon  de  la  direction  générale  du  mouve- 
ment de  poursuite  par  l'Empereur  à  ses  lieute- 
nants fut  un  grand  malheur.  Les  événements  se 
pressaient,  Napoléon  ne  pouvait  donner  des  ins- 
tructions qu'après  avoir  reçu  les  dépêches  de  ses 
lieutenants,  et  lorsqu'il  avait  expédié  un  ordre,  il 
était  la  plupart  du  temps  trop  taiti,  tandis  que  s'il 
eût  été  sur  le  terrain,  il  eut  donné  ses  instructions 
en  temps  opportun. 

Le  29  août,  dans  la  journée,  Marmont  eut  une 
affaire  brillante  à  Falkenheim,  entre  Dippodis- 
walde  et  Altemberg,  et  rendit  compte  que  l'en- 
nemi continuant  à  marcher  dans  cette  dernière 
direction/ il  se  mettrait  en  mouvemenl  le  lende- 


—  510  — 

main,  de  grand  malin,  pour  le  liarceler.  Sainl- 
CvT  de  son  côté  rendit  compte  également,  le  29  au 
soir,  que  l'ennemi  avait  abandonné  dans  la  nuit  du 
28  au  29  la  position  de  Maxen,  qu'il  l'avait  fail 
poursuivre  par  la  cavalerie  du  général  Pajol,  et 
que  toutes  les  colonnes  des  alliés  paraissaient  se 
retirer  par  la  mauvaise  roule  d'Altemberg,  défilé 
continuel  où  il  avait  laissé  le  duc  de  Raguse 
passer  le  premier,  deux  corps  ne  pouvant  s'y  en- 
gager ensemble. 

Tandis  que  les  6®  et  14®  corps  poursuivaient  les 
alliés  en  retraite  par  la  route  d'Altemberg,  que 
devenait  le  1^'  corps?  11  continuait  à  pousser  les 
colonnes  Ostermaun  et  Wurtemberg,  sur  Pélers- 
walde  et  Tœplitz,  comme  il  en  avait  reçu  Tordre, 
sans  s'inquiéter  de  ses  flancs  et  de  ses  derrière.«i, 
ainsi  que  cela  lui  avait  été  prescrit  d'une  manière 
formelle. 

Le  30  au  matin  de  nouveaux  ordres  furent  expé- 
diés de  rétat-major  général  à  Dresde,  pour  les 
maréchaux  Saint-Gyr  et  Mortier.  Le  premier 
reçut  celui  de  laisser  Marmont  suivrj  l'ennemi 
sur  Altemberg,  et  de  chercher  un  chemin  pour 
venir  appuyer  le  1^^  corps;  le  duc  de  Trévisedul, 
avec  les  divisions  Lefebvre-Desnouettes,  Roguet 
et  Decouz,  soutenir  au  b;:?soin  Vandamme.  La 
•dépêche  se  terminait  ainsi  :  •  Envovez  un  officier 
auprès  du  général  Vandamme  pour  voir  ce  qui  s'y 
passe  et  que  cet  officier  revienne  sur  le  champ.  - 


i 


—  51!  — 

11  était  trop  tard,  comme  on  le  verra.  Voici  ce  qui 
avait  motivé  ces  instructions  nouvelles. 
.  Dans  le  principe  TEmpereur  avait  espéré  que 
le  1*'  corps  réuni  au  14®,  soutenu  par  celui  du  duc 
de  Trévise,  pourrait  barrer  la  route  de  Péters- 
walde  par  laquelle  les  alliés  battus  devant  Dresde 
semblaient  vouloir  se  retirer  en  Bohême.  Dans  ce 
cas,  le  duc  de  Raguse  arrivant  sur  les  derrières 
des  colonnes  russes,  prussiennes  et  autrichiennes, 
c'était,  comme  nous  Tavons  dit,  un  désastre  pour 
l'ennemi. 

Le  28,  dans  la  journée,  apprenant  que  les  prin- 
cipales forces  des  alliés  avaient  changé  leur  ligne 
de  retraite  et  marchaient  pour  gagner  la  route 
d'Altemberg,  Napoléon  avait  prescrit  au  14®  corps 
de  laisser  le  V^  corps  et  de  soutenir  le  6®;  puis 
Vandamme  n'ayant  plus  devant  lui  que* le  corps 
d'Ostermann  et  du  duc  de  Wurtemberg,  il  l'avait 
lancé  à  leur  poursuite. 

Le  29,  les  dépêches  ayant  fait  connaître  que  les 
alliés  allaient  descendre  d'Altemberg  eu  Bohême 
par  Tœplitz,  Napoléon  fut  persuadé  que  Van- 
damme, s'il  était  renforcé,  pourrait  culbuter  les 
colonnes  en  retraite  devant  lui,  occuper  Tœplitz  et 
les  défilés  avant  l'arrivée  des  troupes  venant  d'Al- 
temberg et  qu'alors,  de  nouveau,  les  battus  de 
Dresde  seraient  maintenus  par  le  1®^  corps  en 
tête,  harcelé  en  queue  par  le  6^  11  donna  donc 
l'ordre  à  Mortier  de  mettre  trois  divisions  de  la 
garde  à  la  disposition  de  Vandamme,  et  à  Saint- 


-  514  - 

Cyr  celui  de  chorcher  un  passade  pour  rejoin- 
dre  le  général. 

Convaincu  que  Vandamme  ne  courait  nul  dan- 
ger, que  Sainl-Cyr  et  les  trois  divisions  de  Mor- 
tier arriveraient  à  temps  pour  garantir  les  der- 
rières et  les  flancs  du  i^^  corps,  il  prescrivit  au 
général  de  marcher  droit  sur  Tœplitz,  de 
donner  tête  baissée  sur  F  ennemi ,  sans  se  préoc- 
cuper en  rien  de  ses  flancs  et  de  ses  derrières. 
Vandamme  obéit  ponctuellement.  Nous  allons 
voir  quelle  fut  la  conséquence  de  sa  trop  grande 
docilité  aux  ordres  de  son  souverain,  et  par  quel 
singulier  hasard,  une  combinaison  très-belle  et 
des  plus  rationnelle  tourna  entièrement  au  désa- 
vantage de  l'armée  française. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  Vandamme,  fier  à 
juste  titre  du  succès  obtenu  le  28  à  Hellendorf, 
voyant  enfin  poindre  à  l'horizon  cette  récompense 
objet  de  ses  désirs,  le  bâton  de  maréchal  auquel 
il  avait  tant  de  droit,  ne  laisse  aucun  repos  à  l'en- 
nemi. Le  29  au  matin,  à  la  tète  de  son  avant- 
garde  formée  par  la  brigade  prince  de  Reuss,  il 
culbute  les  Russes  entre  Hellendorf  etPéterswaWe 
et  lui  fait2,000  prisonniers.  Franchissant  les  mon- 
tagnes à  la  suite  de  l'ennemi,  et  confiant  dans  les  as- 
surances qui  lui  avaient  été  données  que  ses  flancs 
et  ses  derrières  seraient  à  couvert  et  parfaite- 
ment garantis  par  Saint-Cyr  et  par  le  duc  de  Tré- 
vise,  il  descend  dans  la  plaine.  Des  hauteurs  il 
a   vu  déboucher  les  colonnes  ennemies  arrivant 


—  518  — 

pourchassés  par  la  roule  d' Allemberg  et  cherchant 
^  à  gagner  Tœplitz.   N'importe,  il  a  l'ordre   for- 
mel de  donner  tête  baissée  sur  Tœplitz.  Il  n'hésite 
I   pas  à  faire  ce  qui  lui  est  prescrit. 
!       Cependant  l'Empereur  Alexandre  avait  franchi 
^    TErz-Gebirge  le  29  au  matin  ;  parvenu  sur  le  re- 
vers méridional  de  la  montagne,  le  souverain  dé- 
couvrit d'un   coté  la  position   de  Kulm  sur  la- 
qu'elleVandamme  s'était  arrêté  en  face  des  Russes, 
de  l'autre  Tœplitz  et  la  vallée  de  l'Eger.  Il  fut 
effrayé  de  ce  qui  allait  avoir  lieu,  si  on  ne  parve- 
nait à  contenir  le  1®'  corps.  Les  généraux  enne- 
mis partagèrent  son  opinion  et  l'ordre  fut  envoyé 
à  Ostermann  et  au  prince  de  Wurtemberg  de  tenir 
bon,  coûte  que  coûte,  devant  Kulm.  Les  colonnes 
de  la  garde  russe,  les  troupes  prussiennes  qui 
commençaient  à  déboucher,  leur  disait-on,  par  la 
route  d' Altemberg,  leur  seraient  envoyées  aussitôt 
qu'elles  auraient  pu  être  formées. 

Toutefois,  il  fallait  quelques  heures  aux  alliés 
pour  mettre  en  ligne  des  renforts  suffisants.  Van- 
damme,  n'osant  enfreindre  les  ordres  formels 
qu'il  avait  reçus  de  l'Empereur  et  du  major  général, 
et  bien  qu'il  vît  les  colonnes  ennemies  s'arrêter 
et  augmenter  en  face  de  lui,  se  décida  après  en 
avoir  conféré  avec  le  général  du  génie  Haxo  et  ses 
généraux  de  division  à  brusquer  l'attaque.  II  n'a- 
vait encore  sous  la  main  que  la  brigade  de  Reuss 
avec  laquelle  il  avait  marché  depuis  le  matin, 
néanmoins  il  chassa  les  Russes  de  Kulm  et  du  vil- 
II  33 


—  M4  — 

lage  de  Straden.  Ce  dernier  emporté,  fl  se  trouva 
devant  une  posilion  assez  forte  protégée  par  un 
ravin.  L*ennemi  occupait  par  son  centre  le  \iilage 
de  Prieslen,  couronnant  un  plateau  et  dominante 
route  de  Kuim  à  Tœplilz.  Sa  droite  s'appuyait  à 
des  marais  et  au  village  de  Karbitz,  sa  gauche  aux 
montagnes.  L*altaque  de  Priesten  eut  lieu, 
eependanl,  mais  la  brigade  de  Reuss  fut  re- 
poussée par  les  gardes  russes  d'Ismaïlow.  Van* 
damme  n*ayant  ni  son  artillerie  ni  sa  ca>^erie, 
attendit  l'arrivée  de  la  42^  division  d*infantene. 
Dès  qu'il  eut  entre  les  mains  neuf  des  qualoite 
bataillons  de  cette  division  (Mouton-Duvemey)  il 
les  porta  lui-même  sur  sa  droite  vers  les  bois  et 
les  hauteurs  et  il  rejeta  Tennemi  sur  Priesten. 
Quarante  escadrons  de  la  garde  russe  venaient 
d'entrer  en  ligne  ;  ils  se  déployèrent  dans  la  plaine 
de  Karbitzen  se  prolongeant  sur  la  gauche.  Cette 
cavalerie  chargea  avec  fureur.  Les  bataillons  du 
générai  Mouton  la  continrent,  tandis  que  la  divi- 
sion Ck)rbinèau  qui  arrivait  sur  le  terrain,  à  la 
gauche  de  Vandamme,  Tarrèta  dans  les  prairies. 
Il  fut  impossible  toutefois  d'avancer  et  l'on  dut  se 
borner  à  conserver  le  terrain  conquis.  Vers  deux 
heures,  parut  la  l"*^  brigade  (Pouchelon)  de  la  di- 
vision Philippon.  Vandamme  se  hâta  de  faire  ren- 
forcer sa  droite  par  le  12^  de  ligne,  son  centre  par 
le  T  léger  et  de  renouveler  Tatlaque  de  Prieslen. 
Bientôt,  la  -2^  brigade  (de  Fezensac)  parut  et  fut 
également  engagée.  Le  7^^  léger  criblé  de  mitraille 


—  815  — 

à  l'attaque  de  Priesten,  sabréparla  cavalerie  russe 
fut  sauvé  par  cette  brigade  Fezeusac  ralliée  par 
son  chef  sous  le  feu  de  rennemi. 

Vandamme  voyant  que  la  résistance  devenait 
opiniâtre,  que  Tennemi  présentait  à  chaque  ins- 
tant de  nouvelles  forces,  se  repha  sur  les  hauteurs 
de  Kulm  qu'il  occupa  fortement.  Les  alliés  vou- 
lurent Ty  attaquer,  les  bouches  à  feu  delà  rései've 
du  général  Baltus  et  les  charges  de  cavalerie  les 
continrent.  Us  reprirent  la  position  de  Priesten,  la 
droite  aux  prairies,  la  gauche  aux  montagnes  cou- 
vrant la  route  de  Tœplitz. 

Le  lendemain  30  août,  Vandamme  ayant  52  ba« 
taillons,  une  belle  division.de  cavalerie  et  80  bou- 
ches à  feu,  se  consulta  avec  le  général  Haxo,  et 
résolut  de  se  maintenir  dans  sa  position  de  Kulm 
jusqu'à  l'arrivée  des  troupes  du  duc  de  Trévise  qui 
avaient  eu  l'ordre,  il  le  savait,  d'occuper  Pirna  et 
de  le  soutenir.  II  comptait  aussi  sur  l'arrivée  du 
14®  corps,  et  sur  la  diversion  faite  par  le  6®  du  côté 
d'AItemberg  (1). 

Dans  la  journée  du  29,  tandis  que  Vandamme 
était  aux  prises  avec  la  majeure  partie  des  forces 
des  alliés,  les  commandants  des  divers  corps 
engagés  à  la  poursuite  faisaient  connaître  à  l'Em- 


(I)  M.  Thiers  dit  que  le  29  au  soir,  Vandamme  rendit  compte 
à  Dresde  de  l'affaire  de  Kulm  et  demanda  des  secours.  La  chose 
est  possible,  probable  môme,  toutefois  nous  n*avons  trouvé 
trace  de  cette  dépêche  ni  dans  la  correspondance  de  Vandamme 
ni  au  dépôt  de  la  guerre. 


—  616  — 

pereur  leurs  succès  ;  ce  dernier  qui  malheureuse- 
ment était  à  Dresde  et  ne  pouvait  plus  juger  des 
choses  que  sur  les  rapports  qu*on  lui  faisait  et 
nullement  de  visu  crut  naturellement  que  Mar- 
montet  Saint-Gyr  forçaient  Tennemi  à  se  jeter  en 
désordre  dans  les  montagnes,  tandis  que  sur 
l'autre  revers,  Vandamme,  maitre  des  défilés, 
après  avoir  poussé  le  prince  de  Wurtemberg  el 
Ostermann,  élait  prêt  à  recevoir  les  fuyards  sur 
la  pointe  des  baïonnettes  du  1^^  corps  soutenu  par 
la  garde. 

Il  envova  donc  le  30  au  matin  les  nouveaux  or- 
dres  pressants  que  nous  avons  fait  connaître  ;  au 
duc  de  Trévise  celui  d'appuyer  Vandamme,  à 
Vandamme  celui  de  ne  s'occuper  ni  de  ses  flancs 
ni  de  ses  derrières  et  de  pousser  en  avant. 

Tandis  que  les  ordres  intempestifs  portés 
par  des  officiers  d'état-major  de  Berthier  étaient 
expédiés,  la  situation  changeait  complètement,  el 
une  circonstance  fortuite  allait  encore  Taggraver. 
Les  alliés  n'avaient  d'autre  but  que  de  contenir 
Vandamme  pour  donner  le  temps  aux  colonnes  eu 
retraite  de  défiler  par  la  route  de  Tœplitz,  mais 
ils  n'avaient  aucune  nouvelle  du  corps  prussien, 
celui  (le  Kleitz  qui  s'étant  retiré  par  Dippodis- 
waldc  devait  se  trouver  alors  entre  Vandamme  el 
Saint-Cyr.  Retardés  dans  leur  marche  par  le  mou- 
vement de  Barclav  de  Tolly,  les  Prussiens  de 
Kleitz  se  trouvaient  le  29  sur  le  revers  nord  des 
montagnes.  Un  officier  fut  envoyé    au  général 


prussien  pour  le  prévenir  de  la  présence  à  Kulm 
du  l^*"  corps  français.  On  lui  laissait  le  choix  de  la 
route  qu'il  aurait  à  prendre  pour  échapper  au 
danger  et  on  lui  promettait  de  tenir  ferme  le 
lendemain  devant  Kulm. 

Tel  était  Tétat  des  choses  le  29  à  minuit.  Le  30, 
les  deux  armées  étaient  en  présence.  La  gauche 
des  coalisés  (Russes)  aux  montagnes  ;  le  centre 
(Russes)  en  avant  de  Priesten  ;  la  droite  (Autri- 
chiens et  cavalerie)  aux  prairies  de  Karbitz.  L'en- 
nemi résolut  de  prendre  l'offensive  contre  Van- 
damme,  afin  de  favoriser  le  mouvement  de  Kleitz, 

Ici  nous  laissons  la  parole  au  général  Vandamme 
lui-même.  Voici  comment  dans  des  notes  écrites 
de  sa  main,  il  rend  compte  de  la  journée  du 
30  août  1813  : 

a  Le  général  Vandamme  relut  r ordre  positif 
de  l'Empereur,  qui  lui  fut  apporté  par  les  colonels 
Montesquieu  et  Stoffel,  et  les  ordres  itératifs  du 
prince  de  Wagram,  de  presser  les  opérations  et 
de  se  porter  en  toute  hâte  sur  TœpUtz  sans  qu'au- 
cune considération  ne  l'arrête.  Les  corps  d'ar- 
mée des  maréchaux  Saint-Cyr,  Victor  et  Mortier 
avaient  Tordre  de  suivre  le  1^'  corps.  L'Empereur 
et  le  major  général  répétaient  au  général  qu'il  ne 
devait  nullement  s'occuper  de  ses  flancs  ou  de  ses 
derrières  et  que  le  maréchal  Mortier  était  chargé 
de  la  garde  et  de  la  conduite  de  l'équipage  du  pont 
de  Pirna.  Le  général  Haxo  a  vu  ces  ordres  et  le 


-  518  — 

général  Vandamme  en  a  donné  connaissance  à  >es 
généraux  de  division  (  1  ). 

•  Le  30  août,  à  la  pointe  du  jour,  le  général 
Vandamme,  voyant  les  troupes  russes,  autri- 
chiennes, prussiennes,  réunies  eu  nombre  très- 
supérieur  au  rorps  d'Ostermann  qu'il  avait  com- 
baltu  et  repoussé  la  veille,  décida  de  se  tenir  sur 
une  stricte  défensive. 

«  Le  général  Haxo  approuva  ce  parti  qui  était  le 
seul  à  prendre.  Tous  les  détachements  rentrèreni 
tour  à  tour,  Tartillerie  et  les  munitions  retenues 
ou  retardées  par  les  défilés  et  les  mauvais  che- 
mins, arrivées  au  fur  et  à  mesure,  furent  placées  aux 
points  que  le  général  en  chef  indiqua.  Tout  con- 
courut à  une  très-vigoureuse  défense  qui  se  pro- 
longea au  delà  de  ce  que  Ton  pouvait  espérer  el 
exiger,  en  présence  d'un  nombre  aussi  supérieur 
d'ennemis. 

«  L'empereur  Alexandre  et  le  roi  de  Prusse 
étaient  présents  à  cette  attaque  et  les  princes  de 
Schwartzemberg  et  Barclay  de  ToUy  se  montrè- 
rent souvent  à  la  vue  de  nos  lignes  et  de  nos  bat- 
teries. 

•  Le  général  Vandamme  n'a  donc  pas  à  se  n^ 
procher  de  s'être  trop  avancé,  malgré  l'ordre  po- 
sitif qu'il  avait  de  son  souverain  et  du  major 
général,  mais  le  général,  qui  connaissait  l'Empe- 


(!)  Nous  expliquerons  plus  loin  pourquoi   ces  ordres  nont 
pas  été  tous  retrouvés. 


—  519  — 

I   reur  comme  il  connaissait  son  étal,  avait  vu. tout 

changer  autour  de  lui,  du  29  vers  midi,  date  des 

f    lettres  reçues,  à  la  pointe  du  jour  du  30.  Tout 

t    fuyait  devant  les  colonnçs  que  Sa  Majesté  com-r 

f    mandait,  contre  les  alliés,  depuis  Dresde  jus([u'à 

[    Tœplitz;  mais  l'Empereur  ayant  appris  les  succès 

I    du  prince  royal  de  Suède,  et  se  trouvant  forcé 

d'envoyer  le  maréchal  Ney,  au  secours  du  maréw 

chai  Oudinot,  fut  obligé  de  s'arrêter  lui-même,  et 

alors  les  aUiés  profitèrent  de  ce  mouvement  pour 

tourner  par   leur  gauche  la  droite  du  i*"^  corps, 

et  pour  l'attaquer  de  front  avec  les  forces  dis^if 

ponibles  des  trois  armées, 

«  Le  général  Vandamme  n'étant  pas  secouru 
par  les  corps  qui  devaient  au  moins  couvrir  ses 
derrières,  et  se  trouvant  tourné  par  les  Prussiens 
qui  lui  coupaient  la  retraite,  fut  forcé  de  rompre 
leurs  hgaes  à  différentes  reprises,  afin  de  se  reti- 
rer sur  le  corps  d'armée  du  maréchal  Saint-Cyr.  » 
Expliquons  cette  dernière  phrase  : 
Nous  avons  dit  que  le  corps  de  Kleist,  coupé 
de  l'armée  alliée  et  placé  entre  Saint-Cyr  et  Van-» 
damme,  sur  les  derrières  de  celui-ci,  sur  la  route 
de  Péterswalde  et  de  Hellendorf,  avait  été  prévenu 
qu'on  chercherait  à  iîaire  une  diversion  puissaate 
pour  le  sauver  du  l^*"  corps,  et  d'avoir  à  opérer 
son  mouvement  comme  il  l'eutendrait,  Kleist  sie 
trouvait  entre  les  routes  de  Péterswalde,  occupée 
par  le  l^*"  corps,  et  celle  d'Altemberg,  que  tanMl 
le  6^.  Il  u'hésita  pas  à  se  jeter  dans  ItNS ,  sepMers 


—  580  — 

qui  menaient  sur  le  revers  de  la  montagne  au 
risque  de  se  heurter  contre  les  troupes  de  Yan- 
damme.  Il  croyait  d'ailleurs  que  le  14*  corps  de 
Saint-Cyr  le  talonnait.    . 

Les  Prussiens,  devant  le  triple  danger,  gravirent 
la  montagne  qui  s'élevait  devant  eux,  résolus  à  se 
faire  jour  au  travers  du  1^"^  corps  s'il  le  fallait.  Ils 
avaient  marché  toute  la  nuit  du  29  au  30,  sans 
être  attaqués  par  Saint-Cyr,  et  avaient  découvert 
une  route  de  traverse,  passant  par  Furstenwalde 
et  Streeckenwalde,  et  les  conduisant  précisément 
sur  les  derrières  de  la  ligne  occupée  par  Van- 
damme.  Dès  que  Kleist  put  juger  de  la  situation 
nouvelle  et  vit  que  le  1*'  corps  avait  en  tète  cent 
mille  hommes  à  combattre,  il  commença  lui-même 
l'attaque  par  derrière  avec  ses  trente  mille  Prus- 
siens. 

Rendons  maintenant  la  parole  à  Vandamme. 

•  Forcé  de  passer  sur  le  corps  des  Prussiens 
à  différentes  reprises,  et  ne  pouvant  opérer  sa  re- 
traite que  par  le  défilé  très-resserré  par  lequel  il 
était  venu,  Vandamme  résolut  au  premier  mo- 
ment de  sa  défense  de  faire  le  sacrifice  de  son  ar- 
tillerie, ne  voulant  pas  s'exposer  à  voir  encombrer 
son  étroit  passage  et  perdre  beaucoup  plus  de 
monde  que  ne  valaient  quelques  pièces  de  canon. 
Il  prolongea  le  feu  de  son  artillerie  le  plus  tard 
possible  et  le  rendit  très-funeste  à  l'ennemi.  U 
laissa  peu  de  canonniers,  fit  partir  tous  les  che- 
vaux ,  fit  brûler  les  caissons  vides  et  ordonna  de 


—  521  — 

faire  sauter  ceux  dont  les  munitions  n'étaient  pas 
complètement  épuisées  lors  de  la  prise  des  batteries 

«  Le  général  ayant  vu,  au  commencement  de 
la  retraite  que  ses  ordres  ne  s'exécutaient,  pas 
avec  la  célérité,  l'exactitude  et  Tensemble  qu'il 
avait  prescrits,  prit  la  résolution  d'aller  lui-même 
donner  ses  instructions  et  les  faire  exécuter.  Il 
s'exposa  beaucoup  et  fut  contraiftt  de  diriger  lui- 
même  les  principales  défenses  de  front,  et  les  at- 
taques sur  les  derrières  pour  faire  ouvrir  le  pas- 
sage à  ses  colonnes.  C'est  après  avoir  fait  passer 
la  dernière  colonne  que  commandait  le  jeune  gé- 
néral Montesquieu  de  Fezensac,  qu'il  fut  fait  pri- 
sonnier, étant  seul,  sans  escorte  et  sans  officier 
d'état-major,  afin  d'être  moins  remarqué  de  l'en- 
nemi et  plus  prompt  à  se  porter  partout.  Déjà  le 
général  Haxo  était  tombé  au  pouvoir  des  alliés.   • 

Afin  de  ne  rien  laisser  dans  le  doute  sur  cette 
affaire  de  Kulm ,  nous  allons  faire  suivre  notre 
récit  de  quelques  documents  importants,  ou  de  leur 
analyse. 

Le  30  août,  le  maréchal  Gouvion  Saint-Gyr 
qui  aurait  pu  avoir  rejoint  Vandamme  ou  qui,  du 
moins,  n'aurait  pas  dû  quitter  le  corps  de  Kleist, 
écrivait  de  Lauestein  à  quelques  lieues  au  nord- 
ouest  de  Kulm,  la  lettre  suivante  au  major  gé- 
néral : 

«  Mon  prince,  conformément  à  la  lettre  que  Votre 
Altesse  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire  ce  matin,  j'ai 
cherché  un  chemin  pour  me  porter  entre  le  sixième 


—  82t  — 

et  lo  premier  corps,  j'ai  passé  par  Glashutle  et 
Diltersdorf;  j'espère  que  mon  artillerie  passera  le 
grand  ravin  de  Giashulle  et  m'arrivera  ce  soir. 
Mon  avant-garde  était  échelonnée  sur  la  roule 
d'Ailemberg,  par  conséquent  n'est  arrivée  qu'après 
mon  infanterie.  Je  suis  arrivé  avec  la  tête  de  cette 
infanterie  sur  les  cinq  heures  du  soir  au  village  de 
Libeneau  au  moment  où  un  gros  corps  de  troupes 
y  arrivait  dans  le  plus  grand  désordre.  Aussitôt 
qu'un  peloton  de  cavalerie  fut  arrivé  nous  le  re- 
connûmes ;  il  s'est  trouvé  que  c'était  le  1^'  corps 
d'armée  ;  il  a  arrêté  sa  marche  et  s'est  rallié  sur 
nous.  L'aide  de  camp  du  général  Gorbineau  vous 
donnera  les  détails  de  la  catastrophe  arrivée  à  ce 
corps  d'armée.  J'ai  prévenu  ce  soir  le  maréchal 
Marmont  qui  canonnait  ce  soir  en  avant  d'Altem- 
berg;  on  croit  que  le  premier  corps-est  suivi,  et 
que  l'ennemi  débordera  demain  matin  notre  gau- 
che. L'avantage  qu'il  a  eu  étant  assez  considéra- 
ble pour  le  déterminer  à  prendre  l'offensive,  il  me 
paraîtrait  bien  nécessaire  que  le  corps  du  duc  de 
Trévise  s'avançât  sur  la  route  de  Péterswalde  et 
sur  la  vieille  route  de  Tœplitz,  à  peu  près  à  notre 
hauteur.  Sa  Majesté  jugera  mieux  que  moi  ce  qu'il 
sera  convenable  de  faire,  j'attends  ses  ordres.  » 
Le  même  jour,  le  duc  de  Trévise  qui,  avec  un 
peu  d'initiative  et  d'entente  de  la  guerre,  eut  pu, 
sans  attendre  les  ordres  de  l'Empereur,  soutenir 
Vandannne   en  envoyant  de  Pirna  à  Hellendorf 
une  ou  plusieurs  de  ses  divisions,  reçut  du  m^or 


—  523  — 

;énéral  la  lettre  suivante,  et  lui  en  répondit  trois 
utres  dans  la  journée. 

NAPOLÉON    A    MORTIER. 

•  Dresde,  30  août  1818.  . 

«  Mon  cousin,  écrivez  au  duc  de  Trévise  de 
outenir,  avec  les  divisions  Lefebvre-Desnouettes, 
loguet  et  Decouz,  le  général  Vandamme,  s'il  en  a 
•esoin.  Envoyez  un  officier  auprès  du  général 
/'andamme  pour  savoir  ce  qui  s  y  passe  et  que  cet 
fficier  revienne  sur-le-champ.   » 

Première^  lettre  de  Mortier  au  major  général . 
<  Pirna,  3  heures  de  l'après-inidi. 

•  Monseigneur,  en  conséquence  de  Tavis  que 
/otre  Altesse  me  donne  par  sa  lettre  de  ce  jour, 
e  fais  prendre  les  armes  à  la  troupe  sous  mes  or- 
Ires,  pour  appuyer  si  cela  est  nécessaire  le  géné- 
ral Vandamme  à  qui  j'envoie  un  officier. 

«  Dans  ce  moment,  le  général  Lefebvre-Des- 
louettes  m'annonce  qu'une  colonne  de  7  à  8,000 
i^russiens,  avec  une  nombreuse  artillerie,  arrive 
mr  Pirna,  par  la  route  de  Péterswalde,  Je  vais 
ne  porter  en  avant  pour  la  reconnaître.   » 

Deuxième  lettre, 

f  5  heures  du  soir. 

«  Monseigneur,  j'étais  en  marche  pour  me  por- 


—  544  — 

ter  sur  Pelerswalde  et  reconnaître  la  colonne  dont 
je  vous  ai  parlé  cette  après-midi,  je  rencontre  le 

général du  corps  du   général   Vandamme. 

D'après  son  rapport  il  y  aurait  eu  aujourd'hui  à 
Kulm  près  Karbitz,  une  affaire  fâcheuse  où  le 
1^"^  corps  aurait  été  compromis.    Je   vous  envoie 

cette  lettre  par  le  colonel qui  s'est  trouvé 

à  l'affaire  et  qui  pourra  vous  donner  les  rensei- 
gnements que  vous  lui  demanderez. 

•  Je  pense  qu'il  conviendrait  d'échelonner  der- 
rière moi  les  !'•  et  2*  divisions  de  la  jeune  garde 
qu'on  me  dit  être  rentrées  à  Dresde.  J'ai  devant 
moi  un  corps  ennemi  dont  je  ne  puis  trop  évaluer 
la  force  ;  îl  serait  considérabte  si  le  rapport  d'un 
prisonnnier  que  nous  venons  de  faire  est  exact.  • 

Troisième  lettre, 

c  10  heures  du  soir.  • 

«  Monseigneur,  je  me  suis  porté  à  deux  lieues 
d'ici  sur  la  route  de  Peterswalde,  pour  avoir  des 
nouvelles  du  général  Vandamme;  des  officiers, 
des  soldats  qui  s'échappaient  m'ont  tous  confirmé 
la  nouvelle  du  désastre  qui  a  eu  lieu  aujourd'hui  à 
Kulm  près  de  Karbitz,  et  que  je  vous  ai  annoncé. 

«  Le  directeur  du  parc  du  1^'  corps  que  j'aivn, 
m'a  assuré  que  toute  l'artillerie,  et  celle  de  laré- 
sene  a  été  prise  ;  on  dit  le  général  Vandamme 
blessé  et  au  pouvoir  de  T ennemi  ;  cependant  un 
fourrier  du  train  m'a  assuré  qu'il  l'avait  suivi  pen- 


—  628  — 

danl  quelque  temps,  et  qu'il  croyait  qu'il  s'en 
était  tiré.  Il  paraîtrait  qu'il  a  combattu  contre  des 
troupes  fraîches  arrivées  de  Tœplitz  et  d'Aussig. 

«  J'ignore  où  se  trouve  le  corps  du  général 
Saint-  Cyr,  mais  il  est  probable  que  si  l'ennemi 
profite  de  l'avantage  qu'il  a  eu  dans  la  journée,  il 
cherchera  à  se  glisser  entre  lui  et  moi,  et  à  gagner 
avant  moi  la  tète  des  défilés  qui  conduisent  à  Dresde. 

«  Dans  cet  état  de  choses,  je  compte  me  porter 
sur  Leuben  et  Dobritz,  afin  de  me  rapprocher  de 
Dresde.  Je  laisserai  au  camp  retranché  de 
Lilienstein  le  régiment  qui  s'y  trouve,  et  avec 
lequel  on  pourra  communiquer  par  la  rive  droite. 
Je  prie  Votre  Altesse  de  me  faire  connaître  les 
ordres  de  Sa  Majesté  par  le  retour  de  l'officier 
porteur  de  la  présente,  »' 

Lettre  da  commissaire  ordonnateur  du 
i^^  corps  au  major  général. 

31  août  1813. 

«  Monseigneur,  Votre  Excellence  doit  être  déjà 
instruite  de  l'échauffourée  qui  a  eu  lieu  hier  au 
\^^  corps.  Quelques  efforts  que  j'aie  faits  pour  con- 
server le  matériel  de  l'administration  ou  du  moins 
une  partie,  ils  ont  été  vains.  A  l'exception  de 
quelques  chevaux  du  10^  bataillon  du  train  des 
équipages,  tout  le  reste  a  été  abandonné  sur  le 
champ  de  bataille.  Il  a  été  impossible  de  ramener 
im  seul  caisson.  Artillerie,  trésor,  postes,  baga- 
ges, matériel  d'ambulance,  tout  y  est   resté.  Le 


personnel  n*a  pas  élé  plus  heureux,  beaucoup 
d'eniployés  d'adminislration  ont  du  être  tués  ou 
pris  ;  je  n'ai  pas  encore  retrouvé  un  seul  officier 
de  santé.  Je  n'ai  auprès  de  moi  que  le  directeur 
principal  des  hôpitaux,  deux  directeurs  d'ambu- 
lance, l'inspecleur  des  vivres  viande,  faisant 
fonctions  de  directeur  et  un  commis  aux  wTes 
pain.  Je  m'occupe  de  rallier  ici  tout  ce  qui  aura 
pu  échnpp»^r  au  désastre,  personnel  et  matériel, 
mais  je  compte  sur  peu  de  chose  relativement  à 
ce  dernier  objet.  Je  suis  ici  avec  le  noyau  de  la 
^  division  commandé  par  le  général  Dumonceau, 
que,  dans  notre  retraite,  protégée  par  le  25*  de  li- 
gne, nous  avons  repris  d'entre  les  mains  des 
Prussiens.  On  ignore  quel  a  été  le  sort  de  Son 
Excellence  M.  le  général  comte  Vandanune,  Son 
chef  d'état-major  M.  le  général  Revest  s'est, 
dit-on,  rendu  celle  nuit  à  Dresde. 

•  Lorsque  Técliauffourée  a  eu  lieu,  j'étais  à 
rambulance  au  village  de  Kulm  et  mes  papiers 
étaient  au  camp,  sous  le  village,  à  un  quart  de 
lieue  avec  mes  bagages,  mes  domestiques  et  mes 
chevaux,  à  l'exception  d'un  seul  qui,  une  demi- 
heure  après,  a  été  tué  sous  moi.  Il  en  résulte  que 
j'ai  tout  ])erdu,  papiers,  domestiques,  chevaux, 
effets,  il  n(*  me  récite  absolument  rien  que  ce  que 
j'ai  sur  le  corps.  En  outre  de  cela,  j'ai  la  main 
droite  foulée  et  une  forte  contusion  à  la  jamlje 
qui  m'enpôche  de  marcher  et  qui  provient  d'une 
baHc  morte.  Je  n'ai  auprès  de  moi  aucun  commis- 


—  Dr/  — 

saire  des  guerres  du  corps  d'armée  ;  j'ignore  ce 
qu'ils  sont  devenus.  Oserai-je  supplier  Votre  Ex- 
cellence de  me  permettre  de  me  rendre  à  Dresde 
pour  m'y  remonter  et  m'y  rééquiper,  ne  pouvant 
rentrer  en  campagne  dans  l'état  ou  je  me  trouve.  » 

Rapport  de  l'aide  de  camp  du  général  Van- 
damme  (M.  de  Kœnigsegg ). 

«  Le  30  août,  à  dix  heures  du  matin,  le  1* 
corps  d'armée  fut  attaqué  près  le  village  de  Kulm, 
par  les  armées  combinées  russe,  autrichienne  et 
prussienne.  Une  colonne  ennemie  s'étant  présen- 
tée sur  la  route  de  Peterswalde,  le  général  en  chef 
ordonna  à  M.  de  Kœnigsegg,  son  aide  de  camp, 
de  porter  Tordre  à  M.  le  général  Gobrecht  d'atta- 
quer celte  colonne  et  de  nettoyer  la  route,  afin 
que  le  i^  coips  ne  fût  pas  coupé.  Cet  ordre  fut 
exécuté  par  le  9®  de  lanciers  qui,  après  une  charge 
brillante,  prit  les  pièces  de  l'ennemi,  et  se  main- 
tint dans  sa  position.  Cependant  une  colonne 
d'infanterie  prussienne  s'étant  présentée  avec  de 
Tartillerie,  le  général  en  chef  ordonna  de  nou- 
veau à  M.  de  Kœnigsegg  de  faire  marcher  six 
bataillons  d'infanterie  et  une  demi-batterie  d'ar- 
tillerie légère  pour  soutenir  M.  le  général  Go- 
brecht. Ce  mouvement  ayant  été  exécuté  avec 
beaucoup  de  vigueur,  l'ennemi  fut  forcé  de  rester 
dans  sa  position  sans  pouvoir  avancer  un  seul  pas. 

«  Le  général  en  chef  de  son  côté,  se  voyant 
attaqué  de  front  par  une  force  très-considérable 


prescrivit  à  M.  le  chef  de  Latailloo  d*aitilkrie  <k 
Coisy  de  porter  l'ordre  à  M.  le  général  Baitos  de 
concentrer  une  partie  de  rartiiierie  sur  la  hauteur 
en  avant  de  Kulm,  et  de  faire  feu  Jusqu'à  la  der- 
nièrt'  extrémité;  ce  qui  fut  e3Lccutê.  Plusieurs  ca- 
nonniers  furent  sabrés  sur  leurs  pièces.  Le  géné- 
ral en  chef  donna  ordre  au  général  Philippc*D  4e 
faire  venir  la  ^  brigade,  comme  étant  la  plus 
faible,  pour  la  placer  sur  la  gauche  de  notre  ar- 
tillerie et  soutenir  le  général  Gobrecht  :  cet  ordre 
fut  transmis  par  M.  le  chef  de  bataillon  deCoisy 
et  le  mouvement  fut  exécuté,  mais  le  général  en 
chef  se  voyant  pressé  de  toutes  parts  par  rarmée 
ennemie,  fit  donner  l'ordre  au  général  Philippoo 
par  M.  le  capitaine  de  Berckeim,  officier  d'étal- 
major,  de  se  retirer  avec  le  reste  de  sa  division 
pour  gagner  la  grande  route  de  Peterswalde  en 
côtoyant  les  bois  afin  de  protéger  la  retraite.  Ce 
mouvement  fut  commencé,  mais  au  rapport  de 
M.  de  Berckeim  une  partie  des  équipages  qui 
cherchait  à  gagner  les  bois  intercepta  tellement  la 
marche  de  cette  division  qu  elle  fut  forcée  elle- 
méoie  de  se  jeter  dans  le  bois.  Un  nouvel  ordre 
ayant  été  donné  à  cette  division  d'exécuter  le  pre- 
mier mouvement  ordonné,  l'officier  chargé  de  le 
porter  ne  trouvant  plus  la  di\ision  fut  obligé  de  le 
laisser  sans  ex(H:nl ion.  Depuis  ce  moment  la  dé- 
roule fut  complète. 

•  Quant  à  la  division  Dumonceau  qui  formait 
la  gauche  du  l*'  corps,  elle  fut  forcée  de  se  retirer 


—  829  — 

par  la  plaine,  elle  exécuta  ce  mouvement  dans  le 
meilleur  ordre  en  repoussant  toutes  les  charges 
de  cavalerie.  » 

Rapport  sur  les  mouvements  et  affaires  du 
1^^  corps,  depuis  le  24  août  jusqu'au  8  sep- 
tembre, parle  chef  d'état-major  (Revest). 

«  Camp  de  Racknitz,  8  septembre  1813. 

«  Le  i^^  corps  reçut  Tordre,  le  25  août,  de  se 
porter  sur  Kœnigstein,  et  de  passer  l'Elbe  pour  se 
diriger  sur  le  plateau  de  Pirna. 

«  Le  dernier  mouvement  se  fit  le  26;  on  ren- 
contra Tennemi  dans  la  plaine;  il  fut  repoussé 
jusque  sous  Pirna,  quoique  Tartillerie  du  V^ 
corps  ne  fût  pas  encore  arrivée. 

«  Le  27,  le  1®''  corps,  ayant  reçu  son  artillerie, 
continua  son  mouvement,  culbuta  l'ennemi,  en- 
leva le  plateau  de  Pirna  et  s'empara  de  la  ville. 

•  Le  28,  il  marcha  par  la  route  de  gauche  sur 
Gieshùbel,  où  l'ennemi  perdit  une  pièce  de  canon; 
Tavant-garde  s'établit  à  Hellendorf. 

»  Le  29,  le  corps  d'armée  continua  son  mouve- 
ment, repoussa  l'ennemi  par  Peterswalde,  où  il 
lui  fit  2  à  3,000  prisonniers  ;  le  combat  fut  conti- 
nuel, de  position  en  position,  depuis  Peterswalde 
jusqu'à  Kulm.  En  prenant  les  hauteurs  de  Hel- 
lendorf, un  boulet  atteignit  le  général  de  brigade 
prince  de  Reuss;  cet  officier  général,  distingué  par 

II.  34 


—  530  — 

sa  bravoure  et  ses  talents  militaires,  mourut  quel- 
ques heures  après. 

«  L'ennemi  prit  position  à  une  lieue  en  avant  de 
Kulm,  sa  gauche  du  côté  de  Tœplitz,  et  sa  droite 
dans  la  direction  de  l'Elbe  et  d'Aussig, 

•  Le  l*"^  corps  prit  position  immédiatement  en 
avant  de  Kulm,  sur  la  hauteur,  sa  droite  aux 
montaj^nes,  et  sa  gauche  sur  les  mamelons,  dans 
la  direction  d'Aussig.. 

«  Le  30,  à  8  heures  1/2  du  matin,  Tennemi  fit 
déboucher  par  Tœplitz  deux  fortes  colonnes  d  m- 
fanterie  ;  une  tourna  de  suite  la  gauche  du  corps 
d  armée  et  l'autre  vint  en  attaque  sur  Kulm;  dès 
le  matin  il  s'était  emparé  en  force  du  col  de  Hel- 
lendorf. 

«  Dans  cette  situation,  on  ordonna  au  1*'  corps 
la  retraite  sur  Hellendorf. 

•  La  V^  et  la  42*  divisions,  qui  tenaient  la  droite 
de  la  ligne,  ne  pouvant  arriver  sur  Kulm,  se  jetè- 
rent dans  les  montagnes,  à  droite. 

«  La  2*  division,  la  brigade  Quiot  de  la  23*  di- 
vision, deux  bataillons  du  46*  et  un  batail- 
lon du  72®,  qui  étaient  de  la  brigade  Reuss,  se 
trouvèrent  engagés  avec  toute  Tartillerie  et  les  ba- 
gages du  V^  corps. 

«  Une  partie  de  la  cavalerie  avait  fait  une  trouée, 
l'autre  avait  gagné  dans  les  montagnes  à  droite, 
après  avoir  combattu. 

«  Les  troupes  qui  étaient  au  combat  firent  des 
efforts  extraordinaires;  la   colonne  ennemie  qui 


—  531  — 

avait  pris  position,  dès  le  matin,  à  Hellendorf,  et 
qui  avait  descendu  le  col,  éprouva  de  très-gran- 
des pertes.  Elle  fuyait  de  toute  part,  abandonnant 
son  artillerie  ;  mais  la  colonne  ennemie  qui  se 
porta  sur  Kulm,  n'ayant  trouvé  aucune  résistance, 
vint  tomber  sur  ce  qui  restait  encore  de  la  2®  divi- 
sion, de  la  brigade  Quiotet  de  la  brigade  Reuss. 
La  fortune  changea  de  face;  le  i^^  corps  perdit 
son  artillerie,  ses  bagages  et  son  général  en  chef 
qui  fut  fait  prisonnier. 

«  Les  autres  officiers  généraux  et  d'état-major, 
perdus  dans  l'affaire  du  30,  $ont  indiqués  sur  l'état 
ci-joint  au  présent  rapport. 

«  Sa  Majesté  Impériale  a  ordonné  la  réunion 
du  1^"^  corps  en  25  bataillons,  conformément  à 
rétat  de  situation  ci-joint.  » 

L'Empereur  apprit  la  nouvelle  du  désastre  de 
Kulm  dans  la  nuit  du  30  au  31  août.  Il  fît  écrire, 
à  5  heures  du  matin,  à  Saint-Cyr,  de  couvrir  la 
route  de  Peterswalde  à  Dresde  ;  à  Mortier,  de 
prendre  position  en  avant  de  Pirna  ;  à  Marmont, 
de  s'établir  à  la  droite  du  14®  corps,  ayant  le  duc 
de  Bellune  sur  sa  propre  droite.  Il  craignait  que 
Tennemi  ne  voulût  se  porter  sur  Dresde, 

Dans  la  journée,  plusieurs  rapports  furent  faits 
à  l'Empereur  sur  l'affaire  du  V^  corps.  Le  baron 
de  Trobriant,  dan,s  le  sien,  écrivit  :  «  On  ne  sait 
rien  de  positif  sur  le  général  Vandamme.  Un  of- 
ficier de  son  état-major  a  assuré  à  M.  le  mare- 


—  532  — 

chai  duc  de  Trcvise  qu'il  s'était  brûlé  la  cer- 
velle. » 

C'est  après  avoir  reçu  ce  message  que  TEmpe- 
reur  écrivit  au  duc  de  Raguse,  le  i^^  septembre: 

•  Mon  cousin,  le  duc  de  Tarente  est  aujour- 
d'hui sur  Goerlitz.  S'il  continue  à  se  laisser 
pousser,  il  serait  possible  que  je  fusse  obligé  de 
marcher  le  3  sur  Bautzen.  Mon  intention  est  d'y 
mener  votre  corps  avec  ma  garde.  Soyez  donc  à 
Dippoldiswalde,  de  manière  à  pouvoir,  en  un 
même  jour,  passer  les  ponts  à  Dresde.  Ce  mal- 
heureux Vandamme,  qui  paraît  s'être  tue, 
n'avait  pas  laissé  une  sentinelle  sur  les  hau- 
teurs, ni  une  réserve  nulle  part  ;  il  s  était  en- 
gouffré dans  un  fond,  sans  s'éclairer  en  au- 
cune façon.  Cependant  il  m'arrive  beaucoup  de 
monde  de  son  corps  ;  presque  tous  les  généraux 
sont  arrivés,  et  il  est  aussi  arrivé  déjà  15,000 
hommes  ;  de  sorte  que  je  pense  que  ma  perte  ne 
sera  que  de  4  à  5,000  hommes.  » 

Le  lendemain,  l'Empereur  manda  à  Berthier  : 

«  Mon  cousin,  le  secrétaire  particulier  du  gé- 
néral Vandamme  se  trouve  à  Dresde.  Faites 
mettre  les  scellés  sur  ses  portefeuilles.  Vous  en 
retirerez  tous  les  papiers  relatifs  à  l'armée  ou 
aux  affaires  d'État  ;  et  les  papiers  particuliers  du 
général  seront  cachetés  et  envoyés  à  sa  famille.  » 

Vandamme  ne  s'était  pas  tué;  nous  dirons  plus 
loin  ce  qu'il  était  devenu.  L'Empereur  l'accusait 
injustement  de  s'être  engouffré  dans  un  fond, 


—  533  — 

ans  s'éclairer.  Vandamme  n'avait  agi  ainsi  que 
ur  des  ordres  formels.  On  n'était  pas  fâché  de 
oir  disparaître  les  traces  de  ces  ordres  ;  on  fit 
irréter  son  secrétaire  pour  saisir  les  papiers  du 
général.  C'était  peine  inutile.  Vandamme  avait 
lonné  lecture  de  ces  ordres  à  plusieurs  de  ses 
jénéraux,  entre  autres  au  général  Haxo,  et, 
m  moment  d'être  fait  prisonnier,  il  les  avait 
inéantis. 

Ce  que  nous  avançons  là  ressort,  non-seule- 
nent  de  ce  que  le  général  a  écrit,  de  ce  que  nous 
ivons  exposé  plus  haut,  mais  de  la  correspon- 
lance  suivante,  à  laquelle  l'affaire  de  Kulm  donna 
lieu. 

Le  10  février  1826,  M.  de  Norvins,  auteur 
l'une  histoire  de  l'Empereur  Napoléon  P',  écrivit 
m  duc  de  Bassano  (père  du  duc  actuel  et  alors 
1  Paris)  la  lettre  suivante  : 

«  Monsieur  le  duc,  on  m'a  reproché  d'avoir 
rendu,  dans  le  portefeuille  de  1813,  M.  Vandamme 
responsable  de  la  malheureuse  affaire  de  Kulm. 
de  général  était  dernièrement  à  Paris  et,  chez  le 
général  Bertrand,  en  présence  de  plusieurs  offî- 
ners  généraux  et  notamment  à  la  requête  du  gè- 
lerai Haxo,  il  déclara  avoir  reçu  deux  ordres  pour 
narcher  sur  Tœplitz ,  l'un  signé  de  l'Empereur 
lui-même,  l'autre  du  prince  de  Neufchàtel  ;  M.  le 
général  Gourgaud,  à  qui  j'allai  faire  part  de  cette 
iéclaration,  me  dit  qu'elle  était  d'autant  plus  fon- 
iée,  qu'il  croyait  bien  se  rappeler  avoir  écrit  lui- 


Fonlre  de  i^Empereor  soos  sa  dictée  ;  Jenai 
pas  besoin  de  toos  dire^  MoDsîeiir  le  duc,  combien 
Il  TéhâcatioQ  de  ce  fail  est  importante  pour  mon 
ouvrage  et  combien  aassi  la  rectificaticMi  de  ceqœ 
j'ai  cm  devoir  écrire  intéresse  mon  honneur  conane 
lionmie  et  comme  écrivain.  An  moment  de  pabËer 
ane  seconde  édition^  il  est  de  mon  devoir  de  ré- 
parer ce  que  mon  livre  peot  contenir  d'erreurs 
et  surtoat  de  celles  qui  peuvent  faire  peser  un 
grand  reproche  sur  un  chef  d*armée.  Ayant  a{^ris 
que  le  génial  Vandanmie  avait  llionneur  d*étre 
omnu  de  vous»  je  m'adresse  à  vous.  Monsieur  te 
duc^pourvous  prier  dehii  faire  connaître  toute  mon 
inquiétude  et  le  désir  que  j'éprouve  d^èlre  mis  par 
lui  en  état  de  rétablir  les  Esûts.    Or,  je  ne  vois 
qu*un  seul  moyen  authentique  »  ce  serait  que  le 
général  Vandanmie  voulût,  sur  votre  demande  di- 
recte, vous  envoyer,  certifiée  par  lui,  la  copie  de 
ces  deux  ordres  et  celle  de  la  correspondance  da 
quartier  impérial,  par  laquelle  il  aurait  dû  lui  être 
donné  avis  que  son  mouvement  serait  soutenu  par 
le  maréchal  Saint -Gyr,  Mortier  et  Bellune.  Ceci 
est  la  légalisation  historique  des  premiers  ordres 
pour  le  mouvement  sur  Tœplitz  ;  de  cette  manière, 
je  rétablirai  les  Sauts,  et  justice  serait  rendue  i 
chacun  selon  ses  œuvres.  Je  dois  sgouter  que  le 
général  Vandamme  a  déclaré  hautement  avoir  été 
abandonné  par  eux  et  n  avoir  pas  à  se  plaindre 
de  l'Empereur.  Le  général  Haxo  a  dit  aussi  qœ 
trois  fois  le  gâiéral  Vandanmie  lui  avait  lu  Vor- 


—  535  — 

dre  de  marcher  sur  Tœplitz,  ordre  dont  il  avait 
été  porteur,  mais  que  cet  ordre  ne  lui  avait  pas 
été  lu  tout  entier  ;  vous  voyez,  Monsieur  le  duc,  que 
ee  sont  ces  deux  ordres  dans  leur  entier  dont  il  est 
important  d'avoir  une  copie  bien  fidèle,  car  mon 
esprit  n'est  pas  encore  bien  convaincu  de  la  gra- 
vité de  mes  torts  ;  je  suis  prêt  à  les  reconnaître 
et  à  les  réparer,  si  je  reçois  par  votre  entremise 
les  témoignages  écrits  de  Tobligation  imposée  au 
général  Vandamme,  non  de  s'arrêter  sur  les  hau- 
teurs de  Péterswalde  pour  y  couper  la  retraite  des 
Prussiens  de  Kleist,  mais  d'aller  à  Tœplitz  même 
fermer  aux  Autrichiens  la  retraite  sur  la  Bohême. 

«  Veuillez,  Monsieur  le  duc,  instruire  le  général 
Vandamme  de  la  démarche  que  je  fais  auprès  de 
vous  et  le  prier  de  ne  mettre  aucun  retard  pour 
l'envoi  des  pièces  que  je  demande.  Je  réclame 
avec  confiance  et  avec  instance  votre  honorable 
intervention  dans  cette  affaire,  où  se  trouvent  éga- 
lement intéressés  l'honneur  du  général  Vandamme 
et  le  mien.  > 

Quelques  jours  après  la  réception  de  cette  let- 
tre, le  10  février  1826 ,  le  duc  de  Bassano  écrivit 
à  Vandamme  retourné  à  Gand  : 

«  Monsieur  le  comte,  dans  les  derniers  mo- 
ments de  votre  séjour  à  Paris,  une  indisposition 
qui  dure  encore  m'a  empêché  d'exécuter  le  projet 
que  j'avais  formé  d'aller  prendre  une  ou  deux 
heures  de  votre  temps.  Je  voulais  m'instruira 
auprès  de  vous  de  quelques  circonstances  rela- 


—  836  — 

tives  au  seul  événement  contraire  que  vous  ajei 
éprouvé  dans  votre  longue  et  brillante  carrière. 

«  J'écris  des  mémoires,  vous  le  savez  mon  géné- 
ral et  vous  pensez  bien  que,  quoique  je  ne  me  per- 
mette guère  d'émettre  des  opinions  sur  les  faits 
militaires,  il  est  difficile  qu*ils  ne  se  rattachent 
pas  quelquefois  et  par  quelque  côté  aux  choses 
dont  j'ai  été  le  témoin.  Ainsi,  lorsque  la  nouvelle 
de  l'affaire  de  Kulm  fut  apportée  à  l'empereur 
par  le  général  Corbineau,  j'étais  là,  je  recueillis 
toutes  les  impressions  du  moment,  j'entendis  ce 
qui  fut  dit  d'honorable  pour  vous,  je  remarquai  et 
retins  dans  ma  mémoire  des  traits  qui  donnent  la 
mesure  du  caractère   du   grand  homme;  mais 
je  fus  aussi  spectateur  de  débats  avec  le  prince 
de  Neufchâtel  et  de  recherches  dans  les  livres 
d'ordre  et  dans  la  correspondance,  d'où  il  résul- 
terait pour  moi  que  vous  auriez  marché  sur  Tœp- 
litz  ou  sans  ordres,  ou  malgré  des  contre-ordres 
qui  vous  auraient  été  transmis.  J'aurais  bien  soup- 
çonné alors  quelque  manquement  grave  du  prince 
de  Neufchâtel,  dont  il  n'aurait  pas  eu  le  courage  de 
faire  l'aveu.  Ces   soupçons  suffiraient-ils  pour 
éclaircir  le  fait  aux  dépens  d'un  homme,  qu'à  la 
vérité  j'ai  vu  trop  souvent  abandomier  par  fai- 
blesse, ou  par  jalousie,  le  courage  trompé  dans 
ses  efforts  et  la  gloire  malheureuse  une  fois? 

•  Je  voulais  donc  vous  demander,  mon  général, 
des  éclaircissements  et  même  une  copie  des  ordres 
qui  vous  ont  été  transmis.  Je  me  proposais  de 


—  537  — 

vous  les  demander  pour  mon  propre  compte, 
ponr  m' éclairer  et  pour  m'éviter  de  répandre  par 
mes  récits  des  impressions  contraires  à  la  vérité. 
Tallais  vous  écrire  à  co  sujet,  lorsque  j'ai  reçu 
3e  matin  la  lettre  ci-jointe.  Elle  est  de  M.  Norvins, 
écrivain  distingué  et  ami  du  vrai.  Vous  ne  pou- 
irez  désapprouver  le  sentiment  qui  la  dictée. 
Veuillez,  en  répondant  à  la  demande  que  je  vous 
adresse  pour  moi,  me  prescrire  ce  qu'il  vous 
>onvient  que  je  dise  à  M.  Norvins.  Il  est  réellement 
xoublé  de  son  erreur,  comme  si  elle  avait  été 
rolontaire,  et  il  ne  désire  rien  tant  que  d'avoir  la 
preuve  de  son  tort  pour  le  réparer  dans  sa  nou- 
velle édition.   » 

Le  20  février,  Vandamme  répondit  de  Gand  au 
iuc  de  Bassano  : 

«  Monsieur  le  duc,  j'ai  l'honneur  de  répondre 
i  votre  très-flatteuse  lettre  du  10  courant  dans 
aquelle  se  trouve  celle  de  M.  Nomns,  du  10  cou- 
•ant  adressée  à  Votre  Excellence  ;  je  n'ai  lu  ces 
ettres  qu'hier  à  mon  retour  de  mes  terres  de 
21uland. 

«  Je  vous  détaillerai  ici  Monsieur  le  duc,  pour 
/eus  d'abord,  et  pour  M.  Norvins,  si  cela  vous 
convient,  tout  ce  qui  est  relatif  à  l'affaire  de 
KLulm  où  je  fus  victime  d'un  mauvais  voisin. 

«  L'Empereur,  ayant  résolu  de  quitter  les  deux 
Silésies  et  de>  porter  ses  plus  grandes  forces  sur 
Dresde  et  Kœnigstein,  m'appela  à  son  quartier 
général  impérial  à  Stolpen,  où  Sa  Msgesté  me 


—  538  — 

confia  sa  résolution  de  forcer  les  ennemis  à  quit- 
ter l'entreprise  dirigée  contre  Dresde,  et  de  faire 
tous  ses  efforts  pour  battre  les  alliés  et  les  con- 
traindre de  rentrer  en  Bohême. 

•  L'Empereur  me  chargea  de  me  rendre  de 
suite  à  Kœnigstein,  et  d'y  réunir  le  plus  tôt  pos- 
sible le  1^'  corps  d'armée  que  je  commandais  pour 
attaquer  et  battre  le  corps  russe,  commandé  par  le 
général  Ostermann  et  un  duc  de  Wmtemberg,  et 
forcer  ce  corps  d'armée  de  quitter  le  camp  de 
Pirna,  ce  que  je  fus  assez  heureux  d'exécuter  en 
36  heures  ;  après  quoi  je  reçus  Tordre  itératif  et 
par  duphcata  du  prince  major  général  de  forcer  le 
passage  de  Péterswalde,  de  pénétrer  en  Bohême, 
et  de  faire  tous  mes  efforts  pour  arriver  à  Tœplitz, 
où  je  trouverais  Tartillerie,  les  caissons  et  les  baga- 
ges d'une  armée  en  déroute....;  que  je  ne  devais 
m* inquiéter,  ni  de  mes  ttancs,  ni  de  mes  der- 
rières, ni  attendre  après  les  détachements  que 
J'avais  laissés  dans  les  déûlés  de  F  Elbe  que  je 
venais  de  traverser,  que  le  maréchal  Saint-Cyr 
me  suivrait  de  très-près  avec  son  corps  d'ar- 
mée, que  le  duc  de  Bel  lune, 'appuierait  le  ma- 
réchal Saint'4^yr,  que  Je  ne  devais  plus  m' oc- 
cuper des  ponts  de  haquet  que  f  avais  laissés 
sur  FElbe  à  Pirna  ;  que  le  duc  de  Trévise,  com- 
mandant la  jeune  garde,  appuierait  le  mouvement 
du  corps  du  duc  de  Bellune,  et  se  chai^rait  de 
cet  équipage  de  pont;  un  ordre  particulier  de 
rBmpenor  me  répéta  tes  deux  ordres  du  prinœ: 


—  639  — 

le  premier  m'a  été  apporté  par  le  colonel  Stoffel, 
suisse  de  Tétat-major  général,  et  Tordre  de  l'Em- 
pereur et  le  duplicata  par  Anatole  Montesquieu. 
Vousjugerez  facilement,  Monsieur  le  duc,  que  si  je 
n'avais  pas  reçu  les  ordres  les  plus  positifs  de  Sa 
Majesté  et  du  prince  de  Neufchàtel,  de  la  part  de 
TEmpereur,  je  ne  me  serais  pas  engagé  dans  ces 
défilés  et  je  n'aurais  pas  essayé  de  pénétrer  par 
Kulm,  sur  Tœplilz,  preuve  que  j'avais  Tordre  de 
faire  tous  mes  efforts  pour  y  arriver  le  plus  promp- 
tement  possible,  et  que  les  corps  d'armée  susdits 
appuieraient  mon  mouvement. 

•  Le  maréchal  Saint-Gyr,  occupait  les  pre- 
mières hauteurs  près  de  Hellendorf,  d'où  le  corps 
du  général  prussien  Kleist  a  débouché  pour  se 
placer  sur  mes  derrières,  sans  qu'un  seul  de  ses 
soldats  nous  ait  donné  le  moindre  secours.  Le  gé- 
néral Haxo,  commandant  alors  Tarme  du  génie  de  la 
garde,  qui  était  auprès  de  moi,  le  général  Corbineau 
qui  fut  blessé  en  avant  de  Kulm ,  savent  très-bien 
que  j'avais  reçu  ces  ordres.  Et  qui,  dans  le  monde, 
pourrait  croire  que  j'eusse  pris  sur  moi  de  tenter 
une  telle  entreprise?  A  chaque  heure  des  officiers 
de  l'Empereur  suivaient  mon  mouvement  et  le 
général  Haxo,  lui-même,  en  aurait  sans  doute  in- 
formé l'Empereur  qui  m'aurait  arrêté  ou  rappelé* 

«  Je  dois  aussi  observer  à  Votre  Excellence, 
qu'après  avoir  fait  tous  mes  efforts  le  premier  jour 
pour  forcer  le  général  Ostermann,  qui  a  eu  le  bras 
emporté  dans  ce  premier  combat,  je  me  suis  bien 


—  840  — 

gardé  le  deuxième  jour  de  m'avancer  dans  la 
plaine,  car  pas  un  des  soldats  du  1^^  corps  d'ar- 
mée que  je  commandais  n*a  dépassé  le  ruisseau 
qui  est  la  défense  de  Kulm,  et  qui  coulait  partout  à 
portée  de  mes  batteries  que  j'avais  établies  défeii- 
sivement.  Prévoyant  que  je  pouvais  être  forcé  à 
me.  retirer  par  le  défilé  de  Péterswalde,  avant 
d  être  secouru  des  corps  qui  m'avaient  été  annoncés, 
j'avais  pris  la  résolution  dès  la  pointe  du  jour  de 
faire  le  sacriflce  de  mes  canons  et  de  mes  bagages 
et  entre  autres  les  miens  propres,  pour  ne  pas  en- 
combrer le  défilé  en  cas  de  presse,  ayant  eu  la  pré- 
caution de  renvoyer  vers  Pirna  mes  caissons 
d'artillerie  vides,  mes  chariots  de  vivres  que  les 
distributions  avaient  rendu  disponibles,  et  qui 
me  servirent  à  évacuer  mes  malades  et  mes  blessés; 
je  me  décidai  à  sacrifier  mon  artillerie  après  la  plus 
vigoureuse  défense,  et  ne  laissant  que  peu  de  cais- 
sons et  presque  pas  de  munitions  et  pas  un  cheval 
des  équipages  d'artillerie.  Je  m'étais  décidé  à  cette 
mesure,  lorsqu'à  la  pointe  du  jour  j'avais  vu  et 
bien  acquis  la  certitude  que  non-seulement  le 
corps  d'armée  du  général  Ostermann,  mais  des 
forces  très-considérables  des  gardes  russes  et 
prussiennes,  et  plusieurs  gi*andes  divisions  des 
trois  armées  marchaient  contre  moi.  La  déroutede 
la  veille,  qui,  comme  un  torrent,  débouchait  par  les 
vallées  de  Geising  et  de  Zinnwald,  venant  de 
Dresde  sur  Tœplitz,  avait  cessé,  ce  qui  me  prou- 
vait que  les  troupes  n'étaient  plus  poursuivies  par 


—  541  — 

Empereur  qui,  selon  moi,  avait  changé  ses  ma- 
lœuvres,  comme  cela  était  effectivement,  ce  que  je 
l'ai  su  que  longtemps  après  ma  captivité.  J'espé- 
ais  toujours  les  secours  promis  par  Sa  Majesté  et 
3  prince  major  général.  Le  maréchal  Saint-Cyr 
f  arriva  pa,s,  et  forcé,  pour  assurer  la  retraite  de 
haque  régiment,  brigade,  ou  division  de  percer 
a  ligne  prussienne  qui  avait  débouché  à  Hellen- 
lorf,  je  finis  par  être  pris  par  des  cosaques  de  la 
farde  impériale  russe,  un  instant  après  que  le  gè- 
lerai Haxo  avait  été  fait  prisonnier,  et  que  j'avais 
ait  passer  une  colonne  que  commandait  le  géné- 
al  Montesquieu  de  Fesenzac. 

«  Comme  vous  pouvez  faire  tel  usage  qu'il  vous 
)laira  de  ma  longue  lettre.  Monsieur  le  duc,  je 
lois  observer  à  Votre  Excellence,  que  pas  un  seul 
égiment,  bataillon  ou  détachement  n'a  été  enlevé 
iabré  ou  enfoncé  par  des  charges  ennemies,  cau- 
sées par  de  fausses  manœuvres  de  notre  part,  et 
[u'en  tous  ces  combats,  l'ennemi  porte  lui-même 
;es  pertes  devant  le  1®''  corps,  depuis  Pirna  jus- 
[u'en  avant  de  Kulm  à  14,000  hommes,  et  les 
lôtres  à  9,000  hommes  :  un  ordre  du  jour  de 
îarclay  de  Tolly  en  fait  foi.  Je  n'ai  pas  voulu  faire 
mprimer  l'historique  de  ce  malheureux  événement 
)our  ma  justification  parce  que  j'aurais  été  forcé 
l'accuser  des  chefs  qui  ont  encore  les  moyens  de 
•endre  service  à  la  patrie,  et  que  déjà  dans  maintes 
)Ccasions  nos  ennemis,  français  ou  étrangers,  ont 
îu  à  rire  de  nos  débats  et  de  nos  divisions.  Au 


-  644  — 

reste,  Monsieur  le  duc,  vous  savez  mieux  que  beau- 
coup d'aulres,  combien  j*ai  toujours  aimé  ma  patrie 
que  j'ai  servie  de  mon  mieux,  très-souvent, en  expo- 
sant ma  vie ,  et  que  j'ai  été  en  tout  temps  noblement 
dévouéau  grand  capitaine  qui  a  tant  illustré  la  nation 
et  l'armée,  quoiqu'il  ne  m'ait  pas  accordé  autant 
de  grâces  qu'à  tant  d'illustres  ingrats.  Monsieur  le 
duc,  je  dois  tous  ces  détails  à  votre  ancienne  amitié, 
à  voire  vieille  estime  pour  moi.  Je  vous  dirai 
qu'ayant  été  pris  tout  à  la  fin  de  cette  terrible 
journée,  au  moment  que  le  général  Haxo  avait 
été  jeté  par  la  mitraille  à  bas  de  son  cheval  à  mes 
côtés,  exposé  à  tous  les  coups,  à  une  mort  à  la- 
quelle je  n'ai  échappé  que  par  miracle,  je  n'ai  rien 
à  me  reprocher  que  de  n'avoir  pas  plus  songé  à 
ma  propre  retraite  que  j'ai  pu  opérer  dix  fois  ;  mais 
il  restait  encore  des  Français  à  sauver. 

«  Je  dois  encore  vous  dire.  Monsieur  le  duc,  que 
lorsque  le  16  janvier  dernier,  veille  de  mon  départ 
deParis,je  me  suis  trouvé  chez  le  général  Bertrand, 
le  général  Haxo  s'y  trouvait;  je  ne  l'avais  pas^^l 
depuis  notre  captivité  à  Tœplitz;  ce  général  me 
rappela  et  déclara,  en  présence  de  beaucoup  de 
généraux,  qu'en  descendant  le  défilé  de  Péters- 
walde,  bien  en  arrière  de  Kulm,  je  lui  avais 
observé  en  passant  devant  la  vallée  de  Hellendorf, 
par  laquelle  les  Prussiens  ont  débouché  :  que  si 
Je  n* avais  pas  f  ordre  de  ne  pas  m' occuper  de 
mes  flancs  et  de  mes  derrières,  f  aurais  laissé 
là  un  corps  et  que  très-certainement  le  rnavé- 


—  543  — 

cbalSaint-Cyr  y  placerait  sa  prcmièrcdivision, 
ce  qui  était  très-naturel. 

«  Depuis  mon  retour  des  prisons  de  Russie,  j'ai 
su  que  le  lieutenant  général  Thûmen,  Prussien, 
qui  avait  son  quartier  général  à  ma  campagne  à 
Cassel,  avait  dit  à  différentes  reprises  que  je  n'a- 
vais dû  mon  malheur  qu'à  l'abandon  où  m'avaient 
réduit  la  négligence  et  la  lenteur  au  moins  du  ma- 
réchal Saint-Cyr,  et  que  le  roi  de  Prusse  a  lui- 
même  beaucoup  craint  de  perdre  le  corps  du  général 
Kleist,  vivement  compromis  si  le  corps  du  maré- 
chal Saint-Cyr  m'avait  secondé.  Si  le  duc  de  Bas- 
sano  désirait  des  éclaircissements  plus  étendus  sur 
sur  l'affaire  de  Kulm,  M.  Frosté,mon  ancien  secré- 
taire intime,  répondrait  avec  vérité  à  toutes  les 
questions  qui  lui  seraient  faites.  J'ai  cru,  Monsieur 
le  duc,  de  joindre  ici  la  lettre  originale  de  M.  Frosté 
que  je  vous  prie  de  conserver  devers  vous  jusqu'à 
ce  que  par  bonne  occasion  vous  puissiez  me  la 
renvoyer. 

«  Je  finis,  Monsieur  le  duc,  ces  longs  détails  qui 
vous  fatigueront  probablement,  mais  que  je  devais 
en  réponse  à  votre  lettre,  à  la  vérité  et  à  tous  mes 
sentiments  pour  vous.  » 

Le  duc  de  Bagsano ,  après  avoir  communiqué 
à  M.  de  Norvins  la  lettre  de  Vandamme,  lui  ré- 
pondit le  10  avril  1826  : 

«  Monsieur  le  comte,  j'ai  reçu  à  sa  date  la  ré- 
ponse que  vous  avez  bien  voulu  me  faire  le  21  fé- 
vrier. Je  l'ai  communiquée  aussitôt  à  M.  de  Nor- 


—  M4  — 

vins.  Nous  nous  sommes  alors  occupés,  lui,  dans 
rinlérétde  la  vérité,  et  moi  dans  un  double  intérêt 
puisquMl  s'agissait  aussi  du  vôtre,  de  recherches 
qui  n  ont  pas  été  sans  fruit.  La  complaisance  de 
M.  le  général  Dumas  nous  a  procuré  le  moyen  de 
compulser  le  livre  d'ordres  du  prince  de  Neuf- 
chàtel,  où  nous  avons  trouvé  les  trois  ordres  dont 
je  joins  ici  la  copie  textuelle.  M.  de  Norvins  rec- 
tifiera en  conséquence,  dans  sa  nouvelle  édition, 
l'article  qui  vous  concerne. 

«  Je  n*ai  pas  eu  besoin  de  consulter  M.  Frosté, 
et  quoique  j'eusse  été  charmé  de  faire  sa  connais- 
sance, j'ai  craint  de  le  déranger  inutilement.  Je 
vous  renvoie  sa  lettre  du  2  septembie  1813. 

«  Je  vous  prie,  mon  général,  de  me  renvoyer 
aussi  la  lettre  de  M.  de  Norvins  que  j'ai  jointe  à 
la  mienne  du  11  février.  • 

Les  trois  ordres  dont  lo  duc  envoyait  la  copie 
au  général,  sont  :  celui  du  28  août,  écrit  près  de 
Pirna  et  que  nous  avons  donné  in  extenso: 
celui  du  30  août,  de  l'Empereur  à  Berthier,  pour 
le  duc  de  Trévise,  et  une  dernière  lettre  du  30  août 
1813,  onze  heures  et  demie  du  matin,  adressée  par 
le  major  général  à  Vandamme.  La  voici  : 

•  Je  vous  envoie,  général,  un  officier  de  mon 
état-major  pour  savoir  ce  qui  se  passe.  J'ai  donné 
l'ordre  au  duc  de  Trévise  de  vous  soutenir  avec 
une  partie  de  ses  troupes,  si  vous  en  aviez  besoin. 
Renvoyez-moi  sur-le-champ  l'officier  que  je  vous 
expédie.  » 


Des  deux  dernières  lettres  il  résulte  quo  TEm- 
pereur  savait  Vandamme  en  marche  sur  Tœplitz 
et  que  Tordre  était  donné  à  Mortier  de  le  soute- 
nir, ce  que  le  maréchal  ne  fit  pas  plus  que  Saint- 
Cyr. 

Voici  maintenant  une  lettre  du  4  mars  1826, 
du  secrétaire  de  Vandamme,  qui  expUque  ce 
que  sont  devenus  les  ordres  originaux  portés 
au  commandant  du  1"  corps  par  des  officiers  du 
prince  de  Neufchâtel  et  de  l'Empereur. 

«  Mon  général,  j'espère  bien  que  vous  ne 
pensez  pas  que  je  mette  de  la  froideur  à  vos 
intérêts.  Je  m'en  suis  occupé  et  je  m'en  occupe 
encore,  avec  le  zèle  que  vous  m'avez  toujours  vu 
mettre  à  ce  qui  vous  touche,  et  sur  lequel  vous  de- 
vez toujours  compter. 

«  Il  sera  bien  que  vous  adressiez  au  duc  de 
Bassano  ce  que  vous  avez  de  renseignements  sur 
l'affaire  de  Kulm.  Mais  j'ai  en  mains  et  j'ai  mon- 
tré à  M.  de  Norvins  les  documents  les  plus  irré- 
fragables qui  établissent  cette  affaire  dans  tout  son 
jour.  M.  de  Norvins  est  tout  à  fait  édifié  et  prépare 
depuis  plusieurs  jours  un  article  qui  redresse  com- 
plètement l'opinion  qu'il  a  émise  sur  cette  affaire. 
Je  suis  armé  jusqu'aux  dents  et  je  fournirai  les 
renseignements  que  je  me  suis  procurés  à  force 
de  recherches.  /7s  sont  sans  réplique. 

«  M.  de  JS'orvms  m'avait  dit  que  vous  aviez  an- 
noncé chez  le  duc  de  Bassano  avoir  les  ordres  qui 
vous  prescrivaient  de  marcher  sur  Tœplitz.  Je  lui 


—  546  — 

«i  réi>ondu  que  la  communication  qu'il  en  attendait 
de  vous  était  impossible,  parce  que  je  vous  avais  mi 
dccliirercesordresau  moment  où  vous  me  renvoyiez 
dans  Kulm  pour  y  prendre  et  brûler  le  grand  chiffre 
de  rarmée.  J'ai  en  effet  eu  le  temps  de  faire  cet 
auto-da-fé  et  d  y  joindre  une  lettre  que  vous  écri\iez 
à  la  comtesse.  Je  ne  saurais  donc  trop  vous  enga- 
ger, mon  général,  à  vous  tranquilliser  maintenant 
sur  cette  circonstance  qui  intéresse  si  vivement 
votre  gloire.  Je  sais  où  sont  les  documents  ofli- 
ciolsy  et  je  les  ferai  lire  à  qui  de  droit.  Je  dois 
revoir  M.  de  Norvins,  avec  qui  je  suis  entré  en  re- 
lations. II  est  désespéré,  ce  sont  ses  expressions, 
d'avoir  aventuré  son  opinion  sur  l'affaire  de  Kulm, 
qu'il  no  connaissait  que  d'après  les  bulletins,  et 
que  par  conséquent  il  ne  connaissait  pas.  > 

Enfin,  le  3  novembre  1826  et  le  3  janvier  1827, 
le  général  Haxo  écri\ît  de  Paris  à  Vandamme  : 

«  Mon  général,  il  se  publie  à  Berlin  une  suite 
de  plans  et  de  relations  des  combats  les  plus  im- 
portants de  la  dernière  guerre.  L'auteur,  M.  le 
major  Wagner,  s'adresse  à  moi  pour  obtenir  des 
renseignements  sur  l'affaire  de  Kulm. 

«  Vous  jugerez  peut-être  convenable  de  four- 
nir à  ces  Prussiens  ce  qu'ils  demandent,  afin  que 
l'histoire,  composée  sur  leurs  documents,  ne  vous 
traite  pas  comme  ont  fait  quelques  écrivai Heurs  de 
Paris.  J'espère  d'après  cela  que  vous  voudrez  bien 
me  mettre  on  état  de  répondre  convenablement  à 
M.Wagner,  et  je  prends  la  liberté  do  vous  deman- 


der  communication  des  notes  que  vous  pouvez  avoir 
sur  laforce  des  troupes  et  leurs  manœuvres,  depuis 
la  passage  de  l'Elbe  jusqu'à  la  journée  do  Kulm. 

«  Veuillez  être  persuadé,  mon  général,  que  je  ne 
me  mêlerai  dans  cette  affaire  que  pour  aider  à  ré- 
tablir la  gloire  du  corps  d'armée  que  vous  com- 
mandiez, et  pour  vous  donner  une  nouvelle  preuve 
de  la  haute  considération  avec  laquelle  j'ai  l'hon* 
Dieur  d'être,  etc. 

•  Mon  général,  je  prends  la  liberté  de  vous  rap- 
peler la  promesse  que  vous  avez  bien  voulu  me 
faire  par  votre  lettre  du  8  novembre  dernier,  rela- 
tivement aux  renseignements  qu'on  me  demande 
sur  l'affaire  de  Kulm.  Le  major  prussien  est  pressé 
de  publier  son  ouvrage  et  méfait  sentir  que  mes 
notes  pourraient  arriver  trop  tard.  Je  serais  fâché 
de  voir  s'échapper  ainsi  l'occasion  qui  se  présente 
de  donner  au  public  une  idée  exacte  d'une  affaire 
malheureuse  sur  laquelle  on  n'a  pas  encore  dit  la 
vérité  jusqu'ici.  » 

Vandamme,  choqué  probablement  de  ce  que  le 
général  Haxo  n'eût  pas  pris  l'initiative  et  fourni 
lui-même  à  l'auteur  prussien  des  matériaux  qu'il 
eût  été  plus  en  position  que  qui  que  ce  fût  de  lui 
adresser,  lui  répondit  le  30  janvier  1827  : 

t  Monsieur  le  général,  j'ai  relu  votre  dernière 
lettre,  et  après  mûre  réflexion,  je  n'écrirai  pas  à 
M.  le  major  Wagner  sur  l'afiairede  Kulm.  Leduc 
de  Dassano,  M.  le  général  Duuias  et  M.  de  Nor-^ 
vinsontentre  leurs  mains  les  copies  desordres  que 


—  648  — 

j'ai  reçus  dans  le  temps  de  Tempereur  Napoléon  el 
du  prince  de  Wagram,  major  général.  J'ai  répon- 
du à  diverses  questions  qui  m'ont  été  faites  par  le 
général  Jomini,  aide  de  camp  de  l'empereur  de 
Russie,  et  je  pense  iàbornerma  correspondanceaa 
sujet  de  cette  affaire.  S'il  vous  convient,  Monsieur 
le  générai,  de  fournir  quelques  renseignements  à  ce 
major  piussien,  personne  n'est  plus  à  même  que 
vous  de  lui  faire  connaître  la  véritable  situation 
de  notre  position  à  Kulm,  où  vous  avez  tout  n 
aussi  bien  que  moi.    • 

En  note  de  la  copie  de  cette  lettre,  on   trouve 
écrit  de  la  main  du  général  : 

«  Cette  copie  doit  être  jointe  aux  lettres  du  gé- 
néral Haxo.  Le  général  commandait  dans  le  temps 
de  l'affaire  de  Kulm  l'arme  du  génie  de  la  garde 
impériale.  Il  s'est  trouvé  près  de  moi  à  cette  expé- 
aition,  parce  qu'il  avait  été  chargé  antérieurement 
par  l'Empereur  d'examiner  la  partie  de  la  Bohème 
le  long  de  l'Elbe,  parce  que  nous  étions  au  dé- 
pourvu de  bonnes  cartes.  Ce  général,  très-ins- 
truit, galant  homme,  etc.,  etc.,  m'accompagnail 
dans  la  descente  du  défilé  du  haut  de  Kulm,  lors- 
que je  lui  observai  que  j'aurais  laissé  une  brigade  à 
Hellendorf,oixle  prince  de /îe^ss,  général  de  bri- 
gade, venait  d'expirer,  si  je  n'avais  pas  F  ordre 
très-expresse  de  ne  pas  m'occuper  de  mes  flancs 
et  derrières,  les  corps  des  maréchaux  Saint-Cvr 
Bellune  et  Trévise  me  suivant  dans  le  grand 
défilé  de  Peterswalde  à  Kulm , 


—  849  — 

«  Ce  général  ne  m'a  pas  quitté  durant  les  diffé- 
rents combats.  Il  a  été  fait  prisonnier  presque  «en 
même  temps  que  moi,  après  avoir  été  jeté  en  bas 
de  son  cheval  d'un  grain  de  mitraille  qui  l'avait 
atteint  à  la  poitrine.  Nous  avons  été  conduits  en- 
semble devant  l'empereur  Alexandre  au  château 
de  Kulm,  et  ensuite  à  Tœplitz. 

«  Ce  général  a  rappelé  lui-même,  enjanvier  1826, 
à  Paris,  chez  le  général  Bertrand,  ce  que  je  lui 
avais  dit  à  la  descente  de  Peterswalde,  en  route 
pour  Kulm,  etc.,  etc.  » 

Nous  croyons  avoir  donné  tous  les  documents 
de  nature  à  bien  établir  que  dans  cette  affaire  il  y 
a  eu  beaucoup  de  coupables,  mais  que  Vandamme 
n'eut  rien  à  se  reprocher. 

Le  premier  coupable  est  la  fatalité  qui  ramena 
Napoléon  à  Dresde  et  l'empêcha  de  suivre  une  opé- 
ration dont  il  regardait  le  succès  comme  infaillible, 
tant  elle  était  bien  préparée.  Ce  retour  de  l'Empe- 
reur dans  la  capitale  de  la  Saxe  perdit  tout,  car 
s'il  eût  été  sur  le  terrain,  s'il  eût  vu  le  changement 
de  route  des  aUiés,  il  eût  renforcé  Vandamme  par 
le  duc  de  Trévise  non  pas  le  30  août,  lorsqu'il  était 
trop  tard,  mais  dès  le  29  au  matin.  La  position  de 
Hellendorf  eût  été  occupée,  et  le  corps  de  Kleist 
fait  prisonnier. 

Le  second  coupable  est  Saint-Cyr,  qui  n'a  pas 
suivi  Kleist  ;  le  troisième  Mortier,  qui  manqua 
d'initiative. 

Cette  affaire  de  Kulm  eut  les  plus  désastreuses 


•  _ 

COnsétpienoes  pour  la  fin  de  la  campagne.  Dans 
tous  les  ouvrages  où  nous  en  avons  lu  la  relation 
plus  ou  moins  dctaillcc,  nous  ne  l'avons  trouvée 
appréciée  avec  vérité,  avec  impartialité,  que  dans 
VHistoire  du  Consulat  of  de  l'Empire,  de 
M.  Thiers. 

Le  Moniteur  universel  du  10  septembre  an- 
nonça la  mort  de  Vandamme.  Il  n'en  était  rien.  On 
a  raconté  de  plusieurs  manières  la  réception  du 
général  par  rcmpereur  Alexandre,  sa  captivité  en 
Russie.  Personne  n'était  plus  à  môme  que  lui  de 
faire  connaître  la  façon  dont  il  avait  été  traité,  et 
voici  ce  qu'il  a  écrit  à  cet  égard  : 

•  Le  général  Vandamme  fut  annoncé  à  Tempe- 
reur  Alexandre.  Sa  Majesté  Impériale  envoya  le 
grand-duc  Constantin  au-devant  du  général  pri- 
sonnier. Le  grand-duc  lui  adressa  son  compli- 
ment de  condoléance  sur  sa  captivité  et  le  félicita 
de  sa  longue  et  glorieuse  défense.  Le  général  fut 
conduit  près  do  l'empereur,  qui  le  reçut  avec  bonté 
ot  lui  adressa  également  des  compliments  sur  sa 
défense.  Il  fut  mené  avec  le  général  Haxo  à  Tœp- 
litz.  Le  lendemain,  il  fut  dirigé  sur  Moscou,  où  il 
fut  traité  avec  égards  par  le  comte  Rostopcliine,  et 
avec  la  plus  grande  bienveillance  par  beaucoup  de 
seigneurs  russes,  dont  l'esprit  hospitalier  et  che- 
valeresque est  bien  connu.  Le  général  passa  cinq 
mois  dans  cette  capitale,  sans  avoir  à  se  plaindre 
de  personne,  et  il  fut  depuis  conduit  à  Viasma,  à 
trois  cents  lieues  de  Moscou,  à  l'époque  où  les 


—  55i  — 

alliés  résolurent  le  passage  du  Rhin  et  Tattaque 
de  la  France.  » 


LIVRE  XIII  &  DERNIER- 


De  1814L  à  1815. 


Vandamme  revient  en  France,  en  1814.  —  l\  est  calomnié.  — 
Réfutation  des  accusations  portées  contre  lui. —  Lettres  qui 
lui  sont  écrites.  —  Il  est  envoyé  en  mission  extraordinaire 
dans  le  Nord,  en  avril  1815,  après  le  retour  de  l'Empereur. 

—  Il  est  nomme  pair  de  France  et  reçoit  le  commandement 
du  3«  corps  de  l'armée  du  Nord.  —  Son  entrée  en  campagne 
en  juin  1815.  —  Combat  contre  le  général  Zicthen  (15  juin) 
Bataille  de  Ligny  (16  juin). —  Rôle  de  Vandamme.  — Marche 
sur  Wavro  (17).  —  Combat  de  Wavre  (18).  —  Retraite  sur 
Namur  et  sur  Paris  (du  19  au  30  juin). —  Armée  de  la  Loire. 

—  Vandamme  proscrit.  —  Son  séjour  à  Limoges,  Olivet, 
Vierzon,  Gand,  Philadelphie. —  Son  retour  en  France  (1819). 
Dernières  années  de  sa  vie.  —  Sa  mort  en  1830  (15  juillet). — 

•  Coup  d'œil  sur  l'ensemble  de  sa  vie  militaire. 


Vandamme  resta  en  Russie  jusqu'à  l'époque  où 
es  prisonniers  français  furent  rendus  par  l'empe- 
•eur  Alexandre.  Voulant  alors  favoriser  le  retour 


—  552  — 

dans  leur  patrie  de  bon  nombre  d'officiers  sescom- 
paj^nons  d'infortune,  il  fréta  à  ses  frais  dans  le 
port  de  Riga  un  navire,  la  CoffAnna  Dorothea, 
appartenant  à  des  armateurs  de  Copenhague,  les 
sieurs  Erick  Nisson,  et  ayant  pour  capitaine  un 
nommé  Johan  Pelerson. 

Le  général  s'embarqua  avec  ses  compagnons 
d'armes  dans  le  port  de  Riga  au  mois  de  juillet, 
pour  revenir  en  France  par  Copenhague  et  Dun- 
kerque.  A  cette  même  époque,  le  bruit  se  répandit 
dans  sa  famille  que  le  grand -duc  Constantin  ayant 
eu  une  discussion  des  plus  vives  avec  lui,  ayant 
même  été  provoqué,  s'était  vengé  en  obtenant  qu'on 
fit  subir  à  Vandamme  d'affreux  traitements.  On 
ajoutait  qu'il  ne  serait  pas  rendu  à  sa  patrie.  La 
sœur  du  général  écrivit  à  la  comtesse  Vandamme 
qu'elle  ferait  bien  de  partir  immédiatement  pour 
Paris  demander  justice  au  roi,  et  qu'il  fallait  faire 
prévenir  de  ce  qui  se  passait  le  général  Maurice  et 
le  colonel  Lévêque  alors  à  Saint-Pétersbourg, 
chargés  de  faire  rentrer  les  prisonniers. 

Si  l'on  en  croit  ce  que  Vandamme  lui-même  a 
écrit  sur  sa  captivité,  il  aurait  été  au  contraire  Tob- 
jet  des  soins,  des  attentions  et  des  prévenances 
des  Russes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  général,  embarqué  à  Riga, 
vint  relâcher  quelque  temps  à  Copenhague,  et  re- 
mit à  la  voile  pour  Dunkerque.  En  vue  du  port  de 
cette  ville,  le  navire  ayant  touché  sur  les  bancs 
éprouva  des  avaries  assez  graves.   Le  capitaine 


perdit  d'abord  la  tête,  puis  se  livra  à  la  boisson,  et 
la  Dorothea  ne  dut  son  salut  qu  au  sang-froid  de 
\andamme  et  des  officiers  français  passagers  à 
son  bord. 

Cette  circonstance  et  la  mauvaise  foi  des  arma- 
teurs donnèrent  lieu  à  une  réclamation  mal  fondée 
et  injuste  des  sieurs  Nisson.  Il  s'ensuivit  un  pro- 
cès qui  dura  plusieurs  années  et  que  Vandamme 
termina  au  moyen  d'un  sacrifice  d'argent. 

Le  général  fut  reçu  à  Dunkerque  par  sa  femme, 
par  sa  sœur,  par  son  père,  par  son  lils  et  par 
ses  neveux  et  nièces.  Ce  fut  une  scène  des  plus 
touchantes.  Toute  la  famille  s'était  réunie  pour 
l'embrasser  plus  tôt. 

Des  ennuis  d'une  nouvelle  espèce  l'attendaient 
sur  le  sol  natal.  Des  calomnies  avaient  été  répan- 
dues sur  son  compte  par  des  journaux  allemands. 
On  avaît  fait  circuler  en  France  le  fragment  d'une 
prétendue  lettre  qui  aurait  été  adressée  en  1793 
par  lui  à  un  de  ses  compagnons  d'armes.  Dans 
cette  lettre  il  aurait  écrit  en  parlant  des  émigrés  : 

«  J'ignore  si  vous  connaissez  le  traitement  que 
je  leur  fais  quand  j'ai  le  bonheur  d'en  attraper.  Je 
ne  donne  pas  à  la  commission  miUtaire  la  peine  de 
les  juger;  leurs  procès  sont  faits  sur-le-champ, 
mes  pistolets  et  mon  sabre  font  leur  affaire.  » 

Une  lettre  anonyme,  parvenue  à  Vandamme  le 
18  juillet  1814;  lui  fit  connaître  ce  que  l'on  disait. 
Fort  ému,  il  se  rendit  à  Paris  et  demanda  une  au- 
dience à  Louis  XVIII.  Le  roi  refusa  de  le  recevoir, 


—  864  — 

ainsi  que  cela  résulte  de  la  réponse,  en  date  du 
22  septembre,  du  duc  d*Aumont,  premier  gentil- 
homme delà  chambre. 

Vandamme  se  décida  alors  à  avoir  recours, 
pour  confondre  ses  calomniateurs,  au  témoignage 
de  ses  anciens  chefs  et  camarades. 

Il  écrivit  à  plusieurs  d'entre  eux.  Nous  allons 
donner  quelques-utiés  des  réponses  qui  lui  furent 
faites.  Le  maréchal  Jourdan,  gouverneur  delà  quin- 
zième division  militaire ,  lui  manda  de  Rouen  : 
«  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'écrira  le  7  courant,  par  laquelle  vous  me  pré- 
venez qu'on  vous  accuse  d'avoir  tué  de  votre  main 
des  émigrés  à  Nieuport*  en  1793,  et  vous  me  priez 
de  vous  accorder  un  certificat  en  ma  qualité  d'an- 
cien général  en  chef  de  cette  armée  pour  vous  aider 
à  repousser  cette  imputation  calomnieuse.  Je  pré- 
sume que,  comme  tous  les  autres  chefs  militaires, 
vous  avez  fait  exécuter  les  lois  qui  ordonnaient 
de  traduire  devant  des  commissions  militaires 
tous  les  Français  pris  les  armes  à  la  main  dans  les 
rangs  des  ennemis  de  la  France,  mais  je  déclare 
qu'il  n'est  jamais  parvenu  à  ma  connaissance 
qu'aucun   d'eux  ait   péri  de  votre  main.  » 

A  la  même  époque,  Ernouf,  ancien  chef  d'élat- 
major  des  armées  républicaines  et  alors,  comme 
Jourdan,  rallié  à  la  cause  des  Bourbons,  dont  il  se 
montra,  en  1815,  un  des  plus  zélés  partisans,  écri- 
vit également  à  Vandamme  : 

«  Monsieur   le  comte,  j'ai  l'honneur   de  vous 


accuser  réception  de  votre  lettre,  par  laquelle  vous 
m'instruisez  que  de  vils  calomniateurs  vous  ont 
dénoncé  à  notre  auguste  souverain  comme  ayant 
tué  de  votre  main  des  émigrés  à  Nieuport  en  1793, 
et  que  Son  Excellence  le  ministre  de  la  guerre 
vous  avait  conseillé  pour  repousser  ces  imputations 
calomnieuses,  de  recueillir  quelques  certiflcats  des 
personnes  marquantes  qui  étaient  employées  à 
cette  époque  à  Tarmée  du  Nord. 

*  Je  m'empresse  de  rendre  hommage  à  la  vérité, 
et  je  déclare  que  jamais  il  n'est  parvenu  à  ma  con- 
naissance qu'un  attentat  aussi  indigne  de  la  géné- 
rosité d'un  officier  français  ait  été  commis  par 
vous.  J> 

Enfin  nous  ferons  connaître  encore  les  deux 
lettres  suivantes,  du  10  octobre  1814,  relatives  au 
même  objet.  La  première  est  du  général  Dejean, 
la  seconde  du  maréchal  Macdonald  : 

«  Monsieur  le  général,  j'apprends  avec  peine, 
par  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire,  que  vous  êtes  accusé  auprès  du  roi 
d'avoir  tûé  de  votre  propre  main  des  émigrés  à 
Nieuport  en  1793.  Étranger  à  cette  époque  à  l'ar- 
mée du  Nord,  il  ne  m'est  pas  possible  de  vous 
disculper  de  laccusation  calomnieuse  dirigée  con- 
tre vous,  quelque  persuadé  que  je  sois  de  sa 
fausseté. 

•  Au  mois  de  juillet  1794,  la  place  de  Nieuport 
fut  attaquée  pour  la  deuxième  fois,  et  je  fus 
chargé  de  la  direction  du  siège,  sous  les  ordres 


—  OOD  — 

de  M.  le  général  Moreau,  commandant  en  chef 
l'armée  du  siège.  Vous  commandiez  une  des  bri- 
gades de  cette  armée,  et  vous  avez  concouru,  par 
votre  activité  et  vos  services,  à  la  prompte  reddi- 
tion de  cette  place.  Je  puis,  Monsieur  le  général, 
parler  de  ce  qui  s'est  passé  à  cette  époque  avec 
connaissance  de  cause,  et  affirmer  avec  vérité  que 
je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  l'accusation  diri- 
gée aujourd'hui  contre  vous.  Je  désire  bien  sin- 
cèrement que  cette  attestation  puisse  remplir  vos 
vues.  • 

«  Monsieur  le  général,  je  trouve  à  mon  retour 
de  la  campagne  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'hon- 
neur de  m'écrire  le  6  de  ce  mois,  et  je  m'empresse 
d'y  répondre. 

«  Je  me  souviens  d'avoir  lu  en  1793,  dans  une 
feuille  française  ou  étrangère,  l'accusation  dont 
vous  vous  plaignez  aujourd'hui;  j'ignore  si  alors 
elle  fut  repoussée;  mais  pour  rendre  hommage  à 
la  vérité,  je  déclare  hautement  qu'étant  à  l'armée 
du  Nord  et  éloigné  du  lieu  où  des  émigrés  furent 
exécutés,  je  n'ai  pas  cru  et  je  ne  croirai  jamais 
qu'un  général  qui  avait  déjà  acquis  de  la  gloire 
miUtaire  ait  trempé  ses  mains  dans  leur  sang. 

«  11  ne  doit  pas  vous  être  difficile  de  prouver  la 
fausseté  de  telles  atrocités  par  les  témoins  ocu- 
laires tels  que  les  militaires  qui  servaient  sous  vos 
ordres  et  les  habitants  de  Nieuport. 

«  Vous  pouvez,  Monsieur  le  générai,  rendre 
cette  déclaration  publique;  j'apprendrais  avec  plai- 


sir  qu'elle  eût  concouru  à  faire  reconnaître  votre 
innocence.  » 

Nous  bornerons  là  cette  réfutation  et  les  preu- 
ves de  la  calomnie  dont  le  général  était  alors  la 
victime. 

Au  mois  d'octobre  1814,  pendant  qu'il  se  trou- 
vait encore  à  Paris,  sans  emploi,  Vandamme 
reçut  un  singulier  hommage,  celui  d'un  ouvrage 
sur  la  guerre  d'Espagne,  écrit  par  le  général  Sar- 
razin,  le  même  qui,  en  1810,  avait  passé  à  l'en- 
nemi et  s'était  embarqué  sur  un  navire  anglais, 
étant  au  camp  de  Boulogne  (1).  L'hommage  d'im 
traître,  comme  bien  l'on  pense,  n'était  pas  de  na- 
ture à  flatter  Vandamme. 

Le  général  quitta  Paris,  le  10  octobre,  sur  un 
ordre  du  ministre  de  la  guerre  qui  lui  enjoignit 
de  partir  dans  les  24  heures  pour  se  rendre  à 
Gassel.  Il  vint  habiter  sa  maison  occupée,  pen- 
dant le  séjour  des  alliés  dans  le  nord  de  la  France, 
par  un  général  prussien,  V.  Phûmen.  Aucun  dégât 
n'avait  alors  été  commis  dans  les  propriétés  de 
Vandamme.  La  comtesse  sa  femme,  ainsi  que  son 
fils,  avaient  été  respectés  par  les  ennemis  de  la 
France.  Le  général  vécut  là  de  la  vie  de  famille 

{\  )  Voici  une  anecdote  assez  curieuse  sur  le  général  Sarrazin, 
auteur  de  plusieurs  ouvrages  fort  mauvais  sur  les  guerres  du 
premier  Empire.  11  était  de  très-haute  taille,  le  général  Girard 
avec  lequel  il  eut  une  discussion  était  très-petit.  Ce  dernier  se 
trouvant  dans  le  même  salon  que  Sarrazin,  monta  sur  une 
chaise,  pour  lui  appliquer  un  soufflet  en  présence  de  tout  le 


jusqu  au  âOmars  1815,  complotemenl  oublié  elpa* 
raissaut  étranger  lui-même  aux  affaires  publiques. 

Après  le  retour  do  IMle  d'Elbe,  en  1815,  le  gé- 
néral reçut  brusquement  du  ministre  de  la  guerre, 
Davout,  une  mission  des  plus  importantes. 

Au  commencement  d'avril,  l'Empereur,  informé 
que  le  parti  du  roi  n'était  pas  éloigné  de  faire  une 
tentative  sur  la  ville  de  Dunkerque,  écrivit  à  ca 
sujet,  le  9,  au  prince  d'Eckmuhl  : 

•  Mon  cousin,  faites  partir  cette  nuit  un  lieute- 
nant général  ou  un  maréchal  de  camp,  capable  et 
ferme,  pour  commander  Dunkerque.  Écrivez  au 
comte  d'Erlon  et  recommandez-lui  de  veiller  sans 
cesse  sur  Dunkerque  ;  tous  les  efforts  des  émigrés 
et  de  l'ennemi  se  portent  sur  cette  ville,  oii  ils 
voudraient  opérer  un  mouvement  pour  s'en  em- 
parer.—  Faites  partir  aussi  50  gendarmes  à  pied 
de  Paris,  bien  connus  et  bien  choisis,  ils  se  ren- 
dront par  les  voitures  publiques  à  Dunkerque.  Si 
vous  avez  un  bon  inspecteur  ou  colonel,  faites-le 
partir  également.  • 

Davout  avait  vu  Vandamme  à  l'œuvre  en  1799, 
en  1805,  en  1809,  enfin  devant  Hambourg  en  1813. 
Il  n'hésita  pas  à  le  désigner.  C'était  bien,  en  effet, 
l'homme  de  la  circonstance.  Le  jour  même,  il  écri- 
vit au  général  : 

«  Monsieur  le  lieutenant  général,  j'ai  rhonnciir 
de  vous  communiquer  une  lettre  que  je  viens  de 
recevoir  de  l'Empereur.  Mon  intention  avait  été 
(l'abord  d'envoyer  à  Dunkerque  un  ofiicier  gêné- 


—  889^ 

rai  ;  mais  j'ai  pensé  ensuite  que  le  moyen  d'assu- 
rer cette  place  importante  contre  toute  entreprise 
des  ennemis  de  l'État  était  de  vous  envoyer 
isur  ce  point,  chargé  d'une  mission  extraordi- 
naire. 

a  Lorsque  vous  aurez  pourvu  à  la  sûreté  de  la 
place,  et  déjoué  les  projets  que  cherchent  à  orga- 
niser les  émigrés  et  quelques  traîtres,  vous  pour- 
rez revenir  à  Paris,  en  ayant  soin  seulement  de 
me  prévenir  quelques  jours  d'avance  pour  que  je 
puisse  envoyer  un  général  à  qui  vous  remettrez  le 
commandement. 

«  Vous  correspondrez  directement  avec  moi. 
Les  commandants  d'armes  de  la  16®  division  mili- 
taire, qui  se  trouvent  sous  les  ordres  du  lieutenant 
général  Drouet,  comte  d'Erlon,  continueront  néan- 
moins à  envoyer  à  ce  général  leurs  rapports,  et 
l'avis  des  ordres  que  vous  serez  dans  le  cas  de 
leur  donner. 

«  Plus  j'y  réfléchis,  plus  je  trouve  d'avantage 
au  bien  du  service  de  l'Empereur  à  vous  charger 
de  cette  mission.  Votre  arrivée  seule  produira  tout 
le  succès  qu'on  peut  en  attendre.  » 

Vandamme  partit  immédiatement  avec  des 
pleins  pouvoirs  et  les  instructions  du  ministre  de 
la  guerre. 

Le  11  avril,  il  était  à  Dunkcrque  ;  il  lançait  une 
proclamation  aux  liabitants  de  la  ville  et  adressait 
un  ordre  du  jour  aux  troupes  qui  se  trouvaient 
dans  les  places  de  la  16^  division  militaire.  11  rap- 


uuv 


pelait  à  leur  devoir  les  soldats  du  51*  de  ligne, 
dont  plusieurs  avaient  quitté  les  drapeaux,  el, avec 
sa  prodigieuse  activité,  veillait  à  tout  par  lui- 
même.  Les  mesures  qu'il  prit  furent  approuvées 
par  le  prince  d'Eckmuhl.  Au  bout  de  quelques 
jours,  les  craintes  qu'on  avait  eues  au  sujet  de 
Dunkerque  ayant  disparu,  Vandamme  se  rendit  à 
Mézières  pour  prendre  le  commandement  du  â* 
corps  d'observation  et  de  la  2^  division  militaire, 
ainsi  qu'il  en  avait  reçu  Tordre  au  commencement 
de  mai.  En  le  iëlicitaut  de  sa  couduite  dans  le 
nord,  Davout  écrivit  au  général  le  7  mai  :  Vous 
avez  communiqué  votre  feu  dans  le  pays  oà 
vous  êtes. 

Le  moment  approchait  où  Vandamme  allait 
faire  sa  dernière  campagne.  Le  19  mai  1815,  il 
fut  prévenu  que  le  3®  corps  ferait  partie  de  Tarmée 
commandée  par  l'Empereur  en  personne;  qu'il 
devait  établir  ses  troupes  entre  Rocroy  et  Philippe- 
ville,  pour  être  en  mesure,  à  chaque  instant,  de 
franchir  la  frontière. 

Nous  ne  ferons  pas  le  récit  de  la  courte  et  dé- 
sastreuse campagne  de  Belgique  inaugurée  par  la 
victoire  de  Ligny  à  laquelle  Vandamme  prit  une 
belle  part  et  close  deux  jours  plus  tard  par  le  dé- 
sastre de  Waterloo.  Nous  nous  bornerons  à  faire 
connaître  son  rôle  dans  ces  difficiles  circon- 
stances. 

Au  moment  d'entrer  en  campagne,  le  2  juin, 
le  général  reçut  du  duc  de  Bassano  Tavis  qu'il 


était  nommé  pair  de  France.  Bientôt  Tarmée  du 
Nord  se  rapprocha  de  la  Sambre.  Elle  était  formée 
du  !•'  corps  (Drouet  comte  d'Erlon,  20,000  hom- 
mes); du  2*  (Reille,  23,000);  du3«  (Vandamme^ 
16,000);  du  6*  (Lobau,  13,000);  du  4«  (Gérard, 
15,000)  ;  de  la  réserve  de  cavalerie  (  Grouchy; 
10,000);  de  la  garde  impériale  (20,000). 

Ces  cent  quinze  à  cent  vingt  mille  combattante 
furent  concentrés,  le  14  juin,  entre  Maubeuge  et 
Philippeville. 

Le  lendemain,  Taile  gauche  (1*^  et  2®  corps  et 
cavalerie  légère  de  la  garde)  partit  de  Maubeuge . 
Le  centre  (3®,  6®  corps,  garde  et  cavalerie),  plus 
spécialement  aux  ordres  directs  de  Napoléon,  par- 
tit de  Beaumont.  La  droite  (4®  corps)  partit  de 
Philippeville.  La  Sambre  fut  franchie  à  Marchien- 
nés,  Charleroi  et  le  Chastelel.  Vandamme  et  le 
3®  corps  la  passèrent  à  Charleroi.  Trois  corps 
prussiens  essayèrent  de  retarder  la  marche  du 
centre  et  de  Taile  gauche  de  l'armée  française. 

L'ordre  du  mouvement  donné  par  TEmpereur 
était  combiné  de  façon  à  ce  que  ses  principales 
forces  vinssent  se  masser  des  Quatre-Bras  à  Som- 
bref,  prêtes  à  se  porter  sur  les  Anglais  de  Wel- 
lington (à Bruxelles),  ou  sur  les  Prussiens  de  Blu- 
cher  (à  Namur).  Napoléon  espérait  battre  sépa- 
rément chacun  de  ses  deux  adversaires. 

Le  mauvais  état  des  routes  et  la  rupture  du 
pont  de  Charleroi  retardèrent  la  première  opéra- 
tion. 

H.  36 


—  364  — 

I^  {çrnéral  prussien  Zietheo,  qui  se  trouvait  le 
plus  rapproché,  replia  sa  droite  par  la  route  de 
Bruxelles,  son  centre  et  sa  gauche  par  celle  de 
Gembloux.  Ney,  avec  le  ^  et  le  f  corps,  pour- 
suivit la  première  colonne,  Vandamme  et  la  cava- 
lerie de  Grouchy  la  seconde.  Vers  trois  heures 
de  l'après-midi,  le  15,  Vandamme  et  Grouchy  se 
trouvèrent  en  face  de  25,000  Prussiens  couverts 
par  un  ravin  et  adossés  à  des  bois.  L'empereur 
arrivant  et  reconnaissant  qu'il  n'avait  affaire  qu'à 
une  partie  de  l'armée  de  Blucher,  fit  culbuter 
Ziethen  et  le  rejeta  sur  Fleurus. 

Le  IG,  eut  lieu  la  bataille  de  Ligny. 

Blucher  avec  80,000  hommes  avait  pris  posi- 
tion, la  droite  au  villagcc  de  Saint-Amand,  le  centre 
à  Ligny,  la  gauche  à  Sombref.  Il  n'avait  avec 
lui  que  trois  coi*ps.  Celui  de  Bulow  ne  l'avait  pas 
encore  rallié  étant  en  marche  de  Namur. 

L'Empereur  aurait  pu  attaquer  dès  le  matin, 
mais  il  voulut  donner  le  temps  à  son  aile  gauche 
(Ney)  de  s'emparer  des  Qualre-Bras  et  de  déta- 
cher une  dizaine  de  mille  hommes  qui^  tombant 
sur  l'extrême-  droite  de  Blucher,  auraient  com- 
plété la  défaite  des  Prussiens.  Ce  ne  fut  donc 
malheureusement  pas  avant  deux  heures  que  le 
signal  de  commencer  l'attaque  fut  donné.  L'armée 
française  était  dans  l'ordre  suivant  : 

A  l'extrême  gauche,  Vandamme  (â*"  corps)  ren- 
forcé de  la  division  Girard,  détachée  du  "2^  corps, 
d'abord  en  réserve  et  indépendante  du  3^  corps. 


Au  centre,  devant  Ligny,  Gérard  (4®  corps),  la 
cavalerie  de  Grouchy  sur  Sombref .  La  garde  en 
réserve  générale,  entre  la  gauche  et  le  centre.  Le 
6®  corps  (Lobau)  en  réserve  également  un  peu  en 
arrière.  Le  l^""  et  le  2®  corps  étaient  aux  Quatre- 
Bras  avec  Ney. 

La  bataille  s'engagea  à  Saint-Amand.  Les  deux 
hameaux  de  ce  nom  furent  pris  et  repris  par  la  di- 
vision  Girard,  qui   y  perdit  son  intrépide  chef 
blessé  à  mort,  et  dont  les  deux  généraux  de  bri- 
gade furent  mis  hors  de  combat.  Vandamme  mena 
lui-même  ses  troupes  à  la  charge  pour  soutenir  la 
division  Girard  dont  la  moitié  de  l'effectif  était 
couché  sur  le   terrain.   Avec  sa  bravoure  habi- 
tuelle, il  repoussait  sur  tous  les  points  la  droite 
de   Blucher,   lorsque  soudain  il  aperçut  sur  sa 
gauche  une  colonne  profonde.  Ne  sachant  si  cette 
colonne  était  amie  ou  ennemie,  il  arrêta  son  mou- 
vement offensif  et  fit   prévenir   l'Empereur  qui 
envoya  reconnaître  la  troupe  dont  les  baïonnettes 
se  distinguaient  sur  le  flanc  gauche.  C'était  une 
des  divisions  du  corps  de  Drouet  d'Erlon  qui  se 
dirigeait  sur  Ligny,  d'après  un  ordre  apporté  par 
un  aide  de  camp  de  Napoléon.  Malheureusement 
cette  division  reçut  à  ce  moment  un  autre  ordre  de 
Ney,  et  elle  reprit  sa  marche  sur   les  Quatré- 
Bras,  inutile  d'un  côté  comme  de  l'-autre. 

L'Empereur,  ne  voyant  pas  paraître  les  troupes 
qu'il  attendait  de  son  aile  gauche,  résolut  de 
rompre  le  centre  des  Prussiens  et  do  gagner  seul  la 


—  564  — 

bataille.  Vartdamme  fut  chargé  de  contenir  la 
droite  de  Tennemi.  Le  4®  corps,  la  garde,  la  ca- 
valerie s'élancèrent  sur  le  centre  de  Blucherel 
parvinrent  à  rejeter  les  Prussiens  du  champ  de  ba- 
taille. 

Malheureusement  la  bataille  finit  très-tard,  Na- 
poléon se  retira  à  Fleurus  pour  y  coucher,  sans 
donner  d'ordres  pour  la  poursuite  des  Prussiens 
auxquels  on  laissa  quatorze  heures  de  répit. 
Pendant  ces  quatorze  heures,  Blucher  battu,  mais 
non  désorganisé,  se  concentra  à  Wavre,  appela  à 
lui  le  corps  de  Bulow,  et,  le  17  au  soir,  il  eut 
quatre- vingt  mille  hommes  ralliés  dans  la  main. 

Personne  dans  l'armée  ne  mettait  en  doute  que, 
le  lendemain,  Napoléon  donnerait  enfin  sur  le 
champ  de  bataille  deLigny,  à  Vandamme,  le  bâton 
de  maréchal  dont  il  avait  été  frustré  par  la  mal- 
heureuse affaire  de  Kulm  pour  laquelle  beaucoup 
d'autres,  mais  non  pas  lui,  avaient  des  reproches 
à  se  faire.  Il  n'eil  fut  rien,  et  le  général  eut  encore 
le  déboire  d'apprendre  qu'il  était  mis  sous  les 
ordres  du  dernier  maréchal  nommé,  le  comte  de 
Grouôhy. 

A  midi,  le  17,  l'Empereur,  étant  sur  le  terrain 
de  Ligny  où  il  était  venu  à  neuf  heures  du  matin, 
donna  le  commandement  de  sa  gauche  à  Grouchy 
en  lui  prescrivant  de  poursuivre  les  Prussiens, 
de  les  rejoindre,  de  ne  pas  les  perdre  de  vue.  Il 
était  trop  tard.  Grouchy  voulut  décliner  celte  mis-* 
sion  plus  que  difficile,  Napoléon  ne  le  lui  permil 


pa3  e(  lui  indiqua  d*abord  la  fausse  direction  de 
Namur. comme  étant  celle  suivie  par  l'armée  battue 
la  veille. 

Grouchy  eut  sous  ses  ordres  les  3*  et  4®  corps, 
la  division  Teste,  les  corps  de  cavalerie  d'Excel- 
mans  et  dePajol,  environ  32  à 33,000  hommes.  Le 
seul  homme  auquel  une  semblable  mission  pou-» 
vait  alors  convenir  était  peut-être  Vandamme  (1). 
Grouchy,  toutefois,  se  mit  en  marche,  mais  le 
mauvais  état  des  routes,  les  temps  affreux  ne  per- 
mirent pas  aux  3®  et  4®  corps  de  faire,  le  17  juin, 
plus  de  trois  lieues.  Vandamme  vint  bivouaquer 
en  avant  de  Gembloux,  Gérard  en  arrière,  sur  la 
route  de  Namur  à  Wavre.  On  avait  abandonné  la 
poursuite  sur  Namur.  On  commençait  à  penser 
enfin  que  la  retraite  des  Prussiens  s'était  opérée 
sur  Wavre. 

Le  18,  l'aile  droite  partit  de  Gembloux.  Van- 
damme dépassa  Sart-à-Valhain,  et  s'achemina  sur 
Wavre.  Vers  midi,  une  forte  canonnade  se  fit  en- 
tendre sur  la  gauche,  et  le  général  Gérard,  qui  ar- 
rivait à  Sart-à-Valhain,  eut  une  discussion  des 
plus  vives  avec  son  chef,  le  maréchal  de  Grouchy, 
disant  qu'il  fallait  marcher  siu  canon.  On  a  pré- 
tendu, depuis,  que  Vandamme  avait  pris  part  à 
cette  discussion  et  donné  raison  à  Gérard.  La 
chose  est  impossible,  le  général  était  alors  à  plus' 

(1)  Nous  ne  croyons  pas,  cependant,  que  Vandamme  ou  tout 
autre  eussent  fait  mieux  que  Grouchy,  vu  les  quatorze  heures 
Jajss'Js  il  Dluclwr, 


de  trois  lieues  en  avant  du  point  où  se  trouvaient  \^ 
le  maréchal  et  le  commandant  du  4^  corps. 

Après  sa  discussion  avec  Gérard,  Grouchy  se 
porta  en  avant,  fit  attaquer  les  Prussiens  par 
Excelmans  et  par  Vandamme,  et  ordonna  de  les 
poursuivre  dans  la  direction  deWavre.  Toutefois, 
il  prescrivit  à  ce  dernier  de  ne  pas  trop  s'engager 
à    la  poursuite  de  Tennemi  dans  la   partie  de 

Wavre  située  sur  la  rive  droite  de  la  Dvle. 

Il 

Emporté  par  son  ardeur,  Vandamme  ne  voulut 
donner  aucun  répit  aux  Prussiens,  et  il  engagea 
ses  troupes  dans  le  bas  Wavre.  Lorsque  Grouchy 
arriva  sur  le  plateau  qui  couronne  la  ville,  il  re- 
connut Timpossibilité  de  retirer  le  3«  corps.  Oq 
chercha  donc  à  enlever  le  passage  de  la  Dyle, 
grossie  par  les  orages  de  la  nuit  précédente  el  le 
moulin  de  Bielge. 

Une  des  divisions  du  4®  corps  arrivait  alors, 
conduite  par  Gérard  en  personne.  L'attaque  du 
moulin  de  Bielge,  dont  Vandamme  s'efforçait  de 
s'emparer,  fut  renouvelée  inutilement;  Gérard  y 
fut  blessé.  Grouchy  se  décida  à  aborder  Li- 
male  avec  les  autres  divisions  du  4®  corps,  et  il 
parvint,  à  onze  heures  du  soir,  à  effectuer  le  pas- 
sage de  la  Dyle  sur  ce  point. 

On  bivouaqua  à  quelques  centaines  de  mètres 
des  Prussiens,  ou  plutôt  des  30,000  homme? 
laissés  par  Blucher  pour  s'opposer  à  la  marche 
de  Grouchy.  Les  autres  corps  ennemis  étaient 
sur    le    champ    de   bataille     de     Waterloo   e' 


avaient  décidé  du  gain  de  la  journée  parles  alliés. 

Au  lever  de  l'aurore,  l'aile  droite  de  l'armée 
française  ne  connaissait  pas  encore  le  résultat  de 
la  bataille  livrée  par  l'Empereur  aux  Anglais. 
Grouchy  voulut  donc  pousser  les  Prussiens  pour 
essayer  de  percer  jusqu'à  Napoléon.  Vandamme 
attaqua  devant  lui,  sans  trop  s'inquiéter  des  ordres 
de  son  chef  immédiat,  et  voici  pourquoi  : 

Le  général,  avec  de  grands  et  véritables  talents 
militaires,  avec  une  bravoure  sans  égale,  avait  un 
caractère  entier.  Il  détestait  Grouchy  depuis  que  ce 
dernier  avait  été  fait  maréchal^  en  récompense  de 
sa  campagne  politique  du  Midi  contre  le  duc  d'An- 
gouléme.  Se  voyant  encore  nue  fois  frustré  de  ce 
bâton,  objet  de  ses  plus  ardents  désirs,  et  se 
croyant  comme  militaire  bien  supérieure  Grouchy, 
il  obéissait  à  regret  et  difficilement  aux  ordres  de 
ce  dernier. 

C'était  une  faute  de  la  part  de  L'Empereur  d'a- 
voir mis  sous  le  commandement  de  Grouchy  un 
homme  comme  Vandamme 

Quoi  qu'il  ensoit^le  19  au  matin,  aa  moment  où 
Grouchy  allait  les  attaquer,  les  Prussiens  prirent 
Toffensive  sur  Limale  ;  mais  culbutés  par  les  troupes 
de  Grouchy  de  ce  côté,,  par  celles  de  Vandamme 
sur  Wavre,  ils  furent  menés  l'épée  dans  les  reins, 
jusqu'au  moment  où  le  maréchal  fiit  Eeioint  par 
un  officier  qui  lui  apportait  la  nouvelle  da  désastre 
de  Waterloo.  La  poursuite  fut  arrêtée. 

Une  sorte  de  conseil  de  guerre  fut  tenu.  Van- 


—  668  — 

damme  voulait  qu'on  marchât  8ur  Bruxelles,  qu'on 
se  jetât  sur  les  derrières  de  Tennemi,  pour  faire 
une  diversion  puissante  en  faveur  de  l'armée  bat- 
tue. Ce  conseil  était  celui  d*un  homme  ardent, 
audacieux  jusqu'à  la  témérité,  et  Grouchy  un  ins- 
tant parut  être  de  cet  avis  ;  mais  à  la  réflexion,  il 
renonça  à  cette  détermination,  considérant  comme 
plus  sage  de  ramener  à  Paris  une  petite  armée  non 
désorganisée,  non  démoralisée  de  30,000  braves 
soldats,  pour  reconstituer  un  noyau  à  la  défense 
du  pays. 

Le  maréchal  ordonna  donc  la  retraite.  Van* 
damme  dut  réunir  au  commandement  du  3^  corps 
celui  du  4®  dont  le  chef*  Gérard  était  grièvement 
blessé.  Il  se  replia  sur  Namur.  Les  Prussiens 
parvinrent  à  couper  les  communications  entre  les 
deux  corps,  mais,  le  20  au  matin,  la  cavalerie  lé- 
gère de  la  division  Valin  rouvrit  la  communication, 
et  Vandamme  à  la  tête  du  3®  corps  donna  le  temps 
au  4^  de  rentrer  dans  Namur  avec  les  blessés  et 
les  équipages. 

La  ville  fut  occupée  toute  la  journée  par  la  di- 
vision Teste.  L'arrière-garde  et  les  équipages 
que  Ton  avait  fait  filer  sur  Dinan  étant  arrivés  dans 
cette  place,  le  général  Teste  rallia  ses  autres  trou- 
pes et  battit  en  retraite  en  faisant  l'arrière  garde. 

Grouchy  continua  sa  marche  sur  Givet  où  Ton 
arriva  le  21 . 

Le  22  juin,  le  maréchal  écrivit  de  Rocroy  qu'il 
ramenait  une  armée  intacte  et  qu'il  serait  sous 


-  869  — 

trois  jours  à  Laon,  se  dirigeant  par  Aubigny  et 
par  Moncornet.  Vandamme,  à  la  tête  des  3^  et 
4*  corps,  quitta  Rocroy  le  23  à  10  heures  du  ma- 
tin, et  vint  cantonner  autour  de  Maubert-Fontaine 
(route  de  Sedan  à  Vervins).  Il  apprit  Tabdication 
de  l'Empereur.  Le  lendemain  24,  l'armée  du  Nord 
i:eçut  une  nouvelle  organisation.  Grouchy  en  fut 
nommé  le  commandant  en  chef.  Elle  fut  formée  de 
deux  corps  :  le  premier  sous  le  général  Reille, 
avec  les  anciens  1®',  2®  et  6® ,  —  le  second  ^ous. 
Yandamme  avec  les  8®  et  4®,  organisés  en  plusieurs 
divisions,  plus  la  cavalerie  sous  le  comte  de. 
Valmy.  Yandamme  eut  en  outre  la  division  de 
cavalerie  Yalin. 

.  Ce  même  jour,  24  juin  1815,  Yandamme  se  mit 
en  marche  sur  Rethel  avec  les  3®  et  4®  corps,  le 
25  il  cantonna  entre  Rethel  et  Reims  sur  les  bords 
de  la  Suippe. 

Le  25,  l'armée  du  Nord,  principale  force  régu-r 
lière  dont  la  France  pût  disposer,  se  trouvait  dans 
la  position  suivante  :  La  l*"®  et  la  2®  division  de 
cavalerie  en  avant  de  Laon,  la  garde  tout  entière 
en  arrière  de  celte  place;  le  1*^  corps  (Reille) 
sous  Soissons  ;  le  2®  (Yandamme)  sur  l'Aisne, 
en  avant  de  Reims.  Le  corps  de  cavalerie  de 
Pajol  à  Béry-au-Bac,  celui  d'Excelmans  à  Craone. 

Grouchy,  ce  jour  là,  fut  informé  que  l'ennemi 
marchait  en  toute  hâte  sur  Paris  par  Soissons. 
Il  prescrivit  à  Yandamme  de  faire  tous  ses  efforts 
pour  prévenir  les  alliés  dans  cette  ville. 


—  570  — 

Malgré  tout  ce  qtfil  put  faire,  le  général  ne  put 
être  à  Soissons  que  le  27.  L'ennemi  manœu\Tant 
par  sa  droite  était  entre  Compiègne  et  Noyon,  à 
quelques  lieues  de  Soissons.  Le  maréchal  Davout, 
qui  avait  la  direction  générale  comme  ministre  de 
la  guerre,  depuis  l'abdication  de  l'Empereur  et 
depuis  l'abandon  de  l'armée  par  le  maréchal  Soult, 
prescrivit  à  Grouchy  àe  se  diriger  à  marches  for- 
cées sur  Paris.  Dans  cette  marche  commencée  le 
28  sur  la  capitale,  le2*corps  (Vandamme)  fut  chargé 
de  faire  l'arrière-garde.  Il  se  porta,  soutenu  de  la 
cavalerie  légère,  sur  Villers-Gotterels,  sur  Senlis 
et  sur  Domartin.  On  avait  commis  la  faute  de  ne 
pas  occuper  Compiègne^  ce  qui  forçait  à  un  mou- 
vement beaucoup  plus  allongé  pour  gagner  Paris. 
Le  comte  d'Erlon,  auquel  Grouchy  avait  laissé  le 
commandement  de  son  ancien  1*^'  corps,  sans  le 
réunir  au  2*  de  Reille,  malgré  les  ordres  du  gou- 
vernement provisoire,  le  comte  d'Erlon,  disons- 
nous,  dirigé  tardivement  sur  Compiègne,  y  était 
aux  prises  avec  l'ennemi.  Le  27  au  soir,  Van- 
damme reçut  un  nouvel  ordre,  celui  de  filer  droit 
sur  Paris  par  la  route  directe,  sans  passer  par 
SenUs. 

Le  général  répondit  immédiatement  à  Grouchy  : 
a  L'ennemi  ne  peut  être  en  force  partout.  6i  Votre 
Excellence  presse  son  mouvement  sur  Paris,  par 
la  route  qu'elle  m'a  tracée,  nous  arriverons  peut- 
être  à  temps,  si  surtout  ce  qui  est  en  avant  de  moi 
marche  avec  la  même  célérité  et  le  même  ordre 


—  Oil    — 

que  je  promets  d  y  apporter.  Il  faut  pouvoir  coin-' 
battre  en  arrivant,  et  nous  pouvons  obtenir  des  suo 
ces  qui  sauveront  la  patrie  d'une  honte  éternelle.  » 

Les  alliés,  cependant,  pressaient  leur  mouve- 
ment. Le  28,  à  quatre  heures  du  matin,  Grouchy 
écrivit  à  Vandamme  que  Tennemi,  ayant  débouché 
par  trois  colonnes,  de  Gompiègne  sur  Villers- 
Gotterets,  SenUs  et  Grépy,  il  devait  prendre  par 
La  Ferté-Milon  et  Meaux,  à  grandes  marches. 

Le  maréchal  commençait  à  avoir  des  craintes 
sérieuses  pour  les  troupes  de  Vandamme.  Le  29, 
il  mandait  à  Davout  qu'il  était  de  sa  personne  à 
Glaye  avec  4,000  hommes,  1,800  chevaux  de  la 
garde,  et  quelques  régiments  de  Pajol;  que  le  2® 
coi-ps  s'était  reployé  surLaferté-Milonet  ne  pour- 
rait pas  arriver  à  Paris  avant  le  lendemain  30. 

Dans  la  nuit,  il  se  produisit  un  fait  qui  faillit 
avoir  une  certaine  gravité  et  qui  fut  alors  fausse- 
ment interprété  dans  Tarmée.  Le  maréchal  de 
Grouchy  reçut  Tordre  du  gouvernement  provisoire 
de  traiter  d*un  armistice  avec  Tennemi.  Il  envoya 
son  chef  d'état-major,  le  général  Le  Sénécal,  au 
quartier  général  de  Blucher,  avec  une  lettre  pour 
le  feld-maréchal  prussien.  Le  Sénécal  revint  avec 
un  major  que  lui  donna  Blucher  et  qui  était  investi 
de  pouvoirs  pour  faire  suspendre  les  hostilités. 
Tous  deux  en  voiture  traversaient  les  bivouacs 
des  troupes  de  Vandamme  et  d'Excelmans,  lors- 
qu'ils furent  arrêtés  par  des  soldats,  qui  voyant 
un  uniforme  prussien  prirent  le  général  Le  Séné- 


—  57Î  — 

cal  pour  un  trailre.  Ils  les  arrachèrent  tous  deux 
avec  violence  de  leur  voiture,  les  maltraitèrent,  et 
sans  le  général  Excelmans  qui  calma  ses  hus- 
sards en  leur  promettant  que  les  tribunaux  mili- 
taires feraient  bonne  justice  de  la  trahison,  le  chef 
d*état-major  de  Grouchy  était  écharpé. 

Beaucoup  d'officiers  de  cette  époque  se  figurè- 
rent qu'en  ef/et  le  général  Le  Sénécal  avait  trahi, 
tandis  qu'il  remplissait  tout  simplement  une  mis^ 
sion  qui  lui  incombait  de  droit. 
.  Enfin,  le  30  juin,  Grouchy  arriva  sous  la  capitale 
par  Saint -Denis  avec  toutes  les  troupes  de  l'ar- 
mée du  Nord,  c'est-à-dire  40  à  50,000  hommes 
et  120  bouches  à  feu.  Lorsque  le  maréchal  vit  que 
l'on  était  décidé  à  traiter  de  la  capitulation  de 
Paris,  il  abandonna  le  commandement  au  prince 
d'Eckmuhl. 

Ce  fut  alors  que  les  chefs  de  l'armée  du  Nord 
adressèrent  au  Corps  législatif  la  protestation  sui- 
vante, dont  un  des  premiers  signataires  fut  Van- 
damme  : 

«  Représentants  du  peuple,  nous  sommes  en 
présence  de  nos  ennemis;  nous  jurons  entre  vos 
mains  et  à  la  face  du  monde  de  défendre  jusqu'au 
dernier  soupir  la  cause  de  notre  indépendance  et 
Thonneur  national.  On  voudrait  nous  imposer  les 
Bourbons,  et  ces  princes  sont  rejetés  par  l'im- 
mense majorité  des  Français  ;  si  on  pouvait  sous- 
crire à  leur  rentrée,  rappelez-vous,  représentants 
du  peuple,  qu'on  aurait  signé  le  testament  de  l'ar- 


—  573  — 

mée  qui  pendant  vingt  années  a  été  le  palladium 
de  rhonneur  français. 

«  Il  est  à  la  guerre,  surtout  lorsqu'on  Ta  faite 
Bussi  longuement,  des  succès  et  des  revers  ;  dans 
nos  succès  onnous  a  vus  grands  et  généreux;  danà 
nos  revers,  si  on  veut  nous  humilier,  nous  sau- 
rons mourir. 

a  Les  Bourbons  n'offrent  aucune  garantie  à  la 
nation  ;  nous  les  avions  accueillis  avec  les  senti- 
ments de  la  plus  généreuse  confiance  ;  nous  avioné 
oublié  tous  les  maux  qu'ils  nous  avaient  causés 
par  leur  acharnement  à  vouloir  nous  priver  de  nos 
droits  les  plus  sacrés.  Eh  bien  !  Comment  ont-ils 
répondu  à  cette  confiance?  Ils  nous  ont  traités 
comme  rebelles  et  vaincus.  Représentants,  ces  ré- 
flexions sont  terribles,  parce  qu'elles  sont  vraies  : 
l'inexorable  histoire  racontera  un  jour  ce  qu'ont 
fait  les  Bourbons  pour  se  remettre  sur  le  trône  de 
France  :  elle  dira  aussi  la  conduite  de  l'armée,  de 
cette  armée  essentiellement  nationale,  et  la  posté- 
rité jugera  qui  mérita  le  mieux  l'estime  du  monde. 

•  Au  camp  de  la  Villelte,  le  30  juin  1815,  à  trois 
heures  après-midi.  Signé  :  Le  prince  d'Eckmûhl. 
—  Le  général  en  chef,  comte  Vandamme.  —  Lé 
lieutenant  général,  commandant  en  chef  le  1®' corps 
de  cavalerie,  comte  Pajol.  —  Le  lieutenant  géné- 
ral, baron  Fressinet.  —  Le  maréchal  de  camp, 
baron  Henrion. — Le  Heutenant  général,  comman-^ 
(lanl  l'aile  droite  de  l'armée,  comte  d'Erlon.  —  Le 
lieutenant  général,  commandant  des  grenadiers  de 


—  574  — 

Ja  garde,  comte  Rogiiel.  —  L.e  maréchal  de  camp, 
commandant  le  3®  régiment  des  grenadiers  ?e  la 
garde,  comte  Harlet.  —  Le  général  commandant 
près  la  division  des  chasseurs,  Petit.  —  Le  maré- 
chal de  camp,  commandant  le  2*  régiment  de  gre- 
nadiers de  la  garde,  baron  Christiani.  — Le  lieu- 
tenant général  Brunel.  —  Le  major  Guillemain. 
—  Le  lieutenant  général,  baron  Lorcet.  —  Le 
lieutenant  général  Ambert.  —  Le  maréchal  de 
camp,  Marius  Clary.  —  Le  maréchal  de  camp, 
Chartrain.  —  Le  maréchal  de  camp,  Cambriel.  — 
Le  maréchal  de  camp,  Jeannet.  » 

Le  3  juillet,  Lanjuinais,  président  de  la  Cham- 
bre des  représentants  répondit  à  Vandamme  qui 
venait  de  lui  écrire  une  lettre  patriotique  : 

«  J'ai  rhonneur  de  vous  adresser  un  extrait  du 
procès-verbal  de  la  séance  de  ce  jour,  où  se  trou- 
vent consignés  les  témoignages  de  profonde  satis- 
faction avec  laquelle  la  Chambre  a  entendu  la  lecture 
de  votre  lettre.  Recevez  aussi,  général,  l'expres- 
sion des  sentiments  qu'inspire  aux  amis  de  la  pa- 
trie votre  généreux  dévouement  à  la  cause  qu'ils 
défendent.  Il  m'est  doux  d'être  leur  interprète  et 
de  pouvoir  vous  offrir  en  particulier  les  assurances 
d'une  haute  considération. 

«  Voici  l'extrait  du  procès-verbal  : 

«  La  Chambre  entend  la  lecture  d'une  lettre  où 
le  général  en  chef  comte  Vandamme  fait  connaître 
que  les  troupes  qu'il  commande  ont  été  constam- 
ment victorieuses,  et  que  leur  retraite  forcée  par 


les  événements  a  été  protégée  par  de  biillants  soc* 
ces,  et  a  contraint  Tennemi  même  à  les  respecter. 
Il  ajoute  qu'il  s'applaudit  d'être  rentré  avec  une 
belle  armée,  et  de  pouvoir  présenter  l'assurance 
qu'elle  est  prête  à  seconder  en  tout  les  intentions 
du  gouvernement,  et  qu'elle  n'agira  jamais  que 
dans  l'intérêt  de  la  patrie. 

«  La  Chambre  accueille  honorablement  l'ex- 
pression de  ces  sentiments  :  elle  arrête,  sur  la  pro- 
position d'un  membre, qu'il  sera  voté  des  remercî- 
ments  à  l'armée  du  général  Vandamme,  et  que 
M.  le  président,  en  adressant  au  général  l'extrait 
du  procès-verbal  de  la  séance,  y  joindra,  au  nom 
de  la  Chambre,  une  lettre  particulière  de  félicita* 
tion.   • 

Après  la  capitulation  de  Paris,  l'armée  du  Nord 
ayant  dû  quitter  cette  ville  se  mit  en  marche 
pour  gagner  les  bords  de  la  Loire.  Le  9  juillet, 
Davout  fit  connaître  aux  généraux  en  chef  les  can- 
tonnements assignés  à  leurs  troupes.  Vandamme, 
avec  ses  sept  divisions  d'infanterie  et  ses  six  de 
cavalerie,  dut  établir  son  quartier  général  à  Jar- 
geau  et  avoir,  le  11,  sa  droite  près  Romorantin,  sa, 
gauche  sur  Lafer  té-Senne  terre. 

Dès  cette  époque  commencèrent  les  négocia- 
tions avec  le  roi  Louis  XVIII  pour  la  soumission 
de  l'armée  de  Waterloo.  Davout  et  Guilleminot, 
son  chef  d'état-major,  avaient  laissé  à  Paris  les 
généraux  Gérard,  Haxo  et  Maison  pour  traiter  en 
leur  nom  ;  le  roi  était  bien  disposé,  mais  le  nou- 


-.870  — 

veau  TAinistre  Gouvion  Saint-Cyr  l'était  beaucoup 
moins  bien  ;  et  les  alliés,  les  Autrichiens  et  les 
Prussiens  surtout,  désiraient  attaquer  et  anéantir 
ces  restes  glorieux  de  la  grande  armée  française 
par  laquelle  ils  avaient  été  si  souvent  battus.  Us 
suivaient  doncla  retraite  des  troupes  sur  la  Loire 
et  parfois  se  montraient  menaçants. 

On  parvint  cependant  à  s'entendre  et  à  conser- 
ver une  armée  solide  à  la  patrie,  grâce  à  la  sou- 
mission des  chefs  qui  comprirent  qu'on  ne  devait 
pas  priver  la  France  de  pareils  éléments  de  force 
pour  résister  aux  prétentions  exorbitantes  de  Té- 
tranger.  Le  roi  lui-même  avait  déclaré  qu'il  ne 
souffrirait  pas  l'humiliation  du  pays,  et  que  si  on 
l'y  forçait  il  se  retirerait  en  Espagne  avec  ceux 
de  ses  sujets  qui  voudraient  le  suivre. 

Voici  comment  Vandamme  raconte  ce  qui  lui 
est  personnel,  à  partir  de  ce  pioment  jusqu'à  son 
retour  à  Cassel  : 

.  «  La  convention  militaire  faite  sous  Paris  nous 
envoya  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire;  nous  étions 
è  notre  seconde  journée  de  marche,  lorsque  nous 
apprenions  la  rentrée  du  roi  dans  sa  capitale. 
L'armée  chargea  des  commissaires,  qu'elle  choisit 
dans  son  sein,  de  se  rendre  auprès  du  roi;  une 
soumission  entière  fut  rédigée  et  adressée  à  Paris. 
La  cocarde  blanche  fut  arborée;  comme  les  autres 
généraux,  je  signai  l'acte  de  soumission,  et  je 
pris  la  couleur  royale;  j'engageai  les  officiers  et 
les  soldats  H  Tobéissance.  Ce  langage,   qui  était 


—  577  — 

celui  de  la  raison  et  d*un  patriotisme  pur,  me  ren- 
dit suspect  à  quelques  généraux  et  à  plusieurs 
officiers.  On  m'accusa-  hautement  d'avoir  reçu 
2  millions  de  francs  pour  livrer  l'armée  (1).  Vers  le 
7  août  j'étais  à  Limoges;  je  reçus  Tordre  de  re- 
mettre le  commandement  des  3®  et  4®  corps;  je  me 
démis  à  l'instant  même  de  toute  espèce  de  pou- 
voir ,  et  j'allai  habiter  une  petite  maison  de  cam- 
pagne que  j'avais  louée;  j'y  vécus  très-retiré.  Ma 
femme  et  mon  fils  se  disposaient  à  me  rejoindre 
dans  cet  ermitage,  lorsque  le  préfet  de  Limoges 
me  prescrivit  de  sortir  de  son  département  dans 
les  vingt-quatre  heures;  j'ignorais  le  motif  de  cette 
mesure;  mais  toujours  obéissant,  je  quittai  sans 
délai  ma  nouvelle  demeure,  et  je  me  dirigeai  vers 
Orléans;  je  fus  à  peine  arrivé  à  Olivet,  que  le 
préfet  m'ordonna  de  partir  de  suite,  et  d'aller  m'é- 
tablir  à  Vierzon,  c'est  là  que  je  suis  maintenant 
avec  ma  famille,  attendant  avec  calme  qu'il  soit 
prononcé  sur  mon  sort. 

«  Au  moment  où  je  m'appliquais  à  surcharger 
le  moins  possible  les  habitants  qui  recevaient  l'ar- 
mée de  la  Loire;  au  moment  où  je  me  montrais 
soumis,  où  j'appelais  toutes  mes  troupes  à  une 
franche  soumission;  au   moment  où  j'exécutais 

(1)  Malgré  sa  soumission  au  roi,  Vandamme  apprit  bientôt 
par  la  Gazette  ot'ticielle  du  mardi  25  juillet,  qu'il  était  compri& 
dans  les  38  proscrits  delà  seconde  catégorie, internés  dans  rin- 
térieur,  eu  attendant  la  décision  des  Chambres  pour  ceux  qui 
seraient  jugés  devoir  sortir  du  royaume  ou  être  poursuivis  par 
les  tribunaux. 


—  578  - 

avec  une  religieuse  exactitude  tous  les  ordres  qui 
émanaient  du  gouvernement,  les  bruits  les  plus 
mensongers,  les  plus  absurdes,  ont  été  répandus 
sur  mon  compte   avec  une  effrayante  profusion. 
Des  journalistes  ont  prêté  leur  plume  à  cette  œuvre 
de  l'iniquité  la  plus  révoltante.  Tantôt  on  annonce 
que  l'on  vient  de  piller  un  château,  et  un  instant 
après  on  me  fait  paraître  sur  ce  point-là  même  ; 
plus  tard  on  me  représente  comme  un  chef  de  parti; 
une  autre  fois,  c'est  un  homme  qui,  en  mon  nom, 
lève   des   contributions  dans    les   environs    de 
Brioude,  menace,  en  cas  de  refus,  de  faire  mettre 
le  feu  au  village,  et  de  passer  les  habitants  au 
fil  de  l'épée;  un  autre  jour  on  assure  que  j'étais 
en  fuite,  mais  que  j'ai  été  arrêté  sur  le  pont  de  Gha- 
renton;  dernièrement  j'avais  été  pris  à  Paris.  Ma 
fortune  a  été  souvent  le  prétexte  de  misérables  dé- 
clamations, on  n'a  cessé  de  me  représenter  comme 
immensément  riche,  et  Ton  n'a  pas  manqué  de 
composer  mes  biens  de  dilapidations  auxquelles 
je  m'étais  livré.  Depuis  22  ans  je  suis  général,  et 
j'ai  toujours  eu  des  commandements  assez  impor- 
tants, tout  ce  que  je  possède  personnellement  est 
situé  à  Cassel,  département  du  Nord, et  se  réduit  à 
quelques  revenus  modiques. 

«  J'aime  à  croire  qu'un  examen  réfléchi  de  ma 
conduite  et  les  principes  de  justice  détermineront 
les  Chambres  à  ne  point  diriger  de  poursuite  con- 
tre moi,  et  qu'elles  me  laisseront  jouir,  au  sein  de 
ma  famille,   du  repos  auquel  j'aspire;  mais  si, 


contre  toute  attente,  j'étais  appelé  devant  les  tri- 
bunaux, qu'on  ne  pense  pas  que  je  veuille  me 
soustraire  à  leur  action;  je  prouverai  facilement 
que  je  n'ai  jamais  été  guidé  que  par  Tamour  de  ma 
patrie.  Adonné  au  métier  des  armes,  j'ai  suivi  ma 
carrière  avec  loyauté,  avec  honneur;  j'ai  coopéré 
à  la  gloire  nationale.  Mon  nom  n'est  attaché  à  au- 
cune de  ces  journées  qui  ont  fait  triompher  ou  dé- 
choir les  partis;  je  n'ai  cessé  de  joindre  au  zèle  du 
citoyen  l'obéissance  du  soldat  :  il  m'a  toujours 
paru  qu'il  était  de  l'homme  sage,  de  l'homme  pru- 
dent, de  ne  point  fronder  le  gouvernement  sous 
lequel  il  était  placé.   » 

Le  26  août,  en  effet,  le  baron  de  Flavigny,  pré- 
fet de  Limoges ,  sur  les  ordres  venus  de  Paris, 
avait  prescrit  à  Vandamme  de  choisir  une  rési- 
dence autre  que  celle  du  département  de  la  Haute- 
Vienne,  et  au  moins  à  trente  lieues  de  Paris.  Le 
général  s'était  retiré  à  Olivet.  Le  15  septembre  le 
baron  de  Talleyrand, préfet  du  Loiret,  écrivit  d'Or- 
léans au  comte  Maison,  gouverneur  de  la  province, 
pour  lui  faire  observer  que  la  présence  de  Van- 
damme sur  un  point  rapproché  de  la  ligne  de  dé- 
marcation fixée  pour  les  cantonnements  des  trou- 
pes alliées  pouvait  être  dangereuse  à  la  tranquil- 
litédu  département. 

Ainsi  traqué  comme  un  malfaiteur,  le  général 
partit  pour  Vierzon  avec  sa  famille. 

Un  peu  plus  lard,  en  janvier  1816,  Vandamme 
obtint  enfin  de  se  retirer  à  Cassai,  puis  à  Gand, 


—  S80  — 

ville  natale  de  sa  femme. Main;  il  y  était  à  peine  éla- 
bli  que  le  ministre  d'P^tat  chargé  do  la  surveillance 
générale  dans  les  provinces  hollandaises  lui  fit 
écrire  par  le  gouverneur  de  la  Flandre  orientale 
pour  lui  annoncer  qu'il  ne  pouvait  continuer  à  ré- 
sidcr  dans  les'Etats  du  roi  de  Hollande  ;  on  ajou- 
tait que  par  faveur  spéciale  et  en  considération  de 
ce  que  la  comtesse  était  née  à  Gand,  on  autorisait 
le  général  à  y  rester  jusqu'au  15  mai  1816. 

En  vain  Vandamme  fit  des  démarches  pres- 
santes pour  avoir  la  faculté  de  rester  à  Gand.  On 
lui  objecta  la  convention  que  le  gouvernement  des 
Pays-Bas  était  obligé  d'exécuter,  qui  ne  permet- 
tait pas  la  résidence  dans  le  royaume  aux  38  pros- 
crits du  24  juillet  1815.  Nous  devons  dire  cepen- 
dant que  deux  exceptions  avaient  été  faites  en 
faveurdes  généraux  Lamarque  et  Lobau,  Tun  établi 
à  Amsterdam,  Tautro  dans  le  château  de  sa  belle- 
mère. 

Fatigué  de  cette  vie  errante,  Vandamme  se  dé- 
cida  alors  à  se  rendre  aux  Etats-Unis,  en  atten- 
dant que  les  affaires  politiques  ou  une  révolution 
nouvelle  en  France  lui  permissent  de  revoir  sa 
patrie.  11  s'y  rendit  seul  et  se  trouva  bientôt  en 
relations  avec  les  autres  nombreux  proscrits  de 
la  grande  armée  qui  s'étaient  réfugiés  sur  le  nou- 
veau continent.  Il  retrouva  là  le  frère  aîné  de 
l'Empereur,  le  i*oi  Joseph,  avec  lequel  il  ayait  élc 
fort  lié  et  qui  devint  pour  lui  une  ressource  des 
plus  agréables. 


Vaiidamme,  d'un  caractère  généi^eux,  ayant  en- 
core un  peu  d'aisance,  quoique  son  château  et  ses 
propriétés  eussent  été  dévastés  par  les  Cosaques  en 
1815,  rendit  beaucoup  de  services  pécuniaires  à 
nombre  de  proscrits  français  pendant  son  séjour 
en  Amérique.  Ce  fut  également  en  Amérique  qu'il 
revit  son  ancien  chef  le  maréchal  de  Grouchy. 

En  juin  1819,  il  put  quitter  Philadelphie;  il  dé- 
barqua au  Havre,  gagna  Gand,mais  sans  passer 
par  Paris.  En  décembre,  il  obtint  enfin  de  se  rendre 
dans  cette  ville,  le  roi  ayant  autorisé  les  personnes 
dénommées  dans  l'article  2  de  l'ordonnance  du  24 
juillet  1815  à  rentrer  en  France,  sous  la  seule  con- 
dition de  prêter  serment  de  fidélité  au  roi,  à  la 
Charte  et  aux  lois  du  royaume. 

Voici  une  particularité  assez  curieuse  du  séjour 
(le  Vandamme  aux  Etats-Unis.  Beaucoup  d'offi- 
ciers français  réfugiés  dans  ce  pays,  n'ayant  au- 
cune ressource,  avaient  imaginé,  pour  subvenir 
à  leur  existence,  de  fabriquer  tant  bien  que  mal 
des  meubles. 

Le  général  acheta  beaucoup  de  leurs  produits  au 
poids  de  l'or  pour  avoir  le  moyen  de  faire  du  bien 
à  ses  anciens  frères  d'armes  en  évitant  de  les  hu- 
milier par  une  aumône. 

Il  rapporta  en  France  ces  souvenirs  de  l'exil,  et 
aujourd'hui  ils  sont  encore  dans  un  pavillon  que 
la  famille  conserve  en  Zélande  comme  dépendance 
de  la  concession  faite  à  Vandamme  par  la  généro- 
sitdde  l'Empereur. 


-  5Hâ  — 

De  IHiy  à  1830,  le  général  habita  laiilot  CasseK 
laiilot  Gand  oii  il  était  fort  lié  avec  le  prince  de 
Saxc-Weimar. 

En  1815,  Cassel  avait  été  envahi  par  les  Cosa- 
ques. La  comtesse,  sontîls,  et  toute  la  famille  de  la 
sœur  du  gtinéral,  les  Deswarte,  aujourd'hui  des- 
cendants et  héritiers  du  beau  nom  de  Vandamme, 
n'eurent  que  le  temps  de  quitter  la  ville  pour  se 
réfugier  à  Saint-Omer. 

Une  compagnie  du  28^  de  li.^ne  protégea  même 
leur  fuite  et  tua  plusieurs  cavaliers  ennemis,  mais 
elle  ne  put  empêcher  la  dévastation  du  château 
et  son  pillage.  Les  glaces,  les  tapis,  les  meubles, 
les  tableaux  furent  enlevés  ou  brisés.  L'habitation 
fut  occupée  militairement. 

Lorsqu'après  1820,  Vandamme  habitait  Cassel, 
il  avait  un  grand  plaisir  à  faire  travailler  les  ou- 
vriers et  à  les  payer  très-généreusement.  Le  géné- 
ral avait  conservé  un  peu  de  fortune  de  son  an- 
cienne splendeur  et  il  en  faisait  le  plus  noble 
usage,  aussi  était-il  fort  aimé  dans  le  pays.  L'hiver 
il  distribuait  du  pain,  du  bois,  de  l'argent.  La 
vieillesse  était  l'objet  de  toutes  ses  attentions.  Les 
travaux  de  son  parc,  la  culture  étaient  les  occu- 
pations principales  et  favorites  de  celui  qui,  pen- 
dant trente  ans,  n'avait  connu  que  le  fracas  des 
batailles.  11  avait  conservé  de  sa  vie  militaire  une 
grande  exactitude,  une  prodigieuse  activité  et  une 
certaine  piédilection  pour  les  discussions  sur  la 
guerre  et   sur  la   politique.    Il  voyait  un  grand 


nombre  de  ses  anciens  compagnons  de  gloire, 
entre  autres  le  général  Gobrecht,  son  ancien  et 
fidèle  aide  de  camp,  enfant  de  Cassel,  qui  habitait 
près  de  lui  une  campagne  à  proximité  de  la  ville. 
Les  généraux  Thevenet,  Guilleminot  étaient  éga- 
lement dans  les  environs. 

C'est  au  milieu  de  sa  famille  et  de  ses  amis, 
occupé  à  Tagriculture,  à  Tamélioration  de  sa  pro- 
priété et  en  cherchant  à  faire  le  bien,  à  soulager 
l'infortune  que  le  bouillant  Vandamme  passa  les 
dernières  années  de  sa  vie.  Il  fut  rétabli  sur 
les  cadres  de  l'élat-major  général,  comme  dis- 
ponible, le  1^'  avril  1820,  prit  sa  retraite  le 
1®*"  janvier  1825  et  mourut  à  Gassel  le  15  juil- 
let 1830. 

11  est  enterré  à  Cassel.  Son  fils  et  sa  femme  re- 
posent dans  un  caveau  à  Gand. 

Le  nom  de  Vandamme  est  inscrit  sur  le  côté 
nord  de  Tare  de  triomphe  de  l'Étoile  et  a  été  donné 
récemment  à  une  des  grandes  voies  de  Paris. 

La  vie  du  général  Vandamme,  considérée  au 
point  de  vue  purement  militaire,  est  une  de  celles 
([ui  méritent  le  plus  d'être  mises  en  relief. 

Il  n'est  aucun  des  compagnons  d'armes  de  cet 
homme  créé,  on  peut  le  dire,  pour  les  combats 
que  l'on  puisse  lui  préférer  en  raison  des  services 
rendus,  de  l'intrépidité,  de  l'entente  de  la  guerre 
et  des  talents  spéciaux  au  noble  métier  des  ar- 
mes. 

Général  au  sortir  de  l'enfance,  on  ne  saurait  le 


voir  sans  é Oiuu^ment.dès  ses  premiers  pas  dans  la 
carrière,  i)rendre  rallilude  de  rhomme  vieilli  son> 
le  harnais  et  habitué  depuis  longues  années  à 
comniandcT,  à  guider  des  soldats  et  à  obtenir  de 
leur  part  la  jdus  entière  soumission. 

Los  premiers  chefs  des  armées  républicaines, 
élevés  subitement  au  faîte  des  grandeurs  miUlaires 
l)ar  les  hasards  et  les  chances  d'une  révolution  so- 
ciale sans  précédent  dans  Thistoire,  avaient  au 
njoins  presque  tous  fait  leurs  premières  armes 
dans  des  régiments,  soit  comme  sous-oftîciers , 
soit  comme  officiers.  Vandamme,  lui,  de  simple 
soldat  passe  sans  transition  au  commandenienl 
d'une  compagnie  franche  qu'il  organise,  puis 
d'un  bataillon  de  volontaires  qu'il  électrise  par  son 
exemple,  auquel  il  communique  le  feu  sacré.  Il  dc- 
vitMit  brusquement  général  de  brigade,  obtient  des 
commandements  bien  supérieurs  à  ceux  d'un  ofli- 
cier  (le  ce  grade.  Il  rend  à  la  patrie  des  services  mi- 
litaires qu'on  n'était  pas  en  droit  d'attendre  d'un 
homme  si  jeune ,  qu'on  pouvait  croire  encore 
inexpérimenté.  Puis,  comme  si  la  fortune  se  las- 
sant de  le  guider  voulait  lui  faire  payer  ses  pre- 
mières faveurs,  elle  semble  l'abandonner  pendant 
plusieurs  années.  En  vain  le  général  de  brigade 
Vandamme  accumule  services,  actions  d'éclats, 
succès,  rien  ne  peut  lui  faire  obtenir  ce  grade 
de  divisionnaire  qu'il  voit  donner,  souvent  sans 
nul  discernement,  à  des  camarades  bien  loin  d'à- 


voir  ses  talents,  son  courage,  bien  loin  surtout  de 
pouvoir  montrer  d'aussi  belles  actions  de  guerre 
inscrites  sur  leurs  états  de  service.  II  est  ac- 
cusé, calomnié,  rejeté  de  Tarmée  et  ne  par- 
vient qu'avec  peiae,  au  moyen  de  preuves  irrécu- 
sables, à  prouver  la  fausseté  de  ce  qu'on  lui  re- 
proche. 

C'est  que  Vandamrae  a  le  caractère  ardent, 
loyal  du  soldat.  Nul  danger  ne  Tétonne  et  il  ne 
recule  devant  aucune  vérité.  Or,  toute  vérité  n'est 
pas  toujours  bonne  à  dire.  Il  l'éprouve  souvent  à 
ses  dépens,  pendant  le  cours  de  son  existence. 

Vandamme  a  encore  la  mauvaise  chance  de  ne 
pas  se  trouver  immédiatement  sous  les  ordres  du 
jeune  héros  qui,  à  partir  de  1796,  prend  en  main 
les  destinées  de  la  France,  de  l'homme  auquel  il' 
voue  par  la  suite  une  sorte  de  culte  qui  ne  se  dé- 
ment jamais  et  qu'il  a  d'autant  plus  de  mérite  à 
aimer  qu'il  a  pour  lui  un  respect  mêlé  de  crainte. 

•  Mon  cher,  disait,  en  1815,  Vandamme  à  un 
de  ses  compagnons  de  gloire,  le  général  depuis 
maréchal  d'Ornano,  un  jour  qu'ils  montaient  en- 
semble l'escalier  des  Tuileries;  —  mon  cher,  ce 
diable  d'homme  (et  il  parlait  de  l'Empereur)  exerce 
sur  moi  une  fascination  dont  je  ne  puis  me  rendre 
compte.  C'est  au  point  que  moi  qui  ne  crains  ni 
dieu  ni  diable,  quand  je  l'approche  je  suis  prêt  à 
trembler  comme  un  enfant,  il  me  ferait  passer 


—  5K6  — 

par  le   trou  d'une  aiguille  pour  aller  rae  jeler  au 
feu.   » 

Or  donc,  Vandamme  était  aux  armées  d'Alle- 
magne, lorsque  Bonaparte  combattait  en  Italie; 
mais  le  jeune  vainqueur  de  Lodi,  devenu  premier 
consul,  ne  fut  pas  longtemps  à  connaître  de  répu- 
tation et  à  apprécier  un  homme  de  guerre  comme 
Vandamme.  En  1803  il  rappelait  au  camp  de  Bou- 
logne; en  1805,  faveur  insigne,  il  le  nommait 
grand-aigle  sur  le  champ  de  bataille  d*Austerlitz, 
où  la  belle  division  du  général  et  son  chef  s'é- 
taient couverts  de  gloire. 

Y  avait-il  un  commandement  difficile,  une  mis- 
sion délicate  pour  laquelle  il  fallait  l'homme  le 
plus  énergique  et  le  plus  dévoué  de  Tarmée  fran- 
çaise? Aussitôt  l'Empereur  désignait  son  Van- 
damme. 

Il  était  nécessaire  de  prendre  Magdebourg,  eu 
1806.  «  Faites  marcher  Vandamme,  «dit  Napoléon. 
Unjeune  prince  abesoin  d'un  homme  de  guerre  qui 
puisse  le  seconder  de  ses  talents  et  maintenir  la 
discipline  dans  un  corps  allié,  enclin  au  pillage,  on 
envoie  Vandamme  avec  ses  talents  pour  l'un  et  sa 
main  de  fer  pour  les  autres.  En  1809,  il  y  a  un 
contingent  dont  on  pourm  tirer  bon  parti  si  un 
général  intrépide  et  habile  sait  le  maintenir  et  le 
faire  marcher  :  Vandamme,  toujours  Vandamme. 

Enfin,  c'est  lui  à  qui  Napoléon  destine  encore  en 
1813,  à  deux  reprises  différentes,  les  deux  plus 
difficiles  missions,  la  reprise  de  Hambourl^  Ta- 


néanlissement  des  armées  alliées  baltues  à 
Dresde.  Il  reprend  Hambourg,  et  s'il  échoue  à 
Kulm,  nous  croyons  l'avoir  prouvé  jusqu'à  la  der- 
nière évidence,  la  faute  en  est  à  tout  le  monde, 
excepté  à  lui. 

En  1815,  c'est  encore  Vandamme  que  Ton  ex- 
pédie à  Dunkerqueoù  Tona  des  craintes  sérieuses 
et  où  il  faut  un  général  énergique. 

Il  reçoit  ensuite  le .  commandement  d'un  des 
corps  destinés  à  agir  sous  Napoléon,  et  malheu- 
reusement ce  dernier  mal  inspiré  ne  sait  pas  ré- 
compenser ses  services  comme  ils  devaient  l'être 
après  Ligny.  Vandamme  aide  puissamment  à  ra- 
mener Taile  droite  à  Paris,  par  une  marche  hardie 
et  habile.  Il  dépose  son  épée  parce  qu'il  le  faut 
pour  le  bien  de  la  patrie,  mais  il  conserve  reli- 
gieusement dans  son  cœur  le  souvenir  et  le  culte 
de  l'homme  auquel,  comme  nous  l'avons  dit,  il  a 
voué  son  existence. 

Vandamme  est  mort  quelques  mois  trop  tôt. 
Peut-être,  après  juillet  1830,  eût-il  enfin  obtenu 
cette  dignité  suprême,  ce  bâton  de  maréchal,  qui 
toujours  paraissant  à  portée  de  sa  main,  toujours 
lui  échappait  au  dernier  instant. 

Nous  avons  retracé  l'existence  de  cet  homme 
qui  brille  du  plus  vif  éclat  dans  l'histoire  des 
guerres  de  la  Révolution  et  de  TEmpire,  nous  n'a- 
vons pas  cherché  à  dissimuler  ses  défauts,  nous 
n'avons  pas  voulu  exalter  ses  mérites.  Nos  ef- 
forts ont  tendu  à  ajouter  une  page  vraie  à  nos 


— 888  -- 

annales  militaires  ;  c'est  à  son  petit-neveu,  officier 
dans  la  garde  du  second  empire,  qu'incombe  au- 
jourd'hui la  noble  tâche  de  continuer  les  traditions 
de  gloire  du  grand  nom  de  Vandamme. 


TABLE  DES  MATIERES 


DU   DEUXI˻fE   VOLUME. 


Page 
Livre  vu.  —  De  la  On  de  1799  au  24  mai  1800.  —  Vandamme  replacé 
à  l'armée  de  Batavie.  —  Force  et  emplacement  de^  cette  armée. 

—  Combat  du  27  août.  —  Rôle  de  Vandamme  à  la  bataille  du 
10  septembre.  —  Bataille  de  Bergen  (19  septembre). —  Vigueur  et 
talent  déployés  par  Vandamme. — On  lui  doit  le  succès  de  cette 
journée. — Cent  fusils  donnés  par  Brune  à  Vandamme. — Bataille 
du  2  octobre.  —  Bataille  de  Kastricum  le  6. —  Convention  du  18. 

—  Congé  de  convalescence  donné  au  général.  —  Il  est  appelé 
en  février  1800,  à  l'armée  du  Rhin,  sous  Lecourbe.  —  Com- 
mencement des  opérations  le  25  avril.  —  Passage  du  fleuve 
(le»"  mai). —  Batailles  de  Stockah,  de  Engen,  de  Moskirch 
(13  mai).  —  Le  général  reçoit  l'ordre  de  se  rendre  en  Belgique 
(23  mai  1800) 

Livre  viii.  —  1800  à  août  1806.  —  Affaire  de  Vandamme  avec 
Brime.  —  Macdonald  demande  le  général  à  l'armée  du  Grisons, 
où  il  est  rappelé  le  8  septembre  1800.  —  Son  retour  en  France. 

—  Il  prend  le  commandement  de  la  16*  division. —  Le  premier 
Consul  à  Lille,  en  1803.  —  Vandamme  au  camp  du  Nord.  — 
Cixmp  d'Outreau.  — Séjour  au  camp. — La  grande  armée  marche 
vers  l'Allemagne.  —  Passage  du  Rhin  (27  septembre  1805).  — 
Marche  sur  le  Danube.  —  Vandamme  s'empare  du  pont  deDona- 
werth.  —  Passage  du  Lech.  —  Capitulation  d'Ulm.  —  La  divi- 
«îion  Vandamme  entre  à  Munich,  à  Vienne.  —  Bataille  d*Aus- 
terlitz  le  2  décembre.  —  Rôle  brillant  de  la  division  Vandamme. 

—  Elle  revient  à  Vienne.  —  Congé  accordé  au  général  (On  de 
juillet  1806) 

Livre  ix. —  D'octobre  1806  à  1809.  —  Vandamme  reçoit  le  com- 
mandement d'une  division  du  6«  corps.  —  Il  investit  Magde- 
bourg  (octobre  1806).  —  Il  est  envoyé  au  prince  Jérôme,  en 
Silésie.  —  Siège  de  Ologau.  ~~  Vandamme  à  la  tête  des  Wur- 
tcrnbopgeoiïî.  —  Siège  de  Breslau.  —  Vandamme  et  le  prince 
Jérôme.  —  Opérations  du  9'  corps  «ulour  de  S-hweidnitz.  — • 


—  590  — 

lJ«'lle  eoiuluite  de  Vandamme  devant  celte  place. —  Dénions'.ra- 
litui  sur  Glatz  et  Silbelberg.  —  Opérations  devant  Neiss.  — 
Siéj^e  et  bombardement.  —  Reddition.  —  Vandamme  devant  le 
camp  retranché  de  Glatz.  —  Vandamme  reçoit  le  commande- 
ment do  la  16«  division  militaire.  —  Il  est  fait  comte  de  l'em- 
pire par  décret  du  19  mars  1808.  —  Il  reçoit  le  commandement 
du  camp  de  Boulogne  (IG  août  180S) 16^ 

Livre  x.  —  De  mars  1809  à  août  1811. —  Vandamme  est  nommé 
commandant  en  chef  du  contingent  wurtembergeois  formant 
le  8«  corps  (mars  1800). —  Morche  de  ce  corps  sur  Donawerth 
(avril).  —  Affaires  dos  10  et  âO  à  Abesberg.  —  Combat  et  ba- 
taille d'Eckmiihl  (âl  et  2â  avril).  —  Marche  sur  Braunau  et 
Lintz.  —  Corresponditnce  de  Vandamme  avec  Davoul  et  Ber- 
nadotte.  —  Attaqu*  du  port  de  Lintz  (17  mai).  —  Rapport  df 
Bernadotte  à  l'Empereur.  —Vandamme  à  Ens  {'iO  mai).  —  Les 
Wurtembergeoit  let  leur  général  en  chef.  — Le  8»  corps  chargé 
de  couvrir  Vienne.  —  Affaire  du  31  mai.  —  Le  général  cou\Te 
le  pont  d'Ebersdorf,  lo  soir  do  Wagram.  —  Il  est  dirigé  sur 
(iraiz  (15  juillet).  —  Affaire  des  généraux  Wurtembcrgeoiiî 
lluguel  et  de  Woolwarth.  —  Vandamme  quitte  Iç  commande- 
ment du  8«  corps,  à  Lintz  (19  novembre).—  Au  camp  de  Bou- 
logne (9  février  1810).  —  Affaires  Mennevillc  el  tfarrazin 
(mars  et  juin  1810) 258 

Livre  xi.  —  D'août  1811  à  juin  1813.  —  Vandamme  reçoit,  le 
ai  août  1811,  le  commandement  de  la  14*  division.  —  En  1812, 
il  est  chargé  du  commandement  du  contingent  westphalien 
et  arrive  à  Cassel  le  8  mars.  — *  Les  troupes  du  roi  Jérôme 
|8«  corps)  sont  sous  ses  ordres.  —  Mésintelligence  entre  le  roi 
et  Vandamme.  —  Jérôme  retire  au  général  son  commandement 
(8  juillet  1812).  -~  Correspondance  relative  à  cette  affaire.  — 
Vandamme  envoyé  à  Wcsel ,  et  dans  la  32*  division  militaire, 
en  mars  1813. — Les  Danois.  —  Vandamme  à  Brème  le  l*'  avril. 

—  Opérations  devant  Hambourg.  —  Réoccupalion  de  la  ville. 

—  Documents 843 

Livre  xii.  —  De  juin  à  la  fin  d'août  1813.  —  Vandamme  est  envoyé 

dans  le  Mecklembourg,  après  la  prise  de  Hambourg.  —  Ses 
négociations  avec  Bernadotte.  —  Il  a  le  commandement  du 
1er  corps  réuni  autour  de  Dessau. —  Composition  et  force  des 
armées  belligérantes.  —  Plan  de  l'empereur  et  rt*)le  destiné  à 
Vandamme.  —  Le  général  se  rend,  le  16,  à  Dresde,  pour  con- 
férer avec  Napoléon.  —  Le.  l'»  corps  destiné  à  défendre  à 
outrance  l'entrée  des  défllés  de  la  Bohême  (âO  août  1813.i,  pen- 
dant la  pointe  de  Napoléon.  —  Vandamme  reçoit  l'ordre  d'oc- 
cuper Pirna  (25  août),  de  déboucher  par  Kœnigstein  et  de  se 
placer  sur  les  lignes  de  retraite  de  l'ennemi.  —  Instruction  que 
lui  donne  l'Empereur.  —  Mouvement  du  l***"  corps,  le  26  août. 


—  591  — 

Pages 
— 'Journée  duâ8:  disposilions  prises  le  malin  par  l'Empereur. — 
Ordre  donné  à  Vandammo  à  4  1/â  du  soir.  —  Combat  de  Hel- 
londorf.  —  Marche  des  maréchaux  Marmont,  Sainl-Cyr  et  de 
Vandamme.  —  L'ennemi  modifle  sa  retraite.  —  Combat  du  29, 
en  avant  de  Kûlm.—  Bataille  du  30  août. — Récit  de  Vandamme. 

—  Rôle  de  Marmont,  de  Sainl-Cyr,  de  Mortier.  —  Leurs  dé- 
pêches. —  Documents  sur  les  affaires  du  29  et  du  80.  — 
Explications  de  la  bataille  de  Kûlm.  —  Lettres  de  M.  de  Nor- 
vins,  du  duc  de  Bassano,  du  général  Haxo,  de  Vandamme.  — 
Réflexions.  —  Vandamme  prisonnier 46C 

Livre  xiii  et  dernier.  —  De  1814  à  1815. —  Vandamme  revient 
en  France,  en  1814. — 11  est  calomnié.  —  Réfutation  des  accu- 
sations portées  contre  lui.  —  Lettres  qui  lui  sont  écrites.  — 
11  est  envoyé  en  mission  extraordinaire  dans  le  Nord,  en 
avril  1815,  après  le  retour  de  l'Empereur.  —  Il  est  nommé  pair 
de  France  et  reçoit  le  commandement  du  3«  corps  de  l'armée 
du  Nord.  —  Son  entrée  en  campagne  en  juin  1815.  —  Combat 
contre  le  général  Ziethen  (15  juin).  —  Bataille  de  Ligny  (16  juin). 

—  Rôle  de  VanÛamme.  —  Marche  sur  WavTe  (17).  —  Combat 
de  Wavre  (18).  —  Retraite  sur  Namur  et  sur  Paris  (du  19  au 
30  juin).  —  Armée  de  la  Loire.  —  Vandamme  proscrit.  —  Son 
séjour  à  Limoges,  Olivet,  Vierzon,  Gand,  Philadelphie.  —  Son 
retour  en  France  (1819).  —  Dernières  année%  de  sa  vie.  —  Sa 
mort  en  1830  (15  juillet).  —  Coup  d'oeil  sur  l'ensemble  de  sa 
vit'  militaire oM 


FIN    DU    DEUXIÈME    ET    DKHNIER    VOLUME. 


Paris,  iMpr.  l'aul  DUIH)XT,  rue  J.-J.-KouMeau,  41.